mardi, septembre 22, 2015

L'Anarchisme chrétien



A propos du livre de Falk Van Gaver et Jacques de Guillebon, « AnarChrist ! Une histoire de l’anarchisme chrétien », François de Lens écrit :

« Le catholique a beaucoup à apprendre de l’anarchiste et de sa radicalité. Le refus de « la toute-puissance de l’État moderne », du « capital prédateur », causes de biens des maux actuels, n’a en effet pas été intégré par la plupart des disciples du Christ. Lesquels se contentent le plus souvent de mener une petite vie bien rangée et de voter à droite, sans faire trop de remous. Ni se remettre en question.

Or, c’est bien vers une remise en question que nous amène « l’anarchrisme », comme les auteurs désignent l’anarchisme chrétien. Convoquant avec profusion des auteurs variés (Tolstoï, Thibon, Proudhon, Jünger, Rimbaud…), ce recueil de textes stimulants proposé par Van Gaver et Guillebon nous pousse dans nos retranchements. Ils nous disent : « Si vous êtes pour “une société libre, digne, décente, juste, humaine, communautaire, familiale, locale, villageoise, amicale, une vie libre, simple, naturelle, décente et digne d’être vécue”, alors vous êtes anarchistes. » Quel chrétien, alors, ne serait pas anarchiste ? »

L'Eglise est antichristique. Depuis son alliance avec l'empire romain (Constantin), elle a trahi l'enseignement émancipateur de Jésus en édulcorant son message révolutionnaire et en soumettant les chrétiens à l'autorité de prédateurs religieux et politiques (les papes et les empereurs).

L’Église a légitimé l'État (autocratique ou démocratique). Or l'État n'a jamais fait régner l'équité et la sécurité. Au contraire, il perpétue un système hypocrite fondé sur les inégalités, les injustices, la violence, l'esclavage économique...

La démocratie représentative est une machiavélique imposture politique. La faible minorité de profiteurs, possédant la richesse et l'appareil médiatique, impose sa volonté à la majorité réduite au travail jusqu'à un âge avancé (près de 70 ans, entre 65-67 ans en Allemagne, Australie, Grèce, etc.). Les esclavagistes des temps modernes se présentent comme des bienfaiteurs quand ils offrent du travail à un peuple conditionné pour consommer des produits inutiles.

L'esclavage moderne

L'anarchiste chrétien Léon Tolstoï écrit :

L'Etat, « est nuisible et dangereux parce qu'avec lui tout le mal qui existe dans la société, au lieu de diminuer et de se corriger, augmente et s'affermit. Et le mal augmente et s'affermit parce qu'il est soit dissimulé, soit justifié et revêtu de formes séduisantes.

Cette prospérité du monde, cette œuvre tant vantée des gouvernements fortement organisés, c'est-à-dire des gouvernements qui conduisent les peuples par la violence, n'est à la vérité qu'une apparence, une fiction.

Il est certain que toute révolution et, plus que toute autre, la suppression des gouvernements, de la violence organisée, troublera la belle ordonnance extérieure de nos sociétés, mais elle ne causera pas leur désorganisation, car elle fera paraître ce qui est aujourd'hui caché et nous permettra d'y porter remède.

« Vos lois ne protègent pas la propriété de la terre; elles permettent seulement qu'on enlève la terre à ceux qui la travaillent. Vous empêchez, dites-vous, que l'on dépouille qui que ce soit des produits de son travail, mais en réalité c'est le contraire que vous faites; les hommes qui produisent de leurs mains toutes sortes d'objets précieux ne peuvent même pas trouver dans votre prétendue protection le moyen de se faire payer de leur travail un prix égal à sa valeur et leur vie entière est au pouvoir de ceux qui ne travaillent pas. »

On dit qu'avec les gouvernements disparaîtront les grandes œuvres sociales, les établissements d'instruction et d'éducation qui sont d'utilité publique.

Mais quelles raisons a-t-on de faire une pareille supposition ?

Nous remarquons au contraire que de nos jours, dans les circonstances les plus diverses, les hommes parviennent eux-mêmes à organiser des œuvres utiles beaucoup mieux que n'y réussissent les gouvernements. Nous voyons se développer, sans l'appui des gouvernements et souvent même malgré leur opposition, toutes sortes de fondations sociales.

À supposer qu'il faille, pour créer une œuvre semblable, réunir une certaine somme d'argent, pourquoi penserait-on que les hommes ne fourniraient pas de leur plein gré les moyens nécessaires et ne feraient pas ce qui se fait aujourd'hui, grâce à l'impôt, si le but de l'entreprise devait être vraiment profitable à la société ?

Nous sommes tellement corrompus par un long esclavage que nous ne pouvons pas concevoir que des hommes s'administrent sans gouvernement.

La protection de la propriété de la terre par la violence des gouvernements n'empêche pas la lutte des convoitises mais au contraire la provoque et l'exaspère. Elle n'a servi qu'à pousser les hommes les uns contre les autres, à les armer pour cette mêlée des intérêts qu'elle a suscitée, qui jamais ne s'apaise, et d'où sortent toujours vaincus les travailleurs de la terre, toujours victorieux les complices de la violence.

Les hommes n'ont pas besoin non plus d'être protégés par la violence pour jouir paisiblement des objets nécessaires à la vie qu'ils ont produits par leur travail. Ce droit leur a toujours été suffisamment garanti par la coutume, l'opinion publique, le sentiment de la justice et de la solidarité sociale.

Celui qui possède dix mille hectares de forêts, quand près de lui des milliers d'hommes manquent de bois pour se chauffer, celui-là a besoin d'être protégé par la violence. Cette protection est aussi nécessaire aux patrons des usines et des fabriques où sont exploitées des générations d'ouvriers, et davantage encore au marchand qui détient dans ses entrepôts des centaines de milliers de poudes de blé, attendant une année de disette pour les vendre avec un scandaleux bénéfice aux populations affamées.

Le système de violences qui protège actuellement une injuste propriété, s'il n'a pas complètement détruit, a du moins sensiblement affaibli chez les hommes l'idée naturelle de justice qui commande de ne pas usurper sur autrui les objets de consommation nécessaires, produits de son travail — c'est-à-dire cette notion innée du véritable droit de propriété, sans laquelle l'humanité ne peut vivre, qui a toujours existé et existe encore dans la société.

Est-il prouvé que ces gouvernants soient dignes par leurs qualités singulières de diriger l'humanité ?

Le fait même qu'ils s'autorisent à user de violence envers leurs semblables démontre au contraire que leur raison est inférieure à celle des hommes qui leur sont soumis.

Et il arrive en effet qu'au pouvoir parviennent toujours les hommes les moins consciencieux et les plus dépourvus de moralité.

On dit : comment les hommes pourraient-ils vivre sans gouvernement, c'est-à-dire sans redouter la violence ?

Il faudrait dire au contraire : comment les hommes, créatures raisonnables, peuvent-ils vivre ainsi groupés en sociétés par la crainte commune de la violence et non par le consentement de la raison de chacun ?

L'ESCLAVAGE des hommes est la conséquence des lois, les lois sont établies par les gouvernements. Pour délivrer les hommes, il n'est donc qu'un moyen, c'est la destruction des gouvernements.

(Mais) Essayer de détruire la violence par la violence, c'est vouloir éteindre le feu par le feu, inonder un pays pour refluer les eaux d'un fleuve qui déborde, c'est creuser un trou dans le sol pour avoir de la terre afin d'en combler un autre.

Si donc il existe un moyen de détruire l'esclavage, ce ne peut être l'institution d'un nouveau système de violence, mais l'anéantissement de ce qui rend possible la violence des gouvernements. Or les gouvernements, c'est-à-dire un petit nombre d'hommes, ne peuvent user de violence contre la grande majorité des hommes, que s'ils sont armés et leurs victimes désarmées ou tout au moins s'ils sont mieux armés que leurs victimes.

