Dans une vidéo-interview en trois
parties, Gilbert Abas, ancien officier de police des Renseignements
généraux, retrace toutes les affaires satano-pédocriminelles et
« met en évidence l'existence d'un réseau bien organisé,
protégé par un système mafieux particulièrement pourri ».
Les réseaux satano-pédocriminels
par Gilbert Abas :
Gilbert Abas est l'auteur du livre
« Qui veut encore tuer le Christ ? »
Satan parmi nous
De tous
les personnages historiques, le Diable demeure le plus célèbre,
mais il n'est personne au monde qui pourrait, à notre avis, le
définir exactement. Son portrait idéal, mais combien difficile !
devrait rassembler le pied fourchu de Pan, la bouche grimaçante des
gargouilles médiévales et l'œil de braise du prince des sabbats.
Encore faudrait-il lui adjoindre la mandoline de Méphistophélès et
les panonceaux des bandes publicitaires qui tendent à réduire sa
terrible figure aux proportions d'un livreur d'anthracite ou de
paquets d'ouate thermogène.
Après
la Renaissance qui prétendit le connaître dans ses aspects les plus
intimes, les doutes ont surgi et le Diable a disparu de la scène
jusqu'au mouvement Romantique dont les aimables conteurs ont ravivé
sa rougeoyante image, magnifiée par le tintamarre de Berlioz.
Pourtant, ni Gounod, ni Boïto n'ont réussi à le revaloriser auprès
des sceptiques et des matérialistes contemporains de Victoria et du
Second Empire. Malgré Charles Baudelaire et Gustave Doré, le Malin
semblait s'effacer dans l'indifférence et dans l'oubli...
Mais
l'hallucination et le mystère romantiques avaient préparé —
grâce à l'Allemagne surtout, chacun le sait — une rentrée assez
effrayante du fantastique. Dès 1836 « Gaspard de la Nuit » était
véritablement « en quête du Diable » et, après toutes les
chevauchées de Franz Schubert, Richard Wagner et Hugo Wolf, il nous
revint avec « La nuit sur le Mont Chauve » (1867). Le génie de
Moussorgsky sut ressusciter le cortège claudicant de la sorcière
Baba-Yaga ( Tableaux d'une exposition, 1874), dont le bâton
diabolique dirigea l'orchestre de Paul Dukas dans l'« Apprenti
sorcier », qui fut d'abord plus fêté à Berlin qu'à Paris. La
présence étrange et subtile de l'Esprit inspire à Maurice Ravel
ses « Sortilèges » et, justement, son « Gaspard de la Nuit ». Le
Diable en chair et en os, que ce soit en littérature ou dans les
arts plastiques, n'apparaissait plus, comme l'Ennemi de Dieu, le
Tentateur incessant, le Séducteur...
Au
reste, n'est-ce point une gageure que de vouloir discuter des
rapports existant entre Satan et l'Art moderne ? Le Diable,
direz-vous n'existe pas, et il n'a probablement jamais existé. Pur
concept de l'imagination hallucinée de nos lointains ancêtres, son
emprise a, aujourd'hui tout à fait disparu. Quel artiste oserait
donc le représenter, sans risquer de tomber dans un anachronisme
ridicule ? Et quelle forme conviendrait-il de lui donner, qui
éviterait un recours au classique accoutrement des ailes de
chiroptères. des griffes, de la longue queue poilue, voire des
attributs sexuels fortement accusés ?
Pourtant,
aucune époque n'a été aussi imprégnée par le Satanisme que celle
où nous vivons. Rodin avait exprimé son angoisse devant la Porte de
l'Enfer et prouvé que dans notre monde, l'infernal était plus en
deçà, qu'au-delà. Après 1918, les éructations et les pétarades
du Jazz le réaffirmèrent ironiquement, quand son exotisme vint
narguer la civilisation. Puis ce furent les lugubres désolations de
la guitare hawaïenne : « Le chant d'un peuple qui s'enterre
lui-même ! » disait un jour Ernile Mâle, néanmoins rompu aux
larmes et aux horreurs du Moyen Age finissant.
