jeudi, août 19, 2010

Moïse et la secte d'Aton


Par Jean-Louis Bernard

L'historicité du fondateur du judaïsme n'est pas confirmée par l'égyptologie, quoique probable, à quelques retouches près !

Dès l'Antiquité, plusieurs historiens enquêtèrent à son sujet, confrontant la Bible hébraïque aux archives alors existantes et aux traditions ou rumeurs populaires : l'Égyptien Manéthon, le Grec Lysimaque, le Romain Tacite et l'Arabe Makrisi (ce dernier ayant vécu en Égypte au Moyen Age). Manéthon, déjà responsable d'une grave erreur (il confondit les Hyksos avec les Rois pasteurs), crut avoir retrouvé un Moïse possible dans un certain Osarseph qui vécut à l'époque de la guerre de libération contre les Hyksos occupants. Ceux-ci, refoulés au-delà du Sinaï, espéraient reprendre l'offensive vers le Nil. Les Hyksos prisonniers étaient durement traités par les Égyptiens qui se vengeaient ainsi de l'abominable tyrannie de ces Touraniens (nomades d'origine centrasiatique), tyrannie toute mongole ; ils les réduisirent à l'état d'«hommes des carrières» (forçats extrayant les pierres). Or la Bible prétend que les Hébreux furent employés au travail des briques (faites à partir de l'argile) – ce qui n'est quand même pas le même travail ! La confusion de Manéthon provient de là. Osarseph négocia avec le pharaon la libération des hommes des carrières et proposa de les installer dans Avaris, l'ancienne forteresse des Hyksos (sur la route du Sinaï) qui tombait en ruines. Mais Osarseph menait double jeu : il envisageait la création d'une « cinquième colonne », en vue du retour offensif des Hyksos. Le complot échoua. L'épisode se situe beaucoup plus haut dans l'histoire pour coïncider avec l'épisode biblique. Heureusement pour la réputation de Moïse !

Freud a vu en Moïse un prêtre d'Akhanaton ayant continué et sublimé le monothéisme solaire de ce pharaon haï des Égyptiens. Après la mort du couple Akhenaton-Nefertiti, la secte d'Aton, mise au ban de la société, dégénéra en une secte de parias. Or Lysimaque fait état d'un sous-prolétariat qui défraya la chronique vers l'époque présumée de Moïse. Ces parias mendiaient dans les temples et y déposaient leurs excréments – sans doute par mépris pour la religion traditionnelle. Leur attitude, absolument unique, ne peut se référer qu'aux adorateurs d'Aton qui, lorsqu'ils contrôlaient le pouvoir, commencèrent la destruction méthodique de la spiritualité égyptienne. On les nomma les « impurs », surtout parce qu'ils étaient atteints de gale et de lèpre. Ils attirèrent sur l'Égypte, en plus de l'épidémie, la réprobation des dieux, par la famine, calamité rare en ce pays (le seul avec la Mésopotamie qui parvenait à nourrir ses habitants). L'oracle ordonna de purger les temples et de mener au désert les « impurs », afin de les débarrasser de leur gale ; les lépreux incurables, seraient liés à des feuilles de plomb et jetés à la mer. Cette version de l'errance dans le désert est plus logique que celle de l'Exode. Lysimaque voyait en Moïse un paria aigri qu'animait le haine du genre humain. Car, s'il n'identifiait pas formellement les « impurs » à la secte d'Aton, celle-ci oubliée totalement en son temps, il les identifie aux juifs. Reflétant, non l'histoire stricte, mais l'anti-judaïsme grec, Lysimaque prétend que ce Moïse recommanda aux siens de devenir de mauvais conseillers et de renverser les autels des dieux étrangers. Il lui attribue la fondation de Jérusalem.

Selon Tacite, Moïse avait un « défaut de langue », se fondant lui aussi sur une tradition orale. S'il a été bègue, il n'aura pu être le magicien que voit en lui la Bible qui l'oppose victorieusement aux experts égyptiens, lors d'un concours de magie. Être « juste de voix » était la condition première de l'exercice de cette haute science, basée sur la magie de la voix. Tacite reprend la thèse de Lysimaque, ajoutant qu'au contact des « impurs », Moïse contracta la lèpre.

Le nom de Moïse provient de l'égyptien « Mose », enfant, et ce nom est tronqué. Il manque un complément. L'enfant de quel dieu ? Comparer à Ah'mose, Thout'mose, Ré'mose. La Bible donne une fausse traduction : « Moïse », sauvé des eaux. Il ne pouvait être juif, ce peuple - secte à l'origine – n'existant pas encore. En fait de monothéisme populaire, l'Antiquité n'a connu que la religion solaire d'Akhenaton (avec Aton, dieu solaire unique). Quand s'éteint celle-ci, apparaît sur la scène juive. Le monothéisme non avoué, complexe parce que très abstrait, caractérisait déjà l'élite égyptienne (Driotton et Varille) comme il caractérise l'élite hindoue.

Si les thèses bibliques et extra-bibiques divergent, il est tout de même possible de les concilier – si l'on donne à Moïse une origine amalécite, au moins partielle, comme à Joseph. En ce cas, il peut avoir été le fils d'une princesse égyptienne (la Bible le laisse entendre) ou, plus précisément, le fils du pharaon et d'une femme du harem. Cette position lui ôtait les droits à la couronne (il fallait être le fils aussi de la première épouse). L'épisode du panier sur le Nil se justifierait alors et, aussi, le fait que Moïse adulte ait pu aborder le pharaon, son parent, impossible autrement. Un pharaon était d'un abord aussi difficile qu'une divinité au saint des saints. En général, les fils illégitimes (parce que nés d'une femme de harem) entraient au temple. Le cas probable de Moïse.

Fermée aux étrangers, l'aristocratie égyptienne contractait mariage depuis longtemps avec des Amalécites – et Moïse devait se rattacher à ce « peuple élu » au moins par sa mère. Il en tenait un don pour la magie du son et de la voix. Un Moïse amalécite, très au-dessus du clan disparate qu'il refondra en peuple, aura été alors un chargé de mission du clergé et non son rival ; mener les Atoniens hors d'Egypte, conformément aux ordres de l'oracle, au désert, puis les installer dans le protectorat égyptien de Palestine (car tel était le statut de cette région en ce temps). S'il mourut avant d'y avoir pénétré, ce dut être à cause de la lèpre (dont parle Tacite), et le personnage y gagne en sublime. Entre-temps, il aura remplacé le testament perdu des Amalécites en commençant la rédaction de la Bible ; et les juifs se voudront « peuple élu » comme l'avaient été les Amalécites. Mais ces livres de Moïse n'ont pu être rédigés en hébreu, cette langue n'existant pas encore. Makrisi donne, quant à l'épisode de Moïse la meilleure datation, sans le vouloir.

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