jeudi, septembre 15, 2016

Le vrai visage de Sogyal, le gourou de Rigpa

Témoignage d'Olivier Raurich, traducteur de Sogyal Rinpoché, ex-directeur de Rigpa France. 

En 2008, à l'occasion des jeux olympiques de Pékin, le gouvernement Sarkozy s'aligne sur la politique étasunienne de déstabilisation de la Chine. Il exprime son soutien aux lamas tibétains sans rien savoir du lamaïsme et ses dérives sectaires.


Olivier Raurich a travaillé pour le « maître » durant vingt-huit ans, avant de claquer la porte l'été dernier. Il témoigne pour la première fois et livre ici un éclairage salvateur sur les mécanismes à cause desquels des personnes intelligentes et éduquées peuvent se laisser séduire par un discours aux accents mystiques, parfois jusqu'à l'endoctrinement. Le Bouddha lui-même ne recommande-t-il pas de « voir la réalité telle qu'elle est » ?

Marianne : Quand avez-vous commencé à vous intéresser au bouddhisme et comment avez-vous fait la rencontre de Sogyal Rinpoché ?


Olivier Raurich : J'ai fait des études de mathématiques à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, je me destinais à être chercheur scientifique. A 24 ans, j'ai vécu une crise existentielle, une quête spirituelle. Quand j'ai découvert le bouddhisme, le côté « vérifié par l'expérience » m'a beaucoup plu : au début, il ne s'agit pas de croire, mais de méditer, et d'en éprouver les bienfaits. J'ai assisté à des conférences, et je suis tombé sur Sogyal Rinpoché. Il parlait anglais, il était percutant. Au bout de quelques années, il m'a remarqué : j'étais très assidu, je parlais assez bien anglais. Je suis devenu son traducteur en France, sans avoir jamais de relation personnelle avec lui, car Sogyal Rinpoché a imposé tout de suite une verticalité absolue dans les rapports : il était le maître, inaccessible et ombrageux ; il s'agissait d'exécuter ses instructions, point final.

Vous avez donc été un témoin privilégié de son ascension et du succès grandissant de son association, Rigpa ?


O.R. : Au fil des années, je suis effectivement devenu de plus en plus actif au sein de Rigpa, enseignant en méditation, puis président de Rigpa France. Je suis passé plusieurs fois à la télévision dans l'émission « Sagesse bouddhiste » sur France 2.
J'avais mon métier de professeur de maths en classe prépa en parallèle, car presque tout le monde est bénévole à Rigpa, et les quelques salariés sont très peu payés. Faire des offrandes en argent et en travail fait partie du bouddhisme, et je trouvais formidable de rendre service gratuitement ; plus tard, je me suis aperçu que, sous ce prétexte, les Occidentaux devenaient de véritables vaches à lait

Le grand centre de retraite de Lérab Ling, situé dans l'Hérault, a ouvert en 1992. La même année, le "Livre tibétain de la vie et de la mort" est paru : il a été rédigé par Patrick Gaffney, un érudit anglais brillant et modeste, un homme que j'admire beaucoup, à partir d'enseignements de Sogyal Rinpoché et d'autres maîtres. C'est devenu un best-seller international, et Sogyal Rinpoché, une vedette internationale du bouddhisme ; les gens ont afflué. J'étais enthousiaste : j'avais l'impression que nous allions pouvoir diffuser la sagesse du bouddhisme dans la société.

Le comportement de Sogyal Rinpoché surtout avec ses disciples les plus proches, ne vous a-t-il pas choqué au cours de toutes ces années ?


O.R. : Sogyal Rinpoché était un communicant charismatique, mais ce qui m'a tout de suite choqué c'est le décalage entre le discours et le personnage. Il aime le luxe, la mode, les films américains violents ; l'écologie et les questions sociales ne l'intéressent pas du tout. Il n'est pas du tout gêné de faire son propre éloge immodéré devant tout le monde. Il voyage dans des hôtels de grand luxe, s'entoure des gadgets électroniques les plus coûteux. J'ai eu du mal à accepter ce comportement, car dans le même temps certaines personnes à Rigpa sont très pauvres, et lui-même prêche le contentement, la simplicité et le renoncement à cette vie, sans les pratiquer.