Enfin,
Stravinsky, en faisant déchirer Orphée par les Ménades — sur des
rythmes qui n'apportèrent, certes, aucune interprétation
luciférienne nouvelle ! — présentait, sans l'avoir cherché —
ce macabre organisé, caractéristique de notre « univers
concentrationnaire ». Un frisson glacé pouvait parcourir les rangs
des spectateurs. « Délectation froidement abstraite, obstinément
anti-expressive... qui prend à mon goût le masque de la laideur...
» écrivait le critique René Dumesnil : il n'était, précisément,
qu'une victime mal consciente du véritable diabolisme
contemporain, diffus, mais attaché à tout et à tous... Cette
dénonciation des supplices de la condition humaine d'aujourd'hui,
impassiblement, le russo-américain l'offrait à ses admirateurs, en
retard, toutefois, de vingt ans sur le Maître et attachés à
l'anecdote ! Il n'y avait évidemment là, aucune intention de
musique à programme ! mais, en raison de ce que l'Univers est ce
qu'il est et que Stravinsky en cristallise sans le vouloir, du fait
de son génie, les contradictions irritantes et malfaisantes, son «
Orphée » était infernal. (Cette « cristallisation » dont
Stravinsky parle lui-même dans sa « Poétique musicale », la
psychanalyse l'explique, on s'en doute... et il y faut voir une
impérieuse nécessité de libération de ce qui l'obsède : on
pourrait dire que Stravinsky s'essaye à chasser le Mal. le Désordre,
le Diable... « Le besoin de briser conduit ce grand musicien »
écrit, d'ailleurs, André Michel). Sur un plan plus banal, du reste,
que d'auditeurs enthousiastes ont déclaré de lui, depuis un
demi-siècle : « Il y a du diabolique dans cet homme ! » Faut-il
s'étonner qu'il domine, par la musique, tout notre siècle ?
Jamais,
devant la faillite d'une science plus que discutable et d'une
médecine puérile, qui mènent inexorablement aux conflits armés et
à la pratique d'expériences monstrueuses, les hommes n'ont eu
autant recours aux guérisseurs, aux pythonisses, aux médiums et à
tous les théurges qui ont succédé aux sorciers des âges révolus.
Les annonces mirifiques qui remplissent nos journaux offrent une
planche de salut — Satan n'est-il pas le grand Consolateur ? — à
tous ceux qui luttent contre l'inexorable ennui d'une existence
étriquée et banale. Les salons des cartomanciennes et des
magnétiseurs ne désemplissent pas, car nous sommes revenus au temps
de Nostradamus et de Ruggieri. Qui sait même si certaines officines
ne sont pas la réplique des sinistres cabinets de La Voisin et de
l'abbé Guibourg ? Assurément, ces grands marabouts, ces gitanes,
ces prêtresses, ces professeurs, et ces devins qui prétendent lire
l'avenir dans la main, les taches d'encre, les boules de cristal et
les tarots, ont de quoi nous faire sourire, quand ils promettent le
bonheur « à tous les Français de bonne volonté ». Leur fructueux
commerce qui fait intervenir la psycho-synthèse, les mystères de la
galaxie et des démonstrations spiritualistes parfaitement vides de
sens n'en demeure pas moins le reflet d'une époque bien troublée.
Au sein
des mystères épais qui nous entourent, l'adoration des faux dieux
renaît sur les ruines d'un rationalisme mal compris et l'action du
démon se manifeste sous les formes les plus décevantes. L'archange
déchu a depuis longtemps compris tout le parti qu'il était
susceptible de tirer de la clandestinité et de l'ignorance. Jamais
il n'oublie qu'il est le Prince du Mensonge, quand il s'occupe de
tests stupides, de psychanalyse et de statistiques qui ramènent
l'Amour à des chiffres et le Sacré à une courbe. Il n'en continue
pas moins de hanter les couvents et le maintien des exorcistes dans
les diocèses prouve que l'Eglise croit encore à la possession, à
l'envoûtement et au succubat. Il n'y a pas si longtemps que le
Grappin se montrait au curé d'Ars et qu'il détruisait les meubles
de Don Bosco, Bernadette Soubirous aussi l'a entendu et, tout comme
Chamiso et Dostoïevski, Papini prétend même l'avoir rencontré. A
l'en croire, le Diable est « un personnage qui sort de l'ordinaire.
