mardi, janvier 03, 2012

Prédateurs invisibles





Le sociologue Antonin veut comprendre une terrifiante énigme qui semble habiter le cœur d'un vaste monastère lamaïste. La mort frappe des personnes jeunes qui sont en relation avec ces ermitages tantriques.

J'allai dans ma chambre, afin d'envoyer à Tchang (Ismaël) la synthèse de mes observations, avec l'aide de mon fidèle ordinateur Powerbook dont la forme évoque un grimoire.

Cependant, une étrange sensation se produisit peu à peu dans ma poitrine, alors que je dactylographiais sur mon écran les impressions de cette journée. Une sorte d'oppression commençait à envahir le thorax, comme si j'étais en proie à une sorte de « stress » excessif. De plus quelques visages étranges de couleur noire apparurent, évanescents comme des hallucinations, lorsque je fermai les yeux. J'envoyai l'ensemble des informations, avec également mes questions à Ismaël concernant cette fugitive perception onirique, et cette sensation de poitrine serrée, si inhabituelle pour moi... [...]

(La réponse d'Ismaël Tchang)

Cher Antonin,

Merci de tes pages. Je réponds ce soir à ta question concernant ces effets indirects de ta curiosité. Il s'agit probablement de l'activation du système de protection subtil de l'institution dont tu as, sans t'en apercevoir, pénétré le champ, et outrepassé les lignes de force implicites, aujourd'hui. Ce « système » est indéfinissable. Il est nulle part et peut agir partout... Mais on le représente simplement ici sous la forme d'un « imagiShark » noir et grimaçant, agitant de la main droite un couperet et, de la gauche, un bol plein de sang. Il est montré trépignant un corps humain ou deux, de son pied aux longs ongles acérés.

Il servirait, outre à soulager les disciples de leurs peurs et de leurs conflits intérieurs, à asseoir l'autorité et les priorités qui président aux destinées du culte. Quelque chose attaque les opposants potentiels à ce dernier, en infligeant toutes sortes de sensations désagréables. Cela décourage ainsi des initiatives humaines, même valables, au moment où elles vont dans un sens qui est défavorable au système tantrique. La manière dont cela se passe est bien sûr impossible à comprendre.

Le bouddhisme et le Tibet constituent des couvertures idéales, puisqu'ils sont des symboles de non-violence. Il se peut très bien qu'en filigrane du monastère il n'y ait plus aujourd'hui de ce véritable bouddhisme ancien, sinon les peintures, les conversations et le vocabulaire de la méditation... Il m'a semblé, en effet, que les émotions hostiles et la volonté obtuse de certains disciples y sont transformées. Alors sont-elles simultanément utilisées comme « matériau » d'intimidation et de domination, en étant projetées sur d'autres à l'extérieur par un réseau invisible, complexe et incompréhensible ? Ces phénomènes peuvent même circuler, apparaître, disparaître, se jouant de l'espace. Rien de très engageant, n'est-ce pas !

Heureusement l'être humain est protégé, et le mystère de la vie nous entoure. Il y a des défenses qui peuvent nous préserver des imagiShark prédateurs, lorsque c'est nous qu'ils « attaquent ». Les psychologues appelleraient cela de la psycho-neuro-immunité (Résistance à la maladie due à des facteurs d'ordre psychologique). On devrait même parler de « socio-neuro-immunité » dans le cas où des groupes de personnes sont concernés. L'expérience en retraite me suggère que le système des « imagiShark » est assez coriace ! Il faut donc doter notre propre protection d'une résistance supplémentaire... Pour cela la méthode est aussi simple que le problème est... complexe ! Te souviens-tu de la manière effroyable, mais terriblement efficace, qu'utilisèrent les Communistes chinois sur le Toit du Monde ?

Dans les années 50, ils dominèrent sans difficulté les régions du Tibet où le lamaïsme était pourtant très puissant. Cette occupation utilisa les armes à feu et les camions de troupes, la torture et les massacres d'innocents, mais surtout et progressivement la stratégie du grand nombre. Les lamaseries étaient censées protéger le Toit du Monde des envahisseurs potentiels, avec les rituels des imagiShark. Les Chinois ont limité cette religion qui leur était hostile, en détruisant ses temples. Ils ont dilué cette culture puissante, par la foule des colons de Chine. Ayant dépassé la masse critique, l'effet de nombre a été efficace. C'était la manière aussi de neutraliser les magies de certains des cultes rendus aux imagiShark. Des disciples, acculés au désastre de leur tradition, se sont évidemment déchaînés contre le terrible envahisseur, en mettant leur courroux et leur religion au service de leur liberté humaine...

Les « imagiShark » sont des reflets, semble-t-il, d'une communauté et des personnes qui y vivent. Les effets désagréables que tu ressens puisent probablement à la passion religieuse des disciples, et surtout à l'esprit de corps qui les réunit. En somme, le nombre des fidèles est un facteur de l'efficacité de ces « effets spéciaux ». Il suffit de mobiliser, si l'on est victime, un nombre d'individus supérieur à celui qui est impliqué pour les produire. Il y a en tout cent eurolamas. Tu ajouteras les cent huit retraitants actuels. Tu additionneras à ce chiffre celui des cinq cents disciples fervents à l'extérieur. Ils vénèrent ces mêmes effigies terribles, et participent donc à ce système... Il faudra t'assurer d'un nombre plus grand d'amis et de relations ! [...]

Marc Bosche, Nirvana, le réveil des oiseaux.

L'auteur précise que son livre est un thrilleur initiatique, un récit qui fait frissonner (en anglais : « to thrill ») et révèle aussi une vérité cachée.

Les « imagiShark » sont les redoutables gardiens invisibles du lamaïsme, les dharmapalas qui auraient la mission de neutraliser, voire tuer, les ennemis des lamas.

Témoignage d'Arnagala :

"A la retraite d'Orléans, Namkhai Norbu nous parla longuement des "Gardiens". Ce sont des Bouddhas censés protéger les pratiquants. Mais s'adresser à eux est, pour diverses raisons, réputé être une tache dangereuse. Les pratiques qui leur sont consacrées sont donc longues et complexes. Après plusieurs années de réflexion sur la question, j'en vins à la conclusion que ces choses-là n'étaient pas pour moi. Certes, je sens la force des rituels, et j'apprécie de m'y plonger, mais cela reste une mise en scène symbolique, plus encore en ce qui concerne les Gardiens, les esprits et les rituels "violents" ou magiques en général. Surtout, cela me touche infiniment moins que les textes Dzogchen. Je décidais donc de ne garder qu'eux et, par respect pour Namkhai Norbu, qui nous demandais de croire que ces gardiens n'étaient pas QUE des personnifications mais aussi des personnes bien réelles, je cessais d'aller à ses retraites. "



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...