mardi, février 24, 2015

Trois Traités



Vertou, lundi 23 février 2015


Chers Amis dans le DHARMA,


Composés aux IIe et IIIe siècles de notre ère, le Traité du Milieu de Nâgârjuna, celui des Douze portes (de la doctrine), qui lui est également attribué, et les Cent stances de son disciple et successeur Âryadeva, furent traduits du sanskrit en chinois, entre 404 et 409, sous la direction de Kumâraja. La réunion de ces trois traités donna bientôt naissance, à l'école éponyme : SAN-LUN, donc École des Trois Traités. En 625, un religieux coréen introduisit cette école chinoise au Japon, où elle devait conserver son appellation d'origine : SANRON, en japonais.


Le Traité du milieu de Nâgârjuna inaugure la "Voie médiane" du Madhyamaka, l'un des deux principaux courants du bouddhisme mahâyâna ; Âryadeva jouera aussi un rôle important dans le développement de cette "doctrine". À ce titre, maître et disciple sont respectivement considérés comme le quatorzième et le quinzième Patriarche du chan, avant l'arrivée en Chine, vers 520, de cette école plus connue en Occident sous son nom japonais de zen. Cette forme de bouddhisme gagna l'Empire du Soleil Levant par vagues successives, du VIe au XIIIe siècle - ainsi de la branche Tendaï, adaptation nippone de l'amidisme chinois, que la tradition fait également remonter à Nâgârjuna - et s'est également transmise au Vietnam et en Corée... Mais, de tous les pays d'obédience mahâyâna, c'est peut-être au Tibet que les débats théoriques, portant sur l'interprétation et l'évolution du Madhyamaka proprement dit, furent les plus âpres entre les différentes écoles.


Les Trois Traités s'adressent aussi aux "Anciens", dans la mesure où la plupart des critiques formulées par Nâgârjuna & Âryadeva sont dirigées à leur encontre. Vus sous cet angle, ces textes fondateurs font donc peu ou prou partie du corpus de toutes les traditions bouddhiques de la "Voie du Milieu" en Asie de l'Est. Pourtant, il faudra attendre 1995, pour que paraisse, en France, la première traduction intégrale du Traité du Milieu ; elle est l'oeuvre de Georges DRIESSENS, à partir d'une version en tibétain. Puis, en 2002, paraît, à titre posthume, celle de Guy BUGAULT, sous le titre Stances du milieu par excellence de Nâgârjunâ, qui, elle, est la première version intégrale établie à partir du sanscrit. Enfin, en 2008, à l'occasion d'une visite du Dalaï-lama, qui souhaite en expliciter quelques chapitres, Patrick CARRÉ supervise, en s'appuyant sur une recension tibétaine, l'ultime traduction connue à ce jour des Stances fondamentales de la Voie médiane.


N'étant ni sanscritiste, ni sinologue et encore moins tibétologue, j'ai utilisé le travail de ces vénérables prédécesseurs, de manière à obtenir une nouvelle version débarrassée de tout commentaire (d'abord sous forme manuscrite à mon seul usage), afin de restaurer dans sa pureté originelle : "un usage du langage au summum de son utilisation pour faire surgir L'INTUITION METAPHYSIQUE", selon l'heureuse formulation de mon ami P. S. J'ai également emprunté des "bonheurs d'expression" à des traductions partielles antérieures, toujours en français : un chapitre figurant dans le Traité de l'acte de Vasubandhu traduit par Etienne LAMOTTE (1936) ; Cinq chapitres de la Prasannapadâ, dans l'ouvrage du même titre publié par J.W. De JONG (1949) ; enfin, douze chapitres extraits du Commentaire limpide au Traité du Milieu de Candrakîrti, par Jacques MAY (1959).
 

Ces trois auteurs ayant eu le bon goût de ne pas empiéter sur le domaine défriché par leurs pairs, je disposais donc de quatre versions différentes pour dix-huit des vingt-sept chapitres que comporte le Traité - soit les deux tiers - et de trois traductions récentes pour les neuf restants. Professeur certifié de lettres modernes, en établissant mon propre texte- qui, de fait, tient plus du "démarquage" que du plagiat - j'ai privilégié, dans la mesure du possible, la "leçon" qui m'apparaissait la plus à la portée d'un lecteur contemporain qui, sans être spécialiste de logique en tant que discipline, devra néanmoins - dans l'idéal - entretenir une certaine familiarité avec les notions clés du bouddhisme.
 

