jeudi, juin 30, 2011

Psychisme & guérison




En médecine, l’action la mieux étudiée du psychisme sur le corps se nomme l’effet placebo. Il est très utilisé en pratique médicale et en recherche pharmacologique pour évaluer l'activité chimique réelle d'un médicament. Le placebo est un faux médicament, une substance inactive administrée à un malade qui croit prendre un vrai médicament, Dans certains cas, le résultat est tel que le placebo soigne de façon satisfaisante, mais induit également les mêmes conséquences indésirables (nausées, vertiges...) que le produit qu'il remplace. Ce phénomène existe, chez les très jeunes enfants, y compris les bébés, et même chez des animaux domestiques. En plus de cet effet spécifique, orienté par le thérapeute qui attend d'une substance inerte un résultat précis, il existe un effet psychique dont l’origine est inconnue, Il fonctionne pour n'importe quelle maladie, c’est la guérison inexpliquée, le miracle. Les placebos antalgiques (antidouleur), le sport, le rire et plus généralement les sources de plaisir stimulent chez l’homme la sécrétion de morphines naturelles - les endorphines -, susceptibles de soulager. Par ailleurs, des expériences prouvent que le psychisme influe sur des paramètres organiques tels que la tension artérielle, l'acidité de l'estomac ou le nombre de globules blancs. Le psychisme aurait même un rôle important, complémentaire des thérapeutiques, en matière de cancérologie. Une de ces expériences consiste à enfermer dans trois cages différentes des rats de la même espèce, à qui une tumeur cancéreuse a été greffée.

Dans la cage n° 1, on laisse évoluer les rats et leurs cancers sans intervenir. Dans la cage n° 2, les rats reçoivent des chocs électriques d'intensité, de durée et de survenue aléatoires, de sorte qu’ils ne savent jamais ni quand ni combien de temps ils vont avoir mal. Dans la cages n° 3, l'expérimentateur envoie les mêmes décharges électriques que dans la cage n° 2, mais les rats ont à leur disposition une manette leur permettant d'interrompre à tout moment le choc, ce qu'ils font très rapidement. Au bout d’un mois, 50 % des rats de la cage n° 1 ont rejeté la tumeur ; dans la cage n° 2, ils sont seulement 34 %. Conclusion : le stress incontrôlable est cancérogène. En revanche, dans la cage n° 3, 64 % des rats rejettent la tumeur : le stress maîtrisé aurait donc, un effet anticancéreux.

En médecine, un des meilleurs facteurs de guérison du cancer du sein semble être la réaction, au diagnostic. Les femmes qui décident rapidement de lutter sont plus nombreuses à guérir que celles qui se croient "fichues". Certains chercheurs pensent que le psychisme commanderait à notre organisme de sécréter massivement des substances anticancéreuses, comme les interférons par exemple. Ces molécules, utilisées en thérapeutique, existent aussi à l’état naturel dans nos cellules. C'est pourquoi de plus en plus d'hôpitaux mettent en place dans les services de cancérologie des psychothérapies ou travaillent en collaboration avec des psychothérapeutes.

Patrick Lemoine, psychiatre, Centre hospitalier spécialisé Le Vinatier, Bron.

mercredi, juin 29, 2011

Les homosexuels interdits de séjour céleste


Toutes les religions ont dressé des interdits quant à l'homosexualité entre adultes, pour ces censeurs le plus évident des comportements qui mettent en péril la procréation. Ce qui, de toujours, a été stigmatisé - parce qu'au départ hostile au développement démographique - c’est le plaisir gratuit associé au désordre. Les couches laborieuses ont d’ailleurs attribué l'homosexualité aux riches oisifs. Quand elle se développe chez les pauvres, elle est jugée comme sexualité de compensation, pis-aller, voire moyen vénal de suppléer à la misère - grâce justement aux sollicitations des pervers des classes favorisées. Il est donc absurde de proclamer que l’homosexualité, était plus tolérée en France dans la première moitié du XXe siècle, comme de regretter la grande liberté de mœurs des peuples sous-développés et de s’étonner de la répression sexuelle qui s’installe dès qu'un pays tente de moderniser ses structures économiques.

Homosexualité et politique

Qu’on le veuille ou non, n’en déplaise aux nostalgiques, l'homosexualité adulte (dont la désignation d’ailleurs n’intervient qu’à la fin du XIXe siècle, en même temps que la suprématie de la médecine) n’existe, comme mode de vie explicite, dans aucun groupe social. Les façons qu’ont tenté - et que tentent - les sociétés d’en régler la présence et l'éternel attrait sont de deux ordres : soit (comme chez les Perses, par exemple, ou chez les Grecs et dans certains groupes ethniques qui préservent ainsi les rites de la puberté) en canalisant, sous forme de cérémonies initiatiques, le désir que peuvent avoir des adultes mâles pour de jeunes adolescents ; soit, de nos jours en Occident où le surpeuplement inquiète, en autorisant les relations homosexuelles entre adultes. Si, dans le premier
cas, les bases de la société patriarcale ne sont pas ébranlées, il en va bien autrement dans le deuxième cas où est remise brutalement en question la famille traditionnelle.

Ce long préliminaire est nécessaire. Il faut détruire une illusion que les homosexuels eux-mêmes entretiennent et qui est aussi préjudiciable que de vouloir définir l'homosexualité comme immanente, donnée à la naissance par un gène rédhibitoire : à savoir que l’homosexualité aurait bénéficié dans le passé d’un âge d’or ! L’homosexualité adulte, telle que nous la définissons aujourd’hui, a été de tout temps refoulée.

Nombre d'homosexuels voudraient que la religion, qui est affaire d’âme disent-ils, n’ait pas à se préoccuper d’autre chose que de l'âme et d'argumenter longuement sur les vertus de générosité et de courage que les homosexuels partagent avec les hétérosexuels. C’est éliminer un élément majeur et décisif. Les religions se créent et s’entretiennent dans des sociétés données. Elles renforcent les lois - parfois les corrigent - et il serait inefficace de s’en tenir, par exemple, au message de Jésus qui n’est que parole dans un monde qui ne se préoccupait que d’argent. Que les homosexuels le sachent : quand on parle de religion, ce n’est pas de la parole supposée du Christ, de Bouddha, d’Allah ou de Jéhovah qu’il s’agit mais des commandements qui, au cours des siècles, ont élaboré les pratiques de la religion qui régularisent - en la restreignant - la florissante et polymorphe effervescence du désir. Les religions interdisent et limitent l’épanouissement individuel dans le but aujourd’hui contestable de favoriser l’évolution collective.