Il est grand et très pâle ; il est encore assez jeune, mais de
cette jeunesse qui a trop vécu et qui est plus triste que la
vieillesse. Son visage très blanc, étiré, n'a de remarquable que
la bouche mince. fermée, serrée, et une ride unique et très
profonde qui s'élève perpendiculairement entre les sourcils et va
se perdre presque à la racine des cheveux. Je n'ai jamais bien su de
quelle couleur peuvent être ses yeux. pour la raison que je n'ai
jamais pu le regarder plus d'un instant, et je ne sais pas davantage
la couleur de ses cheveux, parce qu'un grand béret de soie, qu'il
n'enlève jamais, les cache complètement. Il est toujours vêtu
décemment, de noir, et ses mains sont toujours impeccablement
gantées » (Il Diavolo, traduction de René Patris).
Sous
cet aspect glacial, irréprochable, digne des vieillards des « 120
journées », et des voluptueux de l'« Histoire d'O », le Diable
cache un tortionnaire sadique et un déicide convaincu. Oubliant un
peu vite les exploits de Valdès et de Torquemada, les catholiques
ont vu en Hitler le « médium de Satan », qui ne pouvait se passer
de l'odeur du sang et de l'encens des crématoires. Les gestes
accomplis par ses agents maléfiques, les bourreaux des camps de la
Mort, qui se plaisaient à mêler la musique aux cris des réprouvés,
ne différaient d'ailleurs guère, de ceux des démons de Polignac et
d'Angkor. Aujourd'hui, le Marxisme passe pour la synthèse de toutes
les hérésies et certains le considèrent comme la nouvelle Bête de
l'Apocalypse contemporaine. Mais cette interprétation nous paraît
aussi simpliste que celle qui consiste à ne voir en Dulle Griet, par
exemple, que la représentation de la sorcière ou de la méchanceté.
En fait, le Diable qui appartient consubstantiellement au monde,
demeure légion, pluralité et métamorphose. S'il a cessé
d'apparaître physiquement, il continue de rôder autour de nous et
les saints dont les sens sont des plus exercés ont, comme Thérèse
de Jésus, des Visions « où. sans percevoir aucune forme on voit
quelqu'un présent ». Il souffle sur l'univers le vent de la
folie et pousse les hommes à se précipiter au pied des idoles
modernes qui se font adorer au cinéma, sur les stades et dans les
réunions politiques. Le monde est retombé dans un étrange
polythéisme dont les dieux exigeants se nomment record, vitesse et
machinisme. En imposant le culte de la vedette et de la personnalité.
Satan l'orgueilleux en est à ce point arrivé à duper les hommes
qu'ils ont admis de pouvoir se sacrifier pour un seul homme !
L'admiration béate des monstres Sacrés, savamment entretenue par
les campagnes publicitaires, a conduit à l'abêtissement des masses
et l'effort intellectuel a fini par sombrer dans la négation de
tout, et dans une étonnante confusion des valeurs. Humiliées par
les gestes automatiques, les masses opprimées et asservies qui,
jadis se révoltaient, ne réagissent même plus. La machine sociale
comme l'a dit si justement Simone Weil est devenue une « machine à
briser les cœurs, à écraser les esprits, une machine à fabriquer
de l'inconscience, de la sottise, de la corruption, de la veulerie et
surtout du vertige ». Le grand mot est lâché : le Vertige !
car c'est bien lui qui vous prend devant les folles expériences
nucléaires dont l'affreux réalisme surpasse et de loin, les
bizarreries des chapiteaux de l'An Mille, et des innombrables Danses
macabres. La terreur collective, l'angoisse cosmique, risquent
bientôt de s'emparer des âmes et les réactions en chaîne de la
fission de l'atome pourraient bien devenir les chapitres d'une
fulgurante Apocalypse. Jamais la voûte céleste n'a été aussi près
de tomber sur ceux qui rêvent de conquérir les espaces sidéraux.