À ma connaissance et sauf erreur de ma part, mais vous me direz si je me trompe (?), les deux autres traités n'avaient jamais encore été traduits en français. Pour qu'un public francophone non expert puisse s'en faire une petite idée, je me suis donc rabattu sur deux versions de ces oeuvres dans une traduction anglaise.

Titulaire d'un baccalauréat littéraire, avec anglais comme première langue vivante, j'ai en effet étudié la langue de Shakespeare à un niveau universitaire, durant deux ans en classes préparatoires (lettres supérieures et khâgne à Nantes). Puis, après l'université, j'ai passé une année scolaire en Angleterre, au College of Education de Lancaster, un équivalent de nos I.U.F.M. Enfin, au fil de mes affectations successives, si mon passeport était français, l'anglais m'a souvent servi de visa dans mes relations et mes déplacements. En particulier, pendant six ans (de 1988 à 1994), j'ai dirigé l'Alliance française de Lahore (PAKISTAN), c'est-à-dire aux portes de l'ancien royaume du Gandhara, dont le bouddhisme a vu la naissance du mahayana et influença de manière importante celui d'Extrême-Orient par ses premiers missionnaires et traducteurs actifs, à une porté de voix - ou presque - de l'actuelle Dharamsala. Ainsi, pendant six ans, j'ai utilisé l'anglais au quotidien, dans ma vie professionnelle comme dans des contacts d'ordre privé et puis donc revendiquer une certaine compétence en la matière.


Pour le Traité des douze portes (de la doctrine) j'ai utilisé la traduction du chinois en anglais établie par Hsueh-li CHENG, du Département de philosophie et d'études religieuses à Hilo (Université de HAWAÏ), publiée en 1982 et consultable sur la Toile. J'ai également traduit en français les commentaires des stances qui figurent dans l'ouvrage et sont, eux aussi, traditionnellement attribués à Nâgârjuna en personne. Cette paternité est cependant remise en question, en particulier par le spécialiste Chr. LINDTNER pour qui le traité en question serait dû à un certain "Piṅgala" (= reconstitution d'une forme sanscrite d'après un terme tibétain) qui aurait compilé Traité du milieu et un autre texte de Nâgârjuna, les Soixante-dix vers sur la vacuité, dont sont issus tous ceux qui composent les stances de ces Douze portes de la doctrine, finalement un peu à la manière dont j'en ai cavalièrement usé avec celles des versions françaises du Traité du milieu ! Maintenant, on peut aussi se ranger à l'avis de P. S., pour qui : "Il faut bien que les
universitaires remettent tout en cause. C'est aussi leur travail ! … Sont-ils sur la Voie du Dharma du Buddha? Ce n'est pas certain, alors … Ce qui est important, c'est le contenu Dharmique d'un texte et les textes signés d'un Nâgârjuna sont irréfutables."


Par contre, je n'ai pas touché à l'introduction rédigée par Bimal Krishna MATILAL, ni à la préface de Hsueh-li CHENG lui-même ni à celle d'un commentateur chinois du Ve siècle ou à sa table des matières. J'ai également passé sous silence les COMMENTaireS épars dans le texte, au fil des paragraphes, intrusions signalées par le symbole " ȼ- -" précédant donc les propres compléments d'information du traducteur en anglais qui également, en universitaire scrupuleux, y recense méticuleusement tous les renvois aux emprunts que je viens de signaler. Par contre, quand ils ne présentaient pas - à mes yeux - un caractère trop savants, j'ai intégré à ma traduction en français (en italiques et entre parenthèses) les quelques éclaircissements supplémentaires indispensables à la compréhension, numérotés comme des notes en bas de page, mais que Hsueh-li CHENG, lui, a préféré regrouper à la fin de son texte, les classant alors par chapitres.


