samedi, juillet 14, 2012

La gouvernance synarchique de la planète





La crise sociale, morale, économique, environnementale... aboutira-t-elle à un gouvernement mondial ?

Une oligarchie instaurera-t-elle un nouvel ordre hiérarchique fondé sur une inquiétante conception sacrale de l'histoire ?

Des sociétés secrètes œuvrent depuis longtemps à l'avènement d'un gouvernement synarchique et d'une société de castes. S'identifiant toujours aux brahmanes (dominants), jamais aux dalits (les plus dominés), de nombreux spiritualistes sont favorables à un tel gouvernement. Écrit dans les années soixante-dix, le texte suivant expose les principaux arguments des agents du nouvel ordre mondial pour séduire les spiritualistes :

En 1929, René Guénon fit paraître aux éditions Véga, à Paris, un ouvrage dont le titre, à lui seul, était tout un programme : Autorité spirituelle et Pouvoir temporel. Par ce livre, l'illustre traditionaliste prenait position dans le débat politique qui opposait son ami Léon Daudet au Saint-Siège.

En fait, ce n'était là que la raison externe ; le débat était plus profond et plus puissantes les sources de ce livre. Car il s'agissait bien de repenser, au XXe siècle, en des termes radicalement nouveaux, le problème de la gestion politique des hommes et des États.

Un ordre hiérarchique qui garantit l'équilibre social

Autorité spirituelle et Pouvoir temporel soulevait le problème de la hiérarchie des pouvoirs, de la dégradation des structures sociales au cours de l'histoire. Ainsi, René Guénon rendait vie et actualisait une des plus troublantes idées politiques, celle que, communément, on nomme synarchie, sans que, pour autant, il utilise explicitement ce mot dans l'ouvrage cité.

Face à une conception historiciste et matérialiste des rapports sociaux devant la montée du matérialisme marxiste, ce livre permettait aux Occidentaux de repenser toute l'organisation politique du monde moderne. « L'histoire montre clairement, écrit Guénon dans cet ouvrage, que la méconnaissance de cet ordre hiérarchique (fondé sur la suprématie du spirituel face au » temporel) entraîne partout et toujours les mêmes conséquences : déséquilibre social, confusion des fonctions, domination des éléments de plus en plus inférieurs, et aussi dégénérescence intellectuelle, oubli des principes transcendants d'abord, puis, de chute en chute, on en arrive à la négation de toute véritable connaissance (...).

« Cependant, tant qu'il subsistera une autorité spirituelle régulièrement constituée, fût-elle méconnue de presque tout le monde et même de ses propres représentants, fût-elle réduite à n'être plus que l'ombre d'elle-même, cette autorité aura toujours la meilleure part... Parce que, même affaiblie ou endormie, elle incarne encore la seule chose nécessaire, la seule qui ne passe point », c'est-à-dire la répartition des pouvoirs dans la société, le respect de l'ordre traditionnel fondé sur l'autorité sacerdotale destinée à soutenir et à diriger le pouvoir gouvernemental quelle qu'en soit la forme. Partant de cette idée maîtresse, Guénon nous amène à reconnaître que seule l'autorité spirituelle peut maintenir l'équilibre des fonctions sans lequel il n'y a que désordres, iniquités, chaos.

Les classes sociales sont soumises au changement

Déjà, quelques années auparavant, le sociologue allemand Max Weber (1864-1920), soulignait dans Écrits de sociologie et de politique sociale que « les facteurs idéologiques ne sont pas un simple reflet des conditions économiques ; ils possèdent une réalité propre et peuvent orienter d'une manière décisive le devenir historique ».

Ce que Max Weber pressentait en termes de sociologue empiriste, Guénon le démontrait sur le plan métaphysique.

L'idée synarchique des pouvoirs va être constamment l'objet de ces deux types de réflexion. Antérieure à la théorie de la « lutte des classes » (dont l'idée de base apparaîtra dans le « Manifeste du parti communiste » de Karl Marx en 1848), la conception synarchique de la société sera appelée à réanimer toute vision non essentiellement économique de la société et de la politique. Les sciences humaines du XXe siècle lui apporteront d'inattendus développements qui autoriseront une revalorisation des structures de castes qui s'opposent radicalement à toute perception économiste des classes sociales.

