jeudi, avril 25, 2013

Délit d'obsolescence programmée




Le sénateur Jean-Vincent Placé, d'Europe Ecologie Les Verts, est le principal instigateur d'un projet de loi visant à faire inscrire l'obsolescence programmée comme un délit.

« L’obsolescence programmée peut être définie comme suit : « c’est le concept selon lequel la durée de vie des produits serait prédéterminée et fixée à l’avance et délibérément par les fabricants afin d’inciter le consommateur à les remplacer plus rapidement ».

Bien que les définitions de l’obsolescence programmée ne soient pas toutes les mêmes - certaines évoquent franchement un raccourcissement de la durée de vie des produits, d’autres ne prononcent pas les adverbes « délibérément » ou « volontairement » - toutes affirment que l’objectif premier de l’obsolescence programmée est d’inciter le consommateur à acheter de nouveaux produits pour remplacer les anciens.

Pour atteindre l’objectif premier qui est d’inciter l’acheteur à consommer, il faut planifier, programmer la durée de vie du produit, il faut fixer la fin de vie, la mort du bien après une certaine période déterminée. Les détracteurs de l’obsolescence programmée avancent qu’il est impossible pour les ingénieurs, aussi talentueux soient-ils, de fixer la durée de vie d’un produit. Ils sont incapables de calculer la période après laquelle le bien « doit » tomber en panne. En effet, les conditions d’utilisation et d’autres variables entrent en compte, ce qui rend impossible une telle estimation et a fortiori une telle programmation.

Pourtant, nombre sont ceux qui, luttant contre l’obsolescence programmée, affirment que cela est possible en changeant les matériaux des appareils.

A l’instar de la société de réparation « La Bonne Combine » situé à Lauzanne et qui a reçu le prix de l’éthique pour son combat contre « le tout jetable ». En effet, le but de cette société de réparation est de contourner les astuces qu’utilisent des fabricants d’appareils (le plus souvent électriques ou électroniques comme des appareils électroménagers) pour les condamner à une mort certaine après une période déterminée. Evidemment, les fabricants ou du moins leurs ingénieurs ne peuvent pas donner une date précise quant à la survenance d’une panne fatale mais il s’agit d’un choix stratégique que de mettre des produits plus fragiles : par exemple des cordons d’alimentation plus fin pour les aspirateurs. Le fabricant est ainsi pratiquement sûr de vendre un nouvel aspirateur plus tôt que prévu.

L’ingénieur Jean Michel Raibaut a travaillé pour de grandes marques d’appareils électroménagers. Il affirme que les machines à laver (par exemple) sont programmées pour tomber en panne avant 10 années d’utilisation. Il s’agira d’une panne fatale, obligeant le consommateur à en racheter une neuve. En effet, les machines à laver sont prévues, sont programmées pour durer 2000 à 2500 cycles de lavage. A raison de cinq lavages par semaine, l’appareil tombera en panne au bout de 8 à 9 ans. Il faut savoir que 8 machines à laver sur 10 sont dotées de cuves en plastique qui remplacent celles en inox. Il suffit d’une seule pièce de monnaie pour qu’elles se cassent (à cause de la vitesse de rotation au moment de l’essorage) ou même d’une trop haute température de l’eau pour que la cuve se déforme. Ce genre d’accidents n’existait pas avec les cuves en inox. Cela signifie que les fabricants, en changeant certaines pièces maîtresses de leurs biens, font en sorte d’amener l’appareil vers une mort certaine après une durée d’utilisation prédéterminée.

Les propos allégués par Jean Michel Raibaut sont confirmés par Kayvan Mirza, ingénieur concepteur de télévision. Ce dernier affirme également que la durée de vie des télévisions est fixée à 10 années d’utilisation. Les téléviseurs sont prédestinés à fonctionner 20 000 heures ce qui fait une moyenne de 9 années d’utilisation donc de vie car dès qu’un composant tombe en panne c’est le téléviseur entier qui cesse de fonctionner afin de maintenir un taux de renouvellement assez régulier. Selon Kayvan Mirza : « il faut que le produit soit suffisamment fiable mais pas trop ». Suffisamment fiable pour que les consommateurs ne se tournent pas vers la concurrence mais pas trop pour qu’ils achètent régulièrement un nouveau produit sur un marché qui est déjà en saturation depuis plusieurs années. Il faut admettre que cela est curieux et même étonnant de voir que les achats d’équipement électriques ou électroniques ont été multipliés par six depuis le début des années 1990. Comme pour étayer les propos de Jean-Michel Raibaut et Kayvan Mirza, le rapport des Amis de la Terre et du CNIID avance que la durée de vie des anciens téléviseurs équipés des tubes cathodiques était entre 10 et 15 ans en moyenne alors que l’écran plat avoisine les 5 ans. Ce constat aggrave même les estimations des deux ingénieurs (cités ci-dessus) qui étaient de donner une durée de vie inférieure à 10 ans mais qui en resterait proche. […]

