mercredi, septembre 23, 2009

PIB ou BIB (Bonheur Intérieur Brut)


La cupidité, le mercantilisme, l’esprit utilitaire continueront à pourrir les mentalités aussi longtemps que durera notre fascination pour l’argent et la réussite matérielle.

Nous pouvons nous dégager de l’emprise excessive de l’argent et de l’économie en nous interrogeant sur notre bien-être.

« Comment, s’interroge Dominique Méda, faire passer l’idée que passer plus de temps avec sa famille, s’occuper plus de soi, consacrer plus de temps au débat public ou à la vie sociale est profondément bon pour la société et les individus ? Un des principaux obstacles à la diffusion de cette idée, à mon avis, est que nos indicateurs de richesse sont totalement archaïques et inadéquats.

Si nous sommes aujourd’hui obnubilés par la croissance, si nos hommes politiques et la majorité des citoyens croient que seul le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) importe, c’est parce que nous ne disposons comme indicateur de richesse que le seul PIB. Nous croyons que la croissance du produit intérieur brut, c’est-à-dire de l’ensemble des biens et services échangés entre des unités comptables qui sont des « regroupements artificiels » d’individus, désigne l’augmentation de notre richesse. Autrement dit, que la richesse d’une société est uniquement constituée des échanges marchands et para-marchands entre les individus. Cela est faux et dangereux.

Je ne peux pas redévelopper ici ce que j’ai essayé d’expliquer dans mon livre (1), mais je voudrais tout de même en redire quelques mots. Notre idée de la richesse vient directement selon moi d’une époque profondément individualiste et contractualiste : elle a été forgée au 18ème siècle avec les instruments de l’économie naissante et à un moment où l’on découvrait l’individu, la formalisation de l’échange marchand… Autrement dit, nous continuons à vivre avec des concepts et des notions vieux de deux siècles, des représentations qui reflètent les valeurs et les croyances d’une société se représentant elle-même comme une agrégation, une collection d’individus n’ayant entre eux que des rapports marchands. Je dirais même que si l’échange marchand et monétaire entre individus a été désigné comme le lieu de production de richesses, c’est sans doute parce que cette époque n’avait pas de préoccupation plus pressante que d’obliger les individus à vivre ensemble, à se rapprocher.

Pour dire en d’autres termes, la vraie richesse de la société d’alors consistait sans doute à tenir ensemble des individus dont on pensait qu’ils étaient peu enclins à la sociabilité. Mais si nous nous interrogeons bien sur cette conception, nous pouvons voir immédiatement qu’elle est obsolète et fausse. Réduire la richesse d’une société aux échanges de produits (biens et services) entres individus équivaut à ne prendre en compte ni les « richesses individuelles » ou les qualités des individus (qui ne font pas l’objet d’une production, d’une extériorisation, donc pas d’un échange), par exemple l’aptitude à la paix, le fait d’être en bonne santé…, ni les richesses collectives (vivre dans un pays non xénophobe, non violent, non pollué). Cette comptabilité réduite à ce qui fait l’objet d’un échange d’un échange sanctionné par un prix est fondamentalement « oublieuse » car non patrimoniale : elle n’envisage que des flux, et que des flux positifs. Le PIB, son indicateur, n’est pas affecté par les inégalités sociales, la violence dans les lycées, la pollution, les maladies, le malheur, les guerres.

Le PIB ne nous donne qu’une image tronquée de la réalité : il ne peut en aucun cas revendiquer sa capacité à refléter la richesse d’une société. Et il s’appuie sur de vieilles représentations de celle-ci ou de vieux événements : comme l’avènement de l’individu. Mais aujourd’hui notre souci doit être tout autant de protéger l’individu que de promouvoir une société respectueuse de l’individu et protectrice des liens multiples que ceux-ci tissent entre eux. D’où le problème très concret : vaut-il mieux changer d’indicateurs, construire des indicateurs modernes adaptés à nos problèmes actuels, des indicateurs qui seraient affectés positivement et négativement par la violence, la xénophobie, l’état de santé, la pollution, les dépressions… Ou savoir qu’a côté de la richesse mesurée par le PIB (la production de biens et de services), bien d’autres éléments sont à prendre en considération (non seulement la répartition des revenus de la production mais aussi tout ce qui ne se mesure pas ou ne supporte pas de contrepartie monétaire).

Autrement dit, comment valoriser, reconnaître, laisser place à des activités, des qualités, des événements autrement qu’en les soumettant à l’échange monétaire ou en ne les reconnaissant pas. Y a-t-il d’autres modes d’existence que l’inscription dans l’échange monétaire et marchand ? Y a-t-il d’autres formes de reconnaissance que la rémunération ? Y a-t-il d’autres manières de valoriser que de donner un prix ? Y a-t-il d’autres activités humaines que la production de biens et services destinés à être apportés sur un marché ? Tant que nous n’aurons pas répondu à ces questions, nous ne parviendrons pas à sortir du non-sens qui envahit nos sociétés, et de notre incapacité à penser l’être ensemble en société autrement que sous les deux formes que nous avons connues jusqu’ici : le totalitarisme ou le libéralisme débridé, tous deux incapables de créer et de maintenir des collectivités maîtresses de leur destin. »

La Commission présidée par le professeur Stiglitz, qui a été chargée par Nicolas Sarkozy de déterminer les limites du PIB en tant qu'indicateur de la performance économique et du progrès social, ne soulève pas un franc enthousiasme :

« Le collectif Fair estime le rapport Stiglitz utile en ce qu'il remet en cause la domination du PIB, mais il affirme qu'il n'est pas à la hauteur du défi du développement durable et trop focalisé sur les indicateurs monétaires.

Dans l'ensemble, ce rapport donne un signal utile en ce qu'il remet en cause la domination excessive du PIB en tant qu'indicateur servant à guider la marche de la société. Nous considérons pour notre part que, quelle que soit l'utilité statistique que peut avoir cet indicateur, il ne doit pas servir de référence à la décision politique car il ne fait aucune distinction entre les productions utiles et les néfastes et qu'il contribue de surcroît à occulter nombre d'écueils majeurs dont certaines destructions environnementales à l'origine de la crise écologique et des dérèglements climatiques auxquels est désormais exposée l'humanité tout entière. Il est salutaire que des économistes renommés mettent en exergue certaines déficiences de cet indicateur et expriment un point de vue critique sur l'objectif de croissance du PIB, lequel a fortement contribué durant plusieurs décennies à diriger nos sociétés vers le mur auquel nous nous heurtons maintenant. »

Les gesticulation de Sarkozy et les travaux de Stiglitz autour du capitalisme ne servent qu’a noyer le poisson. En réalité, l’avidité capitaliste n’anime pas seulement un système inhumain, une doctrine économique immorale. Elle est au centre de groupements qui s’approprient le pouvoir de l’argent pour dominer et corrompre les peuples.

Stiglitz, c’est bien. Mais on ne touche à rien.
http://www.dailymotion.com/video/xaht0u_rapport-stiglitz-entretien-avec-dom_news



(1) « Le travail, une valeur en voie de disparition », Aubier 1995
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