mardi, septembre 22, 2015

L'Anarchisme chrétien



A propos du livre de Falk Van Gaver et Jacques de Guillebon, « AnarChrist ! Une histoire de l’anarchisme chrétien », François de Lens écrit :

« Le catholique a beaucoup à apprendre de l’anarchiste et de sa radicalité. Le refus de « la toute-puissance de l’État moderne », du « capital prédateur », causes de biens des maux actuels, n’a en effet pas été intégré par la plupart des disciples du Christ. Lesquels se contentent le plus souvent de mener une petite vie bien rangée et de voter à droite, sans faire trop de remous. Ni se remettre en question.

Or, c’est bien vers une remise en question que nous amène « l’anarchrisme », comme les auteurs désignent l’anarchisme chrétien. Convoquant avec profusion des auteurs variés (Tolstoï, Thibon, Proudhon, Jünger, Rimbaud…), ce recueil de textes stimulants proposé par Van Gaver et Guillebon nous pousse dans nos retranchements. Ils nous disent : « Si vous êtes pour “une société libre, digne, décente, juste, humaine, communautaire, familiale, locale, villageoise, amicale, une vie libre, simple, naturelle, décente et digne d’être vécue”, alors vous êtes anarchistes. » Quel chrétien, alors, ne serait pas anarchiste ? »

L'Eglise est antichristique. Depuis son alliance avec l'empire romain (Constantin), elle a trahi l'enseignement émancipateur de Jésus en édulcorant son message révolutionnaire et en soumettant les chrétiens à l'autorité de prédateurs religieux et politiques (les papes et les empereurs).

L’Église a légitimé l'État (autocratique ou démocratique). Or l'État n'a jamais fait régner l'équité et la sécurité. Au contraire, il perpétue un système hypocrite fondé sur les inégalités, les injustices, la violence, l'esclavage économique...

La démocratie représentative est une machiavélique imposture politique. La faible minorité de profiteurs, possédant la richesse et l'appareil médiatique, impose sa volonté à la majorité réduite au travail jusqu'à un âge avancé (près de 70 ans, entre 65-67 ans en Allemagne, Australie, Grèce, etc.). Les esclavagistes des temps modernes se présentent comme des bienfaiteurs quand ils offrent du travail à un peuple conditionné pour consommer des produits inutiles.

L'esclavage moderne

L'anarchiste chrétien Léon Tolstoï écrit :

L'Etat, « est nuisible et dangereux parce qu'avec lui tout le mal qui existe dans la société, au lieu de diminuer et de se corriger, augmente et s'affermit. Et le mal augmente et s'affermit parce qu'il est soit dissimulé, soit justifié et revêtu de formes séduisantes.

Cette prospérité du monde, cette œuvre tant vantée des gouvernements fortement organisés, c'est-à-dire des gouvernements qui conduisent les peuples par la violence, n'est à la vérité qu'une apparence, une fiction.

Il est certain que toute révolution et, plus que toute autre, la suppression des gouvernements, de la violence organisée, troublera la belle ordonnance extérieure de nos sociétés, mais elle ne causera pas leur désorganisation, car elle fera paraître ce qui est aujourd'hui caché et nous permettra d'y porter remède.

« Vos lois ne protègent pas la propriété de la terre; elles permettent seulement qu'on enlève la terre à ceux qui la travaillent. Vous empêchez, dites-vous, que l'on dépouille qui que ce soit des produits de son travail, mais en réalité c'est le contraire que vous faites; les hommes qui produisent de leurs mains toutes sortes d'objets précieux ne peuvent même pas trouver dans votre prétendue protection le moyen de se faire payer de leur travail un prix égal à sa valeur et leur vie entière est au pouvoir de ceux qui ne travaillent pas. »

On dit qu'avec les gouvernements disparaîtront les grandes œuvres sociales, les établissements d'instruction et d'éducation qui sont d'utilité publique.

Mais quelles raisons a-t-on de faire une pareille supposition ?