Lange des Ténèbres, nouveau théoricien de la relativité, aux
bords des abîmes de notre aveuglement, continue de jouer avec la
Mort, sa fidèle compagne.
Témoins
de leur temps, les écrivains ne peuvent échapper à l'oppression
étouffante du diabolisme. Bien mieux, ils s'y délectent ainsi que
des possédés volontaires et font tomber leurs lecteurs dans un
masochisme qui glorifie l'abjection, la décomposition et la
pourriture. Omniprésent, Satan n'admet point les demi-mesures, et il
n'hésite pas à frapper de paralysie ou de gâtisme tous ceux qui.
dans le même temps, cherchent à boire dans sa coupe et dans celle
des archanges. Comme autrefois, il exige que l'on soit tout pour ou
tout contre lui, mais il n'en chérit pas moins les modes insidieux
de la calomnie et de l'hérésie venimeuse, qui exaltent la haine, le
vice et les passions infâmes. Agissant grâce à des personnes
interposées, des « âmes qu'il ulcère et incite à d'inexplicables
crimes », il a semble-t-il cessé désormais de demander au
Tout-Puissant la permission d'agir sur ses créatures.
Toutes
les formes de l'Art qui, jadis célébraient la victoire du Dieu bon
paraissent périmées, et nous assistons à un véritable
retournement de la philosophie manichéenne. C'est le Dieu bon —
sans le savoir, ou sans le vouloir — qui doit à présent
s'efforcer de prouver la réalité de son action et l'efficacité de
son pouvoir. L'Art sacré, ravalé aux broderies des kermesses de
Lourdes et de Beauraing, figé dans le saindoux ou la matière
plastique de Saint-Sulpice. a bien de la peine à défendre la
splendeur divine en un temps où l'image du Christ sert de baromètre,
et où le portrait de la Vierge orne les coquetiers et les verres à
dents. En revanche, l'Art diabolique qui avait perdu du terrain après
Goya et le mouvement romantique, n'a cessé de progresser depuis le
début du vingtième siècle. Il a rencontré de fervents adeptes
parmi les surréalistes et tous ceux dont les improvisations
jaillissent de l'inconscient ou d'un choc psychologique indépendant
de la volonté. Utilisant les forces, les chants et les passions
occultes qui dorment en lui, l'artiste, comme l'écrivait Giorgio de
Chirico ressent, avec la rapidité d'un éclair, un moment, une
pensée, une combinaison qu'il jette sur la toile. « Comme le
tremblement de terre secoue la colonne sur sa plinthe, nous
tressaillons jusqu'au fond de nos entrailles. Nous jetons alors sur
les choses des regards étonnés, c'est le moment. Le Protée
qui dormait en nous a ouvert les yeux. Et nous disons ce qu'il
fallait dire. Ces secousses sont pour nous ce qu'étaient pour le
prophète glauque les lacs et la torture ». A l'heure actuelle, le
Diable a, non seulement retrouvé les figurations sous lesquelles il
apparaissait au Moyen Age, mais son mythe s'est encore développé
grâce à la carte postale. à la bande dessinée et à la pellicule
cinématographique. Michelet, ce grand intuitif, s'est lourdement
trompé, en 1862, quand il a déclaré que, devenu un bon vieux, le
Diable s'était résigné à gagner sa vie dans les petits métiers
du spiritisme et des tables tournantes. Il ne pouvait présager la
floraison de la littérature et de la dialectique infernale de nos
contemporains qui, prenant Sade et Ducasse pour modèles encensent le
Mal et le crime gratuit.
Roland
Villeneuve