C'est grâce à cette inégalité que tous les conquérants ont accompli leurs exploits, et que, de nos jours encore, on asservit des peuples en Afrique et en Asie, c'est aussi grâce à elle qu'en temps de paix les gouvernements tiennent leurs sujets dans une respectueuse soumission.

Aujourd'hui comme autrefois, quand des hommes gouvernent d'autres hommes, c'est que ceux-là sont armés et que ceux-ci ne le sont pas.

Les gouvernants vont à leur but par la ruse et le mensonge.

Aujourd'hui que le peuple est menacé non plus seulement par la simple violence, mais par la ruse mise au service de la violence, il faut pour détruire celle-ci la démasquer d'abord et jeter bas le mensonge qui la couvre.

Ce mensonge, le voici tel qu'il a été imaginé par quelques hommes :

Vous êtes nombreux, disent ces hommes à leurs peuples. Vous êtes inintelligents et ignorants et vous ne pouvez ni vous diriger vous-mêmes, ni organiser tous les services et toutes les œuvres qui pourraient avoir une utilité sociale. Nous allons nous charger de tout cela : nous vous défendrons contre vos ennemis extérieurs, nous réglerons et nous ferons observer l'ordre qui devra régner parmi vous, nous vous donnerons des tribunaux, nous fonderons et nous dirigerons pour vous des établissements et des services utiles, nous nous occuperons des écoles, des voies de communication, des postes, et en général nous nous efforcerons d'assurer votre bien-être. Pour tant de zèle, nous vous demandons seulement de nous accorder quelques petites satisfactions, par exemple, de nous abandonner complètement une minime partie de vos revenus et de servir dans les armées, qui nous sont nécessaires pour vous défendre et vous gouverner.

Et la majorité des hommes acceptent cet arrangement, non pas qu'ils aient jamais pesé les avantages et les inconvénients de toutes ces conditions (ils n'en ont jamais eu la possibilité) mais parce que depuis leur naissance ils y sont soumis. Si l'un d'eux doute un moment que cette organisation soit nécessaire, il se rend bientôt aux raisons de son égoïsme qui lui représente tout ce qu'il aurait à craindre, s'il refusait de remplir les clauses du contrat, tandis qu'il peut essayer de les faire tourner à son profit. Et tous en fin de compte prennent les engagements qu'on leur propose, pensant que l'obligation de céder à l'État une petite partie de leurs revenus et de consacrer quelque temps de leur vie à servir dans les armées ne saurait en somme leur causer de grave préjudice. Cependant, les gouvernements, dès qu'ils ont à leur disposition de l'argent et des soldats, au lieu de remplir l'obligation, qu'ils ont acceptée, de défendre leurs sujets contre les ennemis du dehors et de veiller à leur prospérité, font tout ce qu'ils peuvent pour irriter les peuples voisins et provoquer des guerres. Non seulement ils ne contribuent pas à la prospérité des peuples mais ils les ruinent et les pervertissent.

La discipline est une méthode particulière pour l'éducation des hommes, qui réussit en quelque temps à les priver du bien le plus précieux, de la qualité la plus importante de leur nature — la raison libre — et qui les réduit à jouer le rôle de machines, d'instruments de carnage entre les mains de leurs supérieurs hiérarchiques.

Ce n'est pas sans raison que les présidents font si grand prix de la discipline, s'effrayent chaque fois qu'elle a été violée, et attachent une importance considérable aux revues, aux manœuvres, aux parades, aux défilés et à toutes les sottises du même genre. Ils savent que toutes ces manifestations publiques servent à fortifier la discipline et que par la discipline seule est garantie leur puissance, sinon même leur existence. Ils tiennent au système des armées disciplinées, parce qu'il leur fournit le moyen de faire accomplir par d'autres hommes les horribles forfaits dont la seule terreur courbe les peuples sous leurs lois.

La nécessité des armées disciplinées — voilà le mensonge par lequel les gouvernements règnent sur les peuples. Il suffit qu'un gouvernement dispose de cet instrument de violence et de meurtre pour qu'il prenne autorité sur le peuple tout entier. Dès lors il ne le lâchera plus, il le ruinera et, comme pour le bafouer, il prendra à cœur d'en faire, par l’éducation, son fidèle, son adorateur même à lui, gouvernement, qui le tient en esclavage et le tourmente.

Nous n'avons donc qu'un moyen de renverser les gouvernements, c'est de dénoncer aux hommes le mensonge officiel. Il faut leur faire comprendre que les peuples n'ont aucun besoin de se mettre en garde les uns contre les autres, que les haines entre peuples sont provoquées par les gouvernements eux-mêmes et par eux seulement, que les armées sont utiles aux quelques hommes qui gouvernent, mais qu'elles sont inutiles ou même funestes aux peuples, dont elles facilitent l'asservissement.

Il faut encore leur faire comprendre que cette discipline, que les gouvernements prisent si fort, a pour condition le plus grand crime qui se puisse commettre contre l'humanité et que par conséquent l'emploi systématique qu'en font les gouvernements prouve clairement la méchanceté de leurs desseins.

La discipline, c'est la mort de la raison et de la liberté humaine; elle ne peut donc avoir d'autre but que de préparer l'exécution de forfaits si révoltants que tout homme dans son état normal se refuserait à les accomplir.

Le seul but de la discipline est de mettre les hommes en état de tuer leurs frères et leurs pères.

Ce mensonge terrible, sous le couvert duquel quelques hommes mauvais gouvernent les peuples, les ruinent et, ce qui est pis encore, pervertissent dès le berceau générations après générations – c'est lui que nous devons dénoncer et confondre, si nous voulons détruire les gouvernements et leur produit naturel, l'esclavage.

Les gouvernements dépouillent de préférence les pauvres, et favorisent les riches qui les aident au crime.

Les hommes de gouvernement n'aventurent pas leurs personnes et n'agissent eux-mêmes que par la ruse et le mensonge.

Et Les gouvernements protègent et récompensent les hommes à proportion de la part qu'ils prennent à l'organisation du mensonge.

Tant que l'homme n'a pas compris ce que c'est qu'un gouvernement ou ce que c'est qu'une Église, il ne peut leur témoigner qu'un pieux dévouement. Tant qu'il se laisse guider par eux, il doit croire, pour satisfaire son amour-propre, à leur grandeur et à leur sainteté.

Mais, dès qu'il s'est aperçu qu'il n'y a ni dans le gouvernement, ni dans l'Église rien d'absolu et de sacré et que ce sont là simplement inventions des méchants pour imposer au peuple, d'une manière déguisée, une façon de vivre qui soit utile à leurs intérêts, il est pristout aussitôt d'un sentiment de dégoût pour ceux qui le trompaient indignement, et ce revirement est d'autant plus profond, que la fiction dont il découvre la vanité le guidait autrefois sur des questions plus graves.

Les hommes connaîtront ce dégoût à l'endroit des gouvernements, quand ils auront compris le véritable sens de ces institutions.

Ils comprendront que s'ils participent à l'œuvre des gouvernements – en donnant une somme d'argent qui représentera une part des produits de leur travail, ou en servant dans les armées – ils ne feront pas en cela un acte indifférent, comme on le croit d'ordinaire, mais un acte coupable parce que, outre le préjudice qu'ils auront ainsi causé à leurs frères et à eux-mêmes, ils auront accepté de collaborer aux crimes que tous les gouvernements ne cessent de commettre et à la préparation des crimes futurs pour lesquels les gouvernements entretiennent des armées disciplinées.

Le moment est proche, où le monde comprendra enfin que les gouvernements sont des institutions inutiles, funestes et au plus haut point immorales, qu'un homme qui se respecte ne doit pas soutenir et qu'il ne doit pas exploiter à son profit.