Jouissance et homosexualité

Refuser l’homosexualité, c'est refuser la passivité du mâle. C’est en même temps refuser le plaisir, la jouissance, l’égalité des sexes ; c’est surtout cantonner la femme au rôle de servante d’un homme qui inscrit sa virilité dans le vide creusé par sa soumission, réduite qu’elle est au rôle de porteuse de petits d’hommes, de mère et de putain, en fait une sorte d’envers nécessaire et troublant de cela seul qui compte parce qu’il fallait en protéger la survie : l’homme actif, dispensateur de semence. L’homosexualité (masculine) est d'abord condamnée de crainte qu’elle se développe et écarte l’homme de ses devoirs. Ce qui est annulé, ce ne sont pas les égarements occultes de l’homosexualité mais sa reconnaissance sociale. Elle est inversion, monstruosité puisqu’elle désigne des hommes qui, non seulement se veulent femmes - donc inexistants - mais n'ont même pas le
privilège de couver des petits d’hommes. On retrouve donc dans ce schéma initial – très simple en définitive - tout ce qui hante la société : l'effémination de l'homme, la sodomie (déni primaire de la transmission de l'espèce), le travestissement et le grand tabou de notre époque, la pédophilie masculine, dont la peur rejoint l'angoisse de l’inceste et bloque la relation père-fils qui s’interdit la tendresse dans l’obsession de la virilité.

La religion, dans sa réalité temporelle, ne peut passer outre ces angoisses fondamentales puisque ses règles et sa pratique ont précédé la morale laïque quand elles ne l’ont pas annulée ou déterminée. Avec de nos jours une crispation particulière: sorti de la misère, l'homme occidental se détache des oukases religieux pour prôner la morale individuelle. Les religions sont face à une homosexualité gênante puisqu’elle ne peut plus s’insérer dans une condamnation globale de la jouissance que la contraception, l'avortement et l’émancipation des femmes ont déclarée indépendante de la procréation.

Bouddhisme et homosexualité

Le bouddhisme basé sur l’évolution intérieure de l’individu devrait ne se préoccuper en rien de l'homosexualité qui n’est qu’un épiphénomène de l'incarnation. A partir du bouddhisme, il nous faut considérer pourtant les sectes qui s'en réclament comme l'implantation en France de la NSF (Nichiren Shoshu française), une communauté d’inspiration bouddhique qui attire beaucoup d’homosexuels. Soucieuse de garder ses membres et sachant combien le développement du sida en inquiète certains et les perturbent, elle affronte la question. Dans Dialogue pour l’Europe, l’alternative bouddhisme/homosexualité est clairement posée : « Question : comment le bouddhisme considère-t-il l'homosexualité ? L’homosexuel doit-il lutter contre son propre destin ou bien peut-il accepter sa condition comme étant naturelle ? »

La réponse est formulée dans la question !
Réponse : En fait le bouddhisme ne dit pas que l’homosexualité est bonne ou mauvaise. Comme vous le savez, le bouddhisme est la philosophie de la vie, donc concerne la vie... Quant à l’homosexualité, c’est un problème qui se situe à un niveau différent ; par conséquent, le bouddhisme ne la considère pas comme un vice et ne la juge pas comme tel. En renforçant de jour en jour la pratique bouddhique, l’homosexuel parviendra à se comprendre clairement et à saisir à la lumière du bouddhisme si ses actes quotidiens correspondent à l’attitude la plus digne de l’homme. Donc, il faut veiller à ne pas con- sidérer l’homosexuel comme un déséquilibré. Il faut éviter de penser que s’il est homosexuel, cela prouve que sa croyance est faible ou incorrecte. Il est important de veiller sur lui. En tant que membre, nous devons l'encourager inlassablement, de façon apparente ou non, afin que sa conviction s’approfondisse ; nous devons également souhaiter son développement. Si nous agissons ainsi, un tel homme arrivera à s’engager sur le chemin de la vie, conscient de sa mission qui est de vivre pour la propagation du bouddhisme.

Ce texte malhabilement conciliant ne pose pas différemment la... différence que le catholicisme : il y a la bonne sexualité et la déviante.

L’homosexuel juif

La situation est plus ambiguë lorsqu’il s'agit de la religion juive. Un regard superficiel peut envisager que les persécutions dont ont été victimes les juifs les prédisposent à l’indulgence. Les homosexuels juifs se heurtent pourtant à un triple opprobre : celui de la religion, celui de la famille, et peut-être surtout celui de la communauté. La Thora, qui, dans ses 613 règles, définit précisément ce que l’on peut faire et ce qui est interdit, rappelle que le couple doit se former comme Dieu l’a formé au départ, composé d’un homme et d’une femme et non de deux hommes (ce qui présuppose que cela peut exister !). Quant au chapitre 18 du Lévitique, il donne la liste des mariages interdits, et mentionne l’homosexualité au même titre que l’inceste ou la zoophilie. Comme pour la religion catholique, c’est la cellule familiale qui est dominante et si la condamnation à la lapidation des homosexuels et la mise en garde de la dépravation que pouvaient subir les jeunes juifs dans les gymnases grecs n’est plus en vigueur, l’hostilité résolue des religieux à l'homosexualité persiste aujourd’hui.

Aux États-Unis, certains rabbins affichent leur homosexualité, un juif gay, ne sera pas exclu par la communauté. La famille juive, moins hostile que la famille pratiquante chrétienne, se montre néanmoins accablée. Mais il s’agit moins de vice que de ne pas pouvoir perpétuer des fils. En Israël aujourd’hui, l'homosexualité est punissable mais les sanctions sont rarissimes. Elle reste un motif d’exclusion de l’armée chez les officiers, elle est tolérée chez les simples soldats. Dans le vécu individuel, il peut, bien sûr, y avoir souffrance : une minorité dans la minorité. Là où la communauté juive est importante, l’homosexualité est en voie d’intégration. A New York, deux synagogues gaies accueillent homos et lesbiennes avec leurs amis et familles.