Un des arguments avancés pour lutter contre l’obsolescence programmée est le gaspillage de masse que ce type de pratique engendre tandis que, malgré les efforts des fabricants pour maintenir un certain niveau de consommation, les consommateurs prennent conscience petit-à-petit de l’enjeu que représentent les ressources naturelles face à l’obsolescence programmée notamment en raison des problèmes sanitaires qu’elle engendre .

L’obsolescence programmée à l’origine du gaspillage de masse entraînant l’épuisement des ressources naturelles.

Un lien, que beaucoup jugent indirect, peut être fait entre l’obsolescence programmée et les problèmes écologiques et environnementaux.

En effet, parmi les produits les plus renouvelés se trouvent les appareils électriques ou électroniques : un Français achète environ six fois plus d’équipements électriques ou électroniques qu’au début des années 1990. Et ces derniers nécessitent énormément de terres rares (c’est-à-dire des minerais et métaux difficiles à extraire) qui sont présents dans la plupart des produits électriques ou électroniques en raison de leur propriété magnétique permettant la miniaturisation. Ce genre de métaux fait partie des composants des téléphones portables, qui est à l’heure actuelle l’appareil le plus fabriqué et qui est également le plus touché par l’obsolescence programmée : les téléphones portables sont changés tous les 20 mois environ par la population et même tous les 10 mois dans la tranche d’âge des 12-17 ans. Il est sidérant de remarquer que les téléphones portables peuvent contenir jusqu’à 12 métaux différents à hauteur de 25% du poids total des appareils.

L’OCDE (Organisation et coopération de développement économiques) en partant des niveaux connus en 1999 a affirmé qu’en maintenant un taux de croissance annuel de 2%, les réserves de cuivre, plomb, nickel, argent, étain et zinc ne dépasseraient pas 30 années et celles d’aluminium et de fer se situeraient entre 60 et 80 ans en moyenne. L’obsolescence programmée a un impact direct sur l’environnement car, pour produire toujours plus d’appareils électriques et électroniques, pour répondre à une demande créée artificiellement par la réduction volontaire de la durée de vie, il faut pratiquer l’excavation de grandes quantités de terre engendrant le défrichage des sols, l’élimination de la végétation et la destruction des terres fertiles.

Le mode de consommation, qui ressemble plus à une surconsommation, affaiblit les ressources de la Terre. Le fait de jeter des produits qui, pourtant, fonctionnent encore ou même le fait de mettre en œuvre l’obsolescence programmée sont des causes de cette surconsommation. Le problème auquel il faut faire face est celui de notre économie qui, à la recherche perpétuelle d’un taux de croissance positif, repose sur le « consommer plus ». Et pour consommer plus, il faut réduire la durée de vie des produits afin d’inciter le consommateur à remplacer le produit prématurément mort.

Malheureusement, une telle politique a des conséquences non négligeables sur le « capital naturel » qui peut être défini ainsi : « Le capital naturel fait référence aux ressources telles que minéraux, plantes, animaux, air, pétrole de la biosphère terrestre, vus comme un moyen de production d'oxygène, de filtration de l'eau, de prévention de l'érosion, ou comme fournisseur d'autres services naturels. Le capital naturel constitue une approche d'estimation de la valeur d'un écosystème, une alternative à la vue plus traditionnelle selon laquelle la vie non-humaine constitue une ressource naturelle passive ». Cette estimation de la valeur d’un écosystème est utilisée par WWF (World Wide Fund for Nature) pour son rapport Planète Vivante paru en avril 2012. Il s’agit d’un rapport alarmant, repris plusieurs fois par la presse notamment sur Internet.

