jeudi, janvier 03, 2013

Révélations d'un chef lakota





« Il est temps que les Indiens fassent connaître au monde ce qu'ils savent... sur la nature et sur Dieu. Je vais donc vous dire ce que je sais et qui je suis. Vous feriez bien de m'écouter. Vous avez tellement à apprendre ! »

QUI JE SUIS

« Je suis un Indien. Je suis un des enfants de Dieu. Mon nom indien est Noble-Red-Man. C'était le nom de mon grand-père. Je suis un chef. Je dis ce que j'ai à dire. C'est mon devoir. Si je ne le dis pas, qui le fera entendre à ma place ?

Je suis un prophète indien. Je peux voir l'avenir. J'émets des prophéties sur ce qui va arriver. Je peux regarder dans vos yeux, ou dans votre cœur, et savoir si vous mentez ou si vous essayez de tricher, si vous avez l'intention de nuire aux Indiens. Considérez-moi comme un chef lakota. Je suis le porte-parole des chefs. Je chemine avec le Grand Esprit, avec Dieu. Je Lui parle. Le Grand Esprit est mon guide dans l'existence. Parfois II vient et m'indique ce que je dois dire. D'autres fois, je ne m'exprime qu'en mon nom, au nom de Mathew King. »

LE POUVOIR DE LA PIPE

« J'ai en ma possession la pipe de paix de Red Cloud. On me l'a donnée quand on a fait de moi un chef. Au début, je ne voulais pas l'accepter. Red Cloud était un grand homme. Il a conclu tous ces traités. Il s'est battu quand il devait le faire, et il a vaincu les soldats de l'Homme Blanc. Il possédait de nombreux pouvoirs. Mais moi, je préfère résoudre mes problèmes par la paix. Je possède aussi les pipes de Black Bear et de mon grand-père Noble-Red-Man. La pipe de paix est notre seule arme. Elle est notre pouvoir sacré, le pouvoir de Dieu. La Pipe est un médiateur entre l'homme et Dieu. Pour recevoir la Pipe, le don de Dieu, il faut être pur dans son cœur, dans son esprit, dans son corps et dans son âme. Et ne pas oublier qu'après les prières, nous avons cette vie à vivre, en compagnie de Dieu. C'est la partie la plus difficile. »

DIEU A FAIT TOUTES LES CHOSES SI SIMPLES

« Dieu a tout créé d'une manière si simple. Nos vies sont très simples. Nous faisons ce que nous voulons. La seule loi à laquelle nous devons obéir est la loi naturelle, la loi de Dieu. Nous n'en reconnaissons aucune autre. Nous n'avons pas besoin de votre Église. Les Black Hills sont notre Église. Nous n'avons pas non plus besoin de votre Bible. Notre Bible, ce sont le vent, la pluie et les étoiles. Le monde est une bible ouverte, et nous autres, Indiens, l'étudions depuis des millions et des millions d'années.

Nous avons appris que Dieu dirige l'Univers, et que tout ce qu'Il a créé a reçu la vie. Même les pierres sont vivantes. Lorsque nous les utilisons dans nos huttes à sudation, nous leur parlons, et elles nous répondent. »

COMMENT ON PARLE À DIEU

« Quand nous sommes en quête de sagesse, nous grimpons sur une montagne et parlons à Dieu. Quatre jours et quatre nuits, sans nourriture et sans eau. Vous aussi, vous pouvez parler à Dieu de cette manière. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez. Il n'y a personne pour vous entendre. Ça reste entre Dieu et vous. C'est très impressionnant de Lui parler. je le sais. Je l'ai fait, là-haut dans la montagne. je me suis tenu debout, dans le vent froid et la nuit, et j'ai parlé à Dieu. »

