La forme de croyance en la
réincarnation aujourd'hui la plus répandue voudrait qu'à la mort
un certain Moi profond survécût, qui entrerait dans un autre corps
pour mener une nouvelle vie, et ainsi s'enrichir de vie en vie ou se
purifier de vie en vie, l'oubli des vies antérieures à chaque
nouvelle naissance n'ayant pas trop d'importance, car, dans
l'au-delà, notre conscience récupérerait chaque fois les vies
antérieures et en ferait la synthèse.
On nous répète un peu partout, comme
faits bien établis, que d'ailleurs les anciens Égyptiens y
croyaient, les Juifs aussi dans l'Ancien Testament, le Christ et les
premiers chrétiens de même, et que l'Église l'enseigna jusque vers
le IIIe ou VIe siècle (là, les auteurs consultés diffèrent un peu
et je vois bien pourquoi).
Or, je ne voudrais faire de peine à
personne, je n'ai aucune envie d'empêcher qui que ce soit de croire
qu'il a déjà « eu » douze vies et qu'il reviendra encore trois
fois... Mais les faits sont les faits, et presque tout cela est faux
! La doctrine de la réincarnation est complètement inconnue de
l'Égypte ancienne. Les seuls cas que l'on pourrait invoquer sont les
mythes du renouveau de la nature, avec Osiris. Cependant l'historien
grec Hérodote, qui avait visité l'Egypte, raconte que ses habitants
croyaient à la métempsycose. Après la mort, l'âme humaine se
réincarnait dans les animaux de la terre, des eaux et des airs, puis
revenait dans un corps d'homme. Le cycle se faisait en trois mille
ans.
Hérodote vivait au Ve siècle avant
Jésus-Christ et, dès le VIe siècle, le pays était passé sous
domination perse. Il s'agit là de croyances tardives et probablement
populaires. On n'en retrouve pas trace, semble-t-il, dans les grands
textes religieux de l'Égypte classique, pas plus dans le célèbre
Livre des morts que dans les autres textes qui nous sont parvenus.
Mais Clément d'Alexandrie, au IIe
siècle après Jésus-Christ, mentionne à son tour cette curieuse
croyance des Égyptiens, sans la reprendre à son compte.
La réincarnation semble ignorée aussi
bien de Sumer que de l'Assyro-Babylonie. Mais peut-être
existait-elle, là aussi, comme croyance populaire, en dehors des
grands textes littéraires.
Pour la Grèce, Diogène Laërce, au
début du IIIe siècle après Jésus-Christ, nous affirme que
Pythagore, au VIe siècle avant Jésus-Christ, fut le premier à
croire à la transmigration des âmes. Il pensait avoir vécu
lui-même plusieurs fois et donnait même les noms qu'il avait portés
dans ses vies antérieures. On sait que Platon n'y voyait lui-même
qu'une croyance populaire, encore qu'il l'ait envisagée avec intérêt
dans le célèbre « mythe » d'Er le Pamphylien dans la «
République ». Le mythe de « l'Éternel Retour » comporte
d'ailleurs, lui aussi, une certaine forme de réincarnation.
Les anciens Hébreux ne mentionnent
jamais la possibilité de la réincarnation. Mais, du temps du
Christ, la doctrine commençait à se faire jour. D'après Flavius
Josèphe, les pharisiens croyaient à des supplices éternels pour
les méchants et à la réincarnation pour les bons. Plus tard, dans
la Kabbale, la réincarnation tiendra une place importante.
La réincarnation semble donc avoir
lentement pénétré en Occident, mais tardivement, sous des formes
très populaires et très marginales pendant plusieurs siècles.
Pour le Nouveau Testament, les deux
textes toujours invoqués sont l'histoire de l'aveugle de naissance
et l'attente du retour d'Élie. Examinons-les rapidement.
Dans le premier cas, les disciples du
Christ lui demandent : « Rabbi, qui a péché pour qu'il soit né
aveugle, lui ou ses parents? » L'idée que le mal physique est lié
au péché est fréquente dans l'Ancien Testament : « Dans le cas
des infirmes de naissance, certains rabbins attribuaient la faute aux
parents, d'autres à l'enfant lui-même, au cours de la gestation. »
Que l'on trouve l'idée intéressante ou stupide, là n'est pas la
question. Il s'agit de savoir si les juifs, du temps du Christ,
croyaient à la réincarnation. La connaissance de la littérature de
ce temps nous oblige à dire : non. Ils préféraient recourir à
cette hypothèse étrange.
Quant au Christ, il ne saisit pas du
tout l'occasion de leur révéler la réincarnation. Il leur répond
simplement que le problème est mal posé : « Ni lui, ni ses
parents. » Pas de vie antérieure ! L'autre cas, toujours cité, ce
sont les différents textes faisant allusion à l'annonce prophétique
du retour d'Élie. Mais c'est oublier que, pour les juifs, Élie
n'était jamais mort. Il avait été emporté au ciel sur un char de
feu et on s'attendait à ce qu'il revienne un jour, mais comme d'un
long voyage, sans avoir à renaître ; ou encore comme ces
personnages qui, en de nombreuses légendes, se réveillent au bout
d'un siècle. Le Christ essaie de leur faire comprendre qu'Élie ne
reviendra pas. Il a été remplacé par Jean-Baptiste, mais comme
Mozart a remplacé Bach...
