mercredi, décembre 21, 2011

Satanisme & satanisation de la sexualité





Pour la plupart des gens, Satan est un personnage effrayant, capable des pires horreurs et qui pousse les pauvres chrétiens au péché. Il nous attend en enfer, où il fait rôtir ses victimes...

Il est donc intéressant de recadrer quelque peu cette doctrine pour le moins indigeste et délirante. Le dictionnaire Robert donne cette définition au mot satanisme : « Nom masculin de 1855 ; de satanique. 1° Culte de Satan. "Il ne me reste plus à connaître que la Messe Noire pour être tout à fait au courant du Satanisme" (Huysmans). »

À ce même mot, Pierre Rifard, dans son Dictionnaire de l'ésotérisme paru aux éditions Payot, donne lui cette définition: « Étymologie : ha-schâtân, "l'accusateur, l'adversaire en justice". Satan a été diversement pensé le long de l'histoire juive et chrétienne : ange de YHVY ennemi de l'homme selon Job, adversaire de Dieu selon les Esséniens, archange perverti et tentateur selon le Nouveau Testament, Serpent selon les gnostiques. On appelle satanisme l'attitude qui admet le sacré pour l'outrager. »

L'Église est à l'origine du satanisme

L'Église chrétienne a très rapidement considéré toutes les autres religions comme sataniques. C'est ainsi qu'au Moyen Âge toutes les pratiques de magie voire de sorcellerie furent considérées comme du satanisme. Saint Augustin écrivait dans ses Confessions : « Puissance des démons... ! Comment se fait-il que la magie puisse pareillement nous donner ces miracles ? »

Le satanisme, depuis deux mille ans, a connu deux grandes époques avant ce renouveau que nous constatons actuellement. Si Satan est un personnage biblique, la doctrine satanique, dont nous voyons aujourd'hui les derniers avatars, fut produite par l'Église catholique elle-même ! Les textes fondateurs du satanisme et qui font référence pour les sectes du genre ont été rédigés par des prêtres franciscains et dominicains chargés de l'Inquisition au Moyen Âge. Ce sont eux qui reconstituèrent les rituels auxquels, croyaient-ils, devaient se livrer les adeptes. C'est de leur main que furent écrites les prières maudites que les damnés auraient prononcées lors des rituels, ainsi que les théurgies abjectes auxquels ils devaient se livrer. D'où nous vient ce paradoxe ? D'un fait historique fort simple et relevé par de nombreux historiens comme Amilraz Kalkaï et Nathanaël de Saint-Simon qui, dans leurs ouvrages, ont retracé l'histoire des fameuses sorcières du Pays basque au Moyen Âge. À la fin du XIIIe siècle, les cultes païens étaient toujours vivaces (voir les fouilles des moines bénédictins au monastère de la Pierre-qui-Vire et à Solesmes ainsi que sur le terrain dit de Sion, au pied de l'église de Saint-Join-de-Marnes). Les personnes se livrant à des cultes celtiques étaient immédiatement arrêtées comme sataniques par les inquisiteurs, puis torturées par les prêtres. Malheureusement, leurs aveux n'avaient généralement pas grand-chose à voir avec les actes abominables qu'entendaient découvrir les inquisiteurs fanatiques (voir l'Histoire générale du Diable de Gérald Messadié, aux éditions Robert Laffont, et le Diable Mythes et Origines de Franck Harrald, aux éditions Lancouvre). Dès lors, les tortures redoublaient, et les pauvres malheureux — qui étaient souvent les adeptes de religions comme le celtisme, qui ignore le concept du diable — faisaient des confessions délirantes dans l'espoir d'apaiser leurs bourreaux.

