« L'homme
doit seulement découvrir qu'il est solidaire de tout le reste »
Théodore
Monod
« Grand
savant, à la fois botaniste, géologue, archéologue, spécialiste
des poissons et des crustacés, Théodore Monod était un naturaliste
de génie. Mais il était avant tout l’homme du désert,
l’explorateur insatiable n’hésitant pas à partir dans des
conditions difficiles. »
Le
XXe siècle finissant, il semble à Théodore Monod que le temps est
venu d'espérer une évolution des consciences. Et il prend sa part
de la conscientisation à effectuer. Certain de l'unité de la vie,
certain que l'avenir de l'humanité est indissociable de celui du
vivant, il fait sienne la pensée d'Albert Schweitzer qu'il aime à
citer : «En moi, la vie se révèle et m'ordonne de respecter la vie
des autres êtres vivants.»
C'est
pour lui une ardente obligation que de propager l'idée de l'unité
du vivant. Si «cueillir une fleur dérange une étoile», comme
Théodore Monod aime à le dire, il n'en déduit cependant pas de
renoncer à la cueillir et il herborise. Ses retours de voyage sont
mémorables. Entre les morceaux de pages de journaux, des plantes
sont aplaties pour études ultérieures au Muséum... La science et
son objectif, la connaissance, ne peuvent permettre un respect
intégral des paroles des poètes. Lui, le savant qui n'ignore rien
de l'évolution darwinienne et connaît les liens entre les espèces
vivantes, prêche (c'est le mot adéquat) pour une prise de
conscience de la réalité qui fait des animaux des «êtres
sensibles».
Ce
sont surtout les sévices pratiqués dans son propre pays, et plus
généralement dans les pays occidentaux, qui le navrent. Il ne
supporte pas que des femmes portent de la fourrure : «Belle sur la
bête, bête sur la belle». S'il appelle de ses vœux la fin des
expérimentations sur des animaux, s'il fustige les élevages
hors-sol et s'il dénonce le fer rouge pour marquer les animaux d'un
même cheptel, il accepte l'anneau passé dans les narines des
dromadaires. Sans doute parce que la tradition est africaine et qu'il
voue une grande reconnaissance à cet animal au point de le porter en
effigie sur le revers de sa veste. Sans lui, il n'aurait pas connu de
méharées.
Être
devenu végétarien accentue le contraste avec les humains exploitant
les animaux et s'en nourrissant.
Combien
de fois s'insurge-t-il, lui le chrétien, de l'indifférence du
christianisme, et des autres Églises, devant la condition animale,
indifférence devenant complaisance envers ceux qu'il n'hésite pas à
qualifier de «bourreaux» ? Aucune indulgence pour un évêque
aficionado ou pour un prêtre chasseur... Aucune tolérance pour la
corrida et la chasse de loisir. Son jugement est catégorique. S'il
condamne avec fermeté, tout comme Schweitzer, il trouve des excuses
(ou une explication ?) au comportement encore barbare de certains
êtres humains. Ils sont si récents dans l'histoire de la vie ! Mais
il ne tend pas la main à ceux dont il condamne l'attitude envers les
animaux.
Il
dénonce mais ne veut pas convertir : il compte sur le temps pour que
le progrès moral s'accomplisse !
Le
sort des animaux de la faune libre le préoccupe au point qu'il
s'engage au sein du ROC (Rassemblement des opposants à la chasse)
dès sa création en 1976, et en devient le président en 1982.
Il
décide une fois pour toutes qu'en France les excès de la chasse
sont indignes. Indignes aussi les chasseurs occidentaux qui sévissent
contre les tigres ou les éléphants.
Mais les convictions n'empêchent pas la clairvoyance jusque dans ses
derniers messages où il appelle à œuvrer pour que le législateur
jette «les bases de ce que devra devenir nécessairement, tôt ou
tard, la chasse en France». Dans une interview de 1994, alors que
Théodore Monod vient d'être reconnu comme l'un des pionniers de la
conscience environnementale et inscrit ce titre sur la liste
d'honneur du Programme des Nations unies pour l'environnement, il
livre sa pensée profonde : «Il
s'agit d'une philosophie véritable capable enfin de tenir compte de
la totale unité de l'univers et plus spécialement de celle du monde
vivant à l'intérieur duquel tout se tient dans une commune et
exigeante dépendance.»
Et n'oubliant pas qu'il s'adresse alors aux membres du ROC, il
souhaite que son combat s'insère dans une vision plus large. La
vraie question, il la pose dans le titre d'un livre : Et
si l'aventure humaine devait échouer ?
Depuis longtemps, il s'interroge sur l'identité de l'espèce qui
pourrait lui succéder. Il a une préférence pour les poulpes et il
leur accorde cent millions d'années pour sortir de l'eau et nous
remplacer.
Hubert
Reeves & Nelly Boutinot
Théodore
Monod
Archives
d'une vie
Cet
ouvrage est l’occasion de retracer ses incroyables méharées à
travers les magnifiques photos de ceux qui l’ont accompagné. Parmi
les premiers à s’intéresser et à lutter pour l’environnement,
Théodore Monod est l’homme des engagements forts et multiples.
Tout au long de sa vie, il a résisté, pendant la guerre d’abord,
puis contre toutes les injustices commises envers les hommes, et
contre les dégradations de la planète. A partir des archives
personnelles des enfants et de la famille de Théodore Monod, cet
ouvrage dévoile des documents exceptionnels et inédits : du livret
tenu par sa mère à sa naissance jusqu’à ses carnets
d’exploration… Suivant un plan chronologique et thématique,
l’ouvrage montre, à travers les photos, les manuscrits illustrés,
les lettres, les objets personnels, toutes les facettes de Théodore
Monod : l’homme de science, l’homme engagé, l’homme de foi.
Illustration : Théodore Monod.