mardi, mars 06, 2012

Le pouvoir des rites





Quelques jours avant de décéder d'un myélome, Jean-marc  m'a demandé de venir à l'hôpital afin de procéder à un rituel tibétain et de m'associer à un chaman pour repousser la mort annoncée trop brutalement par un médecin. Ne pouvant se résigner à mourir après plus de six année de lutte contre la terrible maladie, mon ami avait rejeté son athéisme viscéral pour s'accrocher aux croyances les plus archaïques de l'humanité. Avait-il tort ?

« Milan Ryzl, auteur de livres de parapsychologie, relate une série d'expériences télépathiques où l'émetteur essaya de transmettre des accès d'émotion. Quand l'émetteur se concentrait sur l'angoisse de la suffocation, évoquant d'affreuses crises d'asthme, le receveur, à plusieurs kilomètres, souffrait d'un intense accès d'étouffement. Quand l'émetteur se concentrait sur des émotions lugubres et prenait un sédatif, le receveur manifestait la réaction d'EEG appropriée et se mettait à ressentir de violents maux de tête ainsi qu'un état de nausée qui durait des heures. Voilà qui jette une lumière entièrement neuve sur la vieille notion de magie noire. Il ne fait aucun doute qu'une personne qui croit avoir été ensorcelée peut se rendre malade et même mourir par le pouvoir de sa pensée ; pourtant, ces nouveaux travaux donnent à croire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir soi-même les pensées destructrices. Quelqu'un d'autre peut les imaginer et les diriger vers nous.

William Seabrook vécut des années parmi le peuple malinké de l'ancienne Afrique occidentale française et nous parle d'un chasseur belge qui maltraitait et tuait ses porteurs locaux jusqu'au jour où, se faisant eux-mêmes justice, ils lui firent jeter un sort par un sorcier. Dans une clairière de la jungle, les Noirs disposèrent un cadavre d'homme réquisitionné dans un village proche, lui passèrent une des chemises du Belge, mêlèrent à ses cheveux quelques cheveux de celui-ci, fixèrent à ses doigts des rognures d'ongles en provenant et rebaptisèrent le corps du nom du chasseur. Autour de cet objet d'envoûtement, ils psalmodièrent et jouèrent du tam-tam, concentrant leur haine malveillante sur l'homme blanc qui se trouvait à des kilomètres. Un certain nombre de ses employés, jouant l'amitié, eurent soin de mettre le Belge au courant de tous ces agissements et ce jusqu'à sa mort. Il ne tarda pas à tomber malade et mourut en effet, apparemment d'autosuggestion. Pour des phénomènes de cet ordre, l'explication admise est qu'une croyance inconsciente en les pouvoirs du sort, même s'il n'a pas été jeté en réalité, peut tuer. Mais la découverte de ce qui semble être une maladie transmise par télépathie donne à soupçonner que la cérémonie elle-même pourrait bien avoir de l'importance. La frénésie de haine autour du cadavre, dans la jungle, avait certainement eu un effet hypnotique sur les participants, ce qui produisait exactement les conditions que l'on sait aujourd'hui nécessaires à la création d'un état télépathique, la « poupée de cire », dans ce cas, ne servant peut-être que de point de rassemblement à des émotions qui exerçaient par elles-mêmes leur action nocive à distance.

On peut considérer dans cette optique, et par hypothèse, tous les accessoires de la magie comme des objets sur quoi, de même que sur l'autel à l'église, l'attention peut être concentrée et autour de quoi l'émotion peut être suscitée. Les sorts qui provoquent l'inhibition sexuelle, la possession, la paralysie et toutes formes de dépérissement reposent indubitablement pour une grande part sur la suggestion. Beaucoup fonctionnent parce que les sorciers croient posséder ces pouvoirs et parce que leurs victimes les croient capables de les utiliser ; cependant, la possibilité d'une action directe sur une personne ignorante ne saurait être négligée.

Il n'y a guère de doute que les procédés de magie rituelle de toute espèce peuvent provoquer des hallucinations. Richard Cavendish décrit le magicien en train de se préparer à l'action par « abstinence et manque de sommeil, ou par la boisson, les drogues et la sexualité. Il inhale des vapeurs capables d'affecter son cerveau et ses sens. Il exécute des rites mystérieux qui font appel aux niveaux les plus profonds, les plus affectifs et les plus irraisonnés de son esprit et il s'enivre davantage encore par le meurtre d'un animal, la blessure d'un être humain ou, dans certains cas, l'approche et l'accomplissement de l'orgasme ». Ce qui inclut à peu près toutes les émotions connues de l'homme. Guère étonnant qu'après tout cela lui et son entourage aient des visions et évoquent de terrifiants démons personnels.