Ce sont ces aveux arrachés sous la torture que consignèrent les prêtres comme d'authentiques pratiques et autres rituels sataniques. Ces documents, rassemblés par le Vatican, devinrent les textes de référence des exorcistes et des inquisiteurs dans leur mission, mais aussi, par un détournement que l'on pourrait qualifier de logique, la bible des sectes sataniques qui naquirent alors. Ces dernières virent réellement le jour au XVe siècle. Elles s'inspirèrent des écrits de l'Inquisition pour leurs rituels et semblent avoir servi d'exutoire dans une société alors trop répressive. La pression de l'Église était telle que la sexualité devint une horreur immorale pour de nombreux siècles. Un des adeptes du satanisme marqua si fortement l'inconscient collectif qu'il devint un héros de littérature. Il s'agit de Johannes Faust, qui vécut à Prague en 1510 (voir l'Histoire de la Magie, aux éditions des Productions de Paris, par François Ribadeau-Dumas).

La deuxième grande période du satanisme est celle de la fin du XIXe et du début du XXe, que décrit merveilleusement Huysmans dans son livre intitulé Là-bas. Paris fourmillait de sociétés secrètes, d'occultistes et de lucifériens : tel Papus, qui fut le fondateur de ce que l'on appelle la parapsychologie, ou Allan Kardec, qui le premier fit tourner les tables dans des séances de spiritisme...

La Bible

Dans la Bible, l'un des premiers personnages à être confronté à Satan est Job. Alors que Dieu venait de le louer, la Bible dit que :

Mais l'adversaire répliqua au SEIGNEUR :

Peau pour peau !
Tout ce qu'un homme possède,
il le donne pour sa vie.
Mais veuille étendre ta main,
toucher ses os et sa chair.
Je parie qu'il te maudira en face !
Alors le SEIGNEUR dit à l'adversaire :
Soit ! il est en ton pouvoir ;
respecte seulement sa vie.

Job, 2, 4-6

Job se lamente et la Bible décrit ainsi son état :

Périsse le jour où j'allais être enfanté
et la nuit qui a dit : Un homme a été conçu !
Ce jour qu'il devienne ténèbres,
que, de là-haut, Dieu ne le convoque pas,
que ne resplendisse pas sur lui mille clartés,
que le revendiquent les ténèbres et l'ombre de la mort,
que sur lui demeurent les nuées,
que le terrifient les éclipses !
Cette nuit-là que l'obscurité s'en empare,
qu'elle ne se joigne pas à la ronde des jours de l'année !
Qu'elle n'entre pas dans le compte des mois !
Job, 3, 3-6

L'autre personnage biblique qui se confronte à Satan est bien évidemment le Christ, qui l'affronte pour la première fois au cours de l'épreuve de la tentation :

Alors Jésus fut conduit par l'esprit au désert pour être tenté par le Diable.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il finit par avoir faim.
Le tentateur s'approcha de lui et dit : Si tu es le fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent du pain ! Mais il répliqua : Il est écrit : « Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. »
Alors le Diable l'emmène de la ville sainte, le place sur le faîte du Temple et lui dit : Si tu es le fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges et ils te porteront sur leurs mains pour t'éviter de heurter du pied quelques pierres. »
Jésus lui dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le seigneur ton Dieu !
Le Diable l'emmène encore sur une très haute montagne. Il lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire. Et lui dit : Tout cela je te le donnerai si tu te prosternes et m'adores !
Alors Jésus lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : « Le SEIGNEUR ton Dieu tu adoreras et c'est à lui seul que tu rendras un culte. »
Alors le Diable le laisse et voici que des anges s'approchèrent, et ils le servaient.
Matthieu 4, 1-11

C'est toujours Jésus qui, au Temple, annonce la fin du règne de Satan, concédée par Dieu devant Job :

C'est maintenant le jugement de ce monde,
maintenant le Prince de ce monde [Satan] va être jeté dehors.
Pour moi, quand j'aurais été élevé de la terre,
j'attirerai à moi tous les hommes.
Jean 12, 31-32