Et quand ces hommes auront compris cela, ils cesseront de collaborer à l'œuvre des gouvernements en leur fournissant des soldats et de l'argent. Alors tombera de lui-même le mensonge qui tient les hommes en esclavage.

Il n'y a pas d'autres moyens d'affranchir l'humanité.

« Mais ce ne sont là que des idées générales ; justes ou injustes, elles sont inapplicables. » Ainsi me répondent les hommes qui se sont accoutumés à leur état et qui ne croient ni possible, ni désirable d'y rien changer.

« Dites-nous plutôt, continuent-ils, ce qu'il faut faire et comment il conviendrait d'organiser la société. »

Quiconque veut servir les hommes doit sacrifier son égoïsme et que, s'ils veulent réellement porter secours à leurs frères et non pas satisfaire des convoitises personnelles, ils doivent être prêts à bouleverser leur vie, à renoncer à leurs habitudes, à perdre les avantages dont ils jouissent aujourd'hui, à soutenir une lutte acharnée avec les gouvernements, surtout avec eux-mêmes et avec leurs familles, prêts enfin à braver la persécution par le mépris des lois.

En second lieu ne payer aux gouvernements ni l'impôt direct, ni l'impôt indirect, ne rien recevoir de l'argent du fisc sous forme d'appointements, de pensions ou de récompenses et ne jamais demander un service aux établissements entretenus par l'État avec les ressources du peuple ; il devra, en troisième lieu, ne jamais demander à la violence des gouvernements ni de lui garantir la propriété d'une terre ou d'un objet quelconque, ni de défendre sa personne et celle de ses proches, et ne profiter de la terre ou de tous les produits de son travail ou du travail d'autrui que dans la mesure où ces objets ne feront pas défaut à d'autres hommes.

« Mais tout cela est impossible, répond-on, il est impossible de refuser toute participation à l’œuvre des gouvernements. »

L'homme qui refusera de faire son service militaire sera jeté en prison ; celui qui refusera de payer l'impôt sera puni et se verra confisquer une partie de ses biens; l'homme qui refusera de servir le gouvernement, quand il n'aura pas d'autre moyen d'existence, se condamnera et condamnera sa famille à mourir de faim; celui qui refusera de mettre sa propriété et sa personne sous la protection du gouvernement finira de même; enfin, il est impossible de ne pas faire usage d'objets imposés, puisque le plus souvent les objets de première nécessité sont taxés : il est également impossible de ne jamais recourir aux services publics organisés par les gouvernements, de ne jamais se servir de la poste, des routes, etc.

Il est absolument certain qu'il est difficile à un homme de notre temps de ne pas participer de quelque façon à la violence de gouvernements.

Mais, que tous les hommes ne puissent pas aujourd'hui organiser leur vie de manière à ne plus être, dans aucun cas, les collaborateurs des gouvernements, cela ne prouve pas qu'ils ne puissent s'affranchir de plus en plus de la violence.

Tout homme n'a pas la force de refuser le service militaire (il y a cependant des hommes qui le font) mais tout homme peut ne pas choisir les carrières de l'armée, de la police, de la magistrature ou des finances et peut préférer à un emploi public grassement rétribué un métier indépendant et moins rémunérateur.

Tout homme n'a pas la force de renoncer à la propriété de la terre (il y a cependant des hommes qui le font) mais tout homme peut, comprenant qu'ils sont criminels, restreindre volontairement ses droits.

Tout homme ne peut pas faire abandon du capital qu'il possède (il y a cependant des hommes qui le font) et renoncer aux droits de propriété que la violence lui assure sur certains objets, mais tout homme peut diminuer ses besoins et s'accorder de moins en moins les jouissances qui excitent l'envie des autres hommes.

Tout homme ne peut pas refuser de recevoir un traitement de l'État (il y a cependant des hommes qui aiment mieux souffrir de la faim que de remplir quelque malhonnête fonction publique), mais tout homme peut préférer un emploi modeste à un gros bénéfice, afin d'avoir moins de part à la violence.

Tout homme ne peut pas refuser de suivre les leçons d'une école de l'État (il y a cependant des hommes qui le font), mais tout homme peut préférer une école particulière à une école d'État. Tout homme peut faire usage de moins en moins des objets imposés et des services dirigés par l'État.


Entre l'ordre de choses actuel, fondé sur la grossière violence, et l'idéal de la vie sociale où les hommes seront rapprochés par leur consentement raisonnable, où les coutumes seules maintiendront la cohésion, il existe d'innombrables degrés que l'humanité toujours en marche parcourt successivement. Mais les hommes ne se rapprochent de cet idéal qu'en s'affranchissant graduellement, en se déshabituant de la violence, en renonçant à en profiter.

Nous savons à n'en pas douter que l'existence des hommes qui, ayant compris l'immoralité et la funeste influence des gouvernements, s'efforceront de n'en plus profiter et de n'y plus contribuer, sera tout autre et plus conforme aux lois de la vie et de notre conscience que l'existence actuelle des hommes qui, participant à la violence des gouvernements et en bénéficiant, font mine de vouloir la combattre et tendent seulement à en changer les formes.

Ce qu'il est important de retenir, c'est que l'organisation actuelle de la société est mauvaise. Elle aboutit à l'esclavage et nous trouvons qu'elle repose sur la violence des gouvernements. Or pour détruire la violence des gouvernements, les hommes n'ont qu'un moyen, qui est de ne plus participer à cette violence. Les hommes n'ont qu'un moyen de s'affranchir, ils doivent le prendre.

Quand sera remplacé dans chaque société le règne de la violence par celui du consentement libre et raisonnable des hommes ?

Cela dépendra du nombre des esprits qui, dans chaque pays prendront conscience du mal et du degré de clarté avec lequel ils le percevront. Chacun de nous, isolément, peut collaborer au mouvement général de l'humanité, ou au contraire y faire obstacle.Chacun de nous devra choisir : aller contre la volonté de Dieu en construisant sur le sable la demeure fragile de sa vie illusoire et passagère ou diriger ses efforts ans le sens de l'éternel, de l'immortel mouvement de la vie véritable, conformément à la volonté de Dieu.

Je sais que nous sommes tous si fortement assujettis à la violence qu'il nous est très difficile de la vaincre. Mais je ferai cependant tout ce que je pourrai pour ne pas la favoriser, pour ne pas être son complice et je m'efforcerai de ne jamais profiter de ce qui a été acquis et de ce qui est gardé par la violence.

Je n'ai qu'une vie et pourquoi dans cette vie si courte me ferais-je, contre la voix de ma conscience, le collaborateur de vos horribles forfaits ? Je ne veux pas être et je ne serai pas celui-là.

Léon Tolstoï, « L’esclavage moderne ».

Anar-Christ

Habitués aux clichés tardifs du type « ni Dieu ni maître », nous avons oublié que l'anarchisme, comme le premier socialisme d ailleurs, doit au christianisme plus qu à n'importe quelle autre doctrine ou philosophie. Jacques de Guillebon et Falk van Gaver nous plongent ici dans les eaux profondes de l'insoumission à l'ordre des hommes.

Fleuve souterrain aux détours sinueux, l'anarchisme chrétien irrigue depuis deux siècles la vie politique et intellectuelle du monde. Loin du « catéchisme révolutionnaire » de Netchaïev, des bombes de Ravachol et des cavalcades de Makhno, tantôt orthodoxe et tantôt hérétique, cette anarchie religieuse fonde la pensée de la non-violence, inspire les arts modernes, engendre la critique conjuguée de l'État et du libéralisme. Les anarchistes chrétiens furent les premiers à s'élever contre un monde rapace livré à la technique. Pour eux, l'« ordre sans le pouvoir » est le dernier mot temporel des enfants de Dieu.








dimanche, septembre 20, 2015

Jésus & le christianisme originel


Psychopathologie du Jésus mythique

par Michael

"Le christianisme centre sa mission sur la personne de Jésus, on pourrait dire de façon plus incisive, investit un personnel, un argent et une énergie considérable pour vendre cette personne à un marché religieux le plus large possible. Cependant, une étude simplement psychologique et critique de la personnalité de ce même Jésus est quasiment impensable, elle fait partie des tabous les mieux gardés de l'Occident…"

Jacques Vigne - "L'illusion missionnaire"


Mon parti est qu'au regard des dernières avancées en matière d'historiographie et d'archéologie Jésus est un personnage conceptuel, une construction mythologique, il existait à la même époque plus de 30 dieux solaires qui étaient né d'une vierge, mort et ressuscité. C'était Jésus, cela aurait pu être Attis, Cérès, Frey, Horus, Mardouk, Mithra, Nout, Ormuzd, Ule, etc... Nous pourrions entrer dans les détails de son élaboration mythologique un autre moment.

