samedi, juillet 23, 2011

Deux textes de Shankara (Vivekacûdâmani & Aparokshânubhuti)





Le Chan/Zen, qui naquit en Chine au VIe siècle, présente de nombreuses similitudes avec le Vedânta.

Shankara (788-820), un des plus grands philosophes indiens, mena une existence errante, prêchant les doctrines du Vedânta advaitiste fondées sur la théorie de la Mâyâ (illusion) et sur le Connaissance (Jñâna) comme source de liberté et de libération des liens qui attachent le Moi. Il provoqua un renouveau de l'hindouisme après le recul lié au développement du bouddhisme.

Vivekacûdâmani

« Le diadème du discernement » ( Vivekacûdâmani), renferme cinq cent quatre-vingts versets. Après avoir énuméré les qualités dont l'aspirant doit faire preuve, Shankara indique le moyen de franchir l’océan des renaissances (samsâra). Il explique ensuite que l'âtman est au-delà des cinq gaines ou fourreaux (pañcakoça) qui enveloppant l'individualité : gaines du corps et de l'énergie vitale, gaines de l'esprit et de l'intellect, gaine enfin de la félicité.

Les rites amènent la purification de l'esprit et non la perception de la Réalité. La manifestation de la vérité est causée par la discrimination et point du tout par dix millions de rites. (11)

Il y a de bonnes âmes, calmes et magnanimes, qui font lever le bien autour d’elles comme le printemps. Ayant elles-mêmes franchi l’océan des naissances et des morts, elles aident les autres à le traverser, sans aucune pensée de récompense. (37)

Un père peut compter sur ses fils pour le débarrasser de ses dettes, mais il ne peut compter que sur lui-même pour sa libération. (51)

L’étude des Écritures est inutile aussi longtemps que la Réalité suprême n’est pas connue ; de même, quand cette Réalité est perçue, l'étude des Écritures devient inutile. (59)

La maladie ne quitte pas le patient s’il prononce simplement le mot : médecine, sans la prendre ; semblablement, sans pratiquer l'ascèse, on ne peut être libéré en prononçant le mot Brahman. (62)

Le moi éprouve du plaisir quand les objets des sens lui sont favorables, et il éprouve de la souffrance quand ils lui sont hostiles. Aussi bien plaisir et souffrance sont des propriétés du moi et non du souverain âtman. (105)

Comme le parfum du bois de santal, le parfum du Soi suprême est étouffé par la poussière de ces désirs véhéments et persistants (vâsanâ) qui ont imprégné notre esprit, il est perçu clairement quand il est purifié par le contact intime avec la connaissance. (274)

Le Soi est Brahmâ, le Soi est Vishnu, le Soi est Indra, le Soi est Shiva, le Soi est tout cet univers. Rien d’autre n’existe que le Soi. (388)

Regarder tout avec la même indifférence en ce monde plein de qualités et de défauts, naturellement divers, est un privilège de l'homme libéré. (433)

Comme le ciel, je suis au-dessus de toute contamination, comme le soleil, je suis différent des choses illuminées. Je suis immobile comme une montagne. je suis illimité comme l’océan. (499)

Quelquefois fou, quelquefois sage ; quelquefois revêtu de la splendeur d’un roi ; quelquefois doux, quelquefois dangereux comme un serpent ; quelquefois honoré, quelquefois méprisé, quelquefois inconnu, ainsi vit le sage toujours heureux de la félicité suprême. (542)


Aparokshânubhuti

« L'expérience directe du Soi » (Aparokshânubhuti) renferme cent quarante-quatre stances. C’est un manuel (prakarana) d'initiation. Le thème central de ce court traité est l'identité du Soi individuel (jivâtman) avec le Soi suprême ( paramâtman).

Les quatre qualifications préliminaires, telles que le renoncement, etc., peuvent apparaître chez les hommes grâce au culte du Seigneur Hari ( Vishnu), à leurs austérités, à l'accomplissement des devoirs relatifs aux différentes castes et périodes de l’existence. (3)

Le dégoût avec lequel on considère la fiente d’un corbeau – et cela à l'égard des objets des sens, depuis Brahmâ jusqu’aux choses inertes – voilà en vérité ce que l’on appelle le pur dégoût. (4)

Qui suis-je ?... D’où vient ce monde ?... Quel est son créateur ?... De quelle matière ce monde est-il fait ?... Voilà la façon dont on doit mener l’enquête (vichâra). (12)

De la même manière qu’un objet en or a toujours la nature de l'or, un être né du Brahman possède toujours la nature du Brahman. (51)

De même qu’il existe toujours une relation de cause à effet entre la terre et la jarre, semblablement, la même relation existe entre Brahman et le monde phénoménal. Ceci a été établi sur la foi des textes scripturaires et par le raisonnement. (66)

Transformant la vision ordinaire en une vision de connaissance, on doit regarder le monde comme le Brahman. Voilà la plus noble de toutes les visions, et non celle qui consiste à fixer son attention sur le bout de son nez. (116)
Les personnes qui sont très habiles à discuter du Brahman n’arrivent pas à la réalisation du Soi. Elles sont très attachées aux plaisirs du monde. Ces êtres naissent et meurent constamment par le seul fait de leur ignorance. (133) 

On doit d’abord chercher la cause par la méthode négative (vyatirekena) et ensuite la trouver par la méthode positive (anvayena), comme toujours présente dans l'effet. (138)


Shankara : La quête de l'être 

« De même qu'en ce monde un bloc de cristal assume fictivement diverses teintes de vert, de bleu, etc. quand il est au contact des objets qui ont cette couleur, de même la lumière du Soi se diversifie fictivement en vision, audition, etc. » Tel est le monde des apparences, celui que nous prenons pour vrai. Et tel est ce que Shankara ignorait et négligeait complètement, pour fixer la grande lumière de l'Absolu. Ce qui apparaît dans la lumière ne le concernait pas. Aventurier de l'être, sensible à sa seule lumière, Shankara, autrefois secret et accessible aux rares élus qui, par statut et appétit, pouvaient le comprendre dans une langue qu'on ne traduisait pas, est maintenant la référence de toutes les philosophies indiennes. Sa philosophie revisitée a été promue au rang de « philosophie indienne par excellence ». Les textes présentés dans cette anthologie, dégagés de la gangue des interprétations qui en ont émoussé le tranchant, témoignent principalement de l'actualité de l'expérience spirituelle de Shankara.


Michel Angot est sanskritiste. Il a notamment publié « L'Inde classique ».



Photo :
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