« Gilles
Le Guen a été arrêté par les forces françaises au Mali il y a trois jours. Les convictions islamistes de ce converti de longue date
qui se fait appeler Abdel Jelil "ne font aucun doute, comme le
montrent diverses vidéos et photos sur lesquelles il se met en scène
lui-même", explique à l'AFP une source proche du
dossier. » (Le Point.fr)
Le
discours de Gilles Le Guen est en grande partie une dénonciation de
l'impérialisme américano-sioniste, du matérialisme, de l'économie
de marché... Mais ce qui peut inquiéter le N.O.M. c'est la doctrine
de la guerre sainte des djihadistes.
Dans
la tradition islamique on distingue deux guerres saintes: la «grande
guerre sainte » - el jihâdul
akbar -
et la «petite guerre sainte » -
el jihâdul-açghar -
conformément à une parole du Prophète qui, de retour d'une
expédition guerrière, déclara: «Nous voici revenus de la petite
guerre à la grande guerre sainte. «La «grande guerre sainte »
est d'ordre intérieur et spirituel; l'autre est la guerre
matérielle, celle qui se livre à l'extérieur contre un peuple
ennemi, en vue notamment d'inclure les peuples «infidèles »
dans l'espace régi par la «loi de Dieu », dar
al-islâm.
La
«grande guerre sainte » est toutefois à la «petite guerre
sainte » ce que l'âme est au corps, et il est fondamental,
pour comprendre l'ascèse héroïque ou «voie de l'action », de
comprendre la situation où les deux choses se confondent, la «petite
guerre sainte »devenant le moyen par lequel se réalise une «grande
guerre sainte »et, vice versa, la «petite guerre sainte «- la
guerre extérieure - devenant presque une action rituelle qui exprime
et atteste la réalité de la première. En effet, l'Islam orthodoxe
ne conçut à l'origine qu'une seule forme d'ascèse: celle qui se
relie précisément au jihad,
à la «guerre sainte ».
La
«grande guerre sainte » est la lutte de l'homme contre les
ennemis qu'il porte en soi. Plus exactement, c'est la lutte du
principe le plus élevé chez l'homme contre tout ce qu'il y a de
simplement humain en lui, contre sa nature inférieure, contre ce qui
est impulsion désordonnée et attachement matériel. Ceci est dit en
termes explicites dans le livre de la sagesse guerrière aryenne, la
Bhagavadgîtâ: «En
réalisant ce qui se trouve au-delà du mental, en te renforçant
toi-même par toi-même, tue l'ennemi sous la forme du désir
difficile à vaincre ». C'est sous la forme de convoitise et
d'instinct animal, de multiplicité désordonnée, de limitation
anxieuse du Moi fictif, de peur, de faiblesse et d'incertitude, que
l'«ennemi »qui résiste, l'«infidèle «en nous, doit être abattu
et réduit en esclavage: telle est la condition de la libération
intérieure, de la renaissance en cette unité profonde avec soi-même
qui, dans les traditions occidentales de l'Ars
Regia, est
également exprimée par le symbolisme des «deux ennemis qui
deviennent une seule chose », ainsi que par la «paix », au sens
ésotérique et triomphal, dont nous avons déjà parlé.
Dans
le monde de l'ascèse guerrière traditionnelle, la «petite guerre
sainte », c’est-à-dire la guerre extérieure, s'ajoute ou se
trouve même prescrite comme voie pour réaliser cette «grande
guerre sainte », et c'est pourquoi, dans l'Islam, «guerre sainte »
- jihad -
et «voie d'Allah » sont souvent employées comme synonymes.
Dans cet ordre d'idée, l'action a rigoureusement la fonction et la
fin d'un rite sacrificiel et purificateur. Les aspects extérieurs de
l'aventure guerrière provoquent l'apparition de
l'«ennemi intérieur «qui, sous forme d'instinct animal de
conservation, de peur, d'inertie, de pitié ou de passion, se révolte
et oppose une résistance que le guerrier doit vaincre, lorsqu'il
descend sur le champ de bataille pour combattre et vaincre l'ennemi
extérieur ou le «barbare ».
Naturellement,
tout cela présuppose l'orientation spirituelle la «juste
direction » - niyyah
-
vers les états supra-individuels de l'être, symbolisés par le
«ciel », le «paradis », les «jardins d'Allah », et ainsi
de suite; autrement, la guerre perd son caractère sacré et se
dégrade en une aventure sauvage où l'exaltation se substitue à
l'héroïsme vrai et où dominent les impulsions déchaînées de
l'animal humain.