Si nous nous en tenons uniquement à la personnalité du Jésus des 4 évangiles estampillés label vaticanesque (il existait des centaines d'autres évangiles à l'époque, le Vatican a choisi ceux qui permettraient le moins de remise en question sur leur autorité) nous pouvons dégager une analyse rigoureuse sur l'attitude de ce personnage et ce que propose réellement un sage ou un initié à ses disciples au sein des traditions spirituelles authentiques.

Le but de cette démarche est la recherche de la vérité et de l'authenticité, elle ne vise pas les croyants sincères qui font le bien à leur niveau, mais les organisations religieuses qui profitent de leur sincérité pour en faire des commerciaux de dieu qui vont imposer cette foi au détriment du besoin d'autonomie de l'autre. Ce travail s'adresse donc aussi au chrétien et surtout à eux peut être, leur dire qu'il existe une façon de vivre leur spiritualité et de vivre en eux les valeurs évangéliques qui sont au fond des valeurs humaines, sans religions, sans soumission, libre, libre et aimant comme l'aurait voulu une personne comme Jésus si elle a existé en dehors de toutes récupérations religieuses. Il est fort possible qu'un tel sage ait existé comme il en a existé en Grèce, en Égypte, en Chine en Inde et ailleurs et qu'il y ait une parenté d'esprit en matière de sagesse, d'humilité et de libération de l'esprit humain des chaînes des croyances. L'idée est donc de démontrer comment le Jésus qui nous ait présenter par l'église est assez éloigné de ce que propose la sagesse la plus profonde.

Le problème centrale posé par le christianisme et finalement les monothéismes globalement est la question de l'exclusivisme. Cette idée qu'il nous faut nous soumettre à une croyance et à un personnage pour que nous soyons sauver et que tous les autres sont damnés. Voila déjà une racine psychopathologique de l'évangile que l'on nomme névrose narcissique et qui teinte la psyché chrétienne générant des angoisses et des débordements violents qui peuvent mener à la folie. Comment un chrétien peut il vivre sa vie et en harmonie avec ses semblables tout en croyant au fond de lui qu'ils seront damné car ils ne reconnaissent pas Jésus comme le fils de Dieu ?

Voici quelques morceaux choisis du délire narcissique du personnage Jésus, il faut bien comprendre comment croyant ou non croyant nous sommes conditionné dans notre arrière plan culturel à ne pas remettre en cause ce type d'assertion sans fondements :

"Je suis la voie, la vérité, la vie. Personne ne vient au Père, si ce n'est par moi. (Jean 14-6)

Aucun sage attestant d'une réalisation spirituelle authentique ne peut avoir la prétention égotique de prononcer de telles paroles qui si il les prononcé attesterai de la récupération du moi des expériences extatiques. Le Bouddha par exemple n'a jamais dit qu'il était le premier, il a énoncé qu'il en a eut d'autres avant lui et qu'il y en aurait d'autres après lui qui proposeraient des enseignements libérateurs et qu'il faisait parti d'une lignée interrompu d'être libéré vivant. On peut dire que sa spiritualité était laïque (je veux parle de l'enseignement du Bouddha, non du bouddhisme) c'est-à-dire universelle et ouverte à toutes celles et ceux qui ressentaient l'appel de la liberté profondément. Il existe aussi de telles aberration dans le bouddhisme religieux qui prend le Bouddha pour un dieu et croit qu'en dehors du bouddha les êtres restent prisonnier du samsara, la connerie est donc bien un trait de névrose largement diffusée dans le cerveau humain …

Puis : "Hors de moi vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas à moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche ; on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent." (Jean 15-6)

"Au reste, amenez ici mes ennemis, qui n'ont pas voulu que je régnasse sur eux, et tuez-les en ma présence." (Luc 19-27)

L'inquisition et les bûchers ardents ont été bien inspiré malheureusement …

Et des menaces paranoïaques :

"Oui, je vous le dis, les gens de cette époque seront punis pour tous." (Luc 11 47-51)

"Qui n'est pas avec moi est contre moi, et qui n'amasse pas avec moi dissipe. Aussi, je vous le dis, tout péché ou blasphème sera remis aux hommes. Mais le blasphème contre l'Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l'Esprit saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l'autre." (Matthieu 12 30-32).

Je sais qu'il y a toute une approche de la pensée moderne qui veut voir en Jésus que les aspects positifs et se refusent de voir comment c'est l'ensemble de l'approche qui conditionne à la schizophrénie entre un appel à l'amour et des menaces à la punition si l'on ne se soumet pas à son amour …

Et l'on fait porté uniquement porter le chapeau à des déformations de l'enseignement par l'église et puis on en reste là afin d'être spirituellement correct, je dis pourquoi pas, disons alors que toutes les paroles menaçantes de Jésus ont été rajouté par l'église et focalisons nous sur l'enseignement du Jésus des béatitudes. Oui mais …

Selon moi cela ne règle pas le problème de la pensée chrétienne dans son ensemble, car aux yeux de l'église les personnes qui bricolent avec les textes sont des hérétiques …

Il est tout aussi possible que ce soit les paroles les plus douces de Jésus qui furent rajouté pour atténué son égocentrisme prophétique …

Aucun sage qui enseignent la réalisation du divin en soi ne peut avoir la prétention à l'exclusivisme et aux menaces. Car de part sa réalisation spirituelle il connaît que tout est un et que chaque être en son temps peut travailler à révéler la perle qui vit dans son cœur et être libre de toutes formes d'aliénations idéologiques.


Je pense que dans la lignée du dieu jaloux et acariâtre, maudissant ses opposants de l'ancien testament le Jésus des juifs de l'époque a emprunté certaines tonalités autoritaire et dogmatique. Dans Luc 13, avec l'épisode de la tour de Siloé l'on peut voir :

"En ce temps-là survinrent des gens qui informèrent Jésus que Pilate avait mêlé le sang de galiléens à celui de leurs sacrifices , prenant la parole , il leur dit " Pensez-vous que pour avoir subi pareil sort ,ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens ?

Non , je vous le dis ; mais si vous ne vous convertissez pas , vous périrez tous pareillement .Ou ces dix-huit que la tour de Siloé a tués dans sa chute , pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les hommes qui habitent Jérusalem ? Non , je vous le dis ,mais si vous ne voulez pas vous convertir , vous périrez tous de même."

Voila comment les missionnaires voyaient les choses, si on ne se convertissez pas vu que l'on était tout de même damné alors autan les tuer rapidement puisque leur vie n'en était plus une …

Éloge du masochisme et de l'automutilation :

"Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne." (Matthieu 5:29)

S'en suivra toutes les abominations que les martyres ont laissé faire sur eux, puis les flagellations des moines, sans compter les instruments tortures pour les incrédules moyenâgeux. D'un point de vue spirituel et psychiatrique l'automutilation est un signe évident de psychose et de haine de soi.