Le rapport met l’accent sur le lien existant entre le mode de consommation actuel et le tarissement des ressources naturelles. Ezzedine Mestiri en 2003 écrivait déjà : « La planète est définitivement peuplée de consommateurs : Elle produit aujourd’hui en moins de deux semaines l’équivalent de la production matérielle de toute l’année 1900. La production économique double environ tous les 25 ans ». Et c’est ce que confirme la WWF dans son rapport d’avril 2012. Aujourd’hui, il faut une année et demie à la planète pour régénérer l’intégralité des ressources renouvelables que les êtres humains consomment en une seule année. Plus grave encore, si le mode de consommation de la population, qui s’apparente plus à de la surconsommation, ne change pas de façon significative, il faudra l’équivalent de deux planètes pour répondre à nos besoins annuels à l’horizon de 2030.

Pourtant, ce n’est pas comme si nous n’avions pas été prévenus il y a déjà plus de quatre décennies. Alors que les Trente Glorieuses battaient leur plein et que la croissance dans les pays les plus développés atteignait des chiffres impressionnants, le Club de Rome s’interrogeait sur les conséquences d’une telle croissance sur les ressources naturelles non renouvelables de la Terre.

Le Club de Rome était un groupe de réflexion crée le 8 avril 1968 qui réunissait une poignée d'hommes, occupant des postes relativement importants dans leurs pays respectifs (un recteur d'université allemande, un directeur de l'OCDE, un vice-président d'Olivetti, un conseiller du gouvernement japonais...), et qui souhaitaient que la recherche s'empare du problème de l'évolution du monde pris dans sa globalité pour tenter de cerner les limites de la croissance.

Ce club est surtout connu pour le rapport demandé à une équipe de chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (ou MIT) et rendu public en 1972 sous le nom plus connu de Rapport Meadows & al (du nom du directeur de l’équipe : Dennis Meadows). Il a été publié par la suite sous le titre The Limits to Growth chez Universe Books et traduit en français par le titre Halte à la croissance ?

Ce rapport se base sur des données scientifiques pour dénoncer le pillage que subit la planète en raison de sa surexploitation expliquée par le mode de consommation de la population notamment des pays développés. A l’époque de ce rapport, les chercheurs n’avaient pas été réellement pris au sérieux, jugés comme « catastrophistes ». En effet, si les tendances de croissance des pays développés restent inchangées, les limites de la croissance seront atteintes un jour ou l’autre dans les cent prochaines années en raison de la disparition des ressources naturelles sans lesquelles il est impossible de subvenir aux besoins de l’humanité. Cela se traduira par un « effondrement ». Ce terme n’est pas à entendre comme un synonyme de la fin du monde mais plutôt comme « la diminution brutale de la population accompagnée d'une dégradation significative des conditions de vie (baisse importante du produit industriel par tête, du quota alimentaire par tête, etc.) de la fraction survivante » d’après Jean-Marc Jancovici, auteur de la préface du livre publiant le rapport Meadows. Pourtant, en 1972, la situation n’était pas la même : consommateurs et industriels croyaient encore aux ressources infinies et illimitées de la planète, la population mondiale n’avait pas encore atteint le nombre de 4 milliards d’êtres humains, les pays qui n’étaient pas en voie de développement le sont aujourd’hui et utilisent énormément de métaux et autres minerais pour maintenir leur taux de croissance afin de pouvoir continuer leur développement. Les marchés des pays développés sont arrivés depuis des années à saturation. De peur de voir la consommation de la population reculer et ainsi affaiblir le taux de croissance, les fabricants ont mis en pratique l’obsolescence programmée, ce qui leur permet un travail en amont (l’extraction des ressources naturelles) et en aval (la vente des produits touchés par l’obsolescence programmée). Alors pourquoi changer ? Quand bien même le rapport Meadows ou même celui de la WWF qui annonce que, si la population mondiale vivait comme la population américaine, il faudrait quatre planètes pour régénérer les besoins annuels de l’humanité, il semble évident que l’obsolescence programmée satisfasse le plus grand nombre : les fabricants, les distributeurs, les vendeurs, les réparateurs après-vente voire même certains consommateurs qui y voient l’opportunité de changer régulièrement d’appareils électriques ou électroniques (pour ne citer que ceux-là)... »


Lydie TOLLEMER

Télécharger le mémoire de Lydie TOLLEMER « Obsolescence programmée » :




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