LES REMÈDES DE DIEU

« Un jour, clans la montagne, j'ai prié Dieu qu'il nous accorde un remède pour guérir le diabète. Tandis que je priais, une voix m'a ordonné : "Tourne-toi !". Je me suis retourné, et me suis trouvé en face de la plus belle Indienne que j'aie jamais vue. Elle avait de longs cheveux noirs et un visage absolument merveilleux. J'ai vu qu'elle tenait quelque chose pour moi dans sa paume. C'étaient de petites baies bleu sombre, de celles qui poussent sur les cèdres. Elle me les tendait, mais elle disparut avant que j'aie pu les prendre. Je sais qui était cette femme. C'est elle qui a apporté la Pipe Sacrée à notre peuple. Nous l'appelons la Femme-Bison-Blanc. Dieu l'a envoyée, dans des temps très anciens, pour sauver les Indiens. À cette époque, nous avions faim et nos enfants pleuraient. Nos chasseurs avaient beau aller très loin et faire de grands cercles dans la prairie pour tuer des bisons et d'autres bêtes sauvages, ils ne rapportaient rien, pas même un lapin ou un oiseau. Nous étions punis pour nous être éloignés de Dieu et L'avoir ignoré. Nous subissions Sa colère, mais même ainsi, Il ne cessait pas de nous aimer. Il voulait faire don de la Pipe à Ses enfants indiens, afin qu'ils puissent prier et parler avec Lui quand ils le désireraient. Il nous a donc envoyé cette très belle Femme-Bison-Blanc. Elle a fixé sur son dos le paquet contenant la Pipe, puis elle s'est mise en route pour l'apporter aux Lakotas. Chemin faisant, elle a rencontré deux guerriers. Elle a posé son paquet sur le sol pour les observer. Ils ont été frappés par sa beauté. Vrai, on ne résiste pas à une femme comme ça ! Aucun homme n'est assez fort pour résister à une femme, d'ailleurs. C'est tout simplement impossible ! Quand il l'a vue, le premier guerrier a été si effrayé qu'il est tombé là terre, incapable de faire un mouvement. Mais le second, troublé par sa grâce, a eu des pensées mauvaises à son endroit. Celui-là, elle l'a fait venir près d'elle, et quand il l'a rejointe, un nuage les a enveloppés tous les deux. Lorsque le nuage s'est dissipé, il ne restait plus de lui qu'un squelette. Dieu ne tolère pas les pensées impures ! En découvrant cette femme splendide près de moi sur la montagne, j'ai su aussitôt qu'il s'agissait de la même. Mais elle a disparu avant que je puisse prendre les baies qu'elle tenait dans sa main. Plus tard, j'ai souffert du diabète, mais je n'ai plus repensé aux baies. On m'a envoyé voir les médecins de l'Homme Blanc. Ils m'ont donné des pilules. Chaque matin, je devais prendre de l'insuline. J'ai passé aussi beaucoup de temps à l'hôpital. Puis un jour, je me suis souvenu de la Femme-Bison-Blanc et de ses petites baies de cèdre. J'en ai cueilli quelques-unes, je les ai faites bouillir, j'ai extrait leur jus et je l'ai bu. Il était si amer qu'il a fait sortir tout le sucre de mon corps. Les médecins qui m'ont ausculté ensuite n'en revenaient pas. Ils m'ont dit que je n'avais plus de diabète, que je n'avais plus besoin de prendre de l'insuline. Ils m'ont demandé comment j'avais fait, mais je ne leur ai rien dit. Dieu nous donne des remèdes pour que nous les partagions avec les autres, mais si l'Homme Blanc met la main dessus, il vous les vendra au prix fort, en vous laissant mourir si vous n'avez pas de quoi payer. La médecine de Dieu est gratuite, Il ne demande pas d'honoraires. Nous ne Lui donnons pas d'argent. Nous lui offrons nos prières, nos remerciements, et quelquefois la seule chose qui est réellement à nous : notre chair, notre souffrance. C'est là le sens de la danse du Soleil : offrir à Dieu notre corps, notre douleur et — ce qu'il ne faut jamais oublier — une prière de remerciements. »

