vendredi, septembre 12, 2014

Nature & spiritualité selon Pierre Rabhi



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Le confinement des humains dans les mégalopoles est contre nature, il est hors sol. Il a généré un mode de pensées séparé de la puissance de la vie. L’obstacle le plus généralisé est notre vision fragmentée.



Lorsque l’écologie est bien abordée, elle nous apprend à nous remettre à proximité des sources qui assurent la pérennité de la vie et non dans l’anecdote d’une urbanisation qui ne pourra pas tenir. Actuellement, nous pourrions dire que c’est une pensée urbaine qui essaie de penser la Nature sans pour autant en avoir l’expérience tangible et sensible. Je dis à des amis qui sont dans la politique écologique : «Vous ne parlez jamais de la beauté et du sacré de la vie, vous ne parlez que des éléments factuels alors qu’en réalité l’écologie ce n’est pas cela.»



La terre est un organisme vivant à part entière avec des bactéries, des vers de terre, des insectes multiples, des cellules où l’air, l’humidité, tous les éléments vivants dont ceux de notre être se combinent à elle, étant donné son besoin d’eau, d’air et de chaleur. Puisque ces éléments sont vibratoires, selon l’influx que nous y mettons, même par la pensée, combinés, ils vont agir d’une manière ou d’une autre. Si cette terre est morte, les aliments qu’elle nous donnera ne seront plus porteurs de l’énergie que la terre devrait donner. En plus de l’énergie cosmique, il y a l’énergie tellurique. Lorsque la plante jaillit du sol c’est le soleil qui intervient, pour nous c’est l’ensemble du système vibratoire. C’est pourquoi la biodynamie intègre les planètes parce que chacune d’elles émet des fréquences variables qui constituent un élément symphonique : lorsque la plante reçoit l’ensemble de ces énergies, elle trouve son équilibre. 

Actuellement, on lui met des engrais solubles chimiques qu’elle absorbe par effet osmotique, elle s’appauvrit et se déséquilibre. Que va-t-il se passer ? La maladie cryptogamique arrive avec les microchampignons qui interviennent en premier sur les feuilles, en détruisant les cellules de la plante pour l’empêcher de se multiplier, ensuite les ravageurs savent laquelle doit disparaître pour ne pas créer la dégénérescence de l’espèce, ils éliminent les plantes fanées et sont très efficaces. Si nous mangeons cette plante carencée et forcée par des engrais chimiques, au lieu de la laisser pousser avec le vecteur des énergies terrestres et célestes, elle transmet à notre propre organisme – qui, lui, va être satisfait par la chaîne des oligo-éléments nécessaires à un certain équilibre – toutes les substances. Quand nous les ingérons, cette part altérable modifie notre santé. Si nous ajoutons l’eau et l’air pollués, l’atmosphère stressante, je trouve que nous sommes assez solides !



Crise humaine et spirituelle



Pour moi l’écologie intègre l’univers entier et si notre soleil s’arrêtait de briller, nous disparaîtrions. Au lieu que la conscience humaine voit dans cette planète un véritable miracle, elle ne fait qu’exploiter les gisements et épuise les ressources jusqu’au dernier poisson, et dernier arbre, en polluant… Je dis parfois à des amis religieux : «Vous devriez être les premiers à dénoncer la pollution puisque l’œuvre de Dieu est profanée.



La Création ne nous appartient pas, elle nous accueille». Beaucoup de discours sont devenus creux et ne reflètent plus la réalité tangible ! Dit-on assez aux enfants : «La vie est sacrée, tout ce que tu as, tout ce que la vie te donne, ce n’est pas un dû, c’est un don ?» En règle générale éduque-t-on à la gratitude ? Non, donc toute la phase qui nous amènerait vers l’éducation du respect et du sacré est occultée.



Je reste très attaché au Message christique. Pour moi, c’est un immense événement, une conscience qui proclame de façon forte que la plus grande puissance qui soit c’est l’amour, et que nous sommes là pour aimer, pour prendre soin, et non pour détruire. Nous ne pourrons construire un monde apaisé qu’en remettant de la beauté et de l’amour dans nos relations, en misant sur la richesse de nos valeurs les plus nobles : l’unité, la solidarité, la convivialité.