Nous remarquons au contraire que de nos jours, dans les circonstances les plus diverses, les hommes parviennent eux-mêmes à organiser des œuvres utiles beaucoup mieux que n'y réussissent les gouvernements. Nous voyons se développer, sans l'appui des gouvernements et souvent même malgré leur opposition, toutes sortes de fondations sociales.

À supposer qu'il faille, pour créer une œuvre semblable, réunir une certaine somme d'argent, pourquoi penserait-on que les hommes ne fourniraient pas de leur plein gré les moyens nécessaires et ne feraient pas ce qui se fait aujourd'hui, grâce à l'impôt, si le but de l'entreprise devait être vraiment profitable à la société ?

Nous sommes tellement corrompus par un long esclavage que nous ne pouvons pas concevoir que des hommes s'administrent sans gouvernement.

La protection de la propriété de la terre par la violence des gouvernements n'empêche pas la lutte des convoitises mais au contraire la provoque et l'exaspère. Elle n'a servi qu'à pousser les hommes les uns contre les autres, à les armer pour cette mêlée des intérêts qu'elle a suscitée, qui jamais ne s'apaise, et d'où sortent toujours vaincus les travailleurs de la terre, toujours victorieux les complices de la violence.

Les hommes n'ont pas besoin non plus d'être protégés par la violence pour jouir paisiblement des objets nécessaires à la vie qu'ils ont produits par leur travail. Ce droit leur a toujours été suffisamment garanti par la coutume, l'opinion publique, le sentiment de la justice et de la solidarité sociale.

Celui qui possède dix mille hectares de forêts, quand près de lui des milliers d'hommes manquent de bois pour se chauffer, celui-là a besoin d'être protégé par la violence. Cette protection est aussi nécessaire aux patrons des usines et des fabriques où sont exploitées des générations d'ouvriers, et davantage encore au marchand qui détient dans ses entrepôts des centaines de milliers de poudes de blé, attendant une année de disette pour les vendre avec un scandaleux bénéfice aux populations affamées.

Le système de violences qui protège actuellement une injuste propriété, s'il n'a pas complètement détruit, a du moins sensiblement affaibli chez les hommes l'idée naturelle de justice qui commande de ne pas usurper sur autrui les objets de consommation nécessaires, produits de son travail — c'est-à-dire cette notion innée du véritable droit de propriété, sans laquelle l'humanité ne peut vivre, qui a toujours existé et existe encore dans la société.

Est-il prouvé que ces gouvernants soient dignes par leurs qualités singulières de diriger l'humanité ?

Le fait même qu'ils s'autorisent à user de violence envers leurs semblables démontre au contraire que leur raison est inférieure à celle des hommes qui leur sont soumis.

Et il arrive en effet qu'au pouvoir parviennent toujours les hommes les moins consciencieux et les plus dépourvus de moralité.

On dit : comment les hommes pourraient-ils vivre sans gouvernement, c'est-à-dire sans redouter la violence ?

Il faudrait dire au contraire : comment les hommes, créatures raisonnables, peuvent-ils vivre ainsi groupés en sociétés par la crainte commune de la violence et non par le consentement de la raison de chacun ?

L'ESCLAVAGE des hommes est la conséquence des lois, les lois sont établies par les gouvernements. Pour délivrer les hommes, il n'est donc qu'un moyen, c'est la destruction des gouvernements.

(Mais) Essayer de détruire la violence par la violence, c'est vouloir éteindre le feu par le feu, inonder un pays pour refluer les eaux d'un fleuve qui déborde, c'est creuser un trou dans le sol pour avoir de la terre afin d'en combler un autre.

Si donc il existe un moyen de détruire l'esclavage, ce ne peut être l'institution d'un nouveau système de violence, mais l'anéantissement de ce qui rend possible la violence des gouvernements. Or les gouvernements, c'est-à-dire un petit nombre d'hommes, ne peuvent user de violence contre la grande majorité des hommes, que s'ils sont armés et leurs victimes désarmées ou tout au moins s'ils sont mieux armés que leurs victimes.