Pour l’Éveillé la réalisation n'admet aucun canal, aucun intermédiaire soi-disant indispensable. Le divin se rencontre directement en soi par une connaissance de première main en le vivant du dedans et c'est tout ce qu'il est nécessaire, pas de croyances, juste oser l'expérience, nous devenons ce que l'on ose Être. L'enseignent spirituel n'est là que pour proposer des indications et de clarification afin d'aider l'autre à devenir son propre maître. Il est même reconnu est attesté que la réalisation spirituelle peut aussi exister dans enseignant spirituel. C'est une idée qui est évidente dans les traditions spirituelles de l'Inde entre autre.

Si ce personnage conceptuel de Jésus avait vraiment eut pour but de proposer un enseignement libérateur, il aurait pu dire : "J'ai réalisé l'unité et je vous le dit en vérité je peux vous montrer le chemin qui mène au Père en vous, car vous êtes tous les fils de dieu. Je ne suis qu'un homme comme vous mes frères et ce que je suis vous pouvez le devenir. Il existe un chemin, entrer en vous-même et libérez vous des lois, des livres, des croyances pour vivre le royaume éternel que vous êtes."

A vous amis chrétiens et aux autres, à quoi bon continuer à vous enchaîner à ce décorum alors qu'il existe des chemins plus sage, plus profond et libérateur qu'une vérité conditionné et qu'un amour conditionnel à un Jésus hypothétique ? Des siècles d'obscurité de l'esprit ne vous ont-t-il pas suffit ? Et si tout ce qui est caché doit être révélé alors ne pouvez vous voir dans mes mots une vérité qui a toujours été et qui peut libérer tous les êtres sans besoin de les maudire, de la convertir, de les aimer par faux-semblant ?

Méditons ensemble sur tout cela…

Le christianisme originel

J.M. d’Ansembourg écrit :


"Nous devons bien constater que les origines du Christianisme restent très mystérieuses et qu’aujourd’hui encore nous en sommes réduits à ébaucher des hypothèses pour tenter de meubler les grands pans d’ombre qui subsistent dans son histoire primitive."

J.M. d’Ansembourg défend "une thèse qui expliquerait bien des malentendus et qu’on ne peut rejeter facilement si on s’efforce réellement de réfléchir à la question en abandonnant tout préjugé (tant clérical qu’anticlérical). Cette thèse a été exprimée par René Guénon dans ses "Aperçus sur l’Esotérisme Chrétien", Edition Traditionnelles, Paris, 1971 :

« Loin de n’être que la religion ou la tradition exotérique que l’on connaît actuellement sous ce nom, le Christianisme, à ses origines, avait, tant par ses rites que par sa doctrine, un caractère essentiellement ésotérique, et par conséquent initiatique. On peut en trouver une confirmation dans le fait que la tradition islamique considère le Christianisme primitif comme ayant été proprement une tarîqah, c’est-à-dire en somme une voie initiatique, et non une shariyah ou une législation d’ordre social et s’adressant à tous ; et cela est tellement vrai que, par la suite, on dut y suppléer par la constitution d’un droit « canonique » qui ne fut en réalité qu’une adaptation de l’ancien droit romain, donc quelque chose qui vient entièrement du dehors, et non point un développement de ce qui était contenu tout d’abord dans le Christianisme lui-même. Il est du reste évident qu’on ne trouve dans l’Evangile aucune prescription qui puisse être regardée comme ayant un caractère véritablement légal au sens propre de ce mot ; la parole bien connue : « Rendez à César ce qui est à César… », nous paraît tout particulièrement significative à cet égard, car elle implique formellement, pour tout ce qui est d’ordre extérieur, l’acceptation d’une législation complètement étrangère à la tradition chrétienne, et qui est simplement celle qui existait en fait dans le milieu où celle-ci prit naissance, par là même qu’il était alors incorporé à l’Empire romain. Ce serait là, assurément, une lacune des plus graves si le Christianisme avait été alors ce qu’il est devenu plus tard ; l’existence même d’une telle lacune serait non seulement inexplicable, mais vraiment inconcevable pour une tradition orthodoxe et régulière, si cette tradition devait réellement comporter un exotérisme aussi bien qu’un ésotérisme, et si elle devait même, pourrait-on dire, s’appliquer avant tout au domaine exotérique ; par contre, si le Christianisme avait le caractère que nous venons de dire, la chose s’explique sans peine, car il ne s’agit nullement d’une lacune, mais d’une abstention intentionnelle d’intervenir dans un domaine qui, par définition même, ne pouvait pas le concerner dans ces conditions ».

« Pour que cela ait été possible, il faut que l’Eglise chrétienne, dans les premiers temps, ait constitué une organisation fermée ou réservée, dans laquelle tous n’étaient pas admis indistinctement, mais seulement ceux qui possédaient les qualifications nécessaires pour recevoir valablement l’initiation sous la forme qu’on peut appeler « christique » ; et l’on pourrait sans doute retrouver encore bien des indices qui montrent qu’il en fut effectivement ainsi, quoiqu’ils soient généralement incompris à notre époque, et que même, par suite de la tendance moderne à nier l’ésotérisme, on cherche trop souvent d’une façon plus ou moins consciente, à les détourner de leur véritable signification ». (p. 9 et 10)


"Il faut reconnaître, commente J.M. d’Ansembourg, que l’argument de Guénon a du poids ! Moïse, en fondant le Judaïsme, lui a donné des livres « législatifs » qui ont réglé toute la société juive (l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, etc.). De même, en transmettant la loi coranique, Mohamet a organisé le monde de l’Islam tant dans le domaine profane que religieux. Le Nouveau Testament n’a pas ce caractère « législatif » ; Guénon en déduit qu’il n’était pas destiné à féconder une religion nouvelle avec une société nouvelle ouverte à tous."

« Mais, poursuit J.M. d’Ansembourg, si les rites chrétiens étaient au départ proprement initiatiques et réservés, comment se sont-ils transformés en une religion s’adressant au public le plus large ? »

René Guénon répond :

« Il a dû s’agir là d’une adaptation qui malgré les conséquences regrettables qu’elle eut forcément à certains égards, fut pleinement justifiée et même nécessitée par les circonstances de temps et de lieu ».

« Si l’on considère quel était, à l’époque dont il s’agit, l’état du monde occidental, c’est à dire de l’ensemble des pays qui étaient alors compris dans l’empire romain, on peut facilement se rendre compte que, si le Christianisme n’était pas « descendu » dans le domaine exotérique, ce monde, dans son ensemble, aurait été bientôt dépourvu de toute tradition, celles qui y existaient jusque-là, et notamment la tradition gréco-romaine qui y était naturellement devenue prédominante, étant arrivées à une extrême dégénérescence qui indiquait que leur cycle d’existence était sur le point de se terminer . Cette « descente », insistons-y encore, n’était donc nullement un accident ou une déviation, et on doit au contraire la regarder comme ayant eu un caractère véritablement « providentiel », puisqu’elle évita à l’Occident de tomber dès cette époque dans cet état qui eût été en somme comparable à celui où il se trouve actuellement. Le moment où devait se produire une perte générale de la tradition comme celle qui caractérise proprement les temps modernes n’était d’ailleurs pas encore venu ; il fallait donc qu’il y eût un « redressement », et le Christianisme seul pouvait l’opérer, mais à la condition de renoncer au caractère ésotérique et « réservé » qu’il avait tout d’abord ; et ainsi le « redressement » n’était pas seulement bénéfique pour l’humanité occidental, ce qui est trop évident pour qu’il y ait lieu d’y insister, mais il était en même temps, comme l’est d’ailleurs nécessairement toute action « providentielle » intervenant dans le cours de l’histoire, en parfait accord avec les lois cycliques elles-mêmes ».

