samedi, décembre 15, 2012

Les bûches de Noël





« Il faut qu'il y ait une bûche sur la table le soir de Noël. Une messe à minuit, même si l'on n'est pas croyant. Des souliers au pied de l'arbre même si l'on n'a pas d'enfant. Des cadeaux, même un seul bonbon si l'on n'a pas d'argent. »

Jean-Pierre Coffe

Trop souvent, il serait préférable de les avoir sur le pied, plutôt que sur l'estomac. Je parle évidemment du gâteau, même si la bûche de Noël en question, toute lourde et indigeste qu'elle soit, surtout après un repas particulièrement calorique, est la transposition pâtissière de la bûche de bois qui flambait avec tout un cérémonial dans les âtres de nos ancêtres, la nuit de Noël.

Qu'on l'appelle « Sonco » en Auvergne, « Queuche » en Lorraine, « Tronche » ou « Trugho » en Gascogne, ou encore « Cosse de Nau » dans le Berry, elle est toujours énorme : plusieurs hommes sont nécessaires pour la mettre en place dans la cheminée, au moment où l'on sonne l'élévation de la messe de Noël.

Elle doit provenir d'un chêne vierge de tout élagage, abattu à minuit, quelques jours avant Noël. On la décore de lierre et on l'asperge de vin et d'eau bénite, avant que le maître de maison ne l'enflamme. En Provence, on choisit plutôt le tronc d'un arbre fruitier, mais le cérémonial est comparable.

La bûche doit flamber au moins pendant toute la nuit de Noël, pour « réchauffer l'enfant Jésus ». Au mieux, elle dure trois jours. Les femmes déposent de petits cadeaux dessus ou dessous les extrémités de la bûche ; les enfants qui n'auront pas été autorisés à assister à la messe de minuit les découvriront au matin. On en conserve les cendres d'une année à l'autre, sous le lit du maître de maison : chaque fois que le tonnerre se manifeste, une poignée de ces cendres jetées dans la cheminée est censée éloigner la foudre de la maison.

Ces troncs d'arbre qui flambent ont pour mission d'éloigner les mauvais esprits, car Noël correspond depuis la plus haute Antiquité à la fête des Morts. De nombreuses croyances dans nos campagnes sont attachées à cette nuit de Noël. Les animaux se mettraient à parler, les menhirs bretons s'en iraient à la mer, etc.

Jusqu'à la guerre de 1914-1918, avant que ne se répande le chauffage à vapeur, fourni par une chaudière à bois ou à charbon, ou électrique, la tradition des bûches était bien vivante. A Noël, on allumait de grands bûchers sur les places publiques, des sortes de feux de joie autour desquels on dansait et on chantait. Les brandons du foyer servaient de flambeaux : ils éclairaient l'église, ou encore le chemin pour aller et revenir de la messe, en procession. Ces torches servaient aussi à allumer la bûche de Noël dans la cheminée.

De même que les cheminées, les bûches ont disparu de nos appartements. Il semble évident que la bûche pâtissière a remplacé avantageusement (surtout pour le tiroir-caisse desdits pâtissiers) la bûche en bois de nos traditions. Elle les prolonge, comme la flamme accompagnait les « soupers gras » de la nuit de Noël.

Les pâtisseries de Noël ont toujours existé, mais pas sous cette forme. Il s'agissait de brioches, au centre desquelles brûlait une sorte de bougie, ou de « corna-bœufs » — hommage au bœuf de la crèche —, ancêtres de nos croissants par la forme, et destinées à l'origine aux mendiants. En principe, les gâteaux traditionnels de Noël devaient être nourrissants et volumineux, pour restaurer de nombreux convives.

Les bûches de Noël actuelles se sont bien inspirées de ces gâteaux traditionnels, nutritifs et substantiels. Il en existe plusieurs catégories. Peu sont satisfaisantes, surtout sur le plan de la légèreté. Si l'on souhaite malgré tout arroser sa nuit de Noël de bicarbonate de soude, autant choisir la bûche d'un bon pâtissier, celui qui aura utilisé des ingrédients de toute première qualité.

Pour faire une bûche, il faut d'abord une génoise en feuille, ou mieux un biscuit plat, qu'on peut agrémenter avec de la poudre de noisette ou d'amande. La génoise est une pâte à cuire à base de sucre, de farine, de beurre et d'œufs. En revanche, le biscuit se dispense de beurre.

Avant d'étaler une ganache ou une crème au beurre sur la génoise, on l'imbibe, au choix avec un sirop, ou avec de l'alcool. La ganache est une crème fraîche bouillie, dans laquelle on fait fondre du chocolat. Mieux vaut donc que le chocolat soit bon : la qualité du chocolat n'améliorera certes pas la légèreté de la préparation, mais au moins le goût en sera incomparable.

Une fois la ganache étendue, on roule le biscuit, puis on décore le dessus avec le reste de la ganache, agrémenté de sujets en meringue ou en chocolat. Si l'idée vous venait de la faire vous-même, sachez que les ongles tachés de chocolat se nettoient très bien avec du jus de citron.

Certains pâtissiers ou boulangers peu scrupuleux congèlent leurs fabrications, et se gardent bien de prévenir leur clientèle, bien qu'il y soient contraints par la législation. Les « bons » n'usent pas de cette pratique.

