"karma européen", dirait le lama tibétain Gyatrul.
« Le
droit international distingue entre transfert facultatif et
transplantation forcée.
Lorsqu'il
s'agit du transfert facultatif, c'est-à-dire lorsque l'individu se
réclame lui-même, de sa propre volonté, d'une faculté stipulée
par un acte, inter-étatique, la morale et le droit n'ont qu'à
s'incliner et à en prendre acte. Il en est différemment lorsqu'il
s'agit de la transplantation forcée ou même du transfert facultatif
quand interviennent la propagande, les promesses, les pressions, les
menaces dont les autorités assaillent généralement l'individu en
vue du but qu'elles cherchent à atteindre par les accords de
transplantation, car alors l'individu ne peut être considéré comme
pouvant agir librement. Sa volonté, son appréciation sont entravées
à tel point que juridiquement, l'acte ne peut être considéré
comme étant l'expression d'une volonté librement réfléchie. [...]
Le
transfert international des populations tel que nous l'entendons, est
un produit de l'époque moderne, puisque la manifestation sur le plan
politique de la conscience ethnique des peuples l'est également.
On
peut y distinguer trois périodes: la première va jusqu'au début de
la première guerre mondiale ; la deuxième de 1919 à 1939 ; enfin,
la troisième de 1939 à nos jours.
La
première période n'a connu que deux transferts de populations qui
furent mal réglementés, mal préparés et mal exécutés.
La
deuxième période est celle des transferts de populations
minutieusement réglés; elle constitue l'époque expérimentale. Le
transfert n'est que sporadique et de longue durée.
La
troisième époque est dominée par l'impulsion que l'Allemagne a
donnée au transfert de populations mis au service de ses visées
impérialistes. Le transfert des minorités ethniques est
systématique et d'une exécution rapide.
Du
point de vue territorial, on constate que, tandis que les transferts
exécutés dans les première et deuxième périodes intéressaient
uniquement les Balkans, ceux de la troisième période concernent
principalement l'Europe centrale et orientale.[...]
Quelques exemples
Le
transfert international conventionnel des populations proprement dit
débute en 1913, il est dû aux guerres balkaniques. En 1912, en
effet, environ 100.000 Turcs fuient devant l'avance des armées des
Etats alliés balkaniques. En 1913, à la suite de la deuxième
guerre balkanique, on estima que les déplacements suivants de
populations eurent lieu :
a)
15.000 Bulgares de Macédoine fuirent devant l'armée grecque ;
b)
10.000 Grecs quittèrent la Macédoine adjugée à la Serbie et à la
Bulgarie par le traité de paix de Bucarest du 10 août 1913 ;
c)
70.000 Grecs furent obligés de quitter la Thrace occidentale occupée
par la
Bulgarie.
Devant
une telle migration de peuples, il était naturel que l'on
pensât à résoudre les questions que posaient l'enchevêtrement des
peuples balkaniques et l'animosité qu'ils ressentaient les uns pour
les autres. […]
Pendant
la guerre de 1914-1918, les Bulgares ont déporté 36.000 Grecs et
les Turcs des Grecs et des Arméniens. Après l'armistice de 1918, un
mouvement inverse des peuples se produisit
: environ 51.000 Grecs retournèrent en Thrace occidentale, 83.000 en
Thrace orientale et 100.000 en Asie mineure.
A
la Conférence de la paix de 1919, lors de l'élaboration du statut
des minorités, la délégation grecque proposa à la Conférence
l'établissement d'une commission mixte pour contrôler l'émigration
réciproque entre la Bulgarie et la Grèce des minorités ethniques
respectives. La commission des nouveaux Etats estima désirable
d'étendre ce principe à tous les Etats balkaniques. […]
Le 10
mars 1939 fut conclu l'arrangement italo-yougoslave, relatif au
transfert des personnes d'origine ethnique italienne et demeurant
dans le village de Mahovljani ou originaires de Mahovljani et
demeurant dans les villages voisins. [...]
L'Allemagne
adopta en 1939 une politique de transplantations massives et étendues
des minorités allemandes se trouvant au Sud, à l'Est, et au Sud-Est
de l'Europe. [...]
C'est
pour assurer la bonne entente avec le partenaire de l'Axe que le
Reich accepta d'engager des pourparlers avec l'Italie, pourparlers
qui aboutirent à un accord de principe signé à Berlin le 23 juin
1939, concernant toutes les questions de caractère minoritaire
existant entre l'Allemagne et l'Italie... […]
Le
8 octobre de la même année, le Reich avisa les Gouvernements
estonien et letton qu'il désirait procéder le plus rapidement
possible au transfert des ressortissants estoniens et lettons
d'ethnie allemande... […]
Le
16 novembre 1939, un accord fut conclu entre l'Allemagne et l'URSS
concernant la transplantation, d'une part des Allemands résidant en
Ukraine occidentale et en Russie blanche occidentale et, d'autre
part, des Ukrainiens, Russes blancs, Russes et Ruthènes résidant
dans les anciens territoires polonais qui appartenaient désormais à
la sphère d'intérêt de l'Empire allemand.
En
application de ce traité, 134.950 personnes abandonnèrent leurs
demeures en plein hiver — le mouvement commença vers le 20
décembre 1939 et fut terminé le 26 janvier 1940 – et partirent
vers l'Ouest, tandis qu'environ 30 à 40.000 Russes blancs et
Ukrainiens prirent le chemin de l'Est. [...]
Durant
la seconde guerre mondiale, les transferts obligatoires de populations sont nombreux. En 1942, il avait été transféré à la
suite d'un accord international plus d'un million sept cent mille
personnes. [...] »
Source :
INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES
(1946)