Un complément fréquent à l'art du sorcier et du magicien, c'est un philtre apprêté avec soin en vue d'un effet particulier. Les sorciers étaient des empoisonneurs notoires — les noms bibliques aussi bien qu'italiens pour les désigner se réfèrent spécifiquement à ce talent —, et les poisons préparés se révélaient sans aucun doute efficaces, mais on admet en général que les rites complexes employés pour la réunion et le mélange des ingrédients ne constituaient que des embellissements superstitieux et inutiles. Cela pourrait bien être inexact. Il existe une tradition ancienne d'après quoi on peut préparer à partir du gui un remède contre le cancer, mais que son efficacité dépend entièrement du moment où la plante est cueillie. Un institut suisse de recherche sur le cancer en a récemment fait l'épreuve en effectuant soixante-dix mille expériences sur des parties de la plante cueillies à une heure d'intervalle, de jour et de nuit. On a mesuré le degré d'acidité, analysé les éléments constitutifs, essayé l'effet de toutes les préparations sur des souris blanches. On n'a pas encore découvert un traitement pour le cancer, mais ce que l'on a constaté, c'est que les propriétés de la plante étaient radicalement affectées non seulement par l'heure locale et les conditions météorologiques, mais par des facteurs extraterrestres comme la phase lunaire et la survenue d'une éclipse. Rien ne reste pareil d'un instant à l'autre. L'orientaliste De Lubicz a décrit une drogue qui opérait de façon presque miraculeuse si on la préparait conformément au rituel égyptien traditionnel, mais qui, préparée de n'importe quelle autre manière, était un poison. Le moment, l'endroit et la façon dont quelque chose est accompli importent en réalité beaucoup.

Il n'y a pas tant d'années que la médecine orthodoxe rejetait complètement les causes psychosomatiques. Les choses ont aujourd'hui changé ; cependant, j'ai l'impression que dans la nouveauté de notre enthousiasme pour les phénomènes psychosomatiques, nous risquons d'aller trop loin et de leur attribuer tout ce pour quoi nous ne pouvons découvrir une autre explication raisonnable. Notre avenir est dans l'esprit et dans la compréhension que nous en aurons ; néanmoins, les rituels et les cérémonies complexes qui autrefois entouraient les pratiques occultes associées aux pouvoirs de l'esprit pourraient nous surprendre et se révéler avoir des effets directs de leur cru. Matière, esprit et magie sont tout un dans le cosmos. »

Lyall Watson

Dans certains cas, les rites peuvent êtres efficaces. Toutefois, rappelle René Guénon, « on ne saurait trop se méfier, à cet égard plus encore peut-être qu’à tout autre point de vue, de tout appel au «subconscient», à l’«instinct», à l’«intuition» infra-rationnelle, voire même à une «force vitale» plus ou moins mal définie, en un mot à toutes ces choses vagues et obscures que tendent à exalter la philosophie et la psychologie nouvelles et qui conduisent plus ou moins directement à une prise de contact avec les états inférieurs. À plus forte raison doit-on se garder avec une extrême vigilance (car ce dont il s’agit ne sait que trop bien prendre les déguisements les plus insidieux) de tout ce qui induit l’être à «se fondre», nous dirions plus volontiers et plus exactement à «se confondre» ou même à «se dissoudre» dans une sorte de «conscience cosmique» exclusive de toute «transcendance», donc de toute spiritualité effective ; c’est là l’ultime conséquence de toutes les erreurs antimétaphysiques que désignent, sous leur aspect plus spécialement philosophique, des termes comme ceux de «panthéisme», d’«immanentisme» et de «naturalisme», toutes choses d’ailleurs étroitement connexes, conséquence devant laquelle certains reculeraient assurément s’ils pouvaient savoir vraiment de quoi ils parlent ».


Site de Jean-Marc  

Source de l'illustration :

Un choc des cultures au cœur de l'Amérique

En 1987, le professeur de journalisme Stephen Bloom, un libéral typique, a voulu explorer ses racines juives en rejoignant la communauté Hab...