C'est grâce à cette inégalité que tous les conquérants ont accompli leurs exploits, et que, de nos jours encore, on asservit des peuples en Afrique et en Asie, c'est aussi grâce à elle qu'en temps de paix les gouvernements tiennent leurs sujets dans une respectueuse soumission.

Aujourd'hui comme autrefois, quand des hommes gouvernent d'autres hommes, c'est que ceux-là sont armés et que ceux-ci ne le sont pas.

Les gouvernants vont à leur but par la ruse et le mensonge.

Aujourd'hui que le peuple est menacé non plus seulement par la simple violence, mais par la ruse mise au service de la violence, il faut pour détruire celle-ci la démasquer d'abord et jeter bas le mensonge qui la couvre.

Ce mensonge, le voici tel qu'il a été imaginé par quelques hommes :

Vous êtes nombreux, disent ces hommes à leurs peuples. Vous êtes inintelligents et ignorants et vous ne pouvez ni vous diriger vous-mêmes, ni organiser tous les services et toutes les œuvres qui pourraient avoir une utilité sociale. Nous allons nous charger de tout cela : nous vous défendrons contre vos ennemis extérieurs, nous réglerons et nous ferons observer l'ordre qui devra régner parmi vous, nous vous donnerons des tribunaux, nous fonderons et nous dirigerons pour vous des établissements et des services utiles, nous nous occuperons des écoles, des voies de communication, des postes, et en général nous nous efforcerons d'assurer votre bien-être. Pour tant de zèle, nous vous demandons seulement de nous accorder quelques petites satisfactions, par exemple, de nous abandonner complètement une minime partie de vos revenus et de servir dans les armées, qui nous sont nécessaires pour vous défendre et vous gouverner.

Et la majorité des hommes acceptent cet arrangement, non pas qu'ils aient jamais pesé les avantages et les inconvénients de toutes ces conditions (ils n'en ont jamais eu la possibilité) mais parce que depuis leur naissance ils y sont soumis. Si l'un d'eux doute un moment que cette organisation soit nécessaire, il se rend bientôt aux raisons de son égoïsme qui lui représente tout ce qu'il aurait à craindre, s'il refusait de remplir les clauses du contrat, tandis qu'il peut essayer de les faire tourner à son profit. Et tous en fin de compte prennent les engagements qu'on leur propose, pensant que l'obligation de céder à l'État une petite partie de leurs revenus et de consacrer quelque temps de leur vie à servir dans les armées ne saurait en somme leur causer de grave préjudice. Cependant, les gouvernements, dès qu'ils ont à leur disposition de l'argent et des soldats, au lieu de remplir l'obligation, qu'ils ont acceptée, de défendre leurs sujets contre les ennemis du dehors et de veiller à leur prospérité, font tout ce qu'ils peuvent pour irriter les peuples voisins et provoquer des guerres. Non seulement ils ne contribuent pas à la prospérité des peuples mais ils les ruinent et les pervertissent.

La discipline est une méthode particulière pour l'éducation des hommes, qui réussit en quelque temps à les priver du bien le plus précieux, de la qualité la plus importante de leur nature — la raison libre — et qui les réduit à jouer le rôle de machines, d'instruments de carnage entre les mains de leurs supérieurs hiérarchiques.

Ce n'est pas sans raison que les présidents font si grand prix de la discipline, s'effrayent chaque fois qu'elle a été violée, et attachent une importance considérable aux revues, aux manœuvres, aux parades, aux défilés et à toutes les sottises du même genre. Ils savent que toutes ces manifestations publiques servent à fortifier la discipline et que par la discipline seule est garantie leur puissance, sinon même leur existence. Ils tiennent au système des armées disciplinées, parce qu'il leur fournit le moyen de faire accomplir par d'autres hommes les horribles forfaits dont la seule terreur courbe les peuples sous leurs lois.

