samedi, juillet 07, 2012

Après que le poète a disparu





Juillet 1993, Léo Ferré meurt à Castellina in Chianti (Toscane).

« Le mec s'est calté, un 14 juillet, par temps dégueu. Il pleuvait des cordes à nœuds sur la république. Sur ce qui en restait. Léo Ferré est parti. On le comprend. Rester à ce point, obstinément, radicalement en marge de sa pensée unique, ce n'était plus tenable. Un « barbare » qui ne laissait pas les flics de l'idéologie officieuse pisser à sa place sur les glycines. Qu'est-ce qui reste d'ailleurs de la poésie, qu'est-ce qui reste de la musique, qu'est-ce qui reste de leur osmose unique et sublime — la chanson — quand règnent, complices du même conformisme de plomb, Lorie, Pierre Boulez et Jean-Pierre Foucault ?

« Il est parti sans crier gare. » Les cheveux devant ; les pieds, eux, qu'il mit si souvent dans le plat, étaient déjà dans la fourmilière. Les petits et gros délinquants du showbiz étaient enfin débarrassés de cette tronche de Belzébuth crucifié par erreur à la place de l'anar de Dieu. Il fut un temps où on le censurait à la radio. Pas parce que c'était trop subversif, mais parce que ce n'était pas assez con. Ces gens-là, monsieur, n'aiment pas les mots incotables à la Bourse du lieu commun. C'est leur boulot de gardes-chiourmes de l'inintelligence que de traquer (car ils ne sont sensibles au verbe que lorsqu'il se fait très cher) toute phrase qui pleure, grince ou gronde. Mieux vaut à leurs yeux une vacuité qui hurle qu'une pensée qui chante, une idiotie qui gigote qu'une idée qui danse. Ils ont conquis la télé. Léo n'avait plus qu'a mettre les bouts.

Léo, sous de Gaulle, avait cru renifler une odeur de dictature. Le pauvre! A l'époque il y avait de nombreux journaux, représentant des sensibilités diverses et défendant des points de vue contradictoires.

Qu'est-ce qu'un Léo Ferré aurait eu à foutre plus longtemps dans ce monde-là ? Une seule pensée, donc une seule chanson. Dictature des clans cadenassés à double tour. Plus de place pour le troubadour solitaire qui dérange la quiétude de notre société féodale. Un couplet non estampillé et les archers de la garde médiatique décochent leurs flèches de tout bois. Léo Ferré chantait les poètes. La poésie est morte et la chanson a été bradée au CAC 40. « Poètes, vos papiers ! » il n'y avait donc plus de place pour Léo. »

Jean-François Kahn


Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...