Les institutions installent des situations complexes dans la gestion et de plus, les pays aux religions monothéistes n’arrêtent pas de se faire la guerre. Nous sommes finalement dans une vision matérialiste et profane de la vie qui n’a rien à voir avec le Message du Christ. On s’arrange à notre façon avec des préceptes, pourtant si nous sommes conscients que nous dépendons de l’énergie divine, reliée à l’Innommable, l’Indicible, Celui dont nous ne pouvons rien dire, l’ambiguïté fait notre quotidien car derrière tout cela il y a la peur et nous cherchons seulement à justifier l’état des lieux. Nous vivons dans l’anxiété de quelque chose qui nous amène à vouloir absolument tout expliquer, alors que nous savons très bien que nous avons des limites. Je m’en tiens donc à cette phrase de Socrate, qui dit : «Je sais que je ne sais pas». 

Penser au Divin est un besoin que nous éprouvons, c’est une nourriture, et le silence pour moi est une très grande nourriture ; ce n’est pas facile mais lorsque nous arrivons à le vivre profondément cela régénère. C’est un long souffle tranquille. Néanmoins, parce qu’il a fait des découvertes technologiques importantes et instauré un paradigme nouveau en exhumant la matière morte (pétrole, charbon...) qui résulte de la longue alchimie de la terre, l’homme a instauré un système où il se prend pour un dieu, il veut modifier le cycle naturel qui gêne sa prétention à vouloir mieux savoir ! De ce fait, notre société est basée sur la frénésie, la vanité de vouloir toujours dominer. Sous cette influence, notre mental produit des chimères, des peurs, des angoisses. Comment l’apaiser ? C’est un foyer où se déclarent les haines et où l’amour domine rarement. Mais nous avons le libre arbitre pour rester libres.



La majorité des scientifiques sont dans la rationalité froide, par contre une frange de la science ne s’y est pas enlisée. À l’appui d’un vécu ressenti, elle a évolué en utilisant raisonnement et intuition. Exemple, je me soigne en homéopathie qui pour la science pure et dure correspond à un placebo. Il est très difficile d’obtenir le composé du produit, car la substance du support a été diluée de très nombreuses fois, alors qu’est-ce qui agit ? Seule l’information ! Ce qui amène à dire que le «subtil» est au-delà, tout vient du subtil, et c’est le rôle de l’humain de le révéler dans la matière. Le matérialisme très limité ne le prend pas en compte. Nous sommes donc dans une situation inintelligible.



Cultiver son jardin



Depuis quarante-cinq ans, j’ai orienté ma vie autour de comment me mettre au service de la vie, de cette planète dont la beauté ne cesse de me couper le souffle. Vue du ciel, la planète bleue n’est pas la mappemonde découpée que nous décrivons dans nos discours et enseignements.



L’autonomie de la planète se fonde sur le non gaspillage. La nature n’a pas de poubelle parce qu’elle ne crée pas de déchets. Dans la conscience écologique, l’impact du film de Coline Serreau «Solutions locales pour un désordre global» a contribué à l’évolution d’un changement. Dans ce cas, nous sommes placés dans la situation de propager notre message, mais nous ne faisons pas que montrer et analyser, nous agissons.



Quel que soit le pays, nous créons des structures qui incarnent nos valeurs. J’aimerais bâtir le modèle «un hectare, une famille, un habitat». Il est vital de soutenir l’agriculture qui soigne ses sols, de favoriser les AMAP, de réapprendre à vivre avec un potager, une ruche, un poulailler…


Cultiver son jardin de même que nos choix de consommation sont de la politique en actes. L’écologie nous conduit à repenser notre médecine, notre industrie pour plus de sobriété…



En Afrique, au Burkina Faso, Maroc, Mali... beaucoup d’agriculteurs sont pris dans le traquenard de la mondialisation, et celui qui cultivait son lopin familial s’est retrouvé propulsé par la loi du marché dans la même arène que les gros producteurs américains, donc endetté puis insolvable. Cette misère de masse va bien au-delà de la pauvreté, elle confisque aux hommes ce que la nature leur a donné, la vie, l’eau, la terre, les semences… Donc, nous les aidons à s’affranchir et leur transmettons des savoir-faire écologiques en réhabilitant les pratiques traditionnelles. En partant de la terre nourricière qui est le fondement de la vie, nous leur apprenons à incarner des valeurs importantes. Pour être plus efficaces, nous avons créé une Fondation qui est le résultat d’années de travail et de souffrances comme dans toute aventure humaine.



Je suis à l’origine de l’option écologique du Monastère de Solan dans le Gard. J’ai proposé aux sœurs de valoriser leurs terres dans le respect de l’environnement, d’en faire un écosite expérimental d’intérêt général. L’impact est désormais visible, et des monastères orthodoxes roumains me demandent conseil pour suivre la même démarche. 

