jeudi, janvier 01, 2015

Du Léviathan à Mammon nouveau Messie


Un siècle après que Calvin ait ouvert le prêt à intérêt aux chrétiens (« Lettre sur l’usure », 1545), mettant ainsi fin à ce que l’on appelle parfois la gratuité de la vie, Hobbes désignait l’État souverain moderne naissant sous le nom de Léviathan (1651). Pour lui, cet être collectif abstrait tout puissant n’était « rien d’autre qu’un homme artificiel… et d’une force beaucoup plus grande » , en qui « la souveraineté est une âme artificielle » . Le théoricien britannique avait donc choisi de l’affubler du nom d’un monstre biblique, devenu titre de l’ouvrage (Job, 3, 8 ; 40, 25).

Aujourd’hui est en train de se développer un nouveau et terrifiant monstre collectif indifférencié, protéiforme et beaucoup plus insaisissable que le Léviathan de Hobbes. Il n’a même plus besoin d’un visage synthétique comme celui du pseudo-chef Big Brother dans la fiction d’Orwell. Ce monstre collectif tenant à la fois de l’État mondial et de la théocratie rampante de Mammon, c’est-à-dire de l’Argent, domine virtuellement le monde. C’est une entité intelligente, logique, inflexible, mais anonyme et avide qui impose son idéologie fondatrice, utilitaire et manichéenne. Sous son empire, l’ordre mondial totalitaire, ploutocratique et despotique se revendique parangon de morale.

Mammon, rappelons-le, était ce dieu syro-araméen de l’argent, symbole de l’avidité pour les biens matériels dans les Évangiles, assimilé au Diable :

« Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (Mammon est nommé simplement « l’Argent », personnalisé avec un grand A, dans la traduction dite Bible de Jérusalem – Matthieu, 6, 24).

L’idéologie argentifère, que l’ex-dissident soviétique Alexandre Zinoviev appelle la « superidéologie », est crépusculaire, fondée sur la mauvaise conscience des Occidentaux amenés à se mépriser eux-mêmes. Au prix du collapsus démographique européen, nous sommes invités à abolir notre nature, inacceptable puisque raciale, et donc notre avenir collectif en échange de la félicité matérielle de l’instant. Le mondialisme messianique a sa hiérarchie des valeurs, des valeurs de Bourse en premier lieu, sachant que les « élus » - américains maintiennent, eux, le renouvellement des générations au taux requis de 2,1 naissances par femme. Pour le professeur Fukuyama, qui s’en félicite, de façon symptomatique :

« L’organisation mondiale du commerce est la seule institution internationale qui ait une chance de devenir un organe de gouvernement au niveau mondial ».

Le monde cède progressivement et de façon insidieuse, depuis 1945, à cette idéologie capitaliste, individualiste et financière radicale. Elle est portée par des bailleurs de fonds qui savent faire taire les consciences et ruinent les civilisations dans ce qu’elles ont de substantiellement incorruptible. Mammon, se voulant Messie, impose sa métaphysique élémentaire, universaliste et réductrice des « droits de l’homme » évidemment intéressée, mais dotée des apparences d’une libération. Mammon, dieu argentifère, est devenu Messie ou plutôt anti-Messie, au moins pour les chrétiens non touchés par l’hérésie puritaine née à Boston, selon Max Weber. Pour ceux-là, très minoritaires, Mammon ne peut être qu’un usurpateur, le Christ de l'Évangile s’étant proclamé son ennemi déclaré, sorte d’allégorie de l'Antéchrist. En ne supportant que les valeurs rationnelles, quantifiables et matériellement profitables, le système est en définitive parfaitement nihiliste pour le vivant. Comme le Messie, Mammon ne peut que régner sur le monde sans partage :

« Demande, et je te donne les nations pour héritage,
Pour domaine les extrémités de la terre ;
Tu les briseras avec un sceptre de fer,
Comme vase de potier tu les casseras. » (Psaume 2)

Cette substitution argentifère de Dieu, Mammon, peut aussi être nommée, de façon plus moderne et distanciée de son origine évangélique et biblique, la « Chape ». En effet, la superidéologie, selon l’expression reprise à Alexandre Zinoviev, agit bien en pratique comme une sorte de chape de plomb.

Cette formidable hégémonie culturelle et surtout morale recèle une mutation de la perception de Dieu. Hors des États-Unis où l’on ne sait pas toujours où est le banquier et où est le pasteur, cette mutation se traduit le plus souvent par un athéisme plat, plus ou moins déguisé. Pourtant les nouveaux clercs, au sens strict du terme, sont aussi recrutés parmi les ministres du culte luthérien ou catholique. Oubliant les préventions qui furent, pour son honneur, les siennes, l'Église catholique a opéré un nouveau Ralliement, cette fois à l’échelle planétaire et sur un enjeu beaucoup plus grave que celui de Léon XII à la République française en 1892. Le pape Jean-Paul II, le véritable pape de l’assomption ecclésiale des « droits de l’homme » a adapté d’emblée le discours de l'Église. Dès son avènement au pontificat, il déclarait, dévoyant semble-t-il l'Évangile (Matthieu, 28, 10 : « N’ayez pas peur… » d’annoncer la Résurrection) :

« N’ayez pas peur. États, ouvrez vos frontières. Hommes, ouvrez vos cœurs. Oui, la lutte pour la promotion et la sauvegarde des droits de l’homme, réunissant tous les hommes et les femmes de bonne volonté est notre tâche commune. »


On pouvait attendre autre chose de l'Église catholique institutionnelle en particulier, et des Églises chrétiennes en général. Pourtant, l’hérésie ploutocratique démentielle étend sa subversion invertie généralisée sur le monde entier. Où est la clairvoyance, où sont donc les graines du martyr contre Mammon, l’usurpateur, l’anti-Messie ? Certainement pas aux J.M.J. (Journée mondiales de la jeunesse), manifestation conformiste d’une jeunesse pitoyable, désarmée, sans imagination ni révolte, inadaptée à la tragédie du XXIe siècle.

