samedi, novembre 01, 2014

Pourquoi la Chine consolide les marches de son empire


Le Tibet et le Xinjiang sont deux régions de la Chine hautement stratégiques. C’est pourquoi la main de l’étranger n’est pas innocente dans les revendications séparatistes dont elles sont le théâtre. C’est aussi pourquoi Pékin y conduit une politique de colonisation systématique.

Cet empire-milieu du monde, à la fois ethnie et civilisation, est une dynamique de peuplement, celle des Han, sur des territoires sans cesse extensibles, au moins jusqu’aux frontières d’autres civilisations sédentaires. Dans son Histoire de la Chine, René Grousset comparait la construction territoriale de la Chine à celle du Canada et des États-Unis en ce qu’elle était aussi l’histoire de la conquête d’immenses territoires vierges « par un peuple de laboureurs qui ne trouvèrent devant eux que de pauvres populations semi-nomades ». Commencé aux confins du loess et de la Grande Plaine aux alentours du IIe millénaire avant J.-C., le processus colonial se poursuit encore aujourd’hui dans les marches de la Chine : au Tibet, dans les déserts du Turkestan chinois (Xinjiang), dans l’Extrême-Orient russe (la sinisation venant ici pallier l’effondrement de la dynamique coloniale russe) et jusque dans les terres « barbares » par l’établissement de colonies de peuplement en Europe, en Amérique, en Afrique subsaharienne. Telle la colonisation romaine, l’avancée chinoise procède, au Xinjiang comme au Tibet, par l’établissement de paysans soldats, cultivant les terres conquises et prenant femme sur place. Les coûts d’occupation sont ainsi réduits, la zone conquise assurée par un maillage redoutable de soldats pionniers, les autochtones remplacés par captation de leurs reproductrices. Ailleurs, ce sont des colonies marchandes qui s’établissent et s’accroissent à une vitesse vertigineuse.

Entouré des plus hautes montagnes du monde, le plateau tibétain (situé entre 4000 et 5 000m d’altitude et sur plus d’un million de km2 pour la seule région autonome du Tibet) est le château d’eau de la Chine ; il est la source de deux grands fleuves nourriciers, le fleuve Jaune et le Yangzi. Poste d’observation idéal de la Chine et de l’Inde, il offre un avantage stratégique à ceux qui le contrôlent.

Le Tibet a rarement été souverain dans son histoire. Ce n’est qu’entre les VIIe et IXe siècles qu’il pose problème à l’Empire chinois, lorsque ses guerriers fondent sur l’ouest (Pamir), sur l’est (Yunnan), sur le nord (Tarim). S’il n’a été qu’épisodiquement souverain, c’est parce que les Tibétains (dont la langue, l’écriture et le modèle théocratique sont hérités de l’Inde) ont toujours été divisés et que la théocratie des moines les a affaiblis. Installé à Lhassa, le dalaï-lama, souverain politico-religieux, ne contrôlait ni les franges musulmanes de l’ouest du Tibet, ni le sud dominé par des rajahs indiens. Cette faiblesse du système politique intérieur explique que les Tibétains aient régulièrement cherché protection auprès des Chinois et que l’aristocratie tibétaine ait tissé des liens avec les dynasties impériales chinoises.

À la fin du XVIIIe siècle, la Chine des Qing avait atteint une influence maximale, en protégeant notamment le Tibet du Népal. Jusqu’à ce que les Britanniques fassent irruption dans la région, les Chinois se sont contentés de leur suzeraineté sur le Tibet, laquelle découlait naturellement de la demande de protection de leurs vassaux. Après leur contrôle du Sikkim, les Britanniques reconnurent cependant cette suzeraineté (convention tibéto-birmane de 1886). Mais, intéressés par le commerce tibétain, les Britanniques contribuèrent (en sous-main et depuis l’Inde) à renforcer le nationalisme tibétain. En 1947, à la fin de l’Empire britannique des Indes et au début de la guerre froide, les Américains prirent le relais des Britanniques. Le Tibet devint alors un enjeu stratégique majeur dans la compétition entre la République populaire de Chine (créée en 1949), l’Inde et les États-Unis. Dès 1951 (au moment de la guerre de Corée), la CIA mène des opérations au Tibet et entraîne les séparatistes tibétains à la lutte armée contre les autorités chinoises. C’est l’ingérence américaine qui devait alors conduire Pékin à passer d’une logique d’administration indirecte (suzeraineté traditionnelle) à une logique plus directe et répressive. Le soutien américain ne cessera jamais : arracher le Tibet à la Chine constitue l’un des objectifs de la politique asiatique des États-Unis. Mais, pour Pékin, un Tibet indépendant, allié des États-Unis, et où seraient déployés missiles et radars américains, est évidemment inacceptable. (…)



