vendredi, décembre 23, 2011

La troisième époque de l'humanité





Durant l'année 2011, On a beaucoup glosé sur le grand État mondial, la terre régénérée (elle devrait ascensionner en 2012), les mahométans hors d’Europe, l'Empire ottoman (loi sur la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915). Ces thèmes ne sont pas nouveaux.

« Dans son De Monarchia Hispanica (1600), Tommaso Campanella suppliait le roi d'Espagne de financer une nouvelle Croisade contre l'Empire Turc et fonder, après la victoire, la Monarchie Universelle.

Trente-huit ans plus tard, dans l'Ecloga destinée à Louis X III et à Anne d'Autriche pour célébrer la naissance du futur Louis XIV, T. Campanella prophétise à la fois la recuperatio Terrae Sanctae et la renovatio saecali. Le jeune roi va conquérir toute la Terre en mille jours, terrassant les monstres, c'est-à-dire soumettant les royaumes des infidèles et libérant la Grèce. Mahomet sera rejeté hors de l'Europe ; l'Égypte et l'Éthiopie redeviendront chrétiennes, les Tartares, les Persans, les Chinois et l'Orient entier se convertiront. Tous les peuples formeront une seule chrétienté et cet Univers régénéré aura un seul centre : Jérusalem. « L'Église, écrit Campanella, a commencé à Jérusalem, et c'est à Jérusalem qu'elle retournera, après avoir fait le tour du monde. » Dans son traité La prima e la seconda resurrezione, Tommaso Campanella ne considère plus, comme saint Bernard, la conquête de Jérusalem comme une étape vers la Jérusalem céleste, mais comme l'instauration du règne messianique.

Inutile de multiplier les exemples. Mais il convient de souligner la continuité entre les conceptions eschatologiques médiévales et les différentes « philosophies de l'Histoire » de l'Illuminisme et du XIXe siècle. Depuis une trentaine d'années on commence à mesurer le rôle exceptionnel des « prophéties » de Joachim de Fiore dans la naissance et la structure de tous ces mouvements messianiques, surgis au XIIIe siècle et se prolongeant, sous des formes plus ou moins sécularisées, jusqu'au XIXe siècle.

L'idée centrale de Joachim, l'imminente entrée du monde dans la troisième époque de l'Histoire, qui sera l'époque de la liberté, puisqu'elle se réalisera sous le signe du Saint-Esprit, a eu un retentissement considérable. Cette idée contredisait la théologie de l'Histoire acceptée par l'Église depuis saint Augustin. Selon la doctrine courante, la perfection ayant été atteinte sur la Terre par l'Église, il n'y a plus place pour une renovatio dans l'avenir. Le seul événement décisif sera la deuxième venue du Christ et le Jugement dernier. Joachim de Fiore réintroduit dans le christianisme le mythe archaïque de la régénération universelle. Certes, il ne s'agit plus d'une régénération périodique et indéfiniment répétable. Il n'en est pas moins vrai que la troisième époque est conçue par Joachim comme le règne de la Liberté, sous la direction du Saint-Esprit, ce qui implique un dépassement du christianisme historique, et, comme dernière conséquence, l'abolition des règles et des institutions existantes. Il n'y a pas lieu de présenter ici les différents mouvements eschatologiques d'inspiration joachimite. Mais il vaut la peine d'évoquer certains prolongements inattendus des idées du prophète calabrais.

C'est ainsi que Lessing développe, dans son Éducation de la race humaine, la thèse de la révélation continuelle et progressive s'achevant dans une troisième époque. Lessing concevait, il est vrai, ce troisième âge comme le triomphe de la raison au moyen de l'éducation ; mais ce n'était pas moins là, dans son opinion, l'accomplissement de la révélation chrétienne, et il se réfère avec sympathie et admiration à « certains enthousiastes des XIIIe et XIVe siècles », dont la seule erreur fut de proclamer trop tôt le « nouveau évangile éternel ».

La résonance des idées de Lessing fut considérable, et, à travers les Saint-Simoniens, il a probablement influencé Auguste Comte et sa doctrine des trois états. Fichte, Hegel, Schelling ont été marqués, bien que pour des raisons différentes, par le mythe joachimite d'une troisième époque, imminente, qui renouvellera et complétera l'Histoire. Par leur canal, ce mythe eschatologique a influencé quelques écrivains russes, surtout Krasinsky, avec son Troisième royaume de l'Esprit et Merejkowsky, l'auteur du Christianisme du troisième Testament.

Certes, nous avons affaire désormais à des idéologies et à des fantaisies semi-philosophiques, et non plus à l'attente eschatologique du règne du Saint-Esprit. Mais le mythe de la rénovation universelle, à une échéance plus ou moins proche, est encore discernable dans toutes ces théories et fantaisies. »

Mircea Eliade, Aspects du mythe.



Aspects du mythe

La fonction du mythe est de donner une signification au monde et à l'existence humaine. Grâce au mythe, le monde se laisse saisir en tant que cosmos parfaitement intelligible. Mircea Eliade retrace l'histoire des grands mythes des peuples primitifs jusqu'au monde moderne en passant par les grandes civilisations du passé. Son livre constitue à la fois un exposé historique, rempli d'exemples, et une synthèse philosophique du problème examiné.

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