En fait, Mammon, ou la Chape, procède d’une véritable oligarchie ploutocratique qui étend son empire indifférencié sur le monde, au service du monothéisme du marché. Sous le couvert de la superidéologie argentifère, se forme ce qu’Augustin Cochin (1876-1916) appelait le « petit peuple » , avec une acception particulière. Il ne s’agit pas là de la frange la plus modeste des sociétés humaines, mais au contraire d’une oligarchie de privilégiés hissés aux postes supérieurs, sorte de nomenklatura comme on le disait pour l’U.R.S.S. Le « petit peuple » est un anti-peuple opposé au « grand peuple », composé lui de tout un chacun. Ce « grand peuple » englobe les populations
assujetties au premier, « petit peuple » oligarchique qui :

« a pris la place du peuple… étranger à ses instincts, à ses intérêts et à son génie… […] le peuple fait-il mine de délibérer pour de bon ? C’est qu’il n’est pas assez libre… »

Attachés à leurs privilèges, les membres du « petit peuple » ont le sentiment d’être les « élus » du destin, les clercs « prédestinés » du Progrès, les oligarques annonciateurs messianiques des lendemains radieux. Il ne s’agit pas seulement, il s’en faut de beaucoup, de gens personnellement impliqués dans le système de l’Argent, car la servilité est souvent spontanée et la courtisanerie mimétique. Ils sont souvent politiciens, technocrates, puissamment motivés par la flagornerie arriviste et pas toujours corrompus.

Clercs honteux ralliés ou magistrats moralisateurs quasi démonologues, ils sont imbus de leur nouveau rôle, au service d’une transcendance de rencontre. Ils sont bien entendu très largement les héritiers de l’esprit de 1968, qu’ils soient de « gauche », soixante-huitards culturellement meneurs, actifs et pédants, définissant la mode et surtout arbitres des nouvelles bonnes mœurs, ou nominalement de « droite », soixante-huitards culturellement menés, passifs et non moins pédants, suivant la mode, mais reconnaissant le magistère moral de la gauche. Ces gens de « droite » sont les nouveaux « modérés » (Abel Bonnard). Au-delà de ce « petit peuple » oligarchique, abonde le tout-venant des dévots des « droits de l’homme », ceux qui ne croient pas à autre chose que ce qu’on leur a inculqué par osmose sociale comme étant le Bien triomphateur de la fornication spirituelle, de l’obscénité et du vice.


Comme le disait Céline :

« On est à la cour de Mammon, à la cour du grand Caca d’or. »

Éric Delcroix, « Le théâtre de Satan ».



Le théâtre de Satan
Décadence du droit, partialité des juges


Les acquis de la civilisation juridique de l’Europe continentale sont en pleine involution régressive. Pour cette civilisation dans laquelle les juristes, communément sidérés, croient encore vivre, le droit et la morale étaient deux disciplines distinctes. Mais le raisonnement juridique redevient insensiblement une casuistique, dans l’indifférence générale, comme au temps des procès en hérésie ou en sorcellerie, au temps du « théâtre de Satan ».

Tout acte, même licite en soi, peut devenir criminel ou délictuel, en fonction de la conscience intime de celui qui le commet : ce n’est donc plus l’intention objective qui prévaut dans la définition même de l’infraction. La question qui exprime l’essence du juge n’est plus : « le sujet a-t-il voulu l’acte ? », mais de plus en plus « pourquoi a-t-il voulu l’acte ? ». Apparaît le concept de délit peccamineux.

Dès lors le juge est appelé à rechercher, par la restauration d’un procédé archaïque, si l’accusé ou le prévenu est ou non « en état de grâce », marque d’un temps que l’on croyait révolu, malgré la parenthèse soviétique, après Beccaria, Bentham, Kant ou Hegel. Jugeant à nouveau au nom du Bien ontologique, ici celui des « droits de l’homme », le juge est amené à refuser son libre arbitre intime à la personne jugée, dans une lutte de tous les instants contre le péché. Le juge doit aussi se départir de son équanimité impartiale en présence d’un délinquant politique, en ne tenant plus compte du seul désintéressement du sujet, mais suspendant sa bienveillance à l’adéquation de ses idées et de ses sentiments avec le Bien.

Du procès de Nuremberg (1945-1946) aux cas Barbie, Touvier ou Papon, en passant par les lois « antiracistes » ou antirévisionnistes, le droit de l’Europe continentale se délite en s’adonnant aux abus de la théocratie. En fait, le droit en décadence se confond de plus en plus avec la morale antidiscriminatoire (antiraciste/antifasciste). Tout cela se passe sous l’égide de la ploutocratie et du gauchisme soixante-huitard, réunifiés dans l’« antifascisme » et l’avidité hédoniste. Ne cherchons pas ailleurs la fameuse « diabolisation » qui frappe en Europe les idées politiques, mais aussi les sentiments identitaires. L’obscurantisme est de retour : derrière les « droits de l’homme », la Terreur ?

Télécharger gratuitement « Le théâtre de Satan » :



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...