Les castes, elles, sont un garant de stabilité

Les classes sont le fruit des fluctuations économiques, des « hasards » de l'offre et de la demande dans une société donnée ; une classe peut toujours en supplanter une autre. Dans ce concept, rien n'est fixe, rien n'est achevé. Les castes, en revanche, répondent à une idée naturelle de la société, idée établie sur la nécessité organique du respect de la fonction spécifique de chacun. Cette stabilité, ou mieux, cette immuabilité, des fonctions et de leur transmission, par voie héréditaire ou de corporation, n'est concevable que dans un respect permanent et naturel du rôle de chacun dans la société.

L'inutilité de la lutte des classes

Cette conception sociopolitique exclut dès l'abord toute idée de compétition sociale, partant de « lutte de classes » ; chacun étant, socialement et sacralement, à sa place dans l'ordre de la cité, et le travail de chacun signifiant une indispensable réalité profitant à l'équilibre général. Le concept même d’État en est singulièrement relativisé ; l’État n'étant lui-même que la représentation, non plus abstraite mais concrète, de la totalité des membres de la société dans l'exercice de leurs fonctions hiérarchiques.

Dans ce sens, les sages de l'Inde ancienne présentaient souvent une image allégorique : la société est comme un corps parfaitement organisé ; chacun y est à sa place comme dans le corps chaque organe est à sa place. On ne peut imaginer que le foie soit à la place des reins, qu'une main remplisse la fonction de la bouche, etc. La société non hiérarchique est précisément à l'image d'un corps aberrant : les organes y sont sans cesse déplacés nul n'y est plus à sa place. Grand est le déséquilibre, et profond le désarroi quand les hommes quittent leurs fonctions traditionnelles pour errer de classe en classe, de métier en métier. Celui qui a reçu le dépôt d'une fonction ne peut se substituer à un membre d'une autre caste.

L'autorité émane d'un principe d'harmonie

Au départ est posé le postulat suivant : l'autorité spirituelle, qui est le régulateur de toutes les fonctions, peut seule régir le monde. Elle est, par essence, la véritable « synarchie », c'est-à-dire le « Pouvoir », synarchie signifiant en effet « avec le Principe », ou « dans le Principe » ; ce qui revient à écrire que l'autorité synarchique est censée représenter parmi les hommes la réalité matérielle d'un principe d'harmonie universelle celui-là même qui doit donner à la société une stabilité hiératique radicalement étrangère aux tribulations et crises incessantes que ne peuvent manquer de traverser les États politiques régis par des impératifs économiques (ces derniers étant par nature instables et générateurs de tous les désordres et de tous les mécontentements sociaux).

L'analyse du monde contemporain par Ortega y Gasset

Trois ans avant que René Guénon ne se penche sur le problème de l'autorité spirituelle dans ses rapports avec le pouvoir temporel, le sociologue et philosophe espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955) commençait, sous la forme d'articles, la publication d'une remise en question fondamentale de la société moderne non régie par l'idée synarchique : la Révolte des masses (1926- 1928). Par cet ouvrage, Ortega y Gasset essayait d'évaluer les rapports existant entre le monde contemporain, son économie industrielle et l'ordre traditionnel du monde tel qu'il avait été envisagé dans des sociétés gouvernées par l'autorité spirituelle soumise au pouvoir temporel. Il s'agissait d'expliciter, face au postulat marxiste de l'absolue souveraineté de l'économie, l'idée que seul un ordre synarchique peut sauver la civilisation occidentale en crise.

Le courant illustré par le sociologue espagnol n'était certes pas nouveau ; il avait eu, depuis Dante et son De Monarchia, bien des défenseurs dont le génie politique ne fut pas toujours compris dans le siècle.

Pourtant Gasset rénovait la question, fondait une épistémologie sociale des fonctions, analysait le mal qui ronge l'Occident ; il était de ceux qui allaient susciter dans notre siècle la grande philosophie politique opposée au marxisme, celle-là même qui, occultée longtemps, pourrait aujourd'hui réapparaître comme absolument neuve et seule capable d'apporter aux sollicitations sociales de notre siècle des solutions que le marxisme, idéologie fermée et sécularisée, ne pouvait prétendre apporter.

