mercredi, janvier 11, 2012

Morelly & le capitalisme





De nos jours, les intellectuels n'incarnent pas de contre-pouvoir. Ils servent sans vergogne les intérêts des maîtres du monde. Les philosophes du XVIIIe siècle sont plus intéressants. 

Né au début du XVIIIe siècle, Étienne-Gabriel Morelly, considère que la propriété privée est l'unique source des maux de l'humanité. Ses livres, « La Basiliade et le Code sont essentiellement la critique d'un ordre social européen perçu comme contre nature et provisoire.

Contre nature, tout d'abord. À ses débuts, l'humanité vivait selon les lois de la nature. L'harmonie régnait entre les hommes sans que ceux-ci aient conscience que cet état fût le meilleur. L'accroissement de la population et la dispersion qui en résulta sonnèrent le début d'une période de troubles durant laquelle les liens d'amour et d'affection entre les hommes se distendirent. C'est à ce moment précis que les premiers législateurs commirent l'erreur de prendre les relations sociales telles qu'elles étaient devenues pour des relations correspondant réellement à la nature de l'homme. Par manque de raison, ils tentèrent et tentent toujours depuis lors de les réglementer, persistant dans l'erreur initiale, alors qu'ils auraient dû revenir aux lois de la nature.

Provisoire, ensuite, car les « îles flottantes » — la civilisation européenne — finissent par sombrer. « Le progrès [étant] la loi générale de la nature », les hommes réfléchissent sur leurs échecs successifs et reviendront, éclairés par la raison, à l'ordre naturel suivi inconsciemment par leurs lointains ancêtres. Il faut donc que les hommes se désassujettissent des préjugés qui leur font prendre un ordre social historique et une construction humaine, la propriété privée, pour des données naturelles.

La critique de la propriété privée — critique dont le fondement est exclusivement moral — est capitale pour Morelly. Elle est la base même de tout cet édifice législatif erroné. En l'instituant, les premiers législateurs ont durablement séparé intérêt général et intérêt particulier. Revenir aux lois de la nature, et par conséquent retrouver la cité idéale, c'est en premier lieu abolir la propriété privée.

Les transformations induites par cette suppression sont radicales. En premier lieu, elles se traduisent par l'effondrement de la hiérarchie sociale et le retour à l'égalité primitive. Les hommes s'entraident mutuellement en participant — obligatoirement — à la production en fonction de leurs capacités et reçoivent selon leurs besoins. Quant aux charges publiques, elles échoient à tour de rôle aux chefs de famille.

Ce type de communisme a pu trouver un certain écho parmi les élites du XVIIIe siècle, mais c'est surtout le siècle suivant qui, en se l'appropriant, en l'interprétant en fonction de ses besoins et en l'annexant au courant socialiste, a contribué à sa postérité. »
Jean-Luc Baudras


Vraies causes de la décadence et des révolutions des États les plus florissants.


« Depuis le sceptre jusqu'à la houlette, depuis la tiare jusqu'au plus vil froc, si l'on demande qui gouverne les hommes, la réponse est facile ; l'intérêt personnel ou un intérêt étranger que la vanité fait adopter et qui est toujours tributaire du premier. Mais de qui ces monstres tiennent-ils le jour ? De la propriété. C'est donc en vain, sages de la terre, que vous cherchez un état parfait de liberté où règnent de tels tyrans. Discourez tant qu'il vous plaira, sur la meilleure forme de gouvernement ; trouvez les moyens de fonder la plus sage république ; faites qu'une nation nombreuse trouve son bonheur à observer vos lois ; vous n'avez point coupé racine à la propriété, vous n'avez rien fait ; votre république tombera un jour dans l'état le plus déplorable. C'est en vain que vous attribuerez ces tristes révolutions au hasard, à une aveugle fatalité qui cause l'instabilité des empires, comme celle de la fortune des particuliers ; ce sont des mots vides de sens. »

Morelly


Œuvres philosophiques complètes de Morelly

Le présent volume regroupe l'ensemble des œuvres de Morelly relevant de la philosophie. 

Sont inclues : 
1743 Essai sur l'Esprit humain, ou Principes naturels de l'Éducation. 
1745 Essai sur le Cœur humain, ou Principes naturels de l’Éducation. 
1748 Physique de la Beauté, ou Pouvoirs naturels de ses Charmes. 
1755 Code de la Nature, ou le Véritable Esprit de ses Lois de tout temps négligé ou méconnu. 



A la publication du Code de la Nature, l'abbé Raynal, puis Grimm, pensant qu'il s'agit d'une œuvre de Diderot, s'accordent pour l'éreinter ; seul le marquis d'Argenson le met au-dessus de L’esprit des lois. D'environ 1762 jusqu'à la veille de la Révolution, le Code est avant tout considéré comme un ouvrage impie, philosophique. Avec l'affaire Babeuf, en 1797, le Code accède au rang de grand livre socialiste du XVIIIe siècle, et le projet de constitution qu'il contient le consacrera comme tel. Aujourd'hui le Code offre un extraordinaire condensé des thèmes et idées de l'époque, qui pourrait expliquer ses attributions diverses et notamment le souhait par Grimm que Rousseau en fût plutôt l'auteur. 

A posteriori les œuvres de Morelly possèdent la vertu de nous replonger avec une immédiateté et une fraîcheur incroyables dans les écrits du plus méconnu de ceux qui contribuèrent à ce mouvement philosophique du XVIIIe dont nous sommes encore aujourd'hui les héritiers. 






Morelly est un inconnu. Il se nommerait Etienne-Gabriel Morelly. Sa naissance se situerait à Paris vers 1717-1718, et il semblerait qu'il ait vécu dans la nébuleuse littéraire qui entourait le prince de Conti. Il est surtout connu pour être l'auteur du Code de la Nature, qui paraît en janvier 1755 (l'année du Discours sur l'Origine et les Fondements de l'Inégalité parmi les Hommes de Rousseau) et qui eut cinq éditions connues de 1754 à 1773, trois éditions plus ou moins complètes au XIXe siècle et une dizaine au XXe en France, en Allemagne de l'Est, en Russie, en Yougoslavie, en Italie. 
Le Code de la Nature, inclus dans les Œuvres complètes de Diderot éditées à Amsterdam en 1773, fut attribué à Diderot jusqu'au début du XXe siècle.


Capitalisme : système économique basé sur la propriété privée des moyens de production et structuré en vue de maximiser les profits.

Illustration :
Obélix & Compagnie


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