L’islam face à l'homosexualité

A la différence de la religion catholique encombrée d'un Christ chaste et qui a perpétué la culpabilité sexuelle, le Coran se fait le défenseur d’une sexualité presque hédoniste. Mais, dans les faits, elle se cantonne à une hétérosexualité de reproduction. La question sexuelle est absolument centrale dans le Coran. Mais l’homosexuel est un « sous-être ». Comme toutes les religions, l'islam est anti-eugéniste. L’homosexuel qui ose s’affirmer en tant que tel, affronte d’emblée deux codes hégémoniques fondamentalement répressifs : la parole divine qui est absolument fondatrice dans l'islam, et puis la société bâtie sur des bases normatives étouffantes. La société islamique se voue au culte de la virilité. A travers l’homosexualité, l’homme se déclassé et retourne au rang de la femme. La notion d’androgyne est donc récupérée par l'imaginaire et la pratique effective de l'homosexualité chez les jeunes n’est pas nommée. On revient à ce qui domine ce profond refoulement commun à toutes les religions : l’homme actif dans sa relation sexuelle avec un autre homme n’est pas déconsidéré, et au-delà d’une homosexualité de découverte réciproque entre jeunes gens, il y a une homosexualité de domination ou de revanche envers plus jeune que soi ou envers l’Occidental. L’homosexualité de plaisir choisie comme telle est vilipendée. […]

Les successeurs de Jésus

Les homosexuels entretiennent une équivoque entre ce que l’on suppose être la parole du Christ et le christianisme tel qu’il s’est figé au cours des siècles, et notamment à partir des Xe et XIIe siècles où les moines célibataires se sont livrés à un travail de sape et de déformation des évangiles. Jusqu’à l’invention du mot « homosexuel », ce qui fut réglementé sous la forme d’interdits draconiens c’est, nous le répétons, la jouissance. La mise au jour récente de textes répressifs montre que Jésus ne s’est en rien préoccupé de condamner l'homosexualité en tant que telle. Mais sa légende d’homme célibataire né d’une femme vierge a forgé une haine du sexe dont nous portons encore les conséquences. Il peut paraître aujourd’hui invraisemblable que les ecclésiastiques aient pu s’épuiser pendant des siècles à tenter de construire toute une morale sur cette incongruité physiologique : une femme engendre un dieu de chair sans qu’un homme la pénètre. D’où l'abomination des menstrues qui signalent la réalité chamelle du cycle fécondateur, d’où refus du corps - surtout féminin - qui doit voiler tout ce qui provoque la concupiscence, d’où exégèses sans fin pour savoir à partir de quel moment il y a plaisir, donc péché. L’homosexualité s’inscrit dans le droit de cet interdit du plaisir sexuel qui n’aurait pas, en dernier recours, l’excuse de la procréation. Hors du vase naturel, point de salut. Onanisme, sodomie quel que soit le sexe du partenaire, contraception, adultère, et bien sûr avortement sont toutes actions infamantes, au même titre et pour longtemps.

Hugo Marsan



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Les interdits de l'islam




Mahomet a déclaré : « Évitez les sept périls que sont le polythéisme, la magie, le meurtre, le vol des orphelins, la fuite lors de la guerre sainte, la calomnie des femmes mariées, l'usure. »

Le théologien Ibn Abbas, suivi par la tradition musulmane, a précisé : « Ils sont plus près de 70 que de 7. » Voici la liste de ces 70 grands péchés, adaptée d'un livre justement intitulé Al-Kabaïr (Les grands péchés). L’auteur, Adh-Dhahabi, a passé la majeure partie de sa vie à Damas où il est né en 673 de l’Hégire (1274 de l’ère chrétienne). Son ouvrage a été réédité par les Éditions Dar el Fiker (Beyrouth), dans une version bilingue, arabe et française, établie par Saïd Al-Laham.

1. Le polythéisme.
2. Le meurtre.
3. La magie.
4. La négligence de la prière.
5. La non-acquitation de l'aumône.
6. La rupture du jeûne, lors du mois de Ramadan, sans excuse valable (maladie, voyage...).
7. La négligence du pèlerinage alors qu'on est matériellement en mesure de le faire.
8. L’ingratitude envers son père ou sa mère.
9. Le refus d'aider des parents proches dans le besoin.
10. L'adultère.
11. L’homosexualité.
12. L’usure.
13. L’oppression d’un orphelin, et le détournement de ses biens.
14. L’invention de mensonges sur Dieu et son messager.
15. La fuite du combat lors de la guerre sainte.
16. Le gouvernement injuste, qui ne suit pas les prescriptions de l’islam.
17. L’orgueil, la magnificence.
18. Le faux témoignage.
19. La consommation de boissons alcoolisées, la toxicomanie en général (haschich compris).
21. La calomnie des femmes mariées.
22. La fraude, devant le trésor public ou avec les biens des aumônes.
23. Le vol.
24. Le banditisme de grand chemin, le gangstérisme.
25. Le faux serment.
26. L’injustice en général, le fait de ne pas suivre la charia (les lois de l’islam).
27. La dîme, pratique anté-islamique de ceux qui prélevaient un dixième du montant des marchandises lors du passage d’un village, d’un pont..
28. L’acquisition de biens par des moyens illicites : faux serment, vol, escroquerie, jeu de hasard...
29. Le suicide.
30. Le mensonge.
31. Le jugement non conforme aux révélations de Dieu.
32. Le pot-de-vin.
33. L’imitation des femmes par les hommes, et réciproquement, le travestisme et, a fortiori, le transsexualisme.
34. Le proxénétisme.
35. Le mariage blanc, mariage de pure convention conclu par intérêt.
36. La souillure, en particulier par l’urine.
37. L'hypocrisie, en particulier la simulation de la foi.
38. La dissimulation de la révélation divine, ou la manipulation des textes révélés, par des gens du Livre.
39. La trahison.
40. Le reproche joint à l’aumône.
41. La négation du destin décidé par Dieu, l’« existentialisme ».
42. L’espionnage de personnes privées, l’indiscrétion.
43. La calomnie, la diffamation.
44. La malédiction.
45. La perfidie.
46. La croyance aux devins, aux astrologues, aux cartomanciennes...
47. L'insubordination de la femme, si le mari est juste.
48. Les représentations figurées, les idoles, les sculptures.
49. L’affliction exagérée et non sincère lors d’un décès (référence aux « pleureuses » anté-islamiques).
50. L’iniquité, la rébellion sans justification.
51. L’oppression (et les mauvais traitements) des faibles : esclaves, pauvres, femmes, concubines, orphelins et aussi animaux.
52. La méchanceté envers son voisin.
53. L’offense et la calomnie des musulmans.
54. L’empiètement sur les droits des pauvres.
55. L’arrogance, aussi bien dans le port de riches vêtements que dans la démarche.
56. Le port, par les hommes, de vêtements en soie et de bijoux en or.
57. La fuite pour un esclave, si le maître est juste.
58. Le sacrifice adressé à un autre qu’à Dieu.
59. Le reniement de son père, en particulier par l'adoption d’un autre nom.
60. La vaine querelle, la discussion malhonnête, le goût de la dispute.
61. Le refus de donner de l’eau.
62. La fraude, pour un marchand, dans la mesure des marchandises.
63. Le doute de la toute puissance de Dieu sur le cœur des hommes.
64. Le préjudice causé à de bons serviteurs de Dieu.
65. L’abandon de la prière en groupe pour prier seul.
66. La persistance de l’abandon de la prière en groupe, en particulier celle du vendredi.
67. Le tort causé à un héritier, par l’invention de dettes imaginaires ou tout autre moyen.
68. La ruse, la tromperie.
69. L’espionnage des autres musulmans et la révélation de leurs faiblesses.
70. L’injure, en particulier aux compagnons du Prophète.