L'avènement politique des masses

Ortega y Gasset souligne que l'irruption au plein pouvoir social des masses dans le monde moderne est un fait sans précédent dans l'histoire, qui nous suggère une révision globale des structures politiques, économiques et sociales, mais que cette révision doit se faire selon des lignes de faîte organiques qui, en rien, ne doivent se différencier des structures sociales traditionnelles. L'avènement politique des masses est un fait en soi, produit de la révolution industrielle ; tel quel, il doit être reconsidéré dans les limites de l'ordre synarchique des castes. La prolétarisation du monde est une aberration pouvant entraîner l'écroulement de la civilisation présente ; la mécanisation ayant fait perdre aux hommes le sens même de leurs fonctions hiérarchiques, il convient, avant tout, de replacer, de re-situer l'homme non dans un cadre de classes, illusion marxiste n'utilisant que des vues économiques à court terme, mais bien dans celui des fonctions sociales, lesquelles, par leur hiératisme, sont seules susceptibles d'apporter à chacun le sens de son rôle dans la société, le sens de son rôle dans une caste ; l'assemblage des castes étant susceptible de rénover la conscience politique européenne tout d'abord, mondiale ensuite.

Il faut refaire l'homme noble

Ortega y Gasset nous convie à une formidable conversion : faire sortir l'homme de la masse, lui rendre sa dignité, tout en ne détruisant pas les victoires techniques et sociales du monde moderne. Il faut rendre à l'homme le sens de la noblesse, non celui de la noblesse héréditaire, mais celui de la noblesse de volonté. L'homme noble est celui qui s'efforce, qui s'accomplit et porte témoignage. En cela est le germe du renouveau : « Pour moi, noblesse est synonyme d'une vie vouée à l'effort ; elle doit toujours être préoccupée à se dépasser elle-même, à hausser ce qu'elle est déjà vers ce qu'elle se propose comme devoir et comme exigence. De cette manière, la vie noble reste opposée à la vie médiocre ou inerte, qui, statistiquement, se referme sur elle-même, se condamne à une perpétuelle immanence tant qu'une force extérieure ne l'oblige à sortir d'elle-même. C'est pourquoi nous appelons masse ce type d'homme, non pas tant parce qu'il est multitudinaire que parce qu'il est inerte. »

Un nouveau sens à la révolution

Un fait est à remarquer : il faut anéantir toute une conception unilatéralement économique du monde afin de rendre à l'homme sa dignité, sa situation dans le monde et le sens de sa volonté. La volonté étant une volonté au monde, un avènement, une naissance mystique. Il s'agit, sur des bases neuves, d'être le vrai révolutionnaire, non d'hier ni de demain, mais du moment présent. Toute fatalité messianique doit être rejetée : demain n'est pas l'aube des « lendemains qui chantent », hier n'est pas l'abîme monstrueux dont, à grand-peine, l'humanité s'est évadée. Aujourd'hui seul existe ; cette perception implique de faire sortir tout ce qu'il y a d'humain de la masse indifférenciée afin de lui rendre énergie, volonté et dignité. Partant, l'homme ainsi reconstruit pourra reprendre sa place dans un cadre synarchique, le seul authentique, celui des fonctions humaines, correspondant aux structures organiques des castes ancestrales.

Le grand danger : l'emprise de l’État

Architecture utopique ? Non, pragmatisme adapté aux circonstances du siècle ; synarchie traditionnelle et approche scientifique des données sociales du monde moderne qu'il faut adapter aux lois fondamentales des castes seules capables de rendre à l'homme son individualité. Sinon, l'homme, devenu « animal-masse », oublie son être propre, perd sa situation spécifique et se dilue dans l'illusion de l’État.

« Le plus grand danger qui menace aujourd'hui la civilisation : l'étatisation de la vie et l'"interventionnisme" de l’État, l'absorption de toute spontanéité sociale par » l’État, c'est-à-dire l'annulation de la spontanéité historique qui, en définitive, soutient, nourrit et entraîne les destins humains. (...) L’État contemporain et la masse coïncident seulement en ce qu'ils sont anonymes... »

Le grand vide : la perte de la morale traditionnelle

Enfin, Ortega y Gasset nous indique où, selon lui, réside la « vraie question » : c'est une question de morale. L'homme-masse occidental croit avoir perdu sa morale traditionnelle ; en vain il en cherche une nouvelle, mais il la cherche dans le plus total désarroi. Refusant les fondements ancestraux de la société, s'attachant éperdument à l'idée d'« État », se dépersonnalisant selon les normes de l'économie marxiste, il sent pourtant, mais très confusément, qu'il ne peut vivre sans l'assise morale, celle-là même qui fut le ciment des antiques castes.

« L'homme-masse manque tout simplement de morale, laquelle est toujours, par essence, un sentiment de soumission à quelque chose, la conscience de servir et d'avoir des obligations.

