mercredi, octobre 26, 2011

L'école du rire





Madan Kataria, créateur du yoga du rire, est un consultant en santé holistique et un conférencier très demandé par les multinationales. Il a fait un émule à Téhéran.

Hamid-Reza Mohtashemi, directeur de l’École du rire de Téhéran, s'inspire aussi de Paolo Coelho et de Tony Robbins. Tony Robbins est l'auteur de livres selfhelp à succès et d'une méthode appelée « libérer son pouvoir intérieur ». Il demande jusqu'à 300 000 dollars pour une conférence. Quant à Paolo Coelho, ses livres sont des romans à tendance philosophique, voire des manuels de « développement personnel » distillant un spiritualisme new-âgeux.

En étudiant sérieusement la question, dit Hamid-Reza Mohtashemi, directeur de l’École du rire de Téhéran, j’ai découvert qu’un nourrisson rit trois cents fois par jour. Une fois adulte, à supposer qu’il vive dans vos pays développés, il ne rira plus que douze à treize fois par jour. En Iran, notre coefficient est un peu inférieur : six à sept fois par jour. Cela s’explique par des incidents historiques, comme les invasions que nous avons subies, et par la peur d’événements imprévus, comme les tremblements de terre. Et encore, je ne fais pas la moyenne annuelle pour éviter d’inclure dans le calcul les fêtes religieuses et les deux mois de deuil pour notre imam Hossein (que son nom soit béni), durant lesquels il ne faut pas rire.

Grâce à la profondeur de mes recherches, j’ai découvert que les Iraniens, dont les racines sont très anciennes, n’étaient pas hostiles au rire par nature. Aux époques sassanide et achéménide, ils riaient beaucoup.

J'ai ainsi compris qu’il y avait un vrai potentiel, mais il me fallait encore trouver la bonne technique. Cela m’a pris des années de travail. Je me suis inspiré des travaux du docteur indien Madan Kataria. J’ai également étudié les ouvrages de Paolo Coelho et de Tony Robbins et maintenant, je dispose d’une méthode unique, ayant vraiment fait ses preuves.

Surtout, il ne s’agit pas de se moquer de qui que ce soit, des gens d’Ispahan qui sont avares, de ceux de Racht qui sont cocus, de ceux de Tabriz qui sont simples d’esprit. J'apprends à mes élèves à rire sans raison, car e veux l’unité parmi tous les habitants de la terre pour que nous partagions le rire et le bonheur.

Ma méthode fonctionne avec les Iraniens, parce qu’elle nécessite un certain background culturel. Mais je vais l’adapter aux Kurdes, aux Turcs et peut-être aux Thaïlandais, afin d’ouvrir des filiales internationales de mon école. Vous savez, de nombreuses universités dans le monde ont voulu m’offrir un diplôme quand elles ont découvert les résultats extraordinaires auxquels j'étais parvenu. J’ai refusé, parce que ma spécialité n’entre pas dans leurs catégories académiques. A la limite, j'accepterais un doctorat en technique de la vie. Pour moi, le rire révèle l’humain au sommet de son potentiel. Pour bien rire, il faut avoir tout étudié, le marketing et l’économie, la religion et l’art de se débrouiller dans les relations familiales.

Bien sûr, je ne fais pas cela pour l’argent. Mon but, c’est de rendre les Iraniens heureux. Je veux dire les rendre conscients qu’ils sont heureux, puisque nous sommes déjà un peuple naturellement tourné vers le bonheur, un peuple de nature aimable et amicale, qui regarde le reste du monde à travers leur amour de la religion.

En France, vous avez de jolis bâtiments, les meilleurs parfums du monde et de bons hôtels. Vous voyez, je sais tout. Mais l’Iran a beaucoup de choses à dire. Nous avons Avicenne, nous avons inventé les droits de l'homme* il y a 2 500 ans, et aussi l'homéopathie.

Dans mon école, l'enseignement est organisé en quatorze étapes sur quarante semaines, à raison de trois heures par semaine. Pour des raisons de place, je ne prends pas plus de trente-cinq élèves par classe, mais je donne aussi des cours semi-privés et des séminaires de masse, qui rassemblent parfois plusieurs milliers de personnes dans un stade. Le cursus de base coûte 250 000 toumans [188 euros] mais il vaut mieux le compléter en prenant un abonnement à mon magazine Comment vivre, tiré à 40 000 exemplaires, ainsi qu’en achetant mes DVD et mes livres. Récemment, j'ai traduit Tony Robbins en persan. Disons que je me suis fait aider, car je ne parle pas anglais. Je n’ai pas réussi à le joindre pour lui demander l'autorisation, mais je suis certain qu’il est d’accord de participer au bonheur des Iraniens.

Chaque session commence par un cours sur les sources du bonheur et du rire. Et puis on passe aux exercices pratiques. Après quelques semaines, mes élèves peuvent rire au niveau suprême, pendant deux ou trois minutes et sans se moquer de qui que ce soit. Je leur donne aussi des conseils pratiques, comme d’ouvrir les rideaux de leurs appartements pour laisser entrer la lumière. Je leur fais répéter sans cesse ces trois phrases : "Dieu est toujours avec moi" ; "Chaque jour sera meilleur que la veille" ; "Aujourd’hui va être une super journée".

On fait des tests psychologiques sur nos étudiants à la fin de nos sessions. Les résultats sont confidentiels, parce que je suis tenu au secret médical. Mais je peux vous en dévoiler les grandes lignes. La confiance en soi augmente chaque semaine. Les élèves bénéficient rapidement d’un sommeil plus paisible et leur métabolisme s’améliore. Bref, leur niveau de bonheur augmente globalement. Nous avons aussi 100 % de réussite dans le sauvetage des mariages. Les parents connaissent bien leurs enfants et sont les mieux placés pour leur trouver un mari ou une épouse. Mais certains les marient trop jeunes, avant que leurs enfants n’aient compris certaines choses de la vie. S’ils viennent apprendre à rire dans mon école, ils ne divorceront pas.

Vous savez, la religion compte pour une grande partie dans notre bonheur. Il faut connaître le chemin vers Dieu pour être heureux. Ainsi, respecter le Ramadan procure un bonheur unique au monde, par exemple quand vient l'azzam (crépuscule) et que l'on peut rompre le jeûne. L’islam est une religion heureuse. Le Prophète (que Son nom soit sanctifié) nous a appris à aimer les gens joyeux et sympathiques et à rejeter ceux qui sont déprimés ou en colère. Et nous, Iraniens, avons des raisons supplémentaires d’être heureux, grâce à nos imams que nous aimons tant. Et surtout grâce à notre cher Reza (que la paix soit sur lui) et son mausolée à Mashad.

Nous ne rions pas pendant le deuil de l’Ashoura, en raison de notre immense respect pour l’imam Hossein (béni soit son nom). Cela s’est passé il y a 1 150 ans, mais quand je pense à lui, à son martyre sublime, j’en ai les larmes aux yeux. Tiens, j’y pense, j’ai oublié de vous dire que je peux aussi faire pleurer mes élèves. C’est le même mécanisme. Mais bon, pour pleurer, ils n’ont pas besoin de prendre des cours.

Propos recueillis par Serge Michel, Marche sur mes yeux.



*) Il s'agit du texte considéré comme la première charte des droits de l'homme, gravé sur le fameux Cylindre de Cyrus et qui consacre la liberté de culte au moment où ce dernier conquiert Babylone et libère les esclaves juifs.

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