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mardi, juin 28, 2011

Prêtre & anar



Jean Meslier (1664-1729)

Fils d'un marchand, Jean Meslier entre au séminaire de Reims à l'âge de vingt ans. Il est ordonné prêtre quatre ans plus tard et nommé à la cure d’Étrépigny, où il mène une carrière paisible. Il ne se fait remarquer qu’une seule fois : lorsqu’il dénonce en chaire le seigneur du village, qui maltraite ses paysans. Le reste du temps, il semble s’être fait oublier.

Hypocrisie ou ruse de guerre ?

Cette vie aurait été d'une extrême banalité si l'abbé Meslier n’avait laissé un « testament » qui fit beaucoup de bruit. Et pour cause ! On y découvre un tout autre personnage. Il y dénonce la religion avec une virulence inouïe. Il s'affirme résolument matérialiste. Et il se montre socialiste avant la lettre.

A-t-on donc affaire à un hypocrite ? Ou à une sorte de Dr. Jekill et Mr. Hyde ? Il faut d’abord remarquer que Meslier n’est pas un cas unique, il le sera seulement par son talent et par l'influence souterraine qu’il exercera sur les Encyclopédistes. Voltaire, par exemple, eut connaissance de ce testament et en publia un résumé.

L'abbé Meslier fait partie de ces « dissidents de campagne », plus nombreux qu’on ne le croit. La persistance d'un tel phénomène s'explique soit par le fait que l'Église ne vint réellement à bout du paganisme que relativement fort tard, soit par la persistance d’une influence janséniste. Sedan, qui est proche d'Étrépigny, passe, d'autre part, pour être la « Genève du Nord ». Il faut enfin souligner que Meslier ne fait que tirer les conséquences du message de l'Évangile. Et s’il prône carrément une révolution (le fait est pour son époque assez extraordinaire), s’il dénonce avec vigueur « abus et impostures », il compte sur ses collègues, les curés de campagne, pour éclairer le peuple, c'est-à-dire pour le dessiller et le conduire vers la révolution. Ne possèdent-ils pas le savoir et les lumières de la foi ?

Un matérialisme moderne

L'abbé Meslier est donc un prêtre, et il compte bien le rester. Comme les prêtres qui, ultérieurement, prêteront serment à la Révolution.

Il laissa plusieurs copies de son manuscrit qui circulèrent clandestinement. N’oublions pas qu'au XVIIIe siècle une littérature clandestine était acheminée par des colporteurs jusqu'aux provinces les plus reculées. Mais, comme nous l'apprend R. Desné (cité par B. Didier, le Siècle des Lumières, M.A., éd.) : « Le "Mémoire" de Meslier était une des vedettes de la littérature clandestine, puisque le colporteur La Barrière, arrêté en janvier 1743, est convaincu d'avoir "vendu dans son temps l'ouvrage du curé d'Étrépigny". »

Meslier est, en droite ligne, issu de Descartes, qu’il a poussé à l'extrémité de sa logique. Il distingue spontanément chez ce dernier le libre-penseur du philosophe encore sous l'emprise d’une métaphysique religieuse. Descartes avait posé l'existence du monde objectif, il avait donc révélé sa dignité. Il avait montré que c’était la scène de nos actions... Meslier jeta par-dessus bord le cadre dans lequel s'effectua la démarche de Descartes en quête de libre-pensée. Il n’eut pas besoin, lui, de faire appel à un malin génie ou à un dieu créateur.

Meslier établit en effet que la matière se suffit à elle-même. Il n’est pas nécessaire d'imaginer une « chiquenaude initiale », comme le fit Pascal, pour la mettre en mouvement. Elle se meut d'elle-même. C'est, si l'on veut, du spinozisme ; mais plus encore le « rêve de d’Alembert », voire le « matérialisme dialectique » d’Engels avant la lettre. C'est surtout la croyance en cette idée tout à lait moderne, et sur laquelle se fonde, par exemple, la relativité d’Einstein, selon laquelle matière et mouvement sont indissociables parce que le second est le mode de la première. La matière n'existe qu’en mouvement.

Un communisme avant les théories du XIXe siècle

Meslier dit qu’il ne sera pas satisfait avant « que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec les boyaux des prêtres ». On se demande comment un homme si tranquille a pu faire preuve d’une telle violence. Il faut croire que la passion qui donnera naissance à la Révolution couvait depuis longtemps déjà.