Satan, dans la Bible, n'intervient que pour des combats dignes de titans, comme le souligne Maurice Cocagnac dans son lexique théologique : Jésus n'est pas un guérisseur professionnel. Il ne cherche pas la renommée, ni le pouvoir souvent lié à cette pratique. Le pouvoir qu'il détient de son père du Ciel se manifeste en des actes de miséricorde, qui sont aussi des signes de la venue du Royaume des cieux. L'instauration de ce règne suppose une victoire sur Satan, considéré comme le dominateur du Monde et nommé souvent le Mauvais. »
Maurice Cocagnac cite alors cet autre passage de la Bible :

« Notre Père qui es aux cieux,
fais connaître à tous qui tu es,
fais venir ton règne,
mais délivre nous du Mauvais. »

Matthieu 6, 9-10 et 13

Dans la Bible, Satan est aussi désigné — au Psaume 109, 6, à Zacharie 3, 1-2, dans le Nouveau Testament à Jean 17, 15 — sous le nom du Malin, aux Épîtres 6, 16, comme le tentateur — à Matthieu 4, 3 —, ou encore comme le pouvoir des ténèbres — Luc 22, 53 — et enfin comme le prince de ce monde à Jean 14, 30. À chaque fois, Satan est opposé à des forces divines, ou cherche à corrompre l'élite de l'humanité.

Satan, le prince des ténèbres, n'est certainement pas un personnage mythique dont les interlocuteurs, au regard de la Bible, peuvent être du commun des mortels. Même s'il est clairement admis que le diable tente d'avilir l'humanité, lorsque celui-ci paraît, ce n'est que pour s'adresser physique-ment aux prophètes, aux saints et plus encore au Christ, fils de Dieu.

Le nouveau satanisme

Aujourd'hui, nous sommes bien loin de la vision biblique du diable. Nous vivons comme une sorte de « démocratisation » de Satan. Celui-ci ne semble plus réservé à une seule caste, très supérieure, d'êtres humains quasi divins qui auraient à le combattre ou à le vénérer. Et c'est bien ce que démontre la montée en puissance des sectes démoniaques vouant un culte au prince de ce monde. Certains théologiens, comme Hans von Balthazar, ont décelé les indices de ce phénomène de société qu'est le nouveau satanisme; ils l'attribuent à la désacralisation du bien causée par les conséquences de la modernité et la victoire de la société de consommation.

Avec cette démocratisation du néo-satanisme, on constate un phénomène de perversion de la sexualité. On voit apparaître comme une doctrine de la salissure qui semble viser à maintenir la sexualité dans une sorte d'insatisfaction permanente. Une doctrine qui fait le bonheur de la pornographie. Car il s'agit d'expérimenter et d'explorer systématiquement toute perversité et anormalité. Cette espèce de politique de la surenchère dans la perversion conduit naturellement à l'horreur, au cannibalisme, au meurtre, à la pédophilie... Ce que l'on peut appeler une satanisation de la sexualité — et qui passe par une publicité et un discours vantant ces pratiques — vise à déprécier tout ce que l'homme considère en bien de son intimité et de ses qualités humaines, jusqu'à l'annihiler en tant qu'individu. Cette déshumanisation de l'acte sexuel, qui finit par nier le partenaire, remplace l'amour que l'on peut éprouver pour l'autre par une recherche obsessionnelle de la satisfaction par la réalisation de fantasmes de plus en plus extrêmes. […]

L'industrie du sexe

Dans des cercles démoniaques, le commerce de la pornographie représente non seulement une ressource financière importante, mais aussi un outil de recrutement efficace. De fait, plusieurs groupes sataniques sont liés à l'industrie du genre.

Le catalogue de vidéos X de la société Défi, basée à Perpignan et qui est une véritable multinationale de la pornographie, réserve bien des surprises. On y trouve, par exemple, des textes suggestifs vantant des cassettes intitulées Sabbats et sorcelleries : « Que ce soit en plein air ou durant la soirée de Halloween, la Wicca internationale vous permet pour la première fois de découvrir réellement ce qui est interdit et souvent vous terrorisait. La sorcellerie se veut naturiste et écologiste, ouverte à toutes les sexualités... » Ce film fut mis en scène par l'un des principaux réalisateurs de films pornographiques français, qui généralement officie pour les productions Marc Dorcel, et le conseiller technique en fut Jacques Coutela en personne, alors grand maître de la Wicca internationale...

