vendredi, mai 11, 2012

Ils changent déjà le monde...





Les propositions du Forum social mondial

Luttes contre l'accaparement de terres, contre l'« extractivisme », pour des normes comptables transparentes et le désarmement nucléaire : tour d'horizon - forcément incomplet - des idées qui ont émergé au Forum social mondial de Dakar.

Depuis dix ans, les forums sociaux mondiaux (FSM) ont pris corps en imposant dans le débat quelques idées phare, comme la taxe Tobin, l'abolition de la dette du tiers monde ou la fin des paradis fiscaux. Dix ans après, quelles sont les propositions qui émanent du FSM qui s'est tenu à Dakar, au Sénégal, du 6 au 11 février 2011 ? La forme « forum » interdit toute déclaration finale ou prise de décision au sein du FSM, mais cela n'empêche pas quelques propositions clés d'émerger. La plupart des participants ayant en tête la notion de justice climatique, leurs revendications combinent les luttes à la fois écologiques et sociales.

Empêcher les accaparements de terres

Le FSM de Dakar a accordé une large place au problème de l'accapare-ment des terres arables. Menace directe contre la souveraineté alimentaire, les cessions de terres à grande échelle, qui se multiplient essentiellement en Afrique, sont facilitées par la fragilité des droits de propriété du foncier.« Avec la hausse des prix agricoles, relate Ambroise Mazal, chargé de mission sur la souveraineté alimentaire au CCFD-Terre solidaire, on a assisté ces dernières années à une véritable ruée sur les terres des pays en voie de développement. On parle ici d'achats ou de locations à long terme de dizaines de milliers d'hectares, par des États ou des multinationales. D'après la Banque mondiale, on est passé de 4 millions d'hectares cédés par an en moyenne au cours de la dernière décennie à 45 millions en 2009 : le phénomène a plus que décuplé »

Or ces utilisations de terres, majoritairement destinées à l'exportation, entrent en concurrence avec d'autres usages à destination des populations locales et fragilisent la sécurité alimentaire de ces dernières. Les débats très vifs qui ont eu lieu lors du Forum ont débouché sur un « Appel de Dakar contre les accaparements de terres », qui demande aux gouvernements l'arrêt des cessions de terres à grande échelle à des acteurs étrangers, le temps de négocier un encadrement des investissements dans l'agriculture paysanne, des lois foncières protectrices des usagers et un partage équitable des plus-values entre pays hôtes et multinationales.

Sortir de l'« extractivisme »

De nombreux mouvements sociaux latino-américains plaident depuis quelques années pour interdire l'exploration et l'exploitation de nouvelles ressources énergétiques fossiles. Une proposition qui avait déjà été large-ment discutée en avril 2010 lors du Sommet des peuples de Cochabamba, en Bolivie. « Leave the oil in the soil » (« Laissez le pétrole dans le sol ») est un mot d'ordre international, notamment porté par les Amis de la Terre et popularisé par l'initiative équatorienne Yasuni-ITT, dans laquelle mouvements sociaux et indigènes, avec le président de la République Rafael Correa, proposent de renoncer à l'exploitation d'un gisement pétrolifère situé dans un parc naturel en échange de subventions internationales.

Avec la hausse du prix des hydrocarbures, expliquent les partisans du moratoire, de nombreuses sources d'énergie peu accessibles, extrêmement polluantes (comme les sables bitumineux, huiles et gaz de schiste et autres hydrocarbures non conventionnels) ou très chères deviennent attrayantes pour les investisseurs. « Le principe serait de conserver les exploitations actuelles, sans en démarrer de nouvelles, explique Maxime Combes, militant altermondialiste de l'Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (AITEC). En attendant de redéfinir un schéma énergétique mondial de production et de consommation dans chaque pays, d'amorcer un processus de transition énergétique mettant fin à la surconsommation au Nord qui cohabite avec la sous-consommation au Sud. » Un moratoire de ce type faciliterait la limitation des émissions de gaz à effet de serre, inciterait au développement des économies d'énergie et des énergies renouvelables et préserverait les écosystèmes menacés par les projets de l'industrie extractive.

Imposer un reporting pays par pays aux multinationales

Hormis dans les discours magiques de Nicolas Sarkozy, l'abolition pure et simple des paradis fiscaux, du jour au lendemain, semble hors d'atteinte. Pour obtenir toutefois une victoire partielle, le Tax Justice Network (Réseau pour la justice fiscale) a lancé à Dakar une campagne mondiale pour que les entreprises transnationales établissent une comptabilité pays par pays, permettant de connaître le montant des profits réalisés et des impôts payés sur chaque territoire. Les entreprises qui, pour se dérober à l'impôt, localisent artificiellement des activités et des profits dans leurs filiales domiciliées dans des paradis fiscaux auraient ainsi du mal à justifier leurs écritures comptables.

« Les 50 plus grandes entreprises européennes comptent plus de 20 % de leurs filiales dans des territoires non coopératifs et opaques, explique Mathilde Dupré, chargée de mission sur les paradis fiscaux au CCFD-Terre solidaire. Disposer de leurs comptes pays par pays permettrait donc de leur demander ce qu'elles font dans ces territoires. Ce n'est pas un souci en soi d'avoir une activité réelle dans un de ces territoires, mais il ne faut pas que cela soit une manière de délocaliser artificiellement des profits réalisés ailleurs. » Première avancée d'envergure : le Congrès américain a instauré, dans le cadre de la loi de régulation financière Dodd-Frank de juillet 2010, une obligation pour les industries extractives cotées aux États-Unis de déclarer ce qu'elles versent à chaque État. Pas sûr pour autant que le G20 pousse la curiosité jusqu'à généraliser et améliorer cette mesure.

Abolir les armes nucléaires

A première vue, l'abolition des armes nucléaires a tout d'une utopie. A l'heure de la prolifération nucléaire, un monde sans armes atomiques est une perspective lointaine. Mais les mouvements pacifistes qui le promeuvent mettent l'accent sur les premières étapes à franchir, très réalistes, pour y parvenir progressivement et éloigner le danger d'une guerre nucléaire. Et ce tout en économisant des ressources sur les dépenses d'armement. La société civile pacifiste, à travers la Campagne internationale pour l'abolition de l'arme nucléaire ou l'initiative Global Zero, a proposé un calendrier en plusieurs étapes, approuvé par 127 pays à l'initiative de la Malaisie et du Costa Rica.

« La priorité, c'est de supprimer l'état d'alerte, en vertu duquel 5 000 armes sont prêtes à être mises à feu dans le monde en moins de trente minutes ! », explique Pierre Villard, coprésident du Mouvement de la paix. Les étapes suivantes consisteraient en un rapatriement par les Etats de leurs armes sur leur territoire, puis en une réduction de l'arsenal possédé par les Etats-Unis et la Russie (20 000 armes à eux deux), avant un retrait des ogives nucléaires de leurs vecteurs, une neutralisation des ogives, un retrait des charges et, enfin, un placement sous contrôle international des matières fissiles.

Manuel Domergue
Alternatives économiques

Pour en savoir plus :

L'appel de Dakar contre les accaparements de terres est disponible sur

Le site de la campagne Stop paradis fiscaux : www.endtaxhavensecrecy.org

Le site de la campagne pour l'abolition des armes nucléaires et de l'initiative Global Zero : www.icanw.org et www.globalzero.org

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