dimanche, octobre 16, 2011

Georges Brassens & le programme Apollo





J'adore faire enrager Brassens. C'est mon vice. Le sien aussi à mon encontre, et il ne s'en prive pas. Certains sujets, autant par sincérité que par jeu, le font littéralement bouillir : l'architecture moderne (les architectes n'y connaissent rien) ; la révolution de la pop-music (Quelle révolution ? Est-ce qu’ils emploient des notes autres que les miennes ? Est-ce qu'ils jouent mieux de la guitare que Django Reinhardt ou Henri Crolla ?) et, sujet suprême, délice des oreilles, damnation d’Albert Ducrocq, la conquête de l'espace...

Un soir, sachant le résultat, j'ai abordé les mérites de la conquête spatiale avec Brassens, au cours d'un autre Campus Spécial (sur Europe 1, la radio périphérique la plus écoutée des années 1970).

- « Je ne suis pas d'accord avec toi, me répondit-il, d'abord calmement. Je considère ce voyage dans la lune comme une vaste foutaise et une rigolade. On nous prend pour des cons car nous avons d'autres problèmes à résoudre. Je ne connais même pas mes voisins et on veut que je délire sur la lune...

Je regrette infiniment de te le dire, mais ça ne m'intéresse pas, poursuivit-il en s’échauffant un peu. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se passe à l'intérieur de ta personne, et je ne le sais même pas. Le voyage sur la lune est une duperie...

Puis, enchaîna-t-il, rien ne te prouve que tout cela arrive vraiment. C'est peut-être du cinéma, tourné en studio. Cela me fait de la peine que tu attaches autant d'importance à ce voyage dans la lune qui n'en a aucune.

D'ailleurs, les Soviets, qui ne sont pas si cons qu'ils en ont l'air, y ont renoncé. Ils savent que ça ne sert à rien. Non, écoute, tant qu'on ne connaîtra pas l'homme, tant qu'on ne connaîtra pas son voisin, tout cela ne servira strictement à rien. »

- Mais cela correspond peut-être, répliquai-je hypocritement, à une sorte d'élévation mystique, à une inspiration quasi métaphysique ?...

Ce fut l'explosion, tant attendue, tant souhaitée :

- « Une élévation, aller dans la lune ? Ce petit satellite de rien du tout ? Peut-être même n'est-ce qu'un ancien morceau de la terre ? Non, mais tu te fous de moi ?

Si, à la rigueur, il s'agissait de Venus! La conquête de la lune, c'est étonnant avec Jules Verne. C'est poétique. Tu peux rêver... Non, laissez ma lune tranquille, messieurs les cosmonautes ! »

Puis il acheva :

- « Le voyage dans la lune, c'est un truc pour duper les gens, pour leur faire oublier le reste et pour leur voler l'argent qu'ils ont dans leurs poches... On leur fait lever la tête, et pendant ce temps-là, on leur vide le portefeuille... »

Nous partîmes tous les deux d’un éclat de rire. Ce fut la fin de cette émission.

Mais plusieurs mois après, je reparlais avec un ami de cette envolée-boutade de Georges. Et lui me répondit, simplement, sans rire :

- « Brassens a raison, Ou sans le savoir, il a eu raison. N'as-tu pas remarqué que le gouvernement américain avait attendu le voyage d'Apollo 14 de février 1971 pour envahir le Laos ? »

Michel Lancelot


Brassens, Ferré, Brel et l'anarchisme




Dessin :

Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...