L'alliance entre le diable et l'homme

Dans le magazine catholique progressiste Golias (n° 51), Christian Terras, sociologue et universitaire, écrivait, dans son article « Après Auschwitz, la banalisation du mal », à propos du nouveau satanisme : « Il conserve [le satanisme] certaines de ses images anciennes ou pratiques mais les fait fonctionner dans une autre logique. Ce néo-satanisme profane peut être éclairé par l'intuition d'Hannah Arendt, qui envisageait, après Auschwitz, la banalisation du Mal. La matérialisation du Mal absolu dans les camps d'extermination aurait libéré des forces psychiques autrefois refoulées ou contournées. On découvre ainsi aujourd'hui l'affirmation d'un Mal débarrassé du Bien. Le combat moderne n'oppose plus la lumière aux ténèbres, mais il se caractérise par la (re)définition d'un nouveau paradigme humain. On rejoint là l'avertissement du cardinal Ratzinguer dans son rapport sur la foi de 1985 : "La culture athée de l'Occident moderne vit encore grâce à la liberté de la peur des démons apportée par le christianisme." Faut-il en conclure que la perte de la peur de l'enfer réalise une nouvelle alliance entre le diable et l'homme ? »

La matérialisation du Mal absolu

À cette question, je voudrais répondre par la négative. Tout d'abord parce que, sur ce point précis, il ne peut être question de tous les hommes. La partie de l'humanité qui est ici concernée est essentiellement celle des cultures judéo-chrétienne et musulmane. Et encore, pour ces cultures du Livre, si effectivement les atrocités nazies et, plus largement, l'horreur des exterminations industrielles que notre culture a fait naître au XXe siècle — comme l'a mis en évidence Hannah Arendt — ont matérialisé le Mal absolu et ont libéré des forces psychiques autrefois refoulées, ce n'est pas là une cause première à la disparition du Bien. Car si les camps d'extermination ont existé, c'est notamment en raison de l'impuissance de la société dominante, régie par ces concepts du Bien, à produire du bien pour tous. C'est la crise profonde de notre société judéo-chrétienne, incapable de faire vivre économiquement un grand nombre d'êtres humains, de les nourrir, de leur procurer travail et protection, qui engendra une synergie démente de destruction et le sacrifice industriel d'une des composantes de la société. Les victimes expiatoires se comptant, bien évidemment, parmi les groupes les plus faibles de la société : les juifs, les tziganes, les inadaptés psychomoteurs et sociaux... Certes, le Mal absolu s'est matérialisé, libérant des forces psychiques colossales, mais cela a pu se produire parce que la force qui le retenait n'en était plus capable. Les principes du Bien dominant, nés de la culture judéo-chrétienne, étaient sclérosés, trop imprégnés de pensée totalitaire, essoufflés par la modernité derrière laquelle ils couraient pour tenter de s'adapter en espérant séduire encore un peu...

Comme Dieu, le Bien est mort

L'Église catholique est aujourd'hui encore dans cet état qui confine à la décomposition et au rafistolage. Les positions surréalistes, voire risibles si les résultats n'étaient pas si graves, de Rome face au préservatif en sont un exemple flagrant. Ces principes judéo-chrétiens du Bien sont d'autant plus incapables de faire vivre un Bien postmoderne. Comme Dieu, le Bien est mort ou, plus exactement, le Bien de Dieu l'a suivi dans sa tombe.

L'homme du XXIe siècle peut effectivement se décider pour une alliance avec le Mal et produire des horreurs comme nulle société n'en a encore jamais faites. Mais il peut aussi définir une société régie par un Bien plus universel que celui conçu sur les principes mystiques judéo-chrétiens, notamment à partir du droit et, plus encore, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, pilier des véritables sociétés démocratiques. [...]

Bruno Fouchereau.

Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...