Solan est un exemple d’agro-écologie. Je ne suis d’aucune religion, mais c’est dans le monde orthodoxe que l’engagement écologique est le plus affirmé. Le respect de la Création, comme devoir de l’homme envers Dieu, est proclamé par le patriarche lui-même. L’écologie ne peut pas être un paramètre parmi d’autres. C’est le fondement même de la vie et la vie transcende tout. Bien comprise, l’écologie fondée sur l’interdépendance des règnes et des espèces est, par excellence, une grande leçon d’autonomie et de sobriété.



Moi-même, issu des deux cultures Nord et Sud, j’ai appris à me définir sans choix confessionnel, ni idéologie… Avec notre capacité de penser limitée, nous avons la prétention d’appréhender le réel de nature infinie, or nous pouvons juste comprendre un fragment de réalité souvent différent de celui de nos semblables.



Nous produisons de l’indigence et de la souffrance



En 2012, nous avons lancé un mouvement que nous appelons «Tous candidats». J’ai écrit un opuscule qui s’intitule «Éloge du génie créateur de la société civile» car dans ma vision propre, j’ai l’impression que les politiques font de l’acharnement thérapeutique sur un modèle qui est déjà moribond. Aujourd’hui, tous les diagnostics que nous avons sur les banques, les faillites, etc., montrent que nous produisons de l’indigence à grand rendement et de la souffrance avec un modèle qui était censé nous libérer. Avec l’idée de solutionner, nous créons de plus en plus de problèmes. La pulsion du toujours plus, censée permettre à tout le monde d’avoir à manger et ce qu’il faut pour vivre, crée de l’indigence. Il y a bien là une inversion de la compréhension qui n’est pas résolue.



La société ne peut changer si l’homme ne change pas. C’est impossible ! C’est lui qui détermine les choses et si lui-même ne fait pas son propre changement par rapport à la société, à la nature et à l’ensemble de sa vie intérieure, je ne vois pas comment cela pourra changer. Dans ma réflexion, je m’étais dit naïvement qu’avec l’agriculture bio il y aurait une attitude élevée, une morale à l’égard de la vie : avoir de la gratitude, prendre soin de la terre en la cultivant pour obtenir les substances nobles et la vitalité de la nourriture pour que les énergies cosmiques nous mettent dans le circuit réel de la vie. Souvent j’interpelle les gens : «Manger bio et vous chauffer au solaire, c’est bien, mais la vraie transformation c’est de ne plus exploiter votre prochain !» Le problème est là, chacun de nous doit changer et ainsi nous contribuerons à changer le monde. Tout peut être détourné, inventé mais si l’être ne change pas fondamentalement, nous serons dans l’avidité permanente, sans jamais nous satisfaire. Il ne faut pas confondre aptitudes et intelligence. Nos aptitudes rendent le monde chaotique, elles ne parviennent pas à donner un ordre intelligent à nos prouesses. Il y a un ordre d’intelligence qui nous précède et qui est symphonique.



L’écologie est une symphonie dans laquelle chacun joue sa partition. L’homme d’aujourd’hui est manipulé à être insatiable, à être insatisfait de ne pas avoir ceci ou cela. En agissant ainsi on ne nourrit pas son être profond. On laisse croire que le bonheur se trouve dans l’accumulation et on comprend qu’elle ne mène à rien. Je peux tout acheter avec de l’argent ou presque, sauf la joie. La joie ne s’achète pas et c’est pourtant elle qui nous nourrit vraiment ! La vraie joie, état fondamental de bien-être, n’a rien à voir avec le plaisir qui est éphémère.



Créer une société apaisée



La réforme de la société ne peut se faire sans une réforme de l’éducation. Lorsque nous voyons un enfant venir au monde, il est dans une disponibilité totale, il appréhende le monde avec ses cinq sens, prend connaissance de son corps, écoute, se nourrit, regarde, exprime ses émotions et ses désirs. C’est souvent l’éducation qui l’abîme en lui donnant en exemple la rivalité ou la domination. Nous ensemençons l’enfant d’angoisses parce que nous ne l’invitons pas à être libre et bienvenu dans la vie pour réaliser ce qu’il a à faire sans préjudices. Souvent, nous lui portons atteinte en lui demandant de se mettre en concurrence pour être le premier. Notre rôle serait de dire : «trouve ta place», sans le pousser dans le sens où nous voudrions qu’il aille.


