Patrick Vigneau
La joie
d'être soi avec Ramana Maharshi
Marc-Alain
Descamps, prophète du Transpersonnel, une bâtardise spiritualiste
née aux USA en 1969 au sein de la psychologie humaniste, écrit :
« Le
Transpersonnel est d'abord un mot nouveau pour désigner tout un
ensemble de choses cachées depuis la fondation du monde et
les renouveler par là, en la mettant à la disposition de tous,
sans exclusive. […]
Le
délire grandiloquent de Descamps lui fait dire : « Le
Tranpersonnel est la chance de notre temps. Il est le fondement
de la grande mutation qui s'ouvre avec le troisième millénaire et
l'âge du Verseau. […] « Apparenté aux mouvements Science
et Conscience, le Nouvel Âge, le Troisième
Millénaire, le
mouvement Transpersonnel constitue pour l'humanité une seconde
Renaissance. »
A une
époque où les sectes pullulent, Patrick Vigneau, lui-aussi adepte
de la spiritualité frelatée du Transpersonnel et du Nouvel Âge,
est le fondateur d'un institut de sophrologie transpersonnelle. Son
allure de gourou newageux, vendeur d'une soupe
mystico-sophrologique aux malheureux égarés dans le labyrinthe du
spiritualisme contemporain, n'inspire pas forcément confiance à
tout le monde.
Patrick
Vigneau, qui sait compter (il était professeur de maths), a-t-il
constaté que le Transpersonnel fait moins recette ? Quoi qu'il
en soit, dans son dernier livre, La joie d'être soi avec Ramana
Maharishi, il rappelle le message de grandes figures de la pensée
spirituelle de l'Inde : Nisargadatta, Krishnamurti, Ramana
Maharshi. Vigneau écrit à propos de ce dernier :
« Son
expérience libératrice est communément présentée comme un
exemple moderne de l'Advaïta Vedanta traditionnel. Cependant
l'originalité du Maharshi le distingue sur deux points. Le Vedânta
classique attache le plus grand prix à l'autorité fondatrice des
Vedas, et à l'enseignement du gourou. Or l'expérience qui est à
la source de la spiritualité de Ramana, fut soudaine et spontanée.
Elle ne doit rien, à l'étude, à la culture, à l'intervention d'un
maître. Par ailleurs Ramana a toujours souligné sa préférence
pour une méthode simple, directe, désencombrée. […]
« Ramana
Maharshi (1879-1950), jeune, rappelle Patrick Vigneau, il aimait le
jeu, les sports et ne témoignait aucun intérêt spécial pour la
religion ou la philosophie. A seize ans, alors qu'il se trouvait seul
dans sa chambre, il fut saisi par une grande terreur de mourir. Il
questionna avec une intensité extrême ce que signifiait pour lui
d'être mort. Il s'allongea à même le sol : qu'est-ce qui se passe
quand on est mort ? Le corps meurt, les pensées aussi... Que
reste-t-il alors ? La réponse absolue le saisit et ne le quitta
plus. Il connut alors une extase consciente où il toucha aux
véritables sources du moi, à l'essence même de l'être qu'il
appelait le Soi.
Voici ce
qu'il en a dit à différentes occasions :
«
Environ six semaines avant mon départ définitif de Madura, il se
produisit dans ma vie un grand changement. Ce changement fut soudain.
J'étais seul dans une des pièces du premier étage, dans la maison
de mon oncle. Je n'avais été malade que rarement, et ce jour-là ma
santé était excellente ; mais je fus pris soudain d'une violente
peur de la mort. Rien dans mon état ne la justifiait, et je
n'essayai pas d'en découvrir la raison ; je me contentai de
l'éprouver. Je me disais : « Je vais mourir », et je me demandais
que faire. Il ne me vint pas à l'esprit de consulter un médecin, ou
l'un de mes amis. Je sentais qu'il me fallait résoudre moi-même le
problème, et sur le champ. »
« Le
choc causé par la peur de la mort forçait mes pensées à
l'observation intérieure, et je me répétais mentalement, sans
réellement formuler des paroles : « Maintenant que la mort est là,
que signifie-t-elle ? Qu'est-ce que c'est que mourir ? C'est ce
corps-là qui meurt ! » Et aussitôt je dramatisais le fait de la
mort. J'étais couché, les membres raides comme si j'étais mort
réellement.