La nécessité des armées disciplinées — voilà le mensonge par lequel les gouvernements règnent sur les peuples. Il suffit qu'un gouvernement dispose de cet instrument de violence et de meurtre pour qu'il prenne autorité sur le peuple tout entier. Dès lors il ne le lâchera plus, il le ruinera et, comme pour le bafouer, il prendra à cœur d'en faire, par l’éducation, son fidèle, son adorateur même à lui, gouvernement, qui le tient en esclavage et le tourmente.

Nous n'avons donc qu'un moyen de renverser les gouvernements, c'est de dénoncer aux hommes le mensonge officiel. Il faut leur faire comprendre que les peuples n'ont aucun besoin de se mettre en garde les uns contre les autres, que les haines entre peuples sont provoquées par les gouvernements eux-mêmes et par eux seulement, que les armées sont utiles aux quelques hommes qui gouvernent, mais qu'elles sont inutiles ou même funestes aux peuples, dont elles facilitent l'asservissement.

Il faut encore leur faire comprendre que cette discipline, que les gouvernements prisent si fort, a pour condition le plus grand crime qui se puisse commettre contre l'humanité et que par conséquent l'emploi systématique qu'en font les gouvernements prouve clairement la méchanceté de leurs desseins.

La discipline, c'est la mort de la raison et de la liberté humaine; elle ne peut donc avoir d'autre but que de préparer l'exécution de forfaits si révoltants que tout homme dans son état normal se refuserait à les accomplir.

Le seul but de la discipline est de mettre les hommes en état de tuer leurs frères et leurs pères.

Ce mensonge terrible, sous le couvert duquel quelques hommes mauvais gouvernent les peuples, les ruinent et, ce qui est pis encore, pervertissent dès le berceau générations après générations – c'est lui que nous devons dénoncer et confondre, si nous voulons détruire les gouvernements et leur produit naturel, l'esclavage.

Les gouvernements dépouillent de préférence les pauvres, et favorisent les riches qui les aident au crime.

Les hommes de gouvernement n'aventurent pas leurs personnes et n'agissent eux-mêmes que par la ruse et le mensonge.

Et Les gouvernements protègent et récompensent les hommes à proportion de la part qu'ils prennent à l'organisation du mensonge.

Tant que l'homme n'a pas compris ce que c'est qu'un gouvernement ou ce que c'est qu'une Église, il ne peut leur témoigner qu'un pieux dévouement. Tant qu'il se laisse guider par eux, il doit croire, pour satisfaire son amour-propre, à leur grandeur et à leur sainteté.

Mais, dès qu'il s'est aperçu qu'il n'y a ni dans le gouvernement, ni dans l'Église rien d'absolu et de sacré et que ce sont là simplement inventions des méchants pour imposer au peuple, d'une manière déguisée, une façon de vivre qui soit utile à leurs intérêts, il est pristout aussitôt d'un sentiment de dégoût pour ceux qui le trompaient indignement, et ce revirement est d'autant plus profond, que la fiction dont il découvre la vanité le guidait autrefois sur des questions plus graves.

Les hommes connaîtront ce dégoût à l'endroit des gouvernements, quand ils auront compris le véritable sens de ces institutions.

Ils comprendront que s'ils participent à l'œuvre des gouvernements – en donnant une somme d'argent qui représentera une part des produits de leur travail, ou en servant dans les armées – ils ne feront pas en cela un acte indifférent, comme on le croit d'ordinaire, mais un acte coupable parce que, outre le préjudice qu'ils auront ainsi causé à leurs frères et à eux-mêmes, ils auront accepté de collaborer aux crimes que tous les gouvernements ne cessent de commettre et à la préparation des crimes futurs pour lesquels les gouvernements entretiennent des armées disciplinées.

Le moment est proche, où le monde comprendra enfin que les gouvernements sont des institutions inutiles, funestes et au plus haut point immorales, qu'un homme qui se respecte ne doit pas soutenir et qu'il ne doit pas exploiter à son profit.

