dimanche, décembre 20, 2015

Joyeux Noël !



Un vrai « cadeau » : le WU.


Le WU de Wang Bi

par Isabelle Robinet.

Le wu est « l'extrême des êtres », leur fin bout. Le « quotidiennement se réduire » de Lao zi est compris comme « retourner au vide » par Wang Bi qui compare ce travail de réduction à celui du paysan qui élimine les mauvaises herbes de son champ et n'y admet qu'une seule sorte de plante. « Si on réduit jusqu'à épuisement, on aboutit alors à l'Ultime qui s'appelle l'Un ». Cet Ultime identique à l'Un n'est autre que la non-existence. C'est l'Un métaphysique (et non l'un mathématique) qui, comme celui de Platon, « n'est pas un nombre, mais ce par quoi s'accomplissent les nombres ».

Sur le plan du comportement, cette « réduction » se traduit par un renoncement au monde extérieur, à celui des êtres : « Lorsqu'on n'accable pas sa vérité avec les êtres et qu'on n'endommage pas son esprit par des désirs », dit-il, alors « on accède au Tao tout naturellement ». Il faut « annihiler son égotisme et nier sa personne », alors, « sans avoir cherché on trouve, sans avoir rien fait on réussit ». Car cette réduction est en fait un délestage ; elle consiste à rejeter ce qui est particularisé pour atteindre à l'universel. Si donc l'on conçoit l'apparition des choses (êtres ou idées) comme une réduction, ainsi que le fait Wang Bi, c'est en réduisant cette réduction qu'on parvient à une affirmation, mais une affirmation non formulable. La particularisation qui fait l'individu et les concepts, les « noms », est la véritable réduction : « S'il y a nom, il y a détermination, et tous les êtres ne peuvent être embrassés. Donc, quand il y a bruit, ce n'est pas le Grand Son... S'il y a forme, il y a détermination... Aussi une image qui a forme ne peut-elle être la Grande Image ». Wang Bi y revient souvent. Émettre une affirmation équivaut à nier : dire de quelque chose que c'est vert, c'est nier que ce soit rouge, bleu, jaune, etc. Toute apparition s'accompagne d'une disparition, « il y a forcément quelque chose de perdu », la totalité n'est pas atteinte. La réflexion sur l'Un est axée chez les Grecs (puis chez les chrétiens, de même, à leur suite) sur l'absence d'attributs, en raison de la forme de leur langage qui attribue toujours un prédicat à un sujet, tandis qu'en Chine, elle est liée à l'absence des noms (outre celle d'attributs, on le voit dans les textes qui traitent du Tao), qui, depuis Confucius au moins, sont considérés comme ce qui détermine l'existence de quelque chose en tant que repérable ; simple différence entre deux cultures, mais qui aboutit au même.

Sous son aspect positif, le non-être, non-vouloir, non-faire, non-nommer, non-désirer s'appelle la spontanéité : il faut « suivre le caractère spontané des choses... ne pas les façonner, ne pas s'appliquer ; suivre la nature profonde des choses et ne pas les diriger avec des noms » qui est la Vérité ultime ; « ce qui est naturel suffit ». La conception que se fait Wang Bi de la spontanéité est tout à fait dans la tradition taoïste. C'est ne pas agir intentionnellement, ce qui est « factice », et s'en remettre à la loi des choses. L'ordre universel s'instaure naturellement et spontanément : « Les dix mille êtres s'ordonnent d'eux-mêmes réciproquement » ; il suffit à l'homme de s'y conformer en respectant la hiérarchie des valeurs. Cette spontanéité comporte elle aussi un aspect ineffable : « On ne peut en voir le principe, ni en percevoir l'intention ». Mais elle est la vraie nature des choses, leur identité, leur spécificité : « Suivre sa spontanéité, c'est, pour ce qui est cané, se conformer au carré, pour ce qui est rond, se conformer au rond ».


Pour résumer, le non-être possède un caractère négatif, la négation de toute détermination, et un caractère positif en tant que source de toute vie, origine, maître, cœur, et fin de toute chose, totalité une et ordonnée, et universalité. Ce caractère positif s'appelle le principe d'ordre qui structure le monde. Les êtres ont aussi un caractère négatif en tant qu'ils ne sont pas par eux-mêmes, dépendent du non-être pour être, pour apparaître en se déterminant de façon limitative sur ce fond d'indéterminé, et un caractère positif en ce sens que par leur finitude ils font paraître le non-être infini, toute manifestation étant de l'ordre de l'être, du fini, mais manifestant l'essence même de ce qui ne peut être manifesté. 

Extrait du livre d'Isabelle Robinet "Comprendre le Tao".



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...