Facebook et petites culottes roses contre l'extrémisme hindou.
Lorsque les partisans de l'organisation
nationaliste hindoue Sri Ram Sena (SRS) s'attaquèrent à un groupe
de femmes dont le crime avait été de se rendre dans un pub, à
Mangalore, au sud de l'Inde, ils se heurtèrent à une réaction
qu'ils n'auraient jamais pu prévoir. Un véritable mouvement de
protestation à l'encontre des nationalistes se mobilisa via
Facebook. Son arme : des milliers de petites culottes roses.
L'agression dont furent victimes les
femmes s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de « protection »
de la culture indienne menée en 2009 par les nationalistes. Le SRS
avait décidé de combattre les dangereuses influences étrangères,
symbolisées aussi bien par les pubs que par la Saint-Valentin.
L'organisation déclara qu'elle obligerait à se marier tout couple
s'affichant en public le 14 février.
Les propos du SRS auraient pu sembler
absurdes. Pourtant, la menace de violences était bien réelle, et
elle ne concernait pas uniquement celles et ceux qui souhaitaient
fêter la Saint-Valentin, mais toutes les femmes qui désiraient être
maîtresses de leurs choix.
La journaliste Nisha Susan décida
d'agir contre les extrémistes et leurs tentatives de dicter aux
femmes ce qu'elles pouvaient ou ne pouvaient pas faire. Elle créa un
groupe Facebook appelé « Consortium of Pubgoing Loose and Forward
Women », « La Fédération des femmes effrontées, débauchées et
aimant aller au pub ». La Fédération appela les femmes de tout le
pays à célébrer la Saint-Valentin par une petite provocation «
Rendez-vous au pub le plus proche, commandez à boire et levez votre
verre à la santé du Sri Ram Sena. » Après une semaine, le groupe
comptait déjà trente mille supportrices.
Comme le fit remarquer Nisha Susan, «
aux yeux de la plupart des femmes ayant rejoint le groupe, fêter la
Saint-Valentin ou fréquenter les pubs n'avait aucune importance. Ce
qui [les] rassemblait, c'était la conviction qu'il fallait mettre un
terme à la violence perpétrée au nom d'une certaine idée de la
culture indienne. »
Des milliers de personnes répondirent
à l'appel lancé sur Facebook par la Fédération, et firent
parvenir des « chaddis (petites culottes) roses » au leader
du SRS, Pramod Muthalik. La campagne exaspéra profondément Muthalik
et ses amis fanatiques, et donna à tous et à toutes l'occasion
d'exprimer leur solidarité ainsi que leur refus de la violence.
Une fois l'action accomplie, voici ce
que l'on pouvait lire sur la page Facebook de la Fédération : « La
Saint-Valentin est bel et bien terminée. Les petites culottes ont
été envoyées et brûlées. Les affreux se sont déchaînés. Nous
sommes toujours là. Nous continuerons à faire la nique aux tyrans
qui se mettent en tête de contrôler les mœurs. »
Steve Crawshaw et John Jackson, Petits
actes de rébellion.
Petits
actes de rébellion
Grâce
aux cris de révolte de quelques anonymes, à ces gestes désespérés
provenant des quatre coins du monde, grâce à la résistance d'une
poignée d'individus, des abus ont été reconnus, des lois ont
changé, des mentalités ont évolué. En 90 histoires de la Birmanie
à l'Iran, de l'Afghanistan au Zimbabwe, en passant par l'Europe, ce
texte encense le courage, la persévérance et l'énergie de l'homme.
Il nous rappelle que l'esprit peut briser les chaînes.
Steve
Crawshaw
est directeur international de plaidoyer à Amnesty International. De
2002 à 2010, il a travaillé pour Human Rights Watch. Journaliste,
il a collaboré à The
Independent
pour lequel il a couvert les révolutions en Europe de l'Est, les
conflits dans les Balkans, et a interviewé Aung San Suu Kyi, figure
emblématique de l'opposition birmane. Il est l'auteur de Goodbye
to the USSR
(Bloomsbury, 1992), et Easier
Fatherland : Germany and the Twenty-First Century
(Continuum, 2004).
John
Jackson
a été vice-président de la responsabilité sociétale de MTV
Networks International. Il est fondateur et directeur de la Burma
Campaign UK, directeur d'associations humanitaires et a mené des
campagnes sur les droits de l'homme, les mines anti-personnelles, le
sida, et le changement climatique.