Et quand ces hommes auront compris cela, ils cesseront de collaborer à l'œuvre des gouvernements en leur fournissant des soldats et de l'argent. Alors tombera de lui-même le mensonge qui tient les hommes en esclavage.

Il n'y a pas d'autres moyens d'affranchir l'humanité.

« Mais ce ne sont là que des idées générales ; justes ou injustes, elles sont inapplicables. » Ainsi me répondent les hommes qui se sont accoutumés à leur état et qui ne croient ni possible, ni désirable d'y rien changer.

« Dites-nous plutôt, continuent-ils, ce qu'il faut faire et comment il conviendrait d'organiser la société. »

Quiconque veut servir les hommes doit sacrifier son égoïsme et que, s'ils veulent réellement porter secours à leurs frères et non pas satisfaire des convoitises personnelles, ils doivent être prêts à bouleverser leur vie, à renoncer à leurs habitudes, à perdre les avantages dont ils jouissent aujourd'hui, à soutenir une lutte acharnée avec les gouvernements, surtout avec eux-mêmes et avec leurs familles, prêts enfin à braver la persécution par le mépris des lois.

En second lieu ne payer aux gouvernements ni l'impôt direct, ni l'impôt indirect, ne rien recevoir de l'argent du fisc sous forme d'appointements, de pensions ou de récompenses et ne jamais demander un service aux établissements entretenus par l'État avec les ressources du peuple ; il devra, en troisième lieu, ne jamais demander à la violence des gouvernements ni de lui garantir la propriété d'une terre ou d'un objet quelconque, ni de défendre sa personne et celle de ses proches, et ne profiter de la terre ou de tous les produits de son travail ou du travail d'autrui que dans la mesure où ces objets ne feront pas défaut à d'autres hommes.

« Mais tout cela est impossible, répond-on, il est impossible de refuser toute participation à l’œuvre des gouvernements. »

L'homme qui refusera de faire son service militaire sera jeté en prison ; celui qui refusera de payer l'impôt sera puni et se verra confisquer une partie de ses biens; l'homme qui refusera de servir le gouvernement, quand il n'aura pas d'autre moyen d'existence, se condamnera et condamnera sa famille à mourir de faim; celui qui refusera de mettre sa propriété et sa personne sous la protection du gouvernement finira de même; enfin, il est impossible de ne pas faire usage d'objets imposés, puisque le plus souvent les objets de première nécessité sont taxés : il est également impossible de ne jamais recourir aux services publics organisés par les gouvernements, de ne jamais se servir de la poste, des routes, etc.

Il est absolument certain qu'il est difficile à un homme de notre temps de ne pas participer de quelque façon à la violence de gouvernements.

Mais, que tous les hommes ne puissent pas aujourd'hui organiser leur vie de manière à ne plus être, dans aucun cas, les collaborateurs des gouvernements, cela ne prouve pas qu'ils ne puissent s'affranchir de plus en plus de la violence.

Tout homme n'a pas la force de refuser le service militaire (il y a cependant des hommes qui le font) mais tout homme peut ne pas choisir les carrières de l'armée, de la police, de la magistrature ou des finances et peut préférer à un emploi public grassement rétribué un métier indépendant et moins rémunérateur.

Tout homme n'a pas la force de renoncer à la propriété de la terre (il y a cependant des hommes qui le font) mais tout homme peut, comprenant qu'ils sont criminels, restreindre volontairement ses droits.

Tout homme ne peut pas faire abandon du capital qu'il possède (il y a cependant des hommes qui le font) et renoncer aux droits de propriété que la violence lui assure sur certains objets, mais tout homme peut diminuer ses besoins et s'accorder de moins en moins les jouissances qui excitent l'envie des autres hommes.

Tout homme ne peut pas refuser de recevoir un traitement de l'État (il y a cependant des hommes qui aiment mieux souffrir de la faim que de remplir quelque malhonnête fonction publique), mais tout homme peut préférer un emploi modeste à un gros bénéfice, afin d'avoir moins de part à la violence.