« (...) L'Europe subit aujourd'hui les pénibles conséquences de sa conduite spirituelle. Elle s'est enthousiasmée sans réserve pour une culture d'aspect magnifique mais sans racines... »

L'harmonie des fonctions au sein de la société

L'idée synarchique apparaît donc comme étroitement liée à l'éthique des pouvoirs dans la tradition occidentale. Actualisée au XXe siècle par des sociologues, elle a été définie par des historiens et des traditionalistes, dans les limites organiques de son existence, dans les grandes civilisations passées. Certains, comme Rudolf Steiner, le fondateur de l'anthroposophie, ont même essayé de lui donner son exacte correspondance au sein de l'économie moderne des pouvoirs.
Simple dans ses structures, cette idée apparaît comme une harmonie des fonctions, chacune étant soumise à celle qui la précède tout en gardant une entière liberté à l'intérieur de son cadre spécifique : le prêtre — autorité spirituelle — régissant l'action du prince politique — pouvoir temporel —, ce dernier gouvernant l'ensemble des populations agricoles, industrielles et commerçantes suivant les directives sacerdotales. Au-dessous de ces trois castes fixes s'agite la masse indifférenciée, celle-là que l'on nomme communément la « quatrième caste » : c'est la représentation traditionnelle de l'homme-masse dont parle Ortega y Gasset. Ces castes synarchiques sont souvent définies par leurs noms hindous : brahmanes (les prêtres) ; kshattryas et rajas (les guerriers et les rois) ; vaisyas (les agriculteurs et les commerçants) soudras (la masse indifférenciée ).

Fonction sacerdotale et fonction royale

Le chef politique, roi, prince, empereur, appartenant à la seconde caste, est le sujet du chef religieux ; il s'agit bien de l'absolue dépendance de la royauté face au sacerdoce. Il ne peut même, à la limite, y avoir d'opposition entre sacerdoce et royauté, le second terme n'existant que par le premier, duquel il est émané. Il s'agit d'une dialectique des fonctions et non des hommes.

Le souverain et le prêtre ne valent que par la fonction qu'ils incarnent : leur personne physique importe peu. Ainsi, dans certaines civilisations anciennes, le prêtre et le roi sont dissimulés au peuple, et, dans les rares occasions où ils apparaissent, leurs traits sont masqués. Un roi ou un prêtre ne meurt jamais : seul le corps d'un mandaté disparaît ; il est alors immédiatement remplacé par un autre substitut humain qui incarne une fonction d'origine divine. Le continuum des pouvoirs et de l'autorité spirituelle ne peut avoir de fin. Il ne peut, dans cet ordre d'idée, y avoir ni rupture ni révolution. Et quand, après bien d'autres, René Guénon parle d'une autorité spirituelle permanente, même si, à certaines époques, elle est occultée, c'est précisément ce qu'il entend. La « Révolution française » n'a pas supprimé le pouvoir royal en France, elle a seulement transformé l'économie politique d'un État en proie à une grave crise interne. Le pouvoir royal n'est pas mort avec Louis XVI sur l'échafaud, ou, au mieux, lors du départ de Louis-Philippe pour l'exil (1848), il est resté permanent, occulté seulement pour réapparaître au moment opportun ; car, dans cette conception, les pouvoirs monarchiques et sacerdotaux sont doués d'une existence propre qui échappe à la volonté des hommes. Fonction sacerdotale et fonction royale sont des réalités d'ordre divin ; mises en dépôt chez les hommes, afin que l'humanité ne s'écarte pas de son principe (archê), elles ne sont jamais des biens dont les humains peuvent librement disposer.

Une conception sociale de l'histoire

Dans cet ordre d'idée, on notera que, pour les philosophes de la tradition, cet équilibre entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel s'est trouvé rompu à un moment donné. Il y a eu « rupture du pacte entre les hommes et le Principe ». L'état antérieur, celui qui vit l'homme assumer la tradition authentique, est appelé « Tradition primordiale » ; il est situé en un temps aléatoire, pour ainsi dire « hors du temps ». Tout ce qui vient ensuite, et qui possède une réalité dans le temps historique tel que nous le concevons, est appelé « Age sombre », ou, selon son nom hindou cher aux traditionalistes, « Kâli-Yuga ». Cette conception sacrale de l'histoire et de la société, qui, au niveau métaphysique, reçut sa pleine mesure avec la pensée de René Guénon en France et de Julius Evola en Italie.

Jean-Claude Frère




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