mardi, juillet 12, 2011

Les Voyages de Gulliver



L’œuvre pour laquelle Swift est universellement connu reste évidemment les Voyages de Gulliver. Avec une fantaisie débridée, une imagination féconde mais particulièrement maîtrisée et beaucoup d'humour, Swift se révèle un libre-penseur délivré des préjugés les plus profondément, les plus insidieusement enracinés. Il dénonce la brutalité et la sottise. Il démystifie la tyrannie de l'État, de tout État, comme le nationalisme. Il se livre à une critique très moderne, très intense, de l'impérialisme.

La guerre, pour Swift, comme pour tout homme civilisé d'ailleurs, symbolise le mal. Cela a fait des Voyages, qui se centrent sur cette idée, une œuvre profondément subversive, une œuvre réellement anarchiste. Godwin, le père de l'anarchisme théorique, la salua d’ailleurs ; de même que d'autres gens de gauche parmi lesquels Cobbett, Leight Hunt, etc.

Un grand révolutionnaire tranquille

Il fallait un courage intellectuel dont on ne se rend pas compte aujourd’hui pour aller aussi loin que Swift. Ne s'attaqua-t-il pas à ce que l’on pourrait appeler le mythe porteur de la société de l'époque : le colonialisme ? Ne dénonça-t-il pas aussi les méfaits de l'argent roi ?

Swift eut une vue lucide sur l’« exploitation ordinaire », celle que les propriétaires font des petites gens. Il comprit le rôle, en cette affaire, des institutions qui sous prétexte de veiller à la paix civile font le jeu de l'exploitation. Quelques formules de lui sont significatives de ce point de vue : « La liberté induit que le peuple soit gouverné par des lois qui ont été promulguées avec son consentement. La servitude, elle, implique l'inverse. [...] Les pays pauvres ont faim, et les pays riches ont de la superbe. »

Swift ne quitta que fort rarement l’Irlande. Il ne s'engagea dans aucune lutte violente. Il fut ce qu’on appelle «un père tranquille ». En apparence, du moins ! On en vient naturellement à se demander la raison d’être de la rage qui l'habitait et de sa lucidité politique. Elles s’expliquent peut-être si l’on tient compte du fait que Swift aimait fortement son Irlande natale, qu’il aimait ses petites gens et que celles-ci le lui rendaient bien. Un écrivain, un créateur est régionaliste lorsqu’il rétrécit l'amour pour son pays. Quand il ne comprend pas qu'aimer son pays, ou sa condition, n’existe vraiment que si cet amour déborde le cadre qui l'a vu naître. Dans un autre domaine, Kafka aussi fut un « régionaliste » : il fut, toute sa vie, un employé de banque. Le génie pourtant l'habitat. Peut-être précisément parce qu’il médita intensément sur sa condition d’« homme quelconque ».

André Nataf


Les Voyages de Gulliver 


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