Tout homme ne peut pas refuser de suivre les leçons d'une école de l'État (il y a cependant des hommes qui le font), mais tout homme peut préférer une école particulière à une école d'État. Tout homme peut faire usage de moins en moins des objets imposés et des services dirigés par l'État.


Entre l'ordre de choses actuel, fondé sur la grossière violence, et l'idéal de la vie sociale où les hommes seront rapprochés par leur consentement raisonnable, où les coutumes seules maintiendront la cohésion, il existe d'innombrables degrés que l'humanité toujours en marche parcourt successivement. Mais les hommes ne se rapprochent de cet idéal qu'en s'affranchissant graduellement, en se déshabituant de la violence, en renonçant à en profiter.

Nous savons à n'en pas douter que l'existence des hommes qui, ayant compris l'immoralité et la funeste influence des gouvernements, s'efforceront de n'en plus profiter et de n'y plus contribuer, sera tout autre et plus conforme aux lois de la vie et de notre conscience que l'existence actuelle des hommes qui, participant à la violence des gouvernements et en bénéficiant, font mine de vouloir la combattre et tendent seulement à en changer les formes.

Ce qu'il est important de retenir, c'est que l'organisation actuelle de la société est mauvaise. Elle aboutit à l'esclavage et nous trouvons qu'elle repose sur la violence des gouvernements. Or pour détruire la violence des gouvernements, les hommes n'ont qu'un moyen, qui est de ne plus participer à cette violence. Les hommes n'ont qu'un moyen de s'affranchir, ils doivent le prendre.

Quand sera remplacé dans chaque société le règne de la violence par celui du consentement libre et raisonnable des hommes ?

Cela dépendra du nombre des esprits qui, dans chaque pays prendront conscience du mal et du degré de clarté avec lequel ils le percevront. Chacun de nous, isolément, peut collaborer au mouvement général de l'humanité, ou au contraire y faire obstacle.Chacun de nous devra choisir : aller contre la volonté de Dieu en construisant sur le sable la demeure fragile de sa vie illusoire et passagère ou diriger ses efforts ans le sens de l'éternel, de l'immortel mouvement de la vie véritable, conformément à la volonté de Dieu.

Je sais que nous sommes tous si fortement assujettis à la violence qu'il nous est très difficile de la vaincre. Mais je ferai cependant tout ce que je pourrai pour ne pas la favoriser, pour ne pas être son complice et je m'efforcerai de ne jamais profiter de ce qui a été acquis et de ce qui est gardé par la violence.

Je n'ai qu'une vie et pourquoi dans cette vie si courte me ferais-je, contre la voix de ma conscience, le collaborateur de vos horribles forfaits ? Je ne veux pas être et je ne serai pas celui-là.

Léon Tolstoï, « L’esclavage moderne ».

Anar-Christ

Habitués aux clichés tardifs du type « ni Dieu ni maître », nous avons oublié que l'anarchisme, comme le premier socialisme d ailleurs, doit au christianisme plus qu à n'importe quelle autre doctrine ou philosophie. Jacques de Guillebon et Falk van Gaver nous plongent ici dans les eaux profondes de l'insoumission à l'ordre des hommes.

Fleuve souterrain aux détours sinueux, l'anarchisme chrétien irrigue depuis deux siècles la vie politique et intellectuelle du monde. Loin du « catéchisme révolutionnaire » de Netchaïev, des bombes de Ravachol et des cavalcades de Makhno, tantôt orthodoxe et tantôt hérétique, cette anarchie religieuse fonde la pensée de la non-violence, inspire les arts modernes, engendre la critique conjuguée de l'État et du libéralisme. Les anarchistes chrétiens furent les premiers à s'élever contre un monde rapace livré à la technique. Pour eux, l'« ordre sans le pouvoir » est le dernier mot temporel des enfants de Dieu.








Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...