Ainsi,
il est écrit dans le Coran:
«Ils combattent sur le chemin de Dieu [c’est-à-dire dans la
guerre sainte -
jihad -
] ceux qui sacrifient la vie terrestre à la vie future: car à celui
qui combattra sur le chemin de Dieu et sera tué ou bien victorieux,
Nous donnerons une grande récompense ». Les règles
prescrites: «Combattez sur le chemin de Dieu ceux qui vous feront la
guerre » - «Tuez-les partout où vous les trouverez et
chassez-les » - «Ne vous montrez pas faibles, [ne] proposez
[pas] la paix » - «Quand vous rencontrerez ceux qui ne croient
pas, abattez-les jusqu'à ce vous en fassiez un grand carnage, [en
traînant] ensuite [les autres] dans des fers solides », - tout
cela présuppose que «la vie terrestre n'est qu'un jeu et un
divertissement » et que «celui qui se montre avare, ne se
montre avare qu'envers lui-même », maxime qu'il faut
interpréter de la même manière que la maxime évangélique: «Celui
qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui la donnera la rendra
vraiment vivante. «Un autre passage du Coran le confirme: «O vous
qui croyez, quand on vous a dit: partez en campagne pour la guerre
sainte - qu'avez-vous à rester stupidement cloués sur place?
Préférez-vous la vie de ce monde à la vie future ? » -
«Attendez-vous de Nous autre chose que les deux choses suprêmes [la
victoire ou le sacrifice] ? ».
Cet
autre passage est important aussi: «La guerre vous a été
prescrite, bien qu'elle vous déplaise. Mais quelque chose peut vous
déplaire, qui est un bien pour vous et ce qui est un mal pour vous
peut vous plaire: Dieu sait, tandis que vous, vous ne savez pas. »Il
faut le rapprocher de cet autre: «Ils préférèrent se trouver
parmi ceux qui restèrent: une marque est gravée dans leurs cœurs
si bien qu'ils ne
comprennent pas...
Mais le Prophète et ceux qui croient avec lui combattent avec ce
qu'ils ont et avec leurs personnes mêmes: ce sont eux qui recevront
- et ce sont eux qui prospéreront »- «Dieu a préparé pour eux
les jardins sous lesquels coulent des fleuves et où ils resteront
éternellement: telle est la grande félicité ». Ce lieu de
«réconfort »- le paradis - sert de symbole à des états
supra-individuels de l'être, dont la réalisation n'est pourtant pas
nécessairement retardée jusqu'après la mort, comme
dans le cas auquel se réfère au contraire particulièrement ce
passage: «La réalisation de ceux qui sont tués sur la voie de Dieu
ne sera pas perdue: [Dieu] les dirigera et préparera leur âme. Il
les fera ensuite entrer dans le paradis qu'il leur a révélé ».
Dans ce cas, où il s'agit d'une véritable mort sur le champ de
bataille, on a donc l'équivalent de la mors
triumphalis dont
on parle dans les traditions classiques: celui qui, dans la «petite
guerre », a vécu la «grande guerre sainte », a éveillé une
force qui lui fera surmonter la crise de la mort et, après l'avoir
libéré de «l'ennemi » et de l'«infidèle » , le fera
échapper au destin de l'Hadès. C'est pourquoi l'on verra, dans
l'antiquité classique, l'espérance du défunt et la piété des
parents placer souvent sur les urnes funéraires des images de héros
et de vainqueurs. Mais, même pendant la vie, on peut avoir traversé
la mort et avoir vaincu, on peut avoir atteint ce qui est au-delà de
la vie et être monté au «royaume céleste ».
A
la formulation islamique de la doctrine héroïque, correspond celle
de la Bhagavad-gîtâ,
déjà
citée, où les mêmes significations se retrouvent à un état plus
pur. Et il n'est pas sans intérêt de remarquer que la doctrine de
la libération par l'action pure, exposée dans ce texte, est
déclarée d'origine solaire
et
aurait été directement communiquée par le fondateur du cycle
actuel, non aux prêtres ou brahmâna,
mais
à des dynasties de rois sacrés.
Julius
Evola, Révolte
contre le monde moderne.