Une
des épouses du roi Ashoka, « tombé gravement malade, n’hésita
pas à ouvrir l’abdomen d’un malheureux présentant les mêmes
symptômes que le roi pour découvrir la cause du mal ».
Un
texte surprenant décrit « ce qui ressemble fort à un
authentique essai clinique, au cours duquel une batterie de tests est
pratiquée sur un cobaye. Voici une traduction du passage le plus
intéressant.
«
Un jour, une grave maladie se déclara chez le roi Ashoka. De sa
bouche, de ses poils
et de ses pores s’exhalait une odeur fécale et il n’était pas
possible de le guérir. Alors le roi fit appeler Kunala (son fils)
pour lui confier le gouvernement. Car à quoi bon continuer à vivre
?
Ayant
entendu cela, Tisyaraksita (l’épouse d’Ashoka) pensa : ‘‘Si
Kunala accède au trône, c’en est fait de ma vie.’’ Elle dit
alors au roi : ‘‘Je te redonnerai la santé (svastha,
littéralement le « bien-être »), mais ne laisse pas passer les
médecins.’’
Tandis
que le roi interdisait l’entrée aux médecins, Tisyaraksita leur
demanda : ‘‘Si quelqu’un, homme ou femme, est atteint par la
même maladie, qu’on me l’amène pour que je l’examine.’’
Un bouvier souffrant du même type d’affection fut amené à Patna.
On fit appeler un médecin et un remède fut prescrit à ce malade
souffrant de cette maladie. Le bouvier approcha, accompagné par le
médecin qui le conduisit auprès de Tisyaraksita. Dans un endroit
secret, elle le plongea dans l’inconscience. Après quoi elle lui
ouvrit l’abdomen et constata la présence d’un grand ver. Quand
celui-ci se déplaçait vers le haut, cela entraînait des
vomissements. Quand il se déplaçait vers le bas, il produisait des
coliques. On lui appliqua du poivre noir réduit en poudre sans
parvenir à le tuer. De même avec le poivre long et le gingembre.
Enfin l’application d’oignon le tua et il fut expulsé avec les
excréments. Cela fut rapporté au roi, auquel il fut conseillé de
consommer de l’oignon pour recouvrer la santé.
Le
roi dit :
-
‘‘Je suis un kshatriya. Comment pourrais-je manger de l’oignon ?
’’
La
reine répondit :
-
‘‘Tu dois le manger car c’est un remède pour te sauver la
vie.’’
Le
roi le mangea. Le ver fut tué et expulsé avec les excréments et le
roi fut guéri. »
Ce
texte est riche d’enseignements à plus d’un titre. Non seulement
parce qu’il met en évidence l’existence des essais cliniques
selon une procédure parfaitement rationnelle, mais surtout parce que
cette légende est reprise dans le Divyavadana, texte
canonique bouddhiste en sanskrit, sans que cela suscite la moindre objection doctrinale
quant au sort du malheureux cobaye. Ce que le texte retient, c’est
que ces
essais permettent de découvrir le responsable du mal, un parasite
intestinal, et son remède, l’oignon. Asoka, dont la double
appartenance culturelle, hindouiste et bouddhiste, apparaît ici,
objecte sa qualité de kshatriya. L’oignon est très impur. Il l’est
tout autant pour les bouddhistes. Pourtant, ce légume lui est
prescrit. Les nécessités médicales l’emportent, du point de vue
hindouiste comme du point de vue bouddhiste, sur les principes
éthiques. »
Sylvain
Mazars, « Le bouddhisme et la médecine
traditionnelle de l’Inde ».
Le bouddhisme et la médecine traditionnelle de l’Inde