Pendant longtemps, je lui ai trouvé des excuses liées à sa culture, à son origine de prince tibétain.

A mon égard, c'était le chaud et le froid : tantôt il encensait à l'extrême mes qualités de traducteur, tantôt il se montrait humiliant en public. Et, toujours, très autoritaire.

Il y a toujours eu des bruits disant qu'il abusait de jeunes femmes, pas par violence physique, mais par une emprise psychologique énorme.

Mais tout cela était officiellement justifié par le concept de « folle sagesse », selon lequel les grands maîtres peuvent commettre des actes incompréhensibles pour le commun des mortels. Cela s'applique à tout : « Si le maître se montre humiliant, c'est pour libérer de l'ego, pour purifier les disciples » ; « Il n'y a pas d'action plus excellente que de faire la volonté du maître, quelle qu'elle soit », et ainsi de suite... 
Les textes traditionnels tibétains sont très clairs sur ce point.

Quant à moi, j'étais intéressé avant tout par les enseignements bouddhistes. J'animais des stages, et de ce côté-là, avec toute l'équipe des instructeurs, nous avons fait un bon travail de diffusion du bouddhisme. C'est cela qui m'a fait rester si longtemps.

Comment se fait-il que Sogyial Rinpoché n'ait pas été inquiété ?
Pourquoi le dalaï-lama n'a-t-il jamais réagi ?


O.R. : Plusieurs crises ont eu lieu. Il y a eu la poursuite judiciaire de 1993 aux Etats-Unis pour harcèlement sexuel. Par la suite, certaines ont raconté leur histoire, et pas mal de gens ont quitté Rigpa lors de ces occasions, notamment en 2000 et 2007.

Ensuite est paru en 2011 l'article de Marianne, après lequel Sogyal Rinpoché a décidé de ne plus apparaître dans les retraites de méditation à Lérab Ling pour les nouveaux. Beaucoup de gens sont partis, et Rigpa a payé très cher une agence professionnelle de communication de crise à Paris pour apprendre à quelques porte-parole, dont moi-même, à répondre aux allégations de harcèlement sexuel et d'abus financier. On nous a conseillé de ne pas répondre aux questions, il s'agissait de répéter en boucle certaines phrases clés ; il fallait citer le dalaï-lama au maximum comme caution morale.

Le dalaï-lama a exprimé clairement que les comportements abusifs des maîtres doivent être exposés publiquement et explicitement.

Pourquoi n'a-t-il pas réagi lui-même ? Mon hypothèse est qu'il ne peut pas déconsidérer Sogyal Rinpoché publiquement, parce que cela ébranlerait le bouddhisme tibétain. Sogyal Rinpoché a su se rendre indispensable dans la communauté tibétaine.

Quand avez-vous commencé à avoir des doute ?

O.R. : Je suis resté toutes ces années, malgré mes nombreuses réticences, car j'espérais que Rigpa allait permettre de diffuser une sagesse profonde au plus grand nombre, pour la société. Mais il devenait de plus en plus difficile d'inviter à ses enseignements notre entourage, nos relations, car son comportement devenait parfois impossible, prétentieux, même en public.

J'ai commencé à écrire mon premier livre, pour montrer le chemin d'une sagesse bouddhiste authentique et ouverte au monde, adaptée à l'Occident, et conforme à l'idéal humaniste.

A partir de l'article de Marianne, j'ai senti la tension monter d'un cran dans les instances dirigeantes de Rigpa. Tout ce secret et cette manipulation de l'information me pesaient. J'étais venu pour des enseignements qui parlent d'humilité, d'amour, de vérité et de confiance, et je me retrouvais dans une ambiance quasi stalinienne, et un double langage permanent. Son côté dictatorial et colérique empirait et me gênait de plus en plus. Il n'hésitait pas à faire taire brutalement et à ridiculiser les gens dans les réunions. L'esprit critique est interdit dans son voisinage, la parole est verrouillée.