Meslier est un radical. Il démystifie la religion, qui, dit-il, obscurcit les esprits, empêche la raison d'être et maintient le peuple dans l'ignorance, le servage et l'humiliation. Il dénonce donc l’« imposture » religieuse comme étant la base - la racine, le terreau - des idéologies d’aliénation. Il prône enfin un communisme résultant d’une sorte de grève générale qui obligera les nantis à se démettre de leur pouvoir et de leurs privilèges. La révolution finira par « tout mettre en commun dans chaque paroisse pour jouir tous en commun des biens de la terre ». Meslier prône un communisme radical. Celui-ci s'apparente davantage à l'anarchisme de Bakounine qu’au communisme de Marx. L'unité de base du projet révolutionnaire de Meslier, la paroisse, rappelle en effet celle de Bakounine, la commune.

André Nataf

Extraits :

Dans l'esprit du curé Meslier, politique et religion s'épaulent mutuellement :

Elles s’entendent comme deux coupeurs de bourse. […]
La religion soutient le gouvernement politique, si méchant qu’il puisse être. Le gouvernement politique soutient la religion, si sotte et si vaine qu'elle puisse être.

Le curé compte beaucoup sur l'assassinat politique pour débarrasser le bon peuple de ses dirigeants :

Où sont ces généreux meurtriers de tyrans que l’on a vus dans les siècles passés ? Où sont les Brutus ou les Cassius? Où sont les généreux meurtriers d’un Caligula et de tant d’autres semblables monstres ? [...] Où sont les Jacques Clément et les Ravaillac de notre France ? Que ne vivent-ils encore dans notre siècle, [...] pour assommer ou pour poignarder tous ces détestables monstres et ennemis du genre humain et pour délivrer par ce moyen tous les peuples de la terre de leur tyrannique domination !

Meslier tempête également contre l'appropriation individuelle des biens et des richesses de la terre et il préconise le communisme social. Il se livre alors, dans son écrit, à un véritable appel au peuple, qui doit agir :

Votre salut est entre vos mains. Votre délivrance ne dépendrait que de vous, si vous saviez bien vous entendre tous. [...] Unissez-vous donc, peuples, si vous êtes sages. [...] Commencez d’abord par vous communiquer secrètement vos pensées et vos désirs. Répandez partout, et le plus habilement que faire se pourrait, les écrits semblables à celui-ci, par exemple, qui fassent connaître à tout le monde la vanité des erreurs et des superstitions de la religion et qui rendent partout odieux le gouvernement tyrannique des princes et des rois de la terre.


Le testament de Jean Meslier



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lundi, juin 27, 2011

Drukpa künleg


« Un cul puissant raccourcit la corde du Samsara ! » 
 Drukpa künleg 


Drukpa künleg, littéralement « Dragon parfaitement bon », est un des « fous saints » les plus connus du Tibet (1455-1570). Il reçut une formation religieuse selon la tradition de la branche Drugpa de l'école Kagyüpa, mais ne tarda pas à embrasser le destin peu orthodoxe d'ascète errant.


Drukpa künleg est considéré comme la réincarnation de deux Mahâsiddha indiens : Saraha et Shavaripa ; à leur exemple, il composa des chants d'inspiration spirituelle. Il joua un rôle important dans la conversion du Bhutan à la doctrine bouddhique. Il doit sa popularité auprès du peuple tibétain à son grand amour des jeunes filles et de la bière *.

Les gens disent...
Les gens disent que Drukpa Künley est complètement fou ;
Dans la folie, toutes les voies sensorielles sont la Voie !
Les gens disent que le sexe de Drukpa Künley est immense ;
Son membre apporte la joie au cœur des jeunes filles !
Les gens disent que Drukpa Künley aime trop le sexe ;
Le résultat de ses congrès est une armée de beaux enfants !
Les gens disent que Drukpa Künley a un cul étonnant et fort;
Un cul puissant raccourcit la corde du Samsara !
Les gens disent que Drukpa Künley a une veine rouge vif ;
Une veine rouge rassemble un nuage de Dakinis ;
Les gens disent que Drukpa Künley ne fait rien que bavarder ;
Ce bavard a quitté son pays natal !
Les gens disent que Drukpa Künley est extraordinairement beau ;
Sa beauté le rend cher au cœur des filles de Mon !
Les gens disent que 
Drukpa Künley est un véritable Bouddha ;
Quand on soumet les ennemis de la sagesse, la conscience grandit !

Un jour qu'il était en visite au monastère de Dressing, il eut l'idée de jouer un tour au Gardien de la Morale.
- Je voudrais devenir novice, lui dit-il.
- D'où viens-tu ?
- Je suis un Drukpa.
- Est-ce que les Drukpas savent chanter ?
- Personnellement, je n'ai pas une très belle voix, répondit-il innocemment, mais j'ai un ami qui est un très bon chanteur.
- Eh bien, amène-le demain.
 
Le lendemain, alors que les moines étaient assemblés, le Lama arriva traînant par l'oreille un âne couvert d'une robe rouge qu'il fit asseoir à l'alignement des moines.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? hurla le Gardien de la Morale, en fureur.
- C'est l'ami dont je t'ai parlé, celui qui a une belle voix, dit Kunley en donnant un coup de pied à l'âne pour le faire braire.

Le Gardien les chassa à coups de trique. Alors, Künley tourna la tête par-dessus son épaule et cria :

- Voilà bien des gens qui s'intéressent plus au chant qu'à la méditation !

Comme il s'en allait, deux moines le rejoignirent et lui demandèrent à quel endroit il était rattaché.
- Drunkpa Künley n'a ni maison ni destination, répliqua-t-il ; je n'ai plus ma place à Drepung que je ne l'ai en enfer.
- Quel crime as-tu commis pour que l'enfer ne soit pas assez profond pour toi ? demandèrent-ils en riant.
- Ici-bas, je fais ce qui me passe par la tête mais, ce faisant, j'entre en conflit avec le désir des autres hommes. J'ai bien pensé aller passer quelques jours en enfer, mais des moines du monastère de Sera m'en ont interdit l'accès. Alors, j'ai voulu être moine à Drepung mais je n'y ai trouvé que jalousie, envie et colère ; aussi, n'ai-je pas pu y trouver ma place.

Ce disant, il repris la route de Lhassa.