La charge de l’éducateur est d’expliquer que chacun apporte quelque chose et qu’il y a une mutualisation des valeurs nous permettant d’être solidaires. Les défaillances de l’un peuvent être corrigées par l’autre et dans cette mutualisation nous créons une société apaisée. Je crois à une pédagogie qui révèle l’enfant à lui-même et lui transmet l’enthousiasme d’apprendre. Il est navrant que l’intellect prime à ce point sur le travail manuel. Nos mains sont des outils magnifiques capables de construire une maison, de jouer une sonate, de donner de la tendresse.


Offrons aux nouvelles générations l’épreuve de la nature, du travail de la terre, des saisons. La pensée humaine n’a pas de meilleure école que l’intelligence universelle qui la précède et qui se manifeste dans la moindre petite plante, dans la diversité, la complexité, la continuité du vivant. À l’évidence, le pôle sud n’est pas contre le pôle nord, rien n’est contre rien, c’est une unité absolument magnifique d’ordre harmonique.



L’écologie est donc l’union où les éléments constitutifs d’un système donnent et reçoivent. Les gens manifestent dans la rue en levant le poing contre l’injustice réelle ou non, mais il faut être logique : la première chose à appliquer c’est ce qui est juste là où je vis. Est-ce que j’aime mon compagnon ou ma compagne comme il ou elle doit être aimé ? Est-ce que j’aime mes enfants, mes voisins ? Est-ce que je suis vraiment dans la démarche que je prétends vouloir pour le monde ? Si je n’y suis pas, ma revendication ne sert à rien.


La gentillesse, la bienveillance, la bonté, tout ce qui est évident n’est pas toujours facile, pourtant c’est là que tout doit commencer puisque là est le royaume de chacun : ce champ d’action est à la disposition de tous et tout un chacun peut décider et gouverner avec des valeurs importantes dans son microcosme. Ces exemples qui devraient se retrouver dans la famille, à l’école et dans la société, demandent de l’abnégation et du discernement aux adultes. L’enfant doit trouver l’accueil, la sécurité, les soins, l’écoute et l’amour indispensables à tout être. Lui-même le fera alors dans son petit royaume.


Tout cela fait partie du changement de paradigme qui inclut forcément la reconnaissance de la beauté dans les rapports humains.



Dans bien des cas, notre relation au monde animal est devenue tragique également ; les animaux sont un peuple fantôme à nos yeux. Nous les regardons derrière un voile anonyme, pour éviter le difficile spectacle de la souffrance que nous leur infligeons. Cet état de fait d’une inertie complice dans bien des cas nous rend sans crédibilité aux yeux des enfants qui en souffrent.


Beauté et énergie sont liées



Pourquoi avons-nous si peu d’émerveillement ? La plupart des écologistes ne parlent pratiquement jamais de la beauté, de la vie, ils parlent de carbone, bien sûr. Pourtant si nous nous sommes installés ici, c’est pour la beauté du paysage.



En 1963 sur notre sol rocailleux, le chemin était à peine praticable, il n’y avait pas d’électricité, pas de téléphone, très peu d’eau. Les gens ne comprenaient pas notre démarche et disaient qu’ils ne voulaient pas nous aider à nous suicider. Nous leur avons donc expliqué que le lieu était beau et que c’était là que nous voulions vivre. Nous étions totalement persuadés que l’énergie pour y vivre nous serait donnée et cela n’a pas manqué. Lorsque nous sommes nourris intérieurement de beauté et de satisfaction, tout cela génère en nous l’énergie pour ensuite répondre aux difficultés de la vie.



Du point de vue agronomique, nous aurions pu facilement partir et avoir des terres plus fertiles, mais nous voulions rester dans cette beauté, ce silence, l’air pur, les lieux habités par tout ce qui est vivant, avec les étoiles ! C’est cela le contexte humain, l’homme n’est pas né pour toujours arracher à la terre des choses à transformer en dollars, c’est absurde.



L’homme est fait pour admirer, donc pour aimer ; c’est la raison pour laquelle nous avons orienté notre vie en prenant toujours en compte que la beauté d’essence divine n’est affiliée à aucune religion. Par contre, je sais que la nature m’a ouvert la porte à des trésors de mystères de vie, à la spiritualité profonde, à la beauté infinie.


Comme l’homme moderne n’est pas nourri intérieurement, il achète sans cesse en pensant qu’avec toutes ces choses il va combler ou compenser, mais non, cela ne peut pas contrebalancer ce manque de lien avec la Nature.