Je rappelle que je me situe dans la perspective pédagogique d'un vulgarisateur, soucieux de diffuser des connaissances autant que de partager une émotion, position que je ne saurais mieux formuler que ne l'a fait Georges DRIESSENS avant moi : "Nous ne possédons ni le savoir ni les compétences des savants ayant travaillé sur la philosophie du Milieu. Ce livre est destiné avant tout aux personnes lassées de l'interminable errance dans le cycle, en quête du chemin menant à la plénitude." (préface à L'entrée au milieu - Madhyamakâvatâra - de Chandrakirti,
Editions DHARMA, 1985).


Enfin, en ce qui concerne les Cent stances d'Âryadeva (en fait, seulement la première partie fut traduite par Kumaräjîva qui exclut la seconde comme pas très utile pour ses compatriotes), donc pour les dix premiers chapitres de l'oeuvre complète - chaque chapitre réunissant cinq strophes -, je me suis tourné vers la traduction en anglais figurant parmi les Pre-Diṅnāga Buddhist Texts on Logic, from Chinese sources réunis par Giuseppe TUCCI, dès 1929, et publiés par l'Institut Oriental de Baroda dans l'État du Gujarat, en INDE dont Diṅnāga (480-540) fut un célèbre réformateur fondateur de la nouvelle logique bouddhique, disciple de Vasubandhu, le célèbre demi-frère d'Asanga, natif comme lui de l'actuelle Peshawar (capitale de l'ancienne Province de la Frontière du-Nord-Ouest du PAKISTAN d'aujourd'hui), mais en qui "Il Professore", en rupture avec les traditions chinoise et tibétaine à ce sujet, hésitait quelque peu à voir le mystérieux "Vasu" censé être l'auteur du commentaire qui accompagne les Cent stances, vers après vers, et que j'ai également traduit.


Comme avec Hsueh-li CHENG, j'ai intégré au fil de ma traduction, toujours (en italiques et entre parenthèses), une sélection des quelques notes que Giuseppe TUCCI fournit en annexe, écartant celles s'adressant visiblement à des spécialistes ayant accès aux textes anciens dans leur langue originelle et en mesure d'entreprendre des études comparatistes réservées aux seuls initiés. Le texte est en lui-même assez ardu, par la qualité d'attention qu'il suppose et la gymnastique mentale qu'il impose, pour s'épargner de l'encombrer de ces références supplémentaires qui cautionnent le sérieux du travail d'interprétation entrepris par le chercheur dans l'élaboration de son texte.


Voilà, celui des TROIS TRAITES est prêt, faisant respectivement


- 45 pages pour les Stances racines de la Voie du Milieu de Nâgârjuna ou MADHYAMAKAKĀRIKĀS ;

- 43 pages pour son Traité des douze portes (de la doctrine), DVĀDAŚANIKĀYAŚĀTRA ;

- 72 pages pour les Cent stances d'Âryadeva ou ŚATAŚĀSTRA (prononcer "Shata Shastra").
 

Soit 160 pages au format A4 (recto 21X28) - compter près du double au format poche - qui n'attendent plus qu'un éditeur pour devenir le bréviaire que tout bouddhiste digne de ce nom aura pour compagnon dans ses méditations et amené à tenir désormais lieu de crâne sur la table de chevet des cellules monastiques... C'est dans cette intention que je vous contacte, car il ne me reste plus qu'à corriger les épreuves, qui sont déjà imprimées, pour y supprimer les coquilles, apporter quelques ultimes améliorations au style et vérifier la fidélité du contenu des notes, par exemple, en allant à la Médiathèque de NANTES consulter un dictionnaire sanskrit-français.

Par ailleurs, il y a maintenant près d'un an et demi, afin de m'approprier leur contenu (et même si je les oublie l'un après l'autre après les avoir appris), je me suis lancé la gageure qui consiste à mémoriser, à mon rythme, le contenu des vingt-sept chapitres du Traité du milieu que, dans cette intention, j'ai classé par ordre croissant du nombre de versets (il y en a 448 en tout) ; pour l'instant, j'en suis à 60,5 % mais les cinq ou six chapitres qu'il me reste à couvrir sont bien sûr les plus longs... Or, j'aimerais bien en avoir terminé avant la parution des TROIS TRAITÉS. Ensuite, dès l'obtention d'un accord de principe, je préparerai une courte préface, ne serait-ce que pour rendre hommage aux auteurs dont j'ai utilisé les productions, auxquelles je renverrai pour approfondir ce premier contact avec chacun des TROIS TRAITÉS, et de qui il sera à nouveau question dans une brève notice bibliographique. Pour le reste, les commentaires adjoints aux Douze portes et aux Cent stances apportent a posteriori suffisamment d'éclairage au Traité du milieu pour en baliser l'approche ; une École, dont ils constituent le socle, a même pu s'ériger à partir des échanges que les trois textes réunis entretiennent entre eux, en un fascinant jeu d'échos et de mise en abyme.