La Béatitude et la Vacuité indivisibles, la Conscience Ultime, renouvellent le lien qui unit le Lama au Divin.
Le souffle vital de ceux qui violent les vœux dans les Dix Sphères, renouvelle l'engagement des Protecteurs et des Gardiens.
La morve, les crachats et les crottes de nez, satisfont le fabricant de crachoirs.

Après son retour à Sakya, le Lama séjourna quelque temps dans le voisinage d'une femme extrêmement belle que l'on appelait Loleg Buti. Künley voulait la posséder, mais n'essuyait que des rebuffades. Il était perplexe :

- Comment une telle femme peut-elle exister ? hurla-t-il en fureur ; et il tapa violemment du pied sur une pierre plate, y laissant une empreinte comme dans de la boue. Le bruit de cet exploit se répandit dans la contrée, et Loleg Buti, se repentant de sa vivacité première, apporta de la bière délicieuse en offrande au Lama.

- Ô, Grand Adepte, dit-elle, la première fois que je t'ai rencontré, je n'ai pas su voir que tu es un Bouddha. Pardonne-moi, je t'en prie, et prends mon corps maintenant.

- Retrousse ta jupe et ouvre les jambes. Ô, remarqua Künley regardant entre les cuisses et sortant son sexe, il semble que nous ne soyons pas faits l'un pour l'autre ; tu as besoin d'une verge triangulaire, et moi d'un trou rond. A l'évidence, cela ne colle pas.

Alors, tout à coup, le monde donna la nausée à la superbe fille :

- Précieux Maître de la Vérité, si tu me considères comme une femme supérieure, s'il te plaît, prends moi avec toi ; si tu penses que je suis médiocre, envoie-moi dans un ermitage ; si tu me considères comme inférieure, rase-moi le crâne et donne-moi un nom religieux.

- Tu n'es pas une femme que je peux prendre avec moi, et tu n'es pas faite pour être ermite ; aussi ne te reste-t-il que la troisième solution. Quel nom veux-tu porter ?

- Donne-moi un nom commun.

- Sauveur de l'eau, du feu, de l'air et de la terre, proposa-t-il.
- Non, non, pas un nom comme cela, un nom musical.
- Rédemptrice de la vina, de la flûte et du luth.
- Cela me portera tort, donne-moi un nom effrayant.
- Je pourrais t'appeler Sauveur du léopard, de l'ours et du serpent.
- Non! Je préfère un nom tendre.
- Sauveur de brocard et de soie!
- Cesse de me taquiner, donne-moi un nom qui me convienne.
- Sauveur du sucre et du miel ?
- Non, pas un nom comme cela! Je suis lasse du monde et j'ai décidé de me consacrer à la vie religieuse. S'il te plaît, donne-moi un nom qui montre que j'ai cherché refuge en Bouddha.
- Sauveur du refuge de la dévote dégoûtée.
- Je ne suis toujours pas satisfaite.
- Alors, je te nomme Sauveur licencieux et sans honte de l'enseignement divin.
- Enlève les qualificatifs et laisse-moi le reste, supplia-t-elle : Sauveur de l'enseignement divin ( Lhacho Drölma).

Le Lama accepta. Il l'envoya méditer pendant trois ans sur le Jomo Lhari. Pendant ces trois années, elle ne mangea rien, se nourrissant de sa propre concentration, et garda les yeux toujours ouverts. Enfin, par la grâce du Lama, Lhacho Drölma atteignit la bouddhéité dans un corps de lumière. Des cinq mille femmes que connut Künley, treize furent ses favorites, et parmi elles, Lhacho Drölma fut la plus chère à son cœur.


*) Dictionnaire de la sagesse orientale.


Illustration :
https://picasaweb.google.com/herferra/LamasDelBudismoTibetano

dimanche, juin 26, 2011

Éveil instantané & pratique graduelle




Le 3 mai 1998, dans la ville de New York, a eu lieu un dialogue entre deux représentants du bouddhisme tibétain et chinois, le quatorzième dalaï-lama (Tenzin Gyatso) et l'enseignant Chan (Ch'an ou Tchan) Sheng-yen.

Le dalaï-lama s'adresse à Sheng-yen :

En écoutant votre explication du bouddhisme Chan, j’ai noté quelques questions que je voudrais vous poser. D’abord, dans quel siècle a vécu Maître Huineng?

Sheng-yen répond :

Il a vécu au VIIIe siècle de notre ère.

Le dalaï-lama poursuit :

Je vous le demande parce qu’il existe un lien historique entre le Chan et l'origine et le développement du bouddhisme tibétain. Nous savons que Lama Tsongkhapa a été l’un des critiques les plus virulents des enseignements subitistes du Chan au Tibet, et qu’il y eut un grand débat autour du Chan et des enseignements transmis depuis le bouddhisme indien.

Cependant, dans le temple de Samyê, pendant l’époque de formation du bouddhisme tibétain, sous le règne du roi Trisong-Deutsen, plusieurs ailes du bâtiment étaient dévolues à différentes pratiques. Une section était consacrée aux pratiquants du vajrayana - les tantrikas. Une autre section était dédiée aux lozawas et aux pandits – les traducteurs et les lettrés. La troisième section était nommée salle du dhyâna, le lieu de la méditation. C’est là qu’est censé avoir résidé un maître chinois nommé Hoshang. C’est au VIIIe siècle, lorsque Samyê fut construit, que les maîtres indiens Santarakshita et Kamalashila étaient actifs au Tibet et prirent part au développement du bouddhisme tibétain.

À mon avis, si Santarakshita a bâti une aile séparée dans le temple de Samyê pour la résidence des maîtres chinois du Chan, c’est qu’il a fait bon accueil à cette tradition et l’a considérée comme un élément important du bouddhisme au Tibet. Cependant, il semble qu’à l’époque de son successeur, Kamalashila, certains pratiquants du Chan au Tibet aient favorisé une version légèrement différente de la doctrine originelle. Ils insistaient énormément sur le rejet de toute forme de pensée, pas seulement dans le contexte d’une pratique spécifique, mais presque comme une position philosophique. C’est ce qu’a attaqué Kamalashila. Aussi me semble-t-il que deux versions différentes du Chan ont pénétré au Tibet.