La mondialisation-occidentalisation

Caressé par le président Franklin D. Roosevelt en 1941, le rêve d’un gouvernement mondial sous l’égide des valeurs américaines est apparu réalisable depuis l’effondrement de l’URSS. D’où la volonté de Washington de globaliser l’Otan, le bras armé de sa politique. En commençant par y intégrer la totalité des États européens…

À l’époque de la guerre froide, deux mondialisations s’opposaient, celle du capitalisme, dominée par les États-Unis, et celle du communisme, dans laquelle Chine populaire et URSS se faisaient concurrence. Pour les États-Unis, l’effondrement de l’URSS a ouvert la perspective d’un élargissement rapide de la « mondialisation-occidentalisation ». Le communisme soviétique abattu, il devenait possible d’œuvrer à la transformation globale du monde, d’y absorber notamment les civilisations chinoise et islamique. Il devenait possible de revenir au rêve de Terre-Neuve où, en 1941, Roosevelt et Churchill avaient signé la charte de l’Atlantique : un rêve de gouvernement mondial qui organiserait la mondialisation libérale et démocratique. Rêve, enfin, qui justifia au moins jusqu’en 1947 une politique américaine dite « convergenciste » (selon le terme proposé par l’historien Georges-Henri Soutou) à l’égard de l’URSS.

C’est seulement en 1947, lorsque les Américains commencèrent à comprendre qu’ils ne parviendraient pas à entraîner les Soviétiques dans leur projet, qu’ils se résignèrent à le rétrécir géographiquement : l’atlantisme remplaça le mondialisme, les accords du GATT de 1948 ne s’étendant qu’à une partie seulement de l’économie mondiale. On entra alors dans la guerre froide, et une quarantaine d’années passèrent, jusqu’à ce que, en 1989, le « nouvel ordre mondial » du président George Bush vienne donner une nouvelle jeunesse aux idées de la Charte atlantique de 1941. En disparaissant, le mondialisme soviétique laissait au mondialisme américain de vastes perspectives… Le « convergencisme » fut alors restauré autour du thème mobilisateur de la lutte contre le terrorisme global, thème qui connut certes une accélération en 2001, mais qui fut mis en avant dès la sortie de la guerre froide.
Buts géopolitiques des USA

• Empêcher la Chine de devenir la première puissance mondiale par une stratégie d’encerclement régional, de contrôle de la dépendance énergétique, de dépassement de l’équilibre nucléaire (bouclier antimissile).

• Détruire l’influence russe dans sa périphérie et la ramener à l’intérieur des frontières de la Fédération de Russie.

• Soutenir la géopolitique israélienne par la transformation politique d’un Grand Moyen-Orient musulman démocratisé sous forme de régimes proaméricains ayant établi des relations avec Israël.

• Consolider la construction d’un grand bloc transatlantique, qui s’étendrait jusqu’aux frontières de la Russie et de la Chine, et qui engloberait la périphérie méditerranéenne.

Ce qui n’est pas compatible avec ces objectifs, c’est que les Européens, les Russes ou les Chinois puissent entretenir un quelconque projet de puissance. Un monde multipolaire, c'est-à-dire un monde où des pôles de puissance régionaux s’équilibrent, n’est pas compatible avec l’horizon d’une « mondialisation-occidentalisation » dirigée par les États-Unis. C’est donc bien dans ce cadre géopolitique et idéologique que le rôle de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) doit être envisagé. L’Otan est en effet l’un des moyens (mais ce n’est pas le seul) que les États-Unis s’efforcent de mettre au service des buts géopolitiques énoncés précédemment. (« S’efforcent », car l’Otan réunit des pays souverains, et l’unanimité est requise dans la décision.)

De fait, depuis 1990, l’Otan est devenue, dans son action comme dans sa composition, de moins en moins euratlantique et de plus en plus globale.
Aymeric Chauprade


Dans « Chronique du choc des civilisations », Aymeric Chauprade démontre que la géopolitique n'est pas une science réservée à un aréopage restreint de spécialistes, mais une clé dont chacun peut se servir pour décrypter l'histoire du début de ce troisième millénaire et pour répondre aux questions souvent angoissantes que pose l'actualité.



Chronique du choc des civilisations


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