En ce
début de troisième millénaire, notre monde subit les tourments
d'une trinité infernale : la maladie, l'injustice, la pauvreté.
Selon
des chrétiens hérésiarques :
« La
médecine connaît un revirement funeste : certains médicaments
"miracles" pourraient avoir perdu leur pouvoir. Des
maladies infectieuses telles que la lèpre et la tuberculose, qui par
le passé ont fait des millions de victimes, étaient il y a quelque
temps encore neutralisées par des antibiotiques, le premier étant
entré en usage dans les années 1940. Aujourd'hui toutefois, on
assiste, selon le compte rendu de l'OMS Journée mondiale de la santé
2011, à une accélération de l'émergence et de la propagation de
germes pathogènes qui résistent aux médicaments. De plus en plus
de médicaments essentiels deviennent inefficaces. L'arsenal
thérapeutique se réduit. »
« En
octobre 2011, poursuivent les hérésiarques, Ban Ki-moon, le
secrétaire général des Nations unies, a constaté : "Notre
monde est parcouru de terribles contradictions. De la nourriture en
abondance, mais un milliard de personnes qui ont faim. Un train de
vie luxueux pour un petit nombre, la pauvreté pour beaucoup
d'autres. D'énormes progrès en médecine, mais des mères qui
chaque jour meurent en couches [...]. Des milliards dépensés dans
un armement destiné à tuer plutôt que dans la protection des
populations". »
Quant à
l'économie mondiale, expliquent les pessimistes sectateurs chrétiens, « elle est au bord d'une crise de
l'emploi extrêmement grave qui risque de déclencher des troubles
sociaux. La récente décélération de la croissance laisse supposer
que les créations d'emplois ne répondront qu'à la moitié de la
demande [...]. L'Organisation Internationale du Travail a évalué le
degré de mécontentement que génèrent le manque de travail et le
sentiment d'une répartition inégale du poids de la crise. Les
résultats indiquent qu'une agitation sociale guette quantité de
pays, particulièrement ceux de l'Union européenne et de la région
arabe. »
Ils
ajoutent : « Aux États-Unis (où la secte est bien
implantée), la dette moyenne contractée par carte de crédit
s'élève actuellement à plus de 11 000 dollars. un montant qui a
triplé depuis 1990 ». Dans le livre L'épidémie de narcissisme
(angl.), publié en 2009, on lit que beaucoup s'endettent simplement
pour projeter une image de richesse.
« Quand un Américain voit une personne possédant une voiture
et des vêtements luxueux, il en déduit qu'elle est riche. En fait,
il y a plus de chances qu'elle soit endettée. »
(Source :
Le monde peut-il changer ? Réveillez-vous
! Juillet 2012)
Le
projet de Jean-Marc Jancovici
6
000 milliards d'euros pour vivre avec moins de carbone et plus de radioactivité.
Contrairement
aux sectateurs chrétiens qui attendent l'intervention de Dieu pour
résoudre les problèmes de l'humanité, Jean-Marc Jancovici, un pronucléaire qui a
collaboré à l'élaboration du pacte écologique de la fondation
Nicolas Hulot, envisage de changer le monde grâce à un nouveau
projet de société, tout entier tourné vers une économie
« décarbonée ». Il écrit :
« La
situation économique des décennies à venir a toutes les chances
d'être extrêmement agitée, ce qui se traduira par de nouveaux
problèmes bancaires dans les pays qui ont favorisé un fort
endettement des ménages et des États. Or, les États-Unis sont
montés tellement haut dans la constitution d'une montagne de dettes,
contractées par des débiteurs dont la solvabilité deviendra
douteuse en période de contraintes énergétiques, que l'on peut
craindre que, dans les dix à vingt ans à venir, ils soient beaucoup
plus occupés par la débâcle financière qu'ils risquent d'avoir à
gérer que par les enjeux de long terme qui pourraient hélas ne
jamais apparaître à la bonne place sur leur écran radar. Et, tant
qu'ils connaîtront des difficultés intérieures, ils seront
probablement tentés par un fort repli isolationniste, comme ils
l'ont montré à maintes reprises dans l'histoire. Certes, les
États-Unis restent un pays surprenant, et il ne faut jamais préjuger
de rien, mais il n'est pas complètement exclu qu'ils restent
prisonniers de l'héritage du passé, alors que les pays asiatiques
n'ont pas (encore ?) ce problème. Ce sont des pays neufs, mais qui
vont avoir comme nous des problèmes d'accès aux ressources. Le
retour de la Chine dans la cour des grands, à la place où elle a
été pendant quasiment toute l'ère chrétienne, impose de toute
façon une politique coordonnée Europe-Asie, dont le carbone
pourrait constituer un des fondements.