Sheng-yen répond poliment :

Je suis très reconnaissant à Sa Sainteté de soulever le cas du maître chinois Hoshang. D’après l'histoire, il semble que les moines chinois du temps de Kamalashila n’étaient pas qualifiés pour représenter le Chan. Dans les grottes de Dun Huang, où de nombreux textes bouddhistes ont été exhumés, les chercheurs ont découvert des textes anciens relatant une histoire similaire au sujet du premier moine chinois, qui eut si une grande influence sur le bouddhisme tibétain, en particulier sur la pratique de la méditation. Aussi, peut-être, après tout, le premier maître chinois à être venu au Tibet n’était-il pas si mauvais que ça !

Le dalaï-lama :

Dans la tradition tibétaine, le premier maître chinois fut bienvenu ; on suppose que c’est le second maître qui a été vaincu en débat. (La controverse sur le quiétisme entre bouddhistes de l'Inde et de la Chine au VIIIe siècle de l'ère chrétienne est traitée par paul Demieville dans son livre « Le concile de Lhasa ». Alexandra David-Néel considérait favorablement l'argumentation chinoise. Ce sont probablement des raisons politiques qui poussèrent les lamas à proscrire le Chan et sa philosophie libertaire en prétextant la non-pensée.*)

Sheng-yen, avec humour :

Alors peut-être n’y aura-t-il pas de problème avec moi, mais avec mon successeur qui va perdre à son tour !

Le dalaï-lama est moins drôle en rejetant les adeptes d'un Chan « hérétique » :

Oui ! Du point de vue tibétain, le premier Hoshang est bienvenu. C’est aux disciples du second Hoshang que nous devons dire « au revoir !» Si les maîtres chinois que nous recevons maintenant sont les disciples du premier maître chinois au Tibet, nous les accueillerons avec joie. Si ce sont des disciples du second maître chinois, nous devrons leur dire « bon voyage ».


Si le hiérarque tibétain n'est pas hostile à un Chan « orthodoxe » subitiste, il considère l'approche graduelle plus appropriée :

Personnellement, poursuit le dalaï-lama, je ne crois pas qu’il a existe une contradiction réelle entre les approches de la voie graduelle et de la voie soudaine. Ce n’est pas dire pour autant que la voie soudaine soit appropriée à chacun. Il peut y avoir des circonstances exceptionnelles dans lesquelles certains individus sont susceptibles de tirer un meilleur profit d’une approche spontanée, simultanée et instantanée, mais, en général, l’approche graduelle est probablement plus appropriée.

Sheng-yen, toujours révérencieux :

Je suis d’accord avec ce que vient de dire Sa Sainteté au sujet de l'éveil instantané et de la pratique graduelle. Je dois toutefois préciser que l’approche instantanée n’est pas réservée aux gens très éduqués, aux gros calibres intellectuels. En fait, l’approche instantanée peut parfois être utile à des gens dépourvus d’éducation. Le sixième Patriarche Huineng en fournit un exemple. Bien qu’il fût illettré, il manifesta une profonde compréhension du dharma.

Une histoire similaire est arrivée à l’époque du Bouddha. Suddhipanthaka, l’un des disciples du Bouddha, était un individu très peu cérébral, qui ne comprenait aucun des enseignements. Il atteignit pourtant la condition d’éveil en suivant une méthode que lui indiqua le Bouddha : en balayant le sol et en nettoyant les sandales !

D'après le livre « Au cœur de l'éveil ».


Au cœur de l'éveil
Dialogue sur les bouddhismes tibétain et chinois





Illustration :
Drukpa Kunley (1455-1570) lama libertin-libertaire adepte du Chan chinois perpétué par l'école kagyu. http://fullmoonforum.blogspot.com/2008/09/about-crazy-wisdom.html


*) Note de Bouddhanar.

samedi, juin 25, 2011

Des livres gratuits



The Corporate Body of the Buddha Educational Foundation diffuse gratuitement de nombreux livres sur le bouddhisme (en plusieurs langues).

Cette organisation à but non lucratif m'a envoyé deux livres :

The Intention of Patriarch Bodhidharma's Coming from the West, by Hsuan Hua ;

Master Hsu Yun's Discourses and Dharma Words, Edited, Translated and Explained by Luk'uan Yü (Charles Luk).

Il existe bien une mystique libertaire dans le bouddhisme Ch’an. En effet, Ming Zhen Shakia, une américaine ordonnée dans l'école de Xu Yun, n’hésite pas à le proclamer : " Les mystiques sont des anarchistes spirituels ".

The Corporate Body of the Buddha Educational Foundation
11F., 55 Hang Chow South Road Sec 1, Taipei, Taiwan, R.O.C.


L'enseignement de Xu Yun (1839-1959) :


vendredi, juin 24, 2011

Le désir de puissance



De tous les problèmes sociaux, moraux et spirituels, celui du pouvoir est le plus chroniquement pressant et le plus difficile à résoudre. L'ardent désir du pouvoir n'est pas un vice du corps, et, partant, ne connaît aucune des limitations qu'impose une physiologie lasse ou rassasiée à la gloutonnerie, à l'intempérance et à l'appétit sexuel. Croissant avec chacune de ses satisfactions successives, l'appétit du pouvoir peut se manifester indéfiniment, sans être interrompu par la fatigue ou la maladie corporelle. En outre, la nature de la société est telle que, plus un homme grimpe haut dans la hiérarchie politique, économique ou religieuse, plus sont grandes les occasions et les ressources dont il dispose pour exercer le pouvoir. Mais grimper à l'échelle hiérarchique est d'ordinaire un processus lent, et les ambitieux parviennent rarement au sommet avant d'être bien avancés sur le chemin de la vie. Plus il vieillit, plus l'amoureux du pouvoir a de chances de s'adonner à son péché d'habitude, plus il est continuellement soumis aux tentations, et plus ces tentations deviennent brillantes. Sous ce rapport, sa situation est profondément différente de celle du débauché. Celui-ci peut bien ne jamais quitter volontairement ses vices, mais du moins trouve-t-il, à mesure qu'il avance en âge, que ses vices le quittent ; celui-là ne quitte ses vices, ni n'est quitté par eux. Au lieu d'apporter à l'amoureux du pouvoir un répit miséricordieux à l'égard des désirs auxquels il s'adonne, la vieillesse a tendance à les intensifier, en lui rendant plus facile de satisfaire ses besoins sur une échelle plus grande, et d'une façon plus spectaculaire. C'est pourquoi, comme l'a dit Acton (1), « tous les grands hommes sont mauvais. » Est-il donc surprenant que l'action politique, entreprise, dans un nombre hélas! trop grand de cas, non pas pour le bien public, mais uniquement ou tout au moins primordialement pour satisfaire les désirs de puissance d'hommes mauvais, se révèle si souvent comme étant soit négatrice d'elle-même, soit véritablement désastreuse ?

