mardi, octobre 05, 2021

La vie après la mort



Ce qui était le plus magique dans mon enfance, c’était la métamorphose. La mort elle-même était considérée comme une brève halte au cours d’un voyage sans fin de l’âme, qui pouvait transformer un paysan en roi et vice versa. La possibilité d’une infinité de vies dans l’avenir et dans le passé était d’autant plus fascinante que chaque âme pouvait connaître des centaines de paradis et d’enfers. La mort n’était pas un point final ; elle ouvrait d’infinies perspectives. À un niveau plus profond, les Indiens ne souffrent pas d’un besoin pathologique de permanence. Une goutte d’eau se transforme en vapeur, qui est invisible, pourtant la vapeur se matérialise en nuages. Ces nuages grandissent et donnent de la pluie qui arrose la terre. Ainsi naissent les fleuve qui finissent par se jeter dans la mer. La goutte d’eau a-t-elle disparu au cours de son périple ? Non, chaque fois elle prend une forme différente. De même l’idée que j’ai un corps toujours identique enfermé dans l’espace et dans le temps est un mirage. N’importe quelle goutte d’eau à l’intérieur de mon corps aurait pu se trouver la veille dans un océan, un nuage, un fleuve ou une source. Je me rappelle cette réalité quand les contraintes de la vie quotidienne m’étouffent.

En Occident, on a toujours considéré l’au-delà comme un lieu semblable à notre monde matériel. Le paradis, l’enfer, le purgatoire se trouvent dans quelque lointaine région par-delà le ciel ou sous terre. Dans l’Inde de mon enfance l’au-delà n’était pas du tout un lieu matériel, mais un état de conscience. 

L’univers que vous et moi connaissons actuellement, avec des arbres, des plantes, des gens, des maisons, des voitures, des étoiles et des galaxies, est simplement la conscience qui s’exprime à une fréquence particulière. Ailleurs, dans l’espace-temps, différents univers existent simultanément. Si j’avais demandé à ma grand-mère où se trouvait le paradis, elle aurait montré du doigt la maison où nous vivions, non seulement parce que celle-ci était pleine d’amour, mais parce qu’il était logique pour elle que de nombreux mondes puissent coexister en harmonie. Par analogie, si vous écoutez un orchestre, cent instruