jeudi, février 18, 2010

Anarchisme chrétien, christianisme libertaire


Le grand romancier russe Tolstoï, dans la seconde partie de son activité intellectuelle, a essayé de concilier le christianisme ou plus exactement les enseignements donnés par Jésus de Nazareth (ou à lui attribués) avec l'anarchisme ou absence d'autorité gouvernementale, considérée sous sa forme la plus évidente et la plus brutale : la violence.

Il n'est pas difficile de trouver dans les livres sacrés des chrétiens, particulièrement dans ceux appelés Evangiles, des paroles qui semblent faire de Jésus une sorte de révolutionnaire mystique, de révolté religieux mis au ban de la société de son temps. Il prêche parmi les déshérités, les en marge du milieu social d'alors, il se plaît en la compagnie des péagers et des gens de mauvaise vie, il s'entoure de personnes appartenant à la classe la plus basse, voire de prostituées, etc., il soulève tout ce monde contre la façon d'enseigner et de se comporter du clergé juif, hypocrite, machiavélique, avide de pouvoir spirituel et temporel comme le sont tous les clergés dans tous les temps. On peut voir en Jésus une sorte d'anarchiste qui finit par succomber au cours d'une lutte trop inégale, mais sans un geste de soumission ou de rétractation, ni devant le grand prêtre Caïphe, symbole du pouvoir ecclésiastique, le dogme - ni devant le roi Hérode, symbole du pouvoir civil, la loi - ni devant Pilate, symbole du pouvoir militaire, le sabre.

Tolstoï considérait comme base de la doctrine chrétienne : la non résistance au mal par la violence. Jésus n'a pas seulement commandé à ceux qui le suivaient d'aimer leur prochain comme eux-mêmes (Ev. selon Matthieu, XXII, 39), il leur a prescrit de ne point résister au méchant ou au mal (id., V, 43), en opposition à l'antique précepte judaïque œil pour œil, dent pour dent. C'est sur cette « non résistance au mal par la violence » que s'étaye tout le tolstoïsme. Les conséquences qui en découlent sont incalculables, car, pratiquement, la non résistance se traduit par la résistance passive, c'est-à-dire le refus d'obéissance aux ordres de l'Etat impliquant emploi de la force ou de la violence, la non coopération aux services publics dans lesquels il entre sous une forme ou sous une autre de la coaction ou de l'obligation. La grève générale pacifique rentre dans le cadre de l'activité tolstoïenne, etc.

Bien que publiquement et en privé (il me l'écrivit personnellement) Tolstoï se déclarât « anarchiste chrétien » il se montrait volontiers opposé à la création d'un mouvement tolstoïen organisé. Le tolstoïsme était surtout pratique individuelle. C'est individuellement que les tolstoïens refusaient le service militaire, de prêter serment devant les tribunaux, d'envoyer leurs enfants aux écoles de l'Etat, de payer l'impôt, etc. Les noms suivants nous viennent sous la plume : le refuseur de service militaire tchèque Skarvan ; l'ex-juge anglo-indien Ernest Grosby ; Vladimir Tchertkoff le confident de Tolstoï, et Paul Birukoff, son traducteur, Boulgakoff, son secrétaire ; les Anglais Aylmer Maulde, Arthur St John, John C. Kennworthy ; les Américains Clarence S. Darrow et Bolton Hall ; l'ex-pope Ivan Trégouboff, combien d'autres Russes, dont Pierre Vériguine, le « conducteur » des Doukhobors, tous se sont efforcés, par la plume, la parole ou le geste, de répandre et de propager le tolstoïsme.

Il convient ici de faire remarquer que les « Doukhobors » russes et les « Nazaréens yougo-slaves » sont antérieurs à Tolstoï. Les Doukhobors ont eu une influence sur Tolstoï, Tolstoï les a influencés, mais le « doukhoborisme » est en marge du tolstoïsme.

C'est en Hollande qu'on s'est préoccupé de donner à l'anarchisme chrétien un programme condensant les idées tolstoïennes, éparses ça et là. Vers 1900, Félix Ortt et le groupe rassemblé autour de lui publièrent un journal hebdomadaire Vrede (La Paix) et des brochures comme Christeljk Anarchism (Anarchisme chrétien), Denkbeelden van een Christenanarchist (Pensées d'un anarchiste chrétien), De weg te geluk (la voie du bonheur), Liefde en Huuielijk (Amour et mariage). Dans le même temps, de mon côté, je publiais l'Ere Nouvelle, paraissant moins régulièrement mais où je me tenais en contact avec les différents représentants de l'activité tolstoïenne, les colonies anarcho-chrétiennes, les Doukhobors, etc.

Le n°1 de la septième année de Vrede (1903) contient sous la signature de Félix Ortt un manifeste anarchiste chrétien, que voici :

« Anarchiste chrétien veut dire : 1° disciple du Christ ; 2° négateur de toute autorité (extérieure).