C'est d'ailleurs bien ainsi que les
Juifs eux-mêmes essayaient de percer le mystère de la personne du
Christ. Quand Jésus demande à ses disciples ce que les gens pensent
de lui, ils lui répondent que certains le prennent pour
Jean-Baptiste, d'autres pour Élie, d'autres pour un des anciens
prophètes ressuscité. Mais lorsque Jean-Baptiste est mort, le
Christ avait déjà trente ans. C'est donc seulement après sa mort
que l'esprit de Jean-Baptiste aurait pu envahir le Christ. Cela n'a
rien à voir avec la réincarnation dont certains voudraient trouver
la preuve dans le Nouveau Testament. Or, rien n'indique dans le texte
que pour Élie ou « quelqu'un des anciens prophètes ressuscité »
il s'agisse cette fois d'une véritable réincarnation. Le texte dit
bien, au contraire, « ressuscité », ce qui est encore tout autre
chose. Ressusciter, c'est revenir à la vie sans avoir à renaître.
Il me semble abusif à cet égard de citer comme preuves d'une
certaine croyance en la réincarnation des textes où il est bien
plutôt question de « résurrection », de « réveil » ou d'«
apparition ». On peut de tout cela déduire, tout au plus, que les
Juifs contemporains du Christ étaient prêts à admettre une
certaine forme de réapparition de personnages célèbres du passé à
différentes époques. Mais des personnages dont ni le rôle ni la
personnalité n'auraient profondément changé, et qui ne
reviendraient, très exceptionnellement, que pour des missions très
précises et selon des modalités très variées. On est très loin
dans cette perspective d'une quelconque loi systématique et générale
de réincarnation.
L'Église n'a jamais enseigné la
réincarnation, comme beaucoup le prétendent. Certains théologiens
y ont cru, ce qui est fort différent. Au IIe siècle, saint Justin
admettait plusieurs vies sur terre avant le ciel, les plus charnels
pouvant se réincarner en bêtes. Mais, comme le note Geddes
MacGregor, les premiers chrétiens ne pouvaient croire qu'à des vies
antérieures sur terre, non à des vies futures, car pour eux ce
monde était appelé à disparaître bientôt.
Les courants gnostiques croyaient à la
réincarnation. Mais ils ne sont pas l'Église. Tout leur
enseignement est profondément différent.
Origène semble avoir admis une
succession d'éons, c'est-à-dire une succession de mondes, chaque
âme ne vivant qu'une seule fois dans chaque monde. Ce n'est pas
nécessairement très différent de la montée de chaque âme de
sphère en sphère. Les deux grands saints Grégoire, de Nysse et de
Nazianze, au IVe siècle, connaissaient cette théorie de vies
antérieures et s'y opposaient nettement'.
Cependant, on reconnaît généralement
qu'aucun texte de l'Église n'a jamais condamné formellement cette
doctrine, et que, par conséquent, chacun peut y adhérer si bon lui
semble.
Père François Brune, Les morts
nous parlent.
(Le père François Brune, diplômé de latin et de grec en Sorbonne, a suivi des études de philosophie et de théologie à Paris et à Tübingen, ainsi que des études d'Écriture sainte à l'Institut biblique de Rome. Il a enseigné ces matières dans des grands séminaires. Le père Brune s'intéresse également depuis plus de trente ans aux mystiques des grandes religions.)
Les
morts nous parlent
Cet
ouvrage traduit en sept langues peut être considéré aujourd'hui
comme un ouvrage de référence essentiel dans ce domaine de
l'après-vie et de la communication avec les morts. Aujourd'hui si
vous êtes dans le deuil, inconsolable de la perte d'un être cher,
qu'attendre des psychologues, des philosophes, des scientifiques et
enfin qu'attendre des églises, elles-mêmes de plus en plus trahies
par leurs serviteurs ? En substance, n'attendez rien nous dit le Père
François Brune. Depuis des décennies, François Brune, enquêteur
exceptionnel, a voyagé de par le monde, non seulement appelé en
Europe et aux Amériques à faire des conférences, mais surtout à
voir, rencontrer, recueillir des témoignages d'expériences vécues,
non des expériences menées par des scientifiques, des acousticiens,
des spécialistes de physique nucléaire, d'études de phénomènes
dits paranormaux par des scientifiques rigoureux tels que Rémy
Chauvin ou Olivier Costa de Beauregard, physicien quantique. Dans
cette nouvelle synthèse de l'ouvrage " Les morts nous parlent
", enrichie en deux volumes, le Père François Brune tente
d'aider ses contemporains à s'arracher au désespoir d'une vie bien
éphémère et sans grand sens si elle n'est pas éternelle. Les
grandes vérités des traditions, religions et textes mystiques s'en
trouvent renforcées. Oui, la vie continue après la mort, oui...