vendredi, mars 02, 2012

Guernica & Indignados





La contemplation de Guernica, célèbre tableau de Picasso, a insufflé une énergie nouvelle à Tony Gatlif pour réaliser son film Indignados.

Guernica

Malgré l'anarchisme humanitaire de son œuvre de jeunesse, Picasso, jusqu'en 1936, ne semble guère avoir eu de préoccupations politiques. Comme le dit Kahnweiler dans les Entretiens : « Picasso était l'homme le plus apolitique que j'aie connu. Je me souviens qu'autrefois, il y a très longtemps, lui ayant demandé : « Au point de vue politique, qu'est-ce que vous êtes ? » il m'a répondu : « Je suis royaliste. En Espagne, il y a un roi, je suis royaliste. » Cet apolitisme lui fut parfois reproché à une époque où « l'engagement » paraissait inévitable à la plupart des intellectuels et des artistes. Georges Hugnet peut bien écrire en 1935 : « Picasso sait, nous savons que nous serions parmi les premières victimes du fascisme, de l'hitlérisme français, celui-ci ne nous sous-estime pas. Picasso continue, et c'est pourquoi nous l'admirons tout d'abord, à frapper les grands coups de la violence. Son comportement, la dignité imperturbablement agressive de son œuvre... font de lui à proprement parler un homme authentiquement révolutionnaire. » Mais il s'agit ici de révolution au sens poétique, surréaliste du terme, non de celle qu'attend l'intelligentsia progressiste qui, même lorsqu'elle n'est pas victime de l'esthétique stalinienne, ne conçoit plus guère l'art qu'au service du peuple et de la liberté. « On a dit en U.R.S.S. de l'œuvre de Picasso, écrit Zervos en 1935, qu'elle constituait la dernière étape des manifestations de l'art bourgeois... Force est à l'artiste de tenir l'art pour un jeu supérieur de l'esprit où se joue tout ce qu'il y a de frémissant et de sublime en lui... Obnubilés par l'idée politique, les intellectuels militants voient en cette attitude de Picasso une volonté de destruction et de négation, et, ce qui est pis, une résignation devant la destinée humaine... Ils y voient un narcissisme esthétique qui se refuse à servir la révolution. »

Mais, dit Zervos, « son œuvre n'est-elle pas l'image de la cruauté qui régit de nos jours la condition humaine? ». L'argument n'était sans doute pas de nature à convaincre les « intellectuels militants » et moins encore ces lignes assez embarrassées où, pour défendre l'œuvre de Picasso, Zervos déclare « qu'elle prépare pour l'avenir la conception très élargie du social, intégré dans le moral et le spirituel, par là même une œuvre vivace, digne de l'homme, à l'échelle du nouvel esprit qui sortira peut-être du conflit social et psychologique actuel ». Sans doute on ne peut dire de Picasso « qu'il a moins conscience du social parce qu'il cherche des conquêtes sur l'inconscient » mais les « conquêtes sur l'inconscient » paraissent en 1936 un problème fort secondaire et c'est le soulèvement franquiste, la guerre d'Espagne, qui vont amener Picasso à sortir de « son narcissisme esthétique », et à donner, pour quelque temps, à son œuvre une tournure épique. A quel point il est demeuré espagnol, on peut le comprendre par la violence et la soudaineté de ses réactions devant la tragédie qui déchire son pays. « Ce n'étaient pas les événements eux-mêmes qui se passaient en Espagne qui ont éveillé Picasso, écrit Gertrude Stein, mais le fait qu'ils se passaient en Espagne ; il avait perdu l'Espagne et voilà que l'Espagne n'était pas perdue, elle existait : l'existence de l'Espagne a réveillé Picasso, il existait lui aussi. » Picasso soutient avec ardeur la cause des républicains, vend plusieurs de ses tableaux à leur profit, accepte le poste de directeur du musée du Prado. En janvier 1937, il grave deux planches, accompagnées d'un poème : Sueño y Mentira de Franco (« Songe et Mensonge de Franco ») où le dictateur espagnol nous est présenté comme une sorte de « Malbrough s'en va-t-en guerre » dont les aventures sont racontées dans des dessins rectangulaires qui font penser à une bande dessinée. Nous retrouvons dans ces gravures le cheval éventré, le taureau des « Minotauromachies », nous voyons apparaître les corps disloqués, les hurlements d'agonie des femmes de Guernica et le don caricatural de Picasso ne s'est peut-être jamais manifesté de façon aussi immédiate, presque journalistique, que dans l'image obscène et répugnante qu'il nous a laissée de Franco lui-même. Notons, comme un signe de l'extrême liberté de l'iconographie de l'artiste, que c'est le taureau qui est ici le justicier, et apparaît même comme un symbole rustique, tranquille et puissant, de l'héroïsme du peuple espagnol.