« Il serait probablement impossible d’assigner une date précise à ce changement qui fit du Christianisme une religion au sens propre du mot et une forme traditionnelle s’adressant à tous indistinctement ; mais ce qui est certain en tout cas, c’est qu’il était déjà un fait accompli à l’époque de Constantin et du Concile de Nicée, de sorte que celui-ci n’eut qu’à le « sanctionner », si l’on peut dire, en inaugurant l’ère des formulations « dogmatiques » destinées à constituer une présentation purement exotérique de la doctrine. Cela ne pouvait d’ailleurs pas aller sans quelques inconvénients inévitables, car le fait d’enfermer ainsi la doctrine dans des formules nettement définies et limitées rendait beaucoup plus difficiles, même à ceux qui en étaient réellement capables, d’en pénétrer le sens profond ; de plus, les vérités d’ordre plus proprement ésotériques, qui étaient par leur nature même hors de la portée du plus grand nombre, ne pouvaient plus être présentées que comme des « mystères » au sens que ce mot a pris vulgairement, c’est à dire que, aux yeux du commun, elles ne devaient pas tarder à apparaître comme quelque chose qu’il était impossible de comprendre, voire même interdit de chercher à approfondir. Ces inconvénients n’étaient cependant pas tels qu’ils pussent s’opposer à la constitution du Christianisme en forme traditionnelle exotérique ou en empêcher la légitimité, étant donné l’immense avantage qui devait par ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà dit, en résulter pour le monde occidental ; du reste, si le Christianisme comme tel cessait par là d’être initiatique, il restait encore la possibilité qu’il subsistât, à son intérieur, une initiation spécifiquement chrétienne pour l’élite qui ne pouvait s’en tenir au seul point de vue de l’exotérisme et s’enfermer dans les limitations qui sont inhérentes à celui-ci ; mais c’est là encore une autre question que nous aurons à examiner un peu plus tard ».

« D’autre part, il est à remarquer que ce changement dans le caractère essentiel et, pourrait-on dire, dans la nature même du Christianisme, explique parfaitement que, comme nous le disions au début, tout ce qui l’avait précédé ait été volontairement enveloppé d’obscurité, et que même il n’ait pas pu en être autrement. Il est évident en effet que la nature du Christianisme originel, en tant qu’elle était essentiellement ésotérique et initiatique, devait demeurer entièrement ignorée de ceux qui étaient maintenant admis dans le Christianisme devenu exotérique ; par conséquent, tout ce qui pouvait faire connaître ou seulement soupçonner ce qu’avait été réellement le Christianisme à ses débuts devait être recouvert pour eux d’un voile impénétrable ».

(René Guénon,
"Aperçus sur l’Esotérisme Chrétien"

mercredi, septembre 16, 2015

Vivisection humaine pour soigner un roi bouddhiste


Une des épouses du roi Ashoka, « tombé gravement malade, n’hésita pas à ouvrir l’abdomen d’un malheureux présentant les mêmes symptômes que le roi pour découvrir la cause du mal ».

Un texte surprenant décrit « ce qui ressemble fort à un authentique essai clinique, au cours duquel une batterie de tests est pratiquée sur un cobaye. Voici une traduction du passage le plus intéressant.

« Un jour, une grave maladie se déclara chez le roi Ashoka. De sa bouche, de ses poils et de ses pores s’exhalait une odeur fécale et il n’était pas possible de le guérir. Alors le roi fit appeler Kunala (son fils) pour lui confier le gouvernement. Car à quoi bon continuer à vivre ?

Ayant entendu cela, Tisyaraksita (l’épouse d’Ashoka) pensa : ‘‘Si Kunala accède au trône, c’en est fait de ma vie.’’ Elle dit alors au roi : ‘‘Je te redonnerai la santé (svastha, littéralement le « bien-être »), mais ne laisse pas passer les médecins.’’

Tandis que le roi interdisait l’entrée aux médecins, Tisyaraksita leur demanda : ‘‘Si quelqu’un, homme ou femme, est atteint par la même maladie, qu’on me l’amène pour que je l’examine.’’ Un bouvier souffrant du même type d’affection fut amené à Patna. On fit appeler un médecin et un remède fut prescrit à ce malade souffrant de cette maladie. Le bouvier approcha, accompagné par le médecin qui le conduisit auprès de Tisyaraksita. Dans un endroit secret, elle le plongea dans l’inconscience. Après quoi elle lui ouvrit l’abdomen et constata la présence d’un grand ver. Quand celui-ci se déplaçait vers le haut, cela entraînait des vomissements. Quand il se déplaçait vers le bas, il produisait des coliques. On lui appliqua du poivre noir réduit en poudre sans parvenir à le tuer. De même avec le poivre long et le gingembre. Enfin l’application d’oignon le tua et il fut expulsé avec les excréments. Cela fut rapporté au roi, auquel il fut conseillé de consommer de l’oignon pour recouvrer la santé.

Le roi dit :

- ‘‘Je suis un kshatriya. Comment pourrais-je manger de l’oignon ? ’’

La reine répondit :

- ‘‘Tu dois le manger car c’est un remède pour te sauver la vie.’’

Le roi le mangea. Le ver fut tué et expulsé avec les excréments et le roi fut guéri. »

Ce texte est riche d’enseignements à plus d’un titre. Non seulement parce qu’il met en évidence l’existence des essais cliniques selon une procédure parfaitement rationnelle, mais surtout parce que cette légende est reprise dans le Divyavadana, texte canonique bouddhiste en sanskrit, sans que cela suscite la moindre objection doctrinale quant au sort du malheureux cobaye. Ce que le texte retient, c’est que ces essais permettent de découvrir le responsable du mal, un parasite intestinal, et son remède, l’oignon. Asoka, dont la double appartenance culturelle, hindouiste et bouddhiste, apparaît ici, objecte sa qualité de kshatriya. L’oignon est très impur. Il l’est tout autant pour les bouddhistes. Pourtant, ce légume lui est prescrit. Les nécessités médicales l’emportent, du point de vue hindouiste comme du point de vue bouddhiste, sur les principes éthiques. »

Sylvain Mazars, « Le bouddhisme et la médecine traditionnelle de l’Inde ».

Le bouddhisme et la médecine traditionnelle de l’Inde

Les spécialistes du bouddhisme et les historiens de la médecine indienne n'ont pas manqué de relever les étroites relations entre le bouddhisme et la médecine. Le Bouddha, comme le médecin, ne se propose-t-il pas de mettre fin à la douleur ? Le bouddhisme est-il pour autant une doctrine médicale, une « médecine de l'âme »? En tant que système philosophico-religieux quel impact a-t-il eu sur l'art de guérir ? La question des influences réciproques du bouddhisme et de la médecine n'a pas fait l'objet d'étude spécifique. Ainsi, la doctrine de la réincarnation, la non-violence, sont autant de croyances bouddhiques fondamentales qui, au contact de l'Occident, se sont trouvées réactivées avec l'euthanasie ou l'acharnement thérapeutique. Afin d'éclaircir la question, cet ouvrage se propose de retourner dans l'Inde ancienne, aux sources du bouddhisme. Il s'agit de comparer les corpus religieux du bouddhisme des origines avec les traités relatifs à l'Ayurveda, la médecine pratiquée en Inde à cette époque.


Médecine indienne & médecine arabe


Les échanges entre ces deux médecines sont très anciens. C’est vraisemblablement à la notoriété qu’elle avait acquise en Perse avant l’islamisation, que la médecine indienne doit d’avoir été activement étudiée au début de la formation de la médecine arabe.

Certains traités médicaux d’origine indienne ont été transmis au Moyen Age islamique par l’intermédiaire d’une première traduction persane, suivie d’une traduction en arabe. A côté de cette tradition qui va du sanskrit au pahlavi puis à l’arabe, il existe une voie directe du sanskrit à l’arabe, liée à la présence de nombreux médecins indiens attachés à la cour abbasside de Bagdad, qui prenaient naturellement part à la vie intellectuelle de cette communauté. Ainsi, c’est sous le règne du fameux calife Hârun al-Rashid (786-809) que le célèbre traité de chirurgie ayurvédique de Susruta a été traduit en arabe.