L'HOMME BLANC SE TROMPE SUR TOUT

« L'Homme Blanc prétend que nous sommes belliqueux, alors que nous sommes pacifiques. Il nous traite de sauvages, mais c'est lui qui est un sauvage. Regardez cette coiffure de plumes d'aigle, il appelle cela un bonnet de guerre. Bien sûr, nous l'utilisions autrefois pour la guerre, mais la plupart du temps, nous l'arborions pendant les cérémonies rituelles, et pas pour aller au combat. Chaque plume représente une bonne action, et ma coiffure en compte trente-six. Elles n'appellent pas à la guerre, elles montrent seulement qui nous sommes. De même, l'Homme Blanc appelle nos chants des chants de guerre, mais il s'agit en fait de prières que nous adressons à Dieu. Il dit aussi à tort que nos tambours sont des tambours de guerre, alors qu'ils nous servent uniquement à communiquer avec Dieu. Parler de "tambour de guerre" n'a aucun sens pour nous. Quand il observe comment nos guerriers se peignent le visage, il y voit encore des peintures de guerre. En réalité, ils ne se peignent pas pour se battre, mais pour permettre à Dieu de distinguer clairement leurs visages s'ils sont appelés à mourir. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous parler de paix à l'Homme Blanc, quand il ne voit partout que la guerre ? »

LA RELIGION INDIENNE

« La religion indienne est aussi vieille que le Créateur. Dans notre mode de vie, ce sont les Anciens qui dispensent l'enseignement spirituel. Une sagesse vieille de plusieurs milliers d'années coule de leur bouche. Certains essayent d'apprendre ce que savent les Anciens. Ils dénichent un quelconque chef de pacotille, qui leur fait payer deux cent cinquante dollars pour une séance dans une hutte de sudation, et après cela ils croient tout connaître de la religion indienne. Mais vous ne pouvez pas acheter la religion de notre peuple. Nos cérémonies et nos cultes ne sont pas des marchandises. Et nous n'avons pas non plus l'intention de vendre les Black Hills. »

LES BLACK HILLS

« L'Homme Blanc nous propose cent millions de dollars pour nos Black Hills. Mais cent milliards de dollars ne suffiraient pas pour acquérir notre montagne sacrée. Pas plus que quatre cents milliards. Ils ne paieraient même pas les dégâts que vous avez faits. Vous ne pourrez jamais nous dédommager pour tout ce que vous avez volé et détruit. Vous ne pourrez jamais nous rembourser les milliers d'aigles que vous avez tué, ni les bisons et les autres bêtes sauvages. Et vous ne pourrez pas non plus effacer votre dette pour tous les Indiens que vous avez massacrés. Les Black Hills ne sont pas à vendre : nous sommes sortis de cette terre, nos ancêtres y sont enterrés, et nous y célébrons nos cérémonies sacrées. C'est le berceau et la terre sainte des Lakotas Que diriez-vous si nous vous offrions cent millions de dollars pour acquérir le Vatican ? Croyez-vous que c'est par hasard que vous nous avez ramenés de force dans les Black Hills et les Badlands, pour vous apercevoir ensuite que ces terres sont riches en or, en cuivre, en charbon et en uranium ? Aujourd'hui vous convoitez l'uranium. Mais vous ne l'aurez pas. Nous sommes les gardiens de l'uranium de Grand-Mère Terre. Si vous l'obteniez, vous ne vous en serviriez que pour détruire le monde créé par Dieu. »

VOUS NE NOUS AVEZ JAMAIS REMERCIÉS

« Vous nous avez tout pris et ne nous avez rien donné, mais le pire est que vous ne nous avez jamais remerciés. Vous devez changer vos manières. Je n'ai pas besoin de modifier les miennes, c'est vous qui devez vous corriger ! Moi, je vis selon la loi de Dieu, et je fais ce qu'Il désire. Nous, les Indiens, nous vivions heureux, jusqu'à ce que vous nous rendiez misérables. Qui vous a donné le droit d'agir ainsi ? Vous avez tué nos femmes et nos guerriers. Vous avez tué nos chefs. Vous nous avez volé notre terre, qui nous a été don-née par Dieu. Vous ne pouvez pas nous l'enlever ! » Mathew s'est levé. Ses yeux lancent des éclairs. Des échos de soufre et de feu résonnent dans ses paroles. Lorsqu'il crache ses vous, il n'accuse pas un quelconque Homme Blanc abstrait ; il s'adresse à nous, les deux Blancs assis en face de lui. Nous sommes les oppresseurs, les destructeurs, les meurtriers. Nous sommes l'ennemi !