Donc cela laisse un peu de temps devant nous... Néanmoins, je souhaiterais savoir à quoi m'en tenir, de manière à me tourner vers les éditeurs spécialisés institutionnels pour leur soumettre ma proposition. Autrement dit, et quelle que soit votre décision, merci de me répondre pour m'indiquer si, oui ou non, vous retenez mon travail en vue de le publier. En cas de refus, les motivations qui ont guidé votre choix m'intéressent également, donc, avis attendu même si négatif plutôt que fin de non recevoir et "Noble" Silence, peu digne de bodhisattvas en herbe.


Sachez aussi que je suis en mesure d'intervenir dans le Centre que vous animez, dans le cadre d'une présentation de Nâgârjuna et de son oeuvre, dont que je suis devenu familier depuis près de cinq ans que je la fréquente d'assez près, elle et ses exégètes (Guy BUGAULT en tête) ; en fait, depuis que le Dalaï Lama a attiré l'attention de son auditoire sur le Traité du Milieu, au terme de la conférence publique prononcée lors de sa venue à Toulouse, en août 2011, prenant bien soin de mettre en garde contre le caractère abrupt de ce traité de logique car, si les paradoxes proprement vertigineux qui s'y déploient avec brio, peuvent effectivement apporter une aide précieuse dans la résolution des kôans les plus abscons, cependant, il faut bien le reconnaître, cela ne se lit pas
comme un roman policier, quoique ?


Dans la limite de mes modestes moyens, je suis donc tout disposé à accompagner dans leur marche d'approche, les quelques téméraires qui voudraient se risquer à gravir les flancs escarpés de l'un ou l'autre des ouvrages qui composent le massif des TROIS TRAITÉS. Je tiens également à leur disposition une version originale en français d'un autre écrit issu de la plume de Nâgârjuna : la VIGRAHAVYĀVARTANĪ que Patrick CARRÉ rend par Réponse aux objections. En effet, dans ce petit ouvrage, qui en est comme le prolongement, le philosophe indien anticipe, sous forme d'un dialogue aux allures socratiques, les critiques que ne manquera pas de formuler tout sophiste à la lecture du copieux manuel de logique Madhyamaka. Ces différentes objections - portant principalement sur l'épistémologie : "les moyens de connaissance juste" - sont exposées en une vingtaine de stances tandis que Nâgârjuna décline sa riposte, répliquant point par point, en une cinquantaine de strophes qui présentent ses contre-arguments. Comme pour le Traité, j'ai élaboré mon propre texte à partir des traductions déjà existantes : deux en français (Susumu YAMAGUCCHI, 1929, et Prajnâmitra, 1982) et quatre en anglais (Giuseppe TUCCI, 1929, Frederick J. STRENG, 1967, Kamaleswar BHATTACHARYA, 1978, et Jan WESTERHOFF, 2010).


Resterait également à en rédiger le commentaire – à partir des quatre versions différentes déjà traduites au brouillon – mais, en attendant de fixer ces étais pour consolider la version écrite* de l'ouvrage, je suis d'ores et déjà prêt à guider de la voix un groupe d'aventuriers décidé à emprunter ce tunnel qui mène droit au coeur de la pensée du Maître indien, à franchir, en quelque sorte cette treizième " Porte " d'accès donnant sur la non-doctrine, c'est-à-dire, ni plus ni moins, à son absence.
 

Je vous quitte, dans l'attente d'une prompte réponse, vous remerciant de votre attention (!) et en vous souhaitant un bon début de semaine (A SUIVRE). Voici mes coordonnées :


moisanjacques@yahoo.fr


* dont la sortie peut attendre l'accueil réservé aux TROIS TRAITÉS "à la source du Zen"...

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