« L’État, c'est moi » dit le tyran ; et cela est vrai, bien entendu, non seulement de l'autocrate à la pointe même de la pyramide, mais des membres de la minorité dirigeante par l'entremise desquels il gouverne, et qui sont, en fait, les véritables dirigeants de la nation. En outre, tant que la politique qui satisfait les désirs de puissance de la classe gouvernante réussit, et tant que le prix du succès n'est pas trop élevé, les masses des gouvernés elles-mêmes sentiront que l'État, c'est elles - prolongement vaste et splendide du moi intrinsèquement insignifiant de l'individu. L'homme de peu est mis en mesure de satisfaire par procuration son désir de puissance, par l'entremise des activités de l'État impérialiste, tout comme le fait l'homme qui compte ; la différence entre eux est en degré, mais non en nature.

Il n'a jamais été conçu de méthode infaillible pour maîtriser les manifestations politiques du désir de puissance. La puissance étant, par son essence même, indéfiniment expansive, elle ne peut pas être tenue en échec, si ce n'est en se heurtant à une autre puissance. C'est pourquoi toute société qui apprécie la liberté dans le sens d'un gouvernement par la loi plutôt que par l'intérêt de classe ou les décrets personnels, doit veiller à ce que le pouvoir de ses gouvernants soit divisé. L'unité nationale, c'est la servitude nationale à l'égard d'un homme unique et de l'oligarchie qui le soutient. La « disunité » organisée et équilibrée est la condition nécessaire de la liberté. L'Opposition Loyale de Sa Majesté est la section la plus loyale, parce que la plus authentiquement utile, de toute communauté aimant la liberté. En outre, puisque l'appétit de pouvoir est purement mental, et, partant, insatiable et insensible à la maladie et à la vieillesse, aucune communauté qui apprécie la liberté ne peut se permettre de donner à ses gouvernants des mandats de longue durée. L'Ordre des Chartreux, qui ne fut « jamais réformé, parce que jamais déformé », a dû sa longue immunité à l'égard de la corruption au fait que ses abbés étaient élus pour des périodes d'une seule année. Dans la Rome antique, le degré de liberté dont ils jouissaient conformément à la loi était en raison inverse de la durée des mandats des magistrats. Ces règles destinées à maîtriser l'appétit du pouvoir sont très faciles à formuler, mais très difficiles, comme le montre l'histoire, à être mises en pratique. Elles sont particulièrement difficiles à pratiquer dans une période comme l'actuelle, alors que les mécanismes politiques sanctifiés par le temps sont frappés de caducité par les changements technologiques rapides, et que le principe salutaire de la « disunité » organisée et équilibrée a besoin d'être incorporé à des institutions nouvelles et mieux appropriées.

Acton, le savant historien catholique, était d'avis que tous les grands hommes sont mauvais. Roumi, le poète et mystique persan, pensait que la recherche de l'union avec Dieu, pendant qu'on occupe un trône, est une entreprise à peine moins insensée que celle de chercher des chameaux parmi les souches de cheminées.

Aldous Huxley, « La philosophie éternelle »

La philosophie éternelle

Philosophia Perennis, la formule a été créée par Leibniz; mais la chose, - la métaphysique qui reconnaît une Réalité divine substantielle au monde des choses, des vies et des esprits ; la psychologie qui trouve dans l'âme quelque chose d'analogue, ou même d'identique, à la Réalité divine, l'éthique qui place la fin dernière de l'homme dans la connaissance du Fondement immanent et transcendant de tout ce qui est -, la chose est immémoriale et universelle. On trouve des rudiments de la Philosophia Perenmis parmi le savoir traditionnel des peuples primitifs, dans toutes les régions de la terre, et, sous ses formes les plus pleinement développées elle trouve une place dans chacune des religions supérieures. Une version de ce Plus Grand Commun Diviseur de toutes les théologies antérieures et postérieures fut pour la première fois, mise en écrit il y a plus de vingt-cinq siècles, et depuis lors le thème inépuisable a été pris et repris, du point de vue de chacune des traditions religieuses, et dans chacune des langues principales de l'Asie et de l'Europe. Dans les pages qui vont suivre, j'ai rassemblé un certaine nombre de passages choisis parmi ces écrits, choisis surtout pour leur signification - parce qu'ils illustraient de façon efficace quelque point particulier du système général de la Philosaphia Perennis -, mais aussi en raison de leur beauté intrinsèque et de ce qu 'ils ont de mémorable. Ces extraits sont disposés sous diverses rubriques et encastrés, pour ainsi dire, dans un commentaire à moi, destiné à illustrer et à relier, à développer, et, là où cela est nécessaire à élucider.
(Huxley, début de l'Introduction)



La philosophie éternelle date de 1945, treize ans après Le meilleur des mondes. Au désespoir, Huxley n'oppose pas seulement l'érudition et l'humour ; ce grand voyageur, qui fit le tour du monde en sceptique et expérimenta les drogues en documentaliste, s'est défendu du pessimisme par ces deux formes de l'intelligence à l'affût d'elle-même que sont l'ironie et le savoir.


1. Lord Acton (1834-1902) a consacré sa vie à la rédaction d'une vaste Histoire de la Liberté, dont seuls des fragments, d'ailleurs très importants, ont été publiés.


Illustration :
Tardi, « Adieu Brindavoine ».
De nos jours, les hommes politiques sont-ils les marionnettes de richissimes prédateurs ?




Révélations d'un lama dissident

Le lama tibétain Kelsang Gyatso (1931-2022) était un enseignant important parmi les guélougpa restés fidèles à des pratiques proscrites ...