Revenons
chez nous pour finir, et voyons ce que nous aurions en portefeuille
en misant « tout sur la décarbonisation ». Un programme de
rénovation lourde des bâtiments viables ? Disons 500 milliards ! Un
programme d'indemnisation des propriétaires de bâtiments non
viables pour leur permettre de déménager ? Si cela concerne un
tiers des logements bâtis, qui sont les plus excentrés et les moins
chers, et que nous calons cette indemnité sur 500 euros par mètre
carré, cela fait 400 milliards d'euros. Ajoutons quelques centaines
de milliards pour transformer l'immobilier industriel et tertiaire,
pour faire bonne figure. L'élimination de 30 millions de voitures
pour les remplacer par de nouvelles 2 CV et quelques voitures
électriques ? A 10 000 euros pièce, voici une addition à 300
milliards. Le remplacement de la moitié des procédés industriels
en fonction ? Sachant que l'investissement industriel représente
quelques dizaines de milliards par an, vingt ans de « verdissement »
de 50 % de cet investissement et c'est encore 500 milliards qui
s'ajoutent. La transformation de notre agriculture ? Probablement 50
à 100 milliards d'investissements, au bas mot. Le remplacement des
frigos, machines à laver, ascenseurs, et j'en oublie ? Encore des
milliards par centaines !
Notre
affaire, sur les quarante ans qui viennent, va donc demander quelques
milliers de milliards d'euros d'investissements, disons entre 3 000
et 6 000 s'il faut donner une fourchette. Dans quel but proposer cet
alignement de milliards ? Pour montrer que nous n'y arriverons jamais
? Au contraire ! cela montre par les chiffres que la décarbonisation
de l'économie est une affaire d'une telle ampleur qu'elle mérite
mille fois le titre de projet de société. Mieux, elle ne peut bien
fonctionner que comme telle : nous ne l'obtiendrons pas comme
conséquence à la marge d'« autre chose ». À défaut de la
vouloir, cette décarbonisation massive, ce qui nous attend est une
réédition de craquements comme nous en avons connus avec une
intensité croissante depuis 1975, chaque choc étant plus ter-rible
que le précédent, jusqu'au moment où la pénurie de ressources
fera voler en éclats la civilisation actuelle. Il est encore temps
de transformer cette contrainte en opportunité. Qu'est-ce qu'on
attend ? »
Jean-Marc
Jancovici
de Jean-Marc Jancovici
L’énergie
procède de la transformation de la matière. L’économie n’étant
rien d’autre qu’une machine à transformer des ressources, nos
sociétés industrielles sont de plus en plus gourmandes en énergie,
alors même que les stocks susceptibles de leur en fournir, que ce
soit du charbon, du pétrole ou de l’uranium, diminuent
inexorablement.
Partant
de ce constat, Jean-Marc Jancovici montre que les espoirs placés par
nos gouvernants dans la reprise de la croissance sont illusoires et
dangereux : dans une économie monde qui dépend des énergies
fossiles, plus vite la croissance repartira, plus vite arrivera le
prochain choc pétrolier qui la tuera à nouveau.
Il
faut sortir de cette spirale infernale. L’éolien, le solaire
seraient-ils une solution ? Billevesées, démontre J.-M. Jancovici :
leur coût est astronomique et leur contribution actuelle,
insignifiante. Le
nucléaire, alors ? C’est souvent une excellente formule de
transition, qu’il faut perfectionner et développer.
Mais
surtout, il faut un nouveau projet de société, tout entier tourné
vers une économie « décarbonée ». Un tel projet touchera à tout
: nos métiers, notre habitat, notre système de soins, notre
agriculture, notre alimentation, notre mobilité, notre lieu de
vacances, notre armée et notre diplomatie, la consolidation de
l’Europe, les procédés industriels, la productivité du travail
et la gestion des retraites…
Pour
éviter l’impasse, chacun de ces compartiments de la société doit
être libéré au plus vite de sa dépendance au carbone, et J.-M.
Jancovici propose des pistes concrètes pour y parvenir.
Tout
un programme, certes, mais prendre la contrainte carbone à bras le
corps n’est pas une option, écrit-il. Si nous ne faisons pas le
premier pas, c’est elle qui choisira la forme de l’étreinte !