Un des plus anciens traités de médecine en langue arabe, le "Firdaws al-Hikma" (ca 850), d’Alî Ibn Sahl al-Tabarî, témoigne de la présence de la médecine indienne dans la pratique médicale de l’époque. Dans ce traité, fondé sur la médecine d’Hippocrate et de Galien, al-Tabarî mentionne des médicaments et des recettes indiens, et, dans un appendice, il expose le système de l’Ayurveda en s’appuyant sur les grands corpus médicaux sanskrits de Caraka, Susruta, Vagbhata et Madhava.

Au XIe siècle, Ibn Butlan de Bagdad, dans son "Taqwim al-Sihha", un traité de médecine préventive, se réfère abondamment au médecin Shark al-Hindi (Caraka l’Indien). Dans le chapitre XII de son "Uyûn al-Anba fî Tabakât al-atiba", Ibn Abî Ushaybi’a (1194-1270) dresse la biographie de six médecins indiens devenus célèbres en terre d’Islam. L’élargissement considérable de l’aire géographique couverte par l’empire islamique, lié à l’expansion musulmane, explique la grande richesse et la remarquable variété de la botanique et de la pharmacopée arabes du Moyen Age islamique. On y relève bon nombre de plantes et de substances médicamenteuses dont les noms arabes sont directement ou indirectement – par l’intermédiaire du pahlavi – dérivés du sanskrit, ce qui prouve leur origine indienne. A titre d’exemple, le "Kitab al-sunun" (Livre des poisons), rédigé en sanskrit au IVe siècle avant J.-C., fut traduit en pahlavi puis en arabe. L’ouvrage enrichit la pharmacopée arabe d’éléments purement indiens qui s’ajoutèrent à la pharmacopée gréco-arabe déjà existante.

Adoptée par les populations musulmanes de l’Inde et du Pakistan, la médecine arabe a connu, dans ces lointaines contrées, des développements nouveaux. Elle s’y est répandue sous le nom de Tibb-i yûnânî, « médecine yûnânî » (littéralement « médecine ionienne », en raison de ses nombreux emprunts à la médecine grecque). Traitant de cette médecine, il existe une immense littérature qui a été négligée par les historiens. Elle nous éclaire pourtant sur l’aspect syncrétiste de la médecine yûnânî, qui fait à la fois son originalité et son intérêt.


Hossam Elkhadem, professeur d’histoire des sciences arabes à l’Université libre de Bruxelles.


dimanche, septembre 13, 2015

« 2084 » de Boualem Sansal


Dans son roman « 2084 », l'écrivain algérien Boualem Sansal imagine un pays, l'Abistan, « soumis à la cruelle loi divine d'un dieu qu'on prie neuf fois par jour et où les principales activités sont d'interminables pèlerinages et le spectacle de châtiments publics ». « La peur de Dieu sera plus forte que celle des armes » et « les gens pourront vivre de peu. Ils auront juste besoin de mosquées pour prier, par conviction ou par peur », résume l'écrivain. 


Boualem Sansal estime que l'Europe sera soumise au totalitarisme islamique dans moins de 50 ans.

« Nous sommes gouvernés par Wall Street », dit Boualem Sansal. Mais « ce système totalitaire qui a écrasé toutes les cultures sur son chemin a rencontré quelque chose de totalement inattendu : la résurrection de l'islam ». « La dynamique de la mondialisation musulmane se met en place ». « Le terrain à observer est l'Europe. Après le monde arabe et l'Afrique, l'islamisme se propage aussi en Occident avec une présence physique de plus en plus visible de barbus, de femmes voilées et de commerces halal. » « Les Européens se trompent sur l'islamisme comme ils se sont trompés sur le communisme » et sous-estiment la menace.


Boualem Sansal, dont l'œuvre est centrée sur la dimension tyrannique des religions, rappelle que « tous les systèmes totalitaires s'effondrent ». « Après le règne de l'islamisme il y aura une nouvelle mondialisation mais je ne sais pas sous quelle forme. »



La nouvelle mondialisation

On peut pronostiquer que la barbarie islamique, qui ravage une partie du monde, favorisera l'avènement d'un matérialisme hostile à toute transcendance. Le règne mondial du « culte de la matière et du mental » sera réinsufflé par l'Amérique. Après la tyrannie théocratique, l'Europe exsangue pourra-t-elle opposer de résistance à la nouvelle mondialisation antéchristique ? Ce qui viendra « c'est, dit Georges Barbarin, la persécution générale de toute appartenance déiste et même de tout sentiment religieux, par une mystique nouvelle, sectaire et implacable, basée sur le culte de la matière et du mental ». (La gouvernance mondiale antéchristique.)


2084


La fin du monde

L'Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, « délégué » de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l'amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions. Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur l'existence d'un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion. Boualem Sansal s'est imposé comme une des voix majeures de la littérature contemporaine. Au fil d'un récit débridé, plein d'innocence goguenarde, d'inventions cocasses ou inquiétantes, il s'inscrit dans la filiation d'Orwell pour brocarder les dérives et l'hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.




samedi, septembre 12, 2015

Wahhabisme & Nouvel Ordre Mondial




Le wahhabisme, l’idéologie des égorgeurs du Daech, constitue une véritable rupture épistémologique par rapport à la tradition islamique classique, mais aussi par rapport à ce qu’il convient de nommer l’islam populaire. […] Il s’agit bien d’une hérésie schismatique que les savants musulmans, mais aussi les intellectuels laïques arabes, désignent sous le terme de « dajjâl », dont la traduction la plus exacte serait l’antéchrist ! […]


Jeunes pris au piège

Dans l’Union européenne la plupart des jeunes gens issus de l’immigration n’ont de leur religion qu’une connaissance extrêmement sommaire. Dès lors il est facile de les influencer en leur prêchant un islam soi-disant originel, pur et infalsifié… à l’image des lois de la concurrence libérale qui doit tendre par tous les moyens, y compris coercitifs, à devenir « pure et parfaite » dans le paradis terrestre de l’hypercapitalisme.



Jacques Attali, Bernard-Henri Lévy et tant d’autres agitateurs 

Si l’Islam se limitait aux différentes expressions du wahhabisme, la guerre totale entre civilisations serait proche. Nous parlons d’une guerre opposant un milliard d’Occidentaux de culture chrétienne à un milliard et demi de musulmans. La folie et l’absurdité d’une telle perspective saute aux yeux. Pourtant ce choc des cultures, certains — à l’instar de ces penseurs doublés agitateurs que sont en France les Jacques Attali, les Bernard-Henri Lévy et tant d’autres, notamment dans les think tanks néoconservateurs de Washington — le présentent comme probable sinon comme inéluctable. Et l’on sait que l’influence de ces maîtres penseurs peut aller, comme dans le cas de la Libye, jusqu’au bain de sang et au chaos durable.



Interprétations primaires et erronées du Coran

Le wahhabisme est un littéralisme exacerbé. De ce seul point de vue il est exorbitant de la foi islamique telle que révélée dans le Coran. Pour illustrer ce propos rappelons que la prédication du juriste Abdul Wahhab (1703-1792) se développe en prenant chaque mot, chaque phrase de la Récitation au strict pied de la lettre. C’est-à-dire dans son sens littéral absolu au point qu’il en arrive à faire dire au Coran des énormités phénoménales. Ainsi Dieu serait concrètement assis sur un trône et aurait une jambe en enfer. Chaque musulman voit bien que doter Allah d’un corps matériel a quelque chose de particulièrement incongru… nul n’ignorant que ce type de représentation est purement métaphorique. Il s’agit d’une image et non d’une description anthropomorphique de Dieu.