On trouve généralement ce qu'on appelle pudiquement la « bûche pâtissière » dans le rayon « frais » des grandes surfaces, mais certains boulangers ne rechignent pas à la proposer, parfois même sous le label « maison ». Elle est industrielle et fraîche, c'est-à-dire non congelée.

Elle reprend à peu de chose près la recette artisanale, mais elle est fabriquée en grande quantité, ce qui réduit son coût d'environ 30%. Les matières grasses sont remplacées par des graisses végétales, pour faire baisser les prix. Elles sont fabriquées sous trois formats : 25, 35 et 50 centimètres de long. On les parfume au café, au chocolat, à la noisette, etc. Le modèle dit « géant », plus long, plus grand, plus gros, a ses adeptes.

Ces industriels, qui préféreraient qu'on les appelle des « semi-artisans », ont inventé une variante bien pratique de la bûche traditionnelle, la « bavaroise ». La génoise est garnie d'une mousse à 33% de matières grasses. Elle serait plus légère, et sa congélation plus aisée : sa fabrication peut donc s'effectuer un mois et demi à l'avance.

Les bûches industrielles longue conservation relèvent du domaine des biscottiers-biscuitiers. Ce sont des produits bas de gamme, destinés essentiellement aux grandes surfaces. Ils utilisent la panoplie habituelle des conservateurs, et les crèmes sont pasteurisées. L'emballage fait tout : le « packaging » attire plus que le gâteau.

L'imagination n'ayant pas de limites en la matière, on diversifie le produit. Mais si les parfums varient, la forme reste la même. Les centrales d'achat des grandes surfaces préparent la « collection » de bûches dès juillet-août. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les fabrications commencent tôt !

Ces centrales d'achat ont encore mis au point une bûche « tranchée », comme ils disent, c'est-à-dire une superposition de biscuit et de crème, à laquelle on donne la forme d'une bûche. La « tranchée » représente 54% d'un marché évalué à 5 millions d'unités, et qui augmente de 3% par an. Les amateurs de ce type de produits les préfèrent parfumés au chocolat, pour presque la moitié d'entre eux : ils s'en repaissent au point d'avaler entre huit à dix parts de bûche par foyer ! (Une famille type compte trois à quatre personnes par foyer.)

La population reproche régulièrement à la bûche de Noël sa lourdeur, surtout à la fin d'un repas déjà copieux. Mais malgré un déclin sensible depuis un an ou deux, la majorité des Français ne renoncent pas à la bûche. La tradition l'emporte toujours sur la gastronomie. La bûche de Noël est typiquement française, et entend le rester !

A l'initiative de Gervais — le roi de l'entracte —, apparaît sur le marché un outsider : la bûche glacée. A l'inverse de ce qui se produit habituellement, l'industrie a été rapidement imitée par tous les glaciers-chocolatiers-pâtissiers, petits industriels ou artisans.

Dans les années 70, la glace industrielle était une production de masse. Depuis, de gros efforts dans la recherche ont été accomplis pour une plus grande qualité, qui n'est souvent pas loin d'égaler l'artisanat. On a mis au point le « battage régulier » de la crème glacée, un mélange de lait, de sucres, de beurre ou de crème fraîche, et d'arômes. Ce système permet d'y introduire de l'air, et d'obtenir de fins cristaux. On appelle cette opération le « foisonnement ». Il existe aussi des normes et des contrôles assez stricts sur les quantités minimales d'ingrédients et de foisonnement.

Le marché de la bûche glacée se développe, au rythme de 10 à 20% par an, au point qu'il se consomme maintenant plus de glace en hiver qu'en été. Il y a quelques années, l'écart entre l'hiver et l'été était de l à 8. […]

On assiste à une guerre sans merci entre les tenants de la tradition et ceux de la bûche glacée. Qui gagnera ?

Peu importe. Il faut qu'il y ait une bûche sur la table le soir de Noël. Une messe à minuit, même si l'on n'est pas croyant. Des souliers au pied de l'arbre même si l'on n'a pas d'enfant. Des cadeaux, même un seul bonbon si l'on n'a pas d'argent.

Soyons vigilants avec les traditions, ce sont les racines de notre culture, de notre identité. Les laisser disparaître, même une seule, c'est un peu perdre son âme.

Jean-Pierre Coffe, Le vrai vivre.

Recevoir vos amis à petit prix

Pourquoi ce livre ? Parce que la crise qui perdure ne doit pas nous priver du plaisir familial autant qu'amical de nous retrouver. Je veux démontrer qu'il est toujours possible de se réunir autour d'une table pour partager simplement un bon repas accompagné d'un vin de joie et sans se ruiner. J'ai donc choisi une série de recettes à partir de plats conviviaux dont certains peuvent se préparer à l'avance afin que la maîtresse ou le maître de maison soit à table avec ses invités. Ces propositions sont évidemment toutes liées aux saisons et surtout faciles à réaliser. Chaque recette est accompagnée d'un prix, le plus juste possible. Pour le calculer, nous avons acheté le même ingrédient dans trois types de magasin : un commerçant indépendant de centre-ville, une grande surface et un "discounter". Nous avons ensuite établi un prix moyen par produit. J'ai aussi demandé à Laure Gasparotto de m'aider à sélectionner des vins français de vignerons sérieux, capables de nous offrir du plaisir à prix modeste. En espérant une fois encore vous aider dans votre quête du bon vivre au prix le plus juste, je vous souhaite de retrouver le chemin de ces tables joyeuses, simples et généreuses.

Jean-Pierre Coffe


Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...