samedi, décembre 31, 2011

Trois philosophes





A l'attention des amateurs de livres de philosophie, Amazon communique régulièrement la liste des meilleures ventes.

Le livre de Michel Onfray, "L'ordre libertaire : La vie philosophique d'Albert Camus", figure en bonne place.

L'ordre libertaire
La vie philosophique d'Albert Camus

Albert Camus écrivait en 1953 dans ses Carnets : « Je demande une seule chose, et je la demande humblement, bien que je sache qu’elle est exorbitante : être lu avec attention. » Pour lui rendre justice, croiser sa pensée et son existence, saluer une vie philosophique exemplaire, j’ai souhaité écrire ce livre après l’avoir lu avec attention.» (M. Onfray)

Pour mettre fin à une légende fabriquée de toutes pièces par Sartre et les siens, celle d’un Camus « philosophe pour classes terminales », d’un homme de gauche tiède, d’un penseur des petits Blancs pendant la guerre d’Algérie, Michel Onfray nous invite à la rencontre d’une œuvre et d’un destin exceptionnels.

Né à Alger, Albert Camus a appris la philosophie en même temps qu’il découvrait un monde auquel il est resté fidèle toute sa vie, celui des pauvres, des humiliés, des victimes. Celui de son père, ouvrier agricole mort à la guerre, celui de sa mère, femme de ménage morte aux mots mais modèle de vertu méditerranéenne : droiture, courage, sens de l’honneur, modestie, dignité.

La vie philosophique d’Albert Camus, qui fut hédoniste, libertaire, anarchiste, anticolonialiste et viscéralement hostile à tous les totalitarismes, illustre de bout en bout cette morale solaire.


Ensuite, il y a le livre d'Alain Badiou "La République de Platon" :

La République de Platon

« Cela a duré six ans. 

Pourquoi ce travail presque maniaque à partir de Platon ? C’est que c’est de lui que nous avons prioritairement besoin aujourd’hui : il a donné l’envoi à la conviction que nous gouverner dans le monde suppose qu’un accès à l’absolu nous soit ouvert. 

Je me suis donc tourné vers La République, œuvre centrale du Maître consacrée au problème de la justice, pour en faire briller la puissance 
contemporaine. Je suis parti du texte grec sur lequel je travaillais déjà avec ardeur il y a cinquante-quatre ans. 

J’ai commencé par tenter de le comprendre, totalement, dans sa langue. Je me suis acharné, je n’ai rien laissé passer ; c’était un face-à-face entre le texte et moi. Ensuite, j’ai écrit ce que délivrait en moi de pensées et de phrases la compréhension acquise du morceau de texte grec dont j’estimais être venu à bout. Peu à peu, des procédures plus générales sont apparues : complète liberté des références ; modernisation scientifique ; modernisation des images ; survol de l’Histoire ; tenue constante d’un vrai dialogue, fortement théâtralisé. Évidemment, ma propre pensée et plus généralement le contexte philosophique contemporain se sont infiltrés dans le traitement du texte de Platon, et sans doute d’autant plus quand je n’en étais pas conscient. 

Le résultat, bien qu’il ne soit jamais un oubli du texte original, pas même de ses détails, n’est cependant presque jamais une “traduction” au sens usuel. Platon est omniprésent, sans que peut-être une seule de ses phrases soit exactement restituée. J’espère être ainsi parvenu à combiner la proximité constante avec le texte original et un éloignement radical, mais auquel le texte, tel qu’il peut fonctionner aujourd’hui, confère généreusement sa légitimité. 

C’est cela, après tout, l’éternité d’un texte. »

Alain Badiou


Jean-Paul Sartre est toujours apprécié des lecteurs :


L'existentialisme est un humanisme

Avec son Être et le néant, Jean-Paul Sartre ne se doutait sans doute pas du raz de marée qu il allait générer : la philosophie devient soudainement très populaire à Paris et tout le monde ne parle plus que d'existentialisme. Les critiques fusent contre son livre, de la part des communistes lui reprochant de ne pas être assez matérialiste et des Chrétiens de trop s'y adonner. 

Un peu déboussolé, Sartre décide de tenir une conférence pour remettre les choses au point. Il a surtout peur de voir les communistes le repousser, lui qui a, pendant la guerre, été interné dans un stalag où il découvrit la solidarité : soudain, le philosophe misanthrope se découvrit humaniste et désireux de se rapprocher des communistes. 

Dans L'existentialisme est un humanisme, on assiste donc à la greffe de l'existentialisme, philosophie solitaire de l'engagement de l'homme avec l'humanisme, un humanisme kantien à dominante universelle. Pour Sartre, Dieu n'existe pas, l'homme arrive sur Terre vide de toute dimension quelconque. Il doit donc s' inventer et exister. Seul l'engagement lui donne la possibilité de prendre conscience de lui ; mais les autres sont indispensables à cela car leur regard le crée : nous dépendons de la vision que les autres ont de nous : sans elle, nous nous ignorons. Il faut donc s'engager et peser chacune de nos actions en les interrogeant d'un point de vue universel : que penserions-nous de quelqu’un agissant comme nous ? 

La philosophie existentialiste tient du courage et du dévoilement de l'être. Il s'agit de se réaliser chaque jour comme si hier ne comptait pas. La psychanalyse n'a aucune place dans la réflexion de Sartre : l'homme a une totale liberté d'être, de s'élever ou de chuter et qu'importe son milieu ou ses origines. 



Cette conférence est admirable car Sartre se fait pédagogue (elle fut prononcée devant un public entré librement et donc pas nécessairement au fait des questions philosophiques) : il évoque des réflexions passionnantes avec une facilité déconcertante. Néanmoins, on pourra reprocher, du fait de la brièveté de son propos, des développements trop rapides sur des points importants comme celui concernant la solidarité entre les Hommes dont le lien avec l' existentialisme paraît discutable. De plus, la philosophie existentialiste est fondamentalement athée et anti-déterministe, ce qui prête tout de même à discussion : si l'on n'admet pas ces présupposés (à savoir que Dieu n'existe pas et que l'Homme a tout potentiel pour s'inventer librement), il sera difficile pour le lecteur d'adhérer aux développements de Sartre.




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