De plus, la présence et la beauté animale nous manquent. «En considérant parfois les fresques des pyramides égyptiennes où elles figurent, je songe particulièrement à ces vaches zébus, porteuses de lyres en guise de cornes. Elles parcourent la brousse sahélienne généreuse, patiente, tranquille comme un hymne vivant à la majesté d’une création qui nous est devenue étrangère.» («La tragique

condition animale», 9/05/2007)



Silence, jardinage et poésie



Le jardin est un lieu où je sème et récolte avec reconnaissance, un lieu qui m’oblige à m’orienter avec humilité. Si nous voulons du rendement, nous aurons du rendement mais si nous sommes attentifs au miracle de la vie, il nous ouvre des perspectives absolument extraordinaires : quoi que nous fassions nous sommes ramenés au fait que l’intelligence est là et je sais que je ne sais pas. Le réel se révèle particulièrement dans le silence qui favorise plus la modestie que la spéculation, il permet de comprendre dans le sens profond du terme. Les grands intuitifs comme Goethe, Galilée, Einstein avaient certainement de la modestie et leur âme vibrait.


Nous portons en nous quelque chose de l’intérêt commun qu’il faut rendre efficace dans le monde de l’organisation. Ma nature me porte vers la poésie et heureusement je me suis découvert très stratège. Enfant, je n’en avais pas conscience. C’est après avoir suivi mon chemin que j’ai atteint un certain seuil. La valeur du parcours, c’est l’utilité de l’expérience.


Un ami m’a fait l’honneur d’une biographie : «Pierre Rabhi le fertile». Lorsque j’ai écrit ma première biographie : «Du Sahara aux Cévennes ou la reconquête du songe», ce que j’entendais par songe, c’est le fait qu’aujourd’hui nous n’avons plus d’espace pour nous retrouver tranquille avec nous-même, ce temps que donne la Nature quand nous cheminons avec elle. Le songe, ce n’est pas le rêve creux, ce ne sont pas les chimères, c’est aimer notre chemin de vie avec les saisons. Entrer dans l’automne, vivre l’hiver, découvrir la jubilation et le renouveau du printemps, l’apothéose de l’été. Nous avançons dans ce cycle qui nous enseigne à la fois la patience et le mystère : si nous observons une graine dans la terre, nous comprenons qu’il y a déjà un programme à l’intérieur alors qu’elle est minuscule. Comment cela fonctionne-t-il ? Nous ne sommes plus assez attentifs à tout cela.


Le féminin est au cœur du changement



La femme représente le principe féminin qui est une sensibilité particulière. Nous naissons tous à partir de l’union d’un homme et d’une femme, alors pourquoi dans la vie sociale le féminin est-il subordonné ? J’ai toujours beaucoup souffert de la subordination universelle de la femme.



La non reconnaissance du féminin est un des éléments importants et constitutifs du tout. En Afrique ou en Amérique latine, pays dits en développement, sans les femmes tout s’effondrerait. En Occident, le système est masculinisé au point que la femme s’adapte même en sortant de sa propre nature. Le masculin a forgé le paradigme actuel de la vitesse, de la puissance, de la technologie avancée, etc. La femme, souvent malmenée, a du mal à trouver sa place dans les pulsions dominantes d’ordre masculin.


Ce déséquilibre existant est rarement abordé, alors que la réalité devrait reposer sur le féminin et le masculin dans leurs genres respectifs. Ces deux genres complémentaires par nature sont devenus antagonistes. Chez ceux que nous appelons les peuples premiers, nous trouvons cet équilibre où les deux éléments sont rassemblés et perçus comme une unité et non simplement comme deux éléments. La vie n’est faite que de complémentarité. Dans mon engagement j’inclus vraiment le fait de restaurer cette complémentarité féminin/masculin.



En 2002, lorsque je me suis présenté aux élections, c’était bien «le féminin au cœur du changement» qui en était la base. Le masculin qui avait fabriqué ce monde ne pouvait le changer dans sa globalité, par contre l’élément féminin qui avait été occulté avait la charge du changement.



La femme dans sa façon d’éduquer l’enfant prépare la société nouvelle, et est vraiment très soucieuse de la continuité de la vie. Elle nourrit l’enfant en elle et hors d’elle et tout cela pour le mettre sur le chemin de la vie. Dans le don de soi, homme et femme peuvent retrouver leur potentiel, alors l’humanité retrouverait la qualité de confiance qui lui manque.




Extrait des propos recueillis par Jacqueline Thibeaudeau pour Le Monde du Graal.





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Les amis de Solan 30330 La Bastide
d’Engras 04 66 82 94 25

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