UNE PROPHÉTIE : LA COLÈRE DE DIEU

« Je prédis de nombreuses choses qui finissent par se produire. Dieu va châtier le monde, Il est furieux. Je suis désolé de ce qui doit arriver. Il ne détruira pas le monde entier, mais toutes les créatures vivantes périront, et il faudra peut-être un million d'années avant que la vie réapparaisse. Grand-Mère Terre sera seule. Elle pourra se reposer. Tout cela à cause de la méchanceté de l'Homme Blanc. Vous tomberez, et votre chute sera très dure. Vous pleurerez, vous vous lamenterez. Vous comprendrez que votre punition, pour avoir détruit le monde de Dieu, est inéluctable. N'espérez pas lui échapper Dieu balayera le mal de toute la surface de la Terre. Vous pouvez déjà voir Ses signes : sur la côte Ouest, le volcan du mont Saint-Helens est un signe. Il y aura également des tremblements de terre ; la moitié de la Californie et peut-être celles de Washington et de l'Oregon disparaîtront sous les eaux. L'Est et le Sud subiront le même sort : on y verra des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des ouragans. [...]

C'est Dieu qui envoie Ses signes à l'Homme Blanc, qui le punit pour n'avoir pas réglé ses dettes avec l'Indien, pour avoir détruit la Terre par son avidité. Et cela ne fera qu'empirer, tant que vous n'aurez pas payé ce que vous nous devez, ce que vous nous avez promis... tant que vous ne nous aurez pas rendu ce qui nous appartient. Je vais maintenant vous apprendre la leçon la plus importante : rien ne peut être plus puissant que Dieu. Nous, les Indiens, nous n'avons pas peur de mourir. Nous irons dans un autre endroit, bien meilleur que ce monde, aussi ne craignons-nous pas la mort. Nous sommes prêts. Nous voulons seule-ment que vous le sachiez. Peut-être pourrez-vous changer, peut-être pourrez-vous arrêter ce qui est en marche. Il ne reste plus beaucoup de temps. C'est vraiment ce qui va arriver. Croyez-moi ! Et dites-leur à tous qu'ainsi parle Noble-Red-Man ! » […]

POST-SCRIPTUM

Depuis notre rencontre en 1983, Mathew King — le chef Noble-Red-Man — a rejoint son Créateur. Sa disparition nous rappelle une chose qu'il nous raconta lorsque nous nous entretînmes avec lui :

« La nuit dernière, nous confia-t-il, j'ai rêvé de ma femme pour la première fois depuis qu'elle m'a quitté, il y a maintenant quatre ans. Elle est apparue et m'a dit que tout est si tranquille là-haut. C'est un endroit bien meilleur, très différent de ce monde malade. "Nous avons une vie très agréable ici", m'a-t-elle expliqué. Elle voulait que je me dépêche de la rejoindre. Alors je lui ai répondu : "Ne sois pas impatiente. Il me reste beaucoup de choses à faire dans le monde. Attends-moi encore un peu, et je serai bientôt avec toi." »

Harvey Arden, Steve Wall, « Les Gardiens de la Sagesse ».




Les Gardiens de la Sagesse, ce sont les Indiens, aujourd'hui. Les auteurs les ont rencontrés juste avant la fin du millénaire. A travers leur quête, des représentants de nombreuses tribus s'adressent à nous, au monde, pour délivrer un message de sagesse, d'harmonie et de responsabilité. Parmi eux, deux grands hommes-médecine qui ont marqué le siècle, les Sioux oglalas Frank Fools Crow et Noble Red Man Mathew King. Par leurs paroles, ils nous rappellent leur identité propre mais aussi la nôtre, que nous avons occultée en oubliant nos traditions, mettant à mal notre milieu naturel et faussant nos relations avec lui. Fragiles dépositaires d'un savoir, d'une connaissance, remontant à plusieurs millénaires, le message des Indiens est précieux quant à notre avenir. Ils ne préservent pas leurs connaissances : ils les vivent !


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