Est disciple du Christ quiconque cherche en toute droiture à vivre selon l'esprit du Christ, n'importe la secte à laquelle il appartient ou le dogme auquel il se rattache. Vivre selon l'esprit du Christ, c'est :
Aimer Dieu de toute son âme, autrement dit : rechercher l'amour parfait et la sainteté parfaite, y tendre.
Aimer son prochain comme soi-même, et la mise en pratique de cette règle de vie est incompatible avec toute convoitise, toute domination ou, si l'on veut, tout égoïsme. Dans la réalité, « chrétien » et « anarchiste » sont synonymes.
Pierre, les apôtres, étant chrétiens, étaient anarchistes, c'est ce qu'indique leur réponse aux injonctions des autorités : « il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes ». Et, de même, l'anarchie, la délivrance de toute autorité, ne sera possible que lorsque l'amour règnera dans la conscience humaine, c'est-à-dire lors que les hommes vivront selon l'esprit du Christ.
Il va sans dire qu'une foi basée sur la Bible n'est pas nécessaire pour atteindre ce but. Un disciple de Bouddha ou de Lao-Tsé (Confucius), un hindou, un israëlite, un musulman, un athée qui recherche la perfection pour lui-même et l'amour pour le prochain, celui-là vit dans l'esprit du Christ.

Les paroles de Bouddha : « Subjuguez la méchanceté par la bienveillance, le mal par le bien », procèdent du même esprit que celles de Jésus : « Mais je vous dis, moi, de ne pas résister au méchant ».

Lao-Tsé disant : « Celui qui vainc les autres est fort, mais celui qui se vainc lui-même est tout-puissant », fait montre d'une recherche de la sainteté semblable à celle que Jésus indiquait par les mots : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait ». Les deux esprits sont les mêmes.

Deux disciples de cet esprit-là ont exprimé en deux phrases les aspirations de ceux qui ne se satisfont pas de la théorie ni des bavardages, mais qui veulent mettre leurs théories à l'épreuve et traduire les paroles en actes, les voici :

« L'amour n'est l'amour que lorsqu'il se donne lui-même en sacrifice ». (Tolstoï).

« N'aimons pas par nos paroles et avec notre langue, aimons par nos actes et en vérité ». (Saint Jean).

Dans le langage courant, cela veut dire : « Ne pactisons pas plus longtemps avec l'oppression capitaliste ou de la propriété - le meurtre de nos semblables ou le militarisme - les jugements iniques ou les tribunaux - l'alcoolisme ou la dégradation physique - la prostitution ou l'amour vénal - le meurtre des animaux (carnivorisme, chasse, vivisection, etc.). En un mot, rompons avec tout ce qui fait souffrir n'importe quelle créature dans le simple but de nous assurer à nous même une jouissance passagère quelconque. »

Ces déclarations résument (à quelques nuances près) le christianisme libertaire ou anarchisme chrétien, tel qu'on l'entend ordinairement.

Dans un numéro ultérieur de Vrede (9 janvier 1904), F. Ortt est revenu sur certaines questions controversées parmi les tolstoïens. Ainsi, il déclare monstrueuse l'idée de devoir demeurer toute sa vie avec une femme à cause de rapports sexuels accidentels. L'union durable ne peut résulter que de l'amour vrai, autrement dit l'aspiration à l'unité. Vivre avec un être à l'égard duquel on ne ressentirait aucune affection véritable, ce serait attenter à la signification de cette phrase qui résumait pour Jésus toutes les relations sociales : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » - Ne résistez pas au malin, admis comme un dogme, présenterait un caractère très dangereux. D'ailleurs, on voit dans l'épître de Jacques (IV, 7) les premiers chrétiens conseiller de « résister au Malin (l'esprit du mal) », condition pour s'en débarrasser. Peu importe qu'on interprète par Malin l'homme méchant ou le mal lui-même, ce que ces paroles et d'autres nous enseignent, c'est de résister, mais sans haine au cœur, sans rendre le mal pour le mal, c'est-à-dire ne jamais agir par vengeance, ne jamais oublier que quiconque fait du mal est sous l'empire de l'ignorance et le traiter comme tel.

Il existe encore actuellement aux Pays-Bas une Union anarcho-communiste religieuse, basée sur des directives analogues, qui possède un organe à elle et dont l'activité est spécialement orientée vers le refus de service militaire.


E. ARMAND
Source :


Anarchie évangélique



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Le 18 février 2010, le président américain Barack Obama rencontre le dalaï-lama.

Lire l’article de Jean-Paul Desimpelaere :

Le Dalaï Lama et Obama : rencontre entre deux Prix Nobel du mensonge

« Maintenant, écrit Domenico Losurdo en concluant son article, le Dalaï Lama et Obama se rencontrent. C’était dans la logique des choses. Cette rencontre entre les deux Prix Nobel du mensonge sera plutôt affectueuse comme seule peut l’être une rencontre entre deux personnalités liées entre elles par des affinités électives. Mais elle ne promet rien de bon pour la cause de la paix. »



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