Les feed-back négatifs ne remontent pas, seules les louanges lui sont rapportées, car les gens ont peur de lui dans le cercle rapproché. Il peut faire des colères où il humilie les proches ; il peut aussi se montrer affable et plein d'humour si tout est conforme à ses désirs.

A l'été 2014, au cours d'une retraite pour des anciens étudiants. Le pas a été franchi, j'ai clairement vu sa fausseté. Il a demandé des offrandes abondantes, spécifiquement en argent liquide, devant 800 étudiants. Chacun devait écrire son nom sur l'enveloppe, pour qu'il puisse vérifier le montant.

Il y a eu aussi l'augmentation du contrôle sur les étudiants réguliers : on les culpabilise s'ils ne viennent pas aux retraites, il y a une grosse pression ; la base de données informatique interne de Rigpa recense les participations aux retraitées, aux pratiques, les entretiens passés, etc. Si un étudiant ne vient pas, il doit se justifier ; s'il part au milieu d'un enseignement, quelqu'un doit le suivre et lui demander pourquoi. Ça a fait fuir aussi pas mal de gens.

Quel bilan tirez vous de cette expérience qui a duré vingt-huit ans ?

O.R. : De fait, il se trouve que mon éducation spirituelle a été faite par son entremise. « Le Livre tibétain de la vie et de la mort », ce n'est pas lui qui l'a rédigé, mais c'est quand même lui qui l'a impulsé. C'était un très bon livre, il a aidé des milliers de gens, même s'il contient aussi quelques éléments de superstition tibétaine.

Je ne renie pas du tout ces années, car j'y ai étudié, pratiqué et partagé la méditation, l'entraînement de l'esprit à la compassion, les bases de la philosophie bouddhiste : l'impermanence, l'interdépendance... C'est ce qui explique que j'ai demandé une préface à Sogyal Rinpoché pour mon premier livre.

Mais. ces dernières années, il a insisté de plus en plus sur la religiosité et la dévotion absolue au maître, alors que le bouddhisme authentique est une sagesse, fondée sur l'expérience et la réflexion, comme l'explique souvent le dalaï-lama, qui incarne un bouddhisme exemplaire.

Aujourd'hui, je laisse derrière moi les aspects abusifs ou traditionnels qui ne sont plus adaptés à notre temps, et je participe à la diffusion d'une sagesse laïque pour l'Occident sur un mode collaboratif et égalitaire, sans gourous ni grigris, où chacun s'efforce d'incarner ce qu'il enseigne. Je suis enfin réconcilié avec moi-même.

PROPOS RECUEILLIS PAR ÉLODIE EMERY de Mariane.

Pour en savoir plus :



Un livre de Marion Dapsance



Marion Dapsance a assisté à plusieurs scènes de brimades :

« Sogyal Rinpoché a ridiculisé un homme qui le servait pour ses cheveux longs, a affirmé haut et fort qu’un autre sentait mauvais, en a traité de « yack » un autre encore, a fait s’accuser publiquement une disciple d’être stupide, en a fait pleurer une autre. Ces séquences sont conçues pour « déstabiliser l’ego » des participants, et, de fait, les réactions physiques ou émotionnelles ne sont pas rares, comme cette disciple assise au premier rang que j’ai un jour vue s’évanouir devant le maître. Ce dernier l’a fait monter sur scène et, devant tous, l’a fait s’asseoir sur un petit siège, lui a fait apporter un verre d’eau, lui a donné une bénédiction en plaisantant au sujet de ce malaise, affirmant que c’était là « la manifestation de son ego », qu’elle cherchait à se rendre intéressante, etc. Il lui a demandé de danser devant tous pour manifester son regain de vitalité. Elle s’est exécutée, et la salle entière a applaudi en riant. »



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...