J'imitais
la situation d'un cadavre pour donner à mon enquête une réalité
plus grande. Je retenais ma respiration, et serrais les lèvres pour
qu'aucun son ne put s'en échapper, pour m'empêcher de prononcer le
mot «je », ou tout autre mot. « Bon ! Me disais-je, ce corps est
mort. On l'emportera complètement rigide au lieu de sa sépulture,
où on le brûlera et le réduira en cendres. Mais suis-je mort par
cette mort de mon corps ? Mon corps est-il « moi » ? Il est
silencieux et inerte, mais je sens la pleine force de ma
personnalité, et j'entends même la voix du « moi » au fond
de mon être. Je suis donc un esprit qui transcende le corps. Le
corps meurt, mais l'esprit, transcendant le corps, ne peut être
touché par la mort. Ce qui veut dire que je suis un esprit
immortel.»
«
Ces pensées n'étaient pas obscures et ternes. Elles jaillissaient
en moi telles d'éclatantes vérités, que je percevais directement
sans que mes activités cérébrales fussent en jeu. Le « moi »
était donc quelque chose de très réel, la seule chose réelle dans
mon état présent, et toute [activité consciente de mon corps se
concentrait sur ce « moi ». Depuis cet instant, la puissance
fascinante de ce « moi » se plaça au cœur même de toute mon
attention.
« La
crainte de la mort avait disparu, et pour toujours. L'absorption dans
le « moi » se poursuivit sans interruption. D'autres pensées
passaient et disparaissaient, pareilles à diverses notes de musique,
mais le « moi » demeurait comme la note fondamentale, sous-jacente
à toutes les autres notes, et se confondant avec elles. »
Cette
expérience mystique le transforma complètement, poursuit Vigneau.
Toute peur ou désir pour quoi que ce soit disparurent. Il réalisa
le Soi et connaissait dès lors la distinction essentielle entre le
corps mortel et la conscience immortelle.
Il
rechercha alors la solitude afin de se consacrer à la méditation.
Détaché des soucis du monde, il se rendit à Arunachala. Où se
dresse une petite montagne (855 m d'altitude) qui domine la plaine.
On la tient pour sacrée.
Ramana
se retira durant 7 années, dans une grotte de la colline, toujours
absorbé dans la méditation. Il vécut ainsi en ermite, dans un long
silence, sans jamais tenter de convaincre personne ni vouloir
enseigner quoi que ce soit. Un petit groupe de disciples se forma
autour de lui. Ils construisirent un ashram. Sa réputation grandit
dans tout le pays. Les dévots reconnurent en lui un Jivan Mukta, un
libéré vivant ayant atteint le but dont parlent les écritures
sacrées. Il devint, sans l'avoir voulu ni refusé, le maître de
milliers de disciples qui virent en lui l'un des plus grands sages de
l'Inde.
Vers la
fin de sa vie (1950) il était mondialement connu. Sa méthode est
connue sous le nom de Atma-Vichara : recherche du Soi, ou
investigation de Soi.
Selon
Ramana Maharshi le corps physique auquel nous nous identifions est
sans importance. Ce qui ne signifie pas qu'il faille le négliger,
mais selon lui c'est le Soi, la pure conscience, qui mérite notre
plus grande attention.
Et ce
qui émanait de lui prouvait que ses paroles n'étaient pas juste une
affaire purement discursive. Ce qui frappait ses auditeurs c'était
surtout sa présence et la sérénité qui s'en dégageait.
Contrairement
à beaucoup d'enseignants traditionnels de l'époque, Ramana ne
poussait pas ses visiteurs à quitter leurs activités ou leur
famille pour se consacrer entièrement à la sadhana. Il leur disait
que quels que soient leurs choix, tôt ou tard, les gens
connaîtraient la réalité.
Sa
méthode avait de quoi surprendre : à toutes les questions qu'on lui
posait, il répondait par d'autres questions. A la manière de
Socrate, il obligeait le disciple à découvrir la Vérité au plus
profond de son être et non pas à l'extérieur :
«
Personne ne saurait vous donner la Connaissance, elle est un trésor
caché dans votre propre cœur », disait-il.
Comment
faire donc pour trouver ce Soi, qui n'est pas le moi ?
Par
l'enquête incessante : « Qui suis-je ? » nous répète le
sage.
Le soi
est silence, imperceptible par les sens et inconcevable par
l'intellect. Ce n'est pas un ressenti, ce n'est pas une idée. C'est
autre chose. On pourrait en parler comme une présence absolue d'être
qui demeure immuable.
Tandis
que tout change dans l'univers, le Soi ne meurt pas ne naît pas, ne
change pas. Et il demeure en chacun de nous. »
La
joie d'être soi avec Ramana Maharshi