vendredi, janvier 18, 2013

La faim justifie-t-elle les moyens ?




Hiver 2013

De plus en plus de personnes se livrent au glanage de nourriture à la fin des marchés et dans les poubelles des magasins d'alimentation ou des restaurants. Certains ne respectent plus la loi et volent pour manger. Un gendarme témoigne :

« Ce matin j'ai pris mon service de gendarme de réserve dans une brigade du ... . Après discussion avec mes collègues il est à noter une recrudescence des vols de nourriture... Des jeunes comme des personnes âgées ! Les jeunes font parfois des vols à main armées pour quelques euros dans le but de se nourrir et les vieux embarquent du jambon dans les supermarchés. Ils ont une retraite mais les charges sont tellement lourdes qu'ils n'ont plus de quoi acheter à manger ! Ça fait mal de les voir ainsi ! » (http://www.jovanovic.com/blog.htm)

La classe dominante est insensible à l'augmentation de la pauvreté et ignore les conséquences de la cherté de la vie. Elle refuse de voir l'ampleur de la crise sociale et parfois, comme la bourgeoisie de Nogent-sur-Marne, elle applaudit quand un maire interdit le glanage. Mais des émeutes de la faim pourraient éclater en France.

Hiver 1847

« L'hiver 1846-1847 sera le plus terrible que les pauvres aient eu à subir depuis plus d'un quart de siècle. Une crise multiforme perturbe l'économie d'Occident ; la famine sévit en Irlande ; dans la France de Louis-Philippe se propage une agitation pétrie d'archaïsme. Les campagnes du Berry constituent un des épicentres du mouvement ; c'est qu'ici domine la grande propriété céréalière ; les journaliers agricoles qu'elle emploie sont touchés plus que les autres par la cherté des subsistances.

Les événements qui se déroulent dans l'Indre en janvier 1847 forment une véritable synthèse de la, pratique de l'émeute ; menaces contre les possédants, entrave à la circulation des grains, inventaires autoritaires des greniers, taxation et vente forcées : rien ne manque au catalogue des troubles frumentaires.

La résistance au libéralisme se double ici d'une hostilité à la modernité des techniques, à la mécanisation du travail agricole ; les bandes qui parcourent la campagne détruisent les machines à battre et obligent les propriétaires à embaucher les journaliers sans travail. Il ne s'agit pas, bien loin de là, de violence aveugle mais de gestes accomplis par des artisans et des « laboureurs » qui se réfèrent à une économie morale passéiste et qui ont le sentiment d'agir en toute légalité, avec la caution des autorités municipales.

Très vite, l'événement va révéler les tensions, voire les haines qui fracturent la société rurale ; hostilité à l'égard du « bourgeois » c'est-à-dire, ici, du grand propriétaire, haine à l'égard du meunier et, plus encore, de l'usurier. Incontestablement, les troubles de Buzançais constituent l'aboutissement des révoltes populaires... » (Alain Corbin)

Pendant l'hiver 1846-1847, la cherté des subsistances et le chômage saisonnier aggravent les conditions de vie déjà précaires de maintes catégories sociales. Des émeutes, réflexe à la misère, éclatent dans trente-cinq localités de l'Indre.

Mais la « Jacquerie de Buzançais » reste « l'affaire la plus considérable », tant par la violence des troubles que par la dureté de la répression dont se font l'écho des personnalités marquantes du 19ème siècle : George Sand, Victor Hugo, Karl Marx et Gustave Flaubert.

LETTRE DE GEORGE SAND À RENÉ VALLET DE VILLENEUVE

(Nohant, 5 février 1847)

Cher cousin,

je pars pour Paris dans quelques heures et ne veux pas quitter Nohant sans vous remercier et vous demander pardon des inquiétudes que vous avez eues pour moi. Nous avons été tranquilles pour nous-mêmes comme s'il ne s'était rien passé autour de nous quoique l'émeute se resserrât de tous côtés sur la Vallée Noire et eût même pénétré à une demie lieue de chez nous. Mais il ne faut pas croire tout ce qu'on dit. Je ne juge pas les émeutiers des autres localités, je ne les connais pas ; mais, je juge ceux du Berry et je vois ce qu'ils sont et ce qu'ils font.

Ce sont des gens qui ont faim et qui se fâchent contre les avares et les spéculateurs. Ils ont montré un rare discernement dans leurs vengeances, qui, pour être fort illégales n'en étaient pas moins justes. Ne plaignez pas le propriétaire de Villedieu. C'est un Monsieur Maçon ou Masson, bourgeois enrichi, ignoblement avare, et plus que cela, fripon et méprisable sous tous les rapports, les peintures de Villedieu sur lesquelles il avait spéculé et brocanté comme un juif n'étaient plus que des croûtes, et tout son luxe de mauvais goût jeté à la rivière n'inspire aucun regret. Un autre propriétaire pillé était un espèce de fou qui crachait volontiers à la figure d'un paysan et lui administrait des coups de cravache quand il avait bu. Il a eu la bravoure de se sauver quand on est venu chez lui, et il écrit maintenant des injures au préfet pour ne pas l'avoir préservé, tandis que le préfet était à huit lieues de là au milieu d'une autre échauffourée. Tous les propriétaires qui ont reçu ces révoltés avec calme, bonté et même avec une fermeté noble et polie ont été respectés corps et biens. Une vieille demoiselle seule dans son château leur a donné à souper et leur en a fait les honneurs. Ils n'ont pas seulement élevé la voix devant elle. Un propriétaire a été massacré, il est vrai, mais après avoir tué deux hommes qui ne le menaçaient pas et qu'il eût pu raisonner. En certains endroits, ces brigands ont été d'une générosité extraordinaire dans leurs procédés. Voilà ce qu'on ne dit pas et ce qu'on ne veut pas dire. On a peur, et on invoque les gendarmes, pour se dispenser d'être bon et juste. Encore une fois, je ne dis rien de vos émeutiers, je ne sais rien, mais je vous réponds que si vous étiez ici, vous dormiriez sur les deux oreilles au milieu du bruit, car on n'en veut qu'à ceux qui se conduisent mal, et spéculent effrontément sur cette affreuse misère. N'y a-t-il pas quelque chose de plus révoltant que de voir des hommes privés de tout, perdre patience et demander du pain un peu haut ? C'est de voir des hommes gorgés d'argent refuser le nécessaire à leurs semblables et se frotter les mains en se disant que l'année est excellente pour faire de bonnes affaires sur les blés ! Savez-vous que beaucoup d'industriels s'en vantent et que beaucoup font travailler au rabais, profitant de ce que le désespoir et l'indigence extrême font accepter à des malheureux 12 sous par jour ? Aussi ces Messieurs font-ils beaucoup travailler, l'occasion est si bonne, et l'année si favorable ! C'est affreux, et entre ceux qui vont comparaître aux assises et ceux qui vont les accuser, je ne sais pas trop lesquels ont mérité les galères...

George SAND






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