Au début de 1937, Picasso avait accepté la commande d'une grande composition destinée à décorer le pavillon espagnol de l'Exposition universelle de Paris. Les républicains espagnols souhaitaient évidemment que cette composition fût une œuvre engagée, politiquement efficace, à l'exemple du Deux Mai de Goya, comme le dit José Bergamin dans un article qui sonne un peu comme une mise en demeure : « Je considère la peinture de Picasso jusqu'à ce jour comme une introduction de son œuvre future. Je considère Picasso comme le véritable peintre espagnol, indépendant et révolutionnaire, de l'avenir. D'un avenir immédiat qui nous l'offre comme le peintre actuel de l'avenir le plus fécond... Comme notre peuple espagnol qui tient aujourd'hui entre ses mains l'avenir de l'homme... Notre actuelle guerre de l'indépendance donnera à Picasso, comme l'autre l'avait donnée à Goya, la plénitude consciente de son génie pictural, poétique, créateur. » En fait, Picasso a été assez long à se mettre au travail et les œuvres qu'il exécute pendant les premiers mois de l'année ne manifestent aucune intention politique ni même aucune inquiétude particulière : portraits de Dora Maar, scènes de plage d'une curieuse géométrie surréaliste, natures mortes « à la bougie », « au pichet », « au compotier », presque toutes assez frustes et d'une grande sérénité malgré, parfois, la présence d'un objet insolite, comme dans la Nature morte à la sculpture nègre. Seul le motif de la Cage d'oiseaux trahit un certain malaise, bien que Picasso n'atteigne pas ici au naturalisme monumental, à l'humour endiablé de certaines des eaux-fortes destinées à illustrer l'Histoire naturelle de Buffon. Mais en janvier 1937, Picasso peint encore la Femme assise, qui est un des portraits les plus tendres et les plus gais que ses compagnes lui aient inspirés.

Le grand tableau, qui allait devenir l’œuvre la plus célèbre de Picasso, n'est donc pas né d'une élaboration rationnelle ni d'un changement d'humeur ou d'orientation artistique, comme La Danse et Les Demoiselles d'Avignon. Ce n'est pas davantage, malgré sa complexité, une œuvre à programme, mais une image, presque un instantané, née de la réaction de l'artiste à un des épisodes les plus dramatiques et cruels de la guerre civile. Image autour de laquelle se sont cristallisés quantité de thèmes et de motifs apparus depuis quelques années dans son œuvre. Le 26 avril 1937, des avions allemands bombardaient et incendiaient la petite ville basque de Guernica. L'émotion fut d'autant plus grande que Guernica ne présentait aucun intérêt stratégique et que les victimes se trouvèrent toutes parmi la population civile. « Avec une atroce férocité et une minutie scientifique, écrit le 29 avril le correspondant du New York Times, les bombes incendiaires et explosives des avions Heinckel et Junker ont anéanti le centre de la culture et de la tradition politique basques. » « Le bombardement, pouvait-on lire dans le Times du même jour, de cette ville ouverte qui se trouvait loin derrière les lignes a duré exactement trois heures un quart, pendant lesquelles une puissante escadrille d'avions allemands de bombardement et de chasse n'a cessé de déverser sur la ville des bombes pesant près de cinq cents kilos et plus de trois mille projectiles incendiaires. Les avions de chasse se sont lancés autour de la ville pour mitrailler ceux de ses habitants qui s'étaient réfugiés dans les champs. Tout Guernica fut bientôt en flammes à l'exception de la Casa de Juntas, qui contient les archives du peuple basque, et du fameux chêne de Guernica où jadis les rois d'Espagne juraient de respecter les droits démocratiques de la Biscaye en échange du serment d'allégeance que leur rendaient ses habitants » Le passé de Guernica donna à sa destruction la valeur d'un symbole politique, d'un symbole moral aussi, tant les agresseurs mirent de cruauté gratuite à s'acharner sur la population qui fuyait l'incendie. « Nous nous trouvions en ville, écrit une des rescapées, lorsque le bombardement commença. Pour fuir, nous avons essayé de gagner les hauteurs qui contournent Guernica. Les avions qui tournoyaient à faible altitude mitraillaient les issues et épuisaient leurs bombes sur les petits groupes de rescapés qui s'égaillaient dans la campagne. Les fermes isolées où cherchaient à s'abriter les fugitifs ont été systématiquement bombardées. A 19 heures, Guernica n'était plus qu'une immense torche qui flambait au crépuscule. »

Le 1er mai, Picasso dessina les premières études pour Guernica. L'esquisse générale de la composition, datée du 9 mai, est reportée le 11 mai sur la toile qui comprendra huit états successifs et sera achevée au début de juin. Picasso a conservé et daté l'ensemble des études et des esquisses et les divers états du tableau nous sont connus par des photographies que prit Dora Maar dans l'atelier de la rue des Grands-Augustins, où il fut réalisé.

André Fermigier

A voir à la piscine de Roubeix, du 18 février au 20 mai, l'exposition photographique Picasso à travers l'objectif de David Douglas.


Indignados


1er mars 2012, les Basques chassent le marout*.




* « Les brahmanes disent que lorsque Shiva (la Providence, le Destin) veut rabaisser une nation, une caste, ou une famille régnante, il place à la tête de cette nation, caste ou famille, un marout qui en deviendra le chef ou l'épouse du chef. Ne possédant par nature qu'une âme pourrie, cet être hybride contaminera les hautes sphères de la société par exemple, ou les arts ou la religion, et le déclin deviendra inéluctable si des hommes n'extirpent pas le marout. »
Jean Louis Bernard


Le Saint-Empire Euro-Germanique

"Sous Ursula von der Leyen, l'UE est en train de passer d'une démocratie à une tyrannie."  Cristian Terhes, député europée...