lundi, juin 21, 2010

Les Œuvres de Maître Tchouang


Pour Tchouang-tseu, philosophe taoïste (environ 369-286 avant J.-C.), les plus grands biens de l’homme sont l’harmonie et la liberté que l’on peut acquérir par la découverte spontanée de sa véritable nature. Une des causes de la souffrance des hommes vient, selon lui, de la volonté d’uniformation des institutions qui ignorent l’individualité et la spécificité de chacun. Aussi Tchouang-tseu s’élève-t-il énergiquement contre le « gouvernement par le gouvernement » ; le seul moyen de maintenir l’ordre dans le monde, c’est la non « intervention », l’application du principe de l’absence d’action. Au chapitre 7 de son livre, Tchouang-tseu illustre sa conception du politicien idéal : « Il déverse ses bienfaits sur la terre entière, mais se garde bien de le laisser paraître. Il contribue à la perfection et au bonheur de tous les êtres sans que le peuple ait le sentiment de rien lui devoir. Il est là, mais personne ne connaît son nom, si bien que chacun vit heureux. Il se tient dans l’insondable et se meut dans le non-être. » Dans le même chapitre, on peut lire : « Laisse ton esprit vagabonder dans la sérénité. Unis tes souffles au silence. Conforme-toi au cours spontané des êtres, n’accueille en ton sein nulle pensée et le monde connaîtra la paix. » Cette sagesse du silence est inaccessible aux politiciens actuels qui ne peuvent exister sans le vacarme des idées et le charivari politique. De nos jours, abasourdir le peuple de concepts et de discours fait partie de la stratégie de la domination.

La sagesse du Silence consiste à apprendre à désapprendre, ce qui n’est pas toujours facile. « Tchouang-tseu (Zhuang zi), écrit Isabelle Robinet, semble parfois dire qu’il ne peut y avoir d’enseignement ni de transmission. Il se rit des connaissances livresques, et son charron affirme que son art ne peut se transmettre, pas même de père en fils. Il affirme l’impossibilité à enseigner quoi que ce soit qui concerne l’essence de la vie. La vie propre d’un individu, son soi peut se vivre, mais non se transmettre. Et pourtant on voit souvent des maîtres instruisant leurs disciples, et il va jusqu’à tracer des lignées de maîtres. Les maîtres qu’il nomme au chapitre 6 ont d’étranges noms évocateurs de participations mystiques et de mystère. Ce sont « Confuse Genèse », « Fusion dans le Silence », Sombre Obscurité ». Ceux qui suivent font allusion à des expériences de plus en plus précises et exprimables, comme « Consentement Susurré » et « Contempler la lumière » qui font appel à l’ouïe et à la vue ; puis d’autres viennent qui évoquent paroles et écrits : « Psalmodie Répétée », « Encre assistante ». Mais la contradiction n’est qu’apparente : il existe au sein de l’enseignement quelque chose qui n’est pas enseigné et sur quoi il faut faire fond ; l’expérience doit être immédiate.

« S’il s’est moqué des tâcherons qui s’essoufflent en exercices respiratoires et gymnastiques ou observances diététiques, c’est qu’ils sont les esclaves de leurs efforts et oublient que lorsque le poisson est pris, il faut jeter la nasse :

« La nasse existe pour le poisson ; une fois que vous avez pris le poisson, oubliez la nasse. Le filet existe pour le lièvre : une fois que vous avez pris le lièvre, oubliez le filet. Les mots existent pour l’idée ; une fois que vous avez l’idée, oubliez les mots » (chap.26).

« Nombre de passage de l’ouvrage de Tchouang-tseu, font des allusions assez précises à des techniques de méditation, à la fois physiologiques et mentales, et même à une recherche de longévité :

« Sois calme, sois pur, ne fatigue pas ton corps, n’agite pas ton essence, et tu pourras vivre longtemps ; si tes yeux ne voient rien, que tes oreilles n’entendent rien, que ton cœur-mental ne sait rien, tes esprits garderont ton corps et ton corps vivra longtemps » (chap. 11).

Isabelle Robinet, « Comprendre le Tao ».


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Les Œuvres de Maître Tchouang



Parue en 2006, la version du Tchouang-tseu proposée par Jean Levi est ici présentée dans une édition révisée, et augmentée en annexe de plusieurs textes pouvant servir à éclairer les problèmes que posent la compréhension et la traduction d'une telle œuvre. Il s'agit en particulier du compte rendu de Jean François Billeter paru dans la revue Etudes chinoises, ainsi que d'un échange de lettres entre celui-ci et Jean Levi, où ils discutent de leurs conceptions de la tâche du traducteur. C'est pour eux l'occasion d'aborder divers points concernant aussi bien le taoïsme et l'histoire de la Chine que les théorisations arbitraires, mais fort en vogue, d'un François Jullien.


Photo : Zhuangzi (Tchouang-tseu) dreamed he was a butterfly. http://www.stumbleupon.com/stumbler/tuxana/reviews/

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