Négations et manipulations dans un but politique


Mais cela ne serait rien si ce littéralisme, cette lecture primaire, primitive du Coran ne conduisait les adeptes du wahhabisme, au prétexte d’un retour au sources, autrement dit d’une salafiya, d’une imitation de la vie du prophète, à la négation des principes mêmes de l’islam… Ou à réduire le Coran à une lecture juridique restrictive à l’extrême manipulée en fonction des besoins de conquête politique et de consolidation d’un pouvoir temporel… celui de la famille régnante d’Arabie ou des multiples avatars des Frères musulmans comme en Turquie avec le régime islamokémaliste d’Erdogan Ier !
Djihad dévoyé 

Pire, les wahhabites en sont venus à inventer un VIe pilier de la foi islamique. À savoir une obligation cachée qui serait celle de la conversion par la force des incroyants ou des mauvais croyants et apostats… ce qui concerne en l’occurrence tous les chiites et les courants soufis, ainsi que la plus grande partie des musulmans sunnites dont les pratiques religieuses seraient entachées de mécréance. Pour ce faire les wahhabites ont inventé de toute pièce un devoir de guerre sainte. Une interprétation dévoyée du djihad qui est avant tout — n’en déplaise aux malveillants de toutes obédiences — un effort de perfection individuel. Au départ une guerre intérieure à soi-même, guerre contre nos faiblesses, nos passions et la tentation du Mal, laquelle nous habite ou nous guette en permanence. Ce faisant les wahhabites, en imposant l’obligation du djihad, ont commis ce que docteurs désignent sous le terme de bid’a, une innovation blâmable. […]

Frères musulmans et Wahhabisme

Sans être “une société secrète wahhabite”, les Frères musulmans n’en sont pas moins l’un des prolongements de la secte mère dont le siège est à Riyad. Un travail minutieux de comparaison entre les doctrines et les programmes mériterait d’être conduit. Mais insistons sur un point déjà évoqué : le wahhabisme de même que la jamiat al-Ikhwan al- muslimin [La Confrérie des Frères musulmans] sont essentiellement, avant tout des outils idéologiques c’est-à-dire non religieux sous leurs oripeaux de puritanisme. Ce sont des moyens idéocratiques de conquête et rien d’autre. D’évidence le wahhabisme n’est pas la simple et pure expression d’une foi vivante, mais sa caricature outrancière. Les musulmans ne s’y trompent pas qui le dénoncent comme tel. Ce sont les docteurs de l’islam qui le disent à tout bout de champ. [...] C’est-à-dire tous ceux dont l’« Occident » paresseux n’entend pas la voix parce qu’il est plus facile de faire de la sociologie de bazar dans les banlieues des métropoles européennes à forte densité d’immigration… que de se pencher avec quelque humilité sur la dimension théologique du phénomène djihadiste et de son soutien proactif par cet autre puritanisme qu’est le calvinisme anglo-US lorsqu’il se fait l’instrument d’un impérialisme sans âme ni entrailles.

Les soutiens de l'Etat islamique : Washington, Londres, Paris, Ryad, Tel-Aviv, Amman, Doha, Ankara.

Fait aujourd’hui oublié, l’Association des Frères musulmans que crée Hassan el-Banna en 1928 accueille aussitôt après sa naissance des membres de l’Ikhwan qui fuient le Nejd pour échapper aux représailles d’Abdelaziz ibn Séoud. Ce sont ces hommes qui formeront le noyau dur de la nouvelle Fraternité égyptienne. Lorsqu’en 1954 la Confrérie est dissoute par Nasser, en sens inverse, les cadres de la Confrérie partiront naturellement se ressourcer à Riyad. In fine, de la Confrérie naîtra dans les années soixante-dix le Jihad islamique égyptien, devancier de Daech, qui visait au rétablissement du califat en Égypte. C’est ce que vient d’accomplir l’État islamique avec la bénédiction des “alliés frères ennemis” d’Ankara, Londres, Paris, Ryad, Doha, Washington, Amman et Tel-Aviv.

Prendre le contrôle de l'islam et lui imposer la nouvelle religion mondiale 
(adaptée à l'islam)

L’expansion continue du wahhabisme au cours du siècle passé est étroitement liée à celle du modèle financier, économique et sociétal anglo-US. Le sort de la péninsule arabique a été indissolublement lié depuis 1945 et jusqu’à aujourd’hui à l’Amérique-Monde… laquelle forme une sorte d’hydre à têtes multiples dont les principales sont Manhattan, Chicago (la bourse mondiale des matières premières), Washington avec la Réserve fédérale, la Cité de Londres, Bruxelles pour l’Otan, Francfort, siège de la Banque centrale européenne et Bâle qui abrite une super société anonyme, au sens juridique, la Banque des banques centrales, en un mot la Banque des règlements internationaux ! À ce titre il serait réducteur de ne voir dans l’idéologie wahhabite qu’un instrument d’influence voire de domination régionale. Le monde musulman représente un milliard et demi d’individus. Prendre leur contrôle est un enjeu de taille. Dans cette perspective sans doute faut-il voir dans l’idéologie wahhabite une tentative sans équivoque de subversion de l’islam. En d’autres termes, la version islamique, à savoir “adaptée à l’islam”, de la nouvelle religion globale qui tend à s’imposer à toutes les nations et tous les peuples, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Religion sociétale, religion de mutation civilisationnelle qui précède et accompagne la progression d’un mondialisme cannibale. Une religion destinée à se substituer à toutes les autres et que l’on peut désigner à bon escient comme le “monothéisme du marché”.

Extrait de l'interview de Jean-Michel Vernochet, auteur du livre « Les Egarés ».

Télécharger gratuitement la totalité de l'interview :
http://www.luttedeclasse.org/dossier28/wahhabisme_241214.pdf


Les Egarés : Le Wahhabisme est-il un contre Islam ?


Dans l'Orient proche et lointain, une guerre, violente et sourde à la fois, se déroule sous les yeux d un Occident frappé de cécité. Une idéologie nouvelle, quoique âgée de deux siècles et demi, monte en puissance et tend désormais à s'imposer comme la nouvelle orthodoxie musulmane, le wahhabisme. Un rigorisme radical qui entend se substituer à l'Islam traditionnel sous couvert d'un retour à la pureté originelle de la révélation coranique. « Idéologie » et non religion puisqu'il est ici question de l'islam politique ou, autrement dit, de l'islamisme, lequel revêt aujourd'hui de multiples visages selon les lieux et les circonstances... que ce soit celui des Frères musulmans, celui de la prédication salafiste ou encore du djihadisme sanguinaire. Idéologie, « nihiliste foncièrement hostile aux valeurs traditionnelles et à tous les musulmans », promue et diffusée au sein et hors de la Communauté des Croyants, en Terre d'Islam, mais aussi d'Europe, notamment par ces deux « faux amis » de l'Occident que sont le Qatar et l'Arabie. Un schisme dévorant s'est ainsi installé au cœur de l'Islam, exacerbant le vieil antagonisme séparant sunnites et chiites. Rien cependant n'explique au XXIe siècle la haine apparemment irrationnelle que le wahhabisme voue au chiisme en général et aux chiites en particulier, hormis la finalité cachée du dogme wahhabite... Celui-ci vise en effet au monopole eschatologique, universel et ultime, après son triomphe sur les ruines de toutes les autres constructions théologiques et métaphysiques de l'espace islamique, voire post-chrétien. Finalement, si les intérêts occidentalistes ne sont pas exactement les mêmes que ceux des monarchies wahhabites, ces intérêts se recoupent largement au plan géostratégique, géoénergétique ou encore sur celui de la mondialisation financière... Pire, ils convergent dans la diffusion d'un islam désincarné participant d'un monothéisme sans âme, à savoir la religion d'un monde globalisé, porteuse de toutes les dérives peu ou prou totalitaires.





Le Saint-Empire Euro-Germanique

"Sous Ursula von der Leyen, l'UE est en train de passer d'une démocratie à une tyrannie."  Cristian Terhes, député europée...