lundi, août 16, 2010

Mystique hippie


Une mystique syncrétique et libertaire

La majorité des hippies refuse la dépendance que crée la drogue : « D’une façon générale, un hippie qui s’enferme dans la drogue, c’est l’échec, écrit Bernard Plossu. La drogue n’est qu’un moyen et n’est pas indispensable. » De plus en plus, les hippies sérieux préfèrent retrouver, par une recherche spirituelle personnelle l’état de communion et de plénitude créé artificiellement par la drogue. C’est ainsi que les Beatles, après avoir chanté le LSD, l’ont abandonné pour le yoga.

Les hippies s’abreuvent à des sources spirituelles variées. On peut reconnaître leurs précurseurs dans les Cyniques grecs : Diogène vivait dans un tonneau et ses adeptes rejetaient déjà le mode de vie et les préjugés de leur époque. Certaines sectes chrétiennes primitives, comme les Adamites, préconisaient également la simplicité de vie, la communauté des biens, la nudité et la liberté sexuelle ; leurs membres pratiquaient la non-violence, le pacifisme et la charité ; ils voulaient se faire une âme simple et pure et mener la vie innocente d’Adam avant le péché.

Les hippies puisent également leur inspiration dans le mysticisme médiéval ; ils partagent le goût de François d’Assise pour la pauvreté, la bonté vis-à-vis des êtres humains et des animaux ; doux comme le saint, ils ne répugnent pas à mendier leur subsistance. Ils s’inspirent également des religions et des philosophies orientales : le Bouddha, Gandhi, Tagore, Shri Aurobindo, les maîtres Zen, font partie, au même titre que Jésus, du Panthéon hippie. Ils lisent le « Livre des Morts tibétain », s’intéressent à la magie, l’occultisme. Ils s’inspirent tout particulièrement de pratiques sexuelles du Tantra. Ils estiment que l’amour doit être absolument libre et à la fois sentimental, sensuel, mystique – terrestre et divin ; Timothy Leary affirme que « l’énergie sexuelle soulevée par le LSD est universelle, cosmique et divine ». Elle est « la conscience de l’unité physique ressentie dans le sang, les nerfs et les os ». J.-J. Rousseau, Charles Fourier et l’écrivain américain H.-D. Thoreau sont également leurs maîtres ; sous leur influence, beaucoup se retirent dans les forêts, et la campagne, vivent en communautés en partageant strictement leurs biens ; beaucoup sont végétariens et ne boivent pas d’alcool.

Emerson, Baudelaire, Walt Whitman, René Daumal, Antonin Artaud, Aldous Huxley sont particulièrement vénérés des enfants-fleurs. Ce dernier écrivain est même devenu l’objet d’un véritable culte ; il faut dire qu’il fut un précurseur de l’expérience psychédélique par la mescaline, et que son grand talent a magnifié et permis de divulguer les délices de l’extase chimique.

En dehors de ces influences éclectiques, les hippies ont été également marqués par le freudisme (ils veulent libérer en eux le ça, bien que Freud n’ait jamais préconisé le débridement des instincts, mais leur sublimation) et par la psychologie existentielle et créativiste de Carl Rogers, Abraham Maslow, Rollo May, Erich Fromm (« L’Art d’aimer » de ce psychologue est un des livres de chevet des hippies).

Bien que les hippies prétendent rejeter toute doctrine, tout dogme, toute Eglise et toute hiérarchie (on sait que Al Hallaj prétendait que le culte était inutile et que Maître Eckhart en usait très librement vis-à-vis du dogme), ils suivent cependant l’enseignement de plusieurs gourous, dont les demeures, où se pratique l’extase chimique en commun, sont revêtues de tapisseries hindoues, de peintures vivement colorées et ornées de statues de Bouddha. […]

Pour le hippie authentique pas de communion avec l’Etre sans le bonheur et la plénitude individuelle : « Si je n’étais pas, Dieu ne serait pas », disait Maître Eckhart. Mais le « je » dont parle le grand mystique n’est pas le Moi aliéné par une société répressive, mais le Moi spontané, le Moi créateur, le Moi libéré du désir des richesses, du prestige et de la puissance, et qui vit l’union à l’Etre dans toutes ses actions : « Il faut vivre sans désir au milieu de la ville », écrit Bernard Plossu ; pour un hippie, « le paradis n’est pas donné par une religion, il est où vous le faites vous-mêmes… son souci fondamental est un art de vivre ». Or, « l’art de vivre » importe beaucoup plus au véritable hippie que la jouissance solitaire de l’extase psychédélique. Ainsi sait-il découvrir ses aptitudes et ses dons et créer son mode de vie personnel. Il ne recherche pas l’Art en soi, mais sa créativité s’exprime à tout instant de sa vie dans son costume (d’où la fantaisie des vêtements hippies), dans ses ornements, dans ses créations artisanales, dans ses poèmes, dans ses danses et dans ses chants. Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est se sentir uni aux autres, uni à l’Etre dans toutes les actions de sa vie ; ce qu’il veut, c’est vivre en état d’amitié avec les êtres et les choses : « Etre hippie, c’est redécouvrir l’amitié », écrit encore Bernard Plossu. […]

Vivant sans conflit l’Un et le Multiple, le hippie n’a pas besoin de projeter d’Image idéale du Futur, de la Transcendance ou de l’Au-delà ; son être « est en soi une raison suffisante d’exister ». Aussi s’accepte-t-il lui-même et accepte-t-il l’autre tel qu’il est, tel que la nature l’a créé ; comme pour Maître Eckhart, toutes les créatures sont la parole de Dieu : pas de mépris du corps, des sens et de soi-même ; jamais de mépris de l’autre, même s’il est injuste et violent : le hippie répond à la haine par la compréhension et l’amour et il jette des fleurs à ses ennemis ; mais s’il se veut aimant, il se veut en même temps indépendant : le hippie cherche à aimer d’une façon libre et saine, sans attachement morbide. Cette harmonie avec soi-même, avec les autres, et avec la vie doit être vécue dans la vie quotidienne, mais elle peut être magnifiée dans l’extase psychédélique et dans les grandes fêtes collectives, avec récitation de poèmes, chants, danses, pop music…[…]

Les festivals, la « pop music », « l’acid music », accompagnée de « light shows », les happenings et leurs transes collectives, ont pour but de remplacer ou de prolonger l’extase chimique. Certes, on peut mettre en doute la valeur de l’expérience religieuse à laquelle conduit ce fatras d’activités, inspirées par la recherche effrénée de sensations absolues, auditives, visuelles, tactiles, olfactives et sexuelles, mais quels que soient les excès et les mystifications auxquels se sont livrés certains hippies et quelques-uns de leurs gourous, quelles que soient les aliénations de cette étrange religion, il ne faut pas oublier qu’à l’origine du mouvement, les enfants-fleurs, avec leur gentillesse, leur simplicité, leur joie de vivre, leur désintéressement et leur naïveté ont fait passer sur le monde du business, de la machine et de la guerre, un souffle d’air pur, de spiritualité et d’authentique fraternité. Ces jeunes ont tenté de vivre à leur manière une synthèse originale entre les mysticismes traditionnels et le besoin moderne de libérer l’affectivité et la créativité individuelles. Ils ont eu le mérite de rechercher une nouvelle forme de religion libérée des aliénations religieuses mutilantes pour l’individu, et une nouvelle forme de société libérée de la course à l’argent et de l’esprit de ségrégation et de violence. Ils ont voulu vivre l’Etre, dans le présent, par l’amour et l’épanouissement de chaque individu. On pourrait dire que les hippies ont recherché, à leur manière, ce que voulait réaliser Maître Eckhart : « L’union dans la liberté la plus haute, l’indépendance la plus infinie, dans un présent indéfini. »

Mathilde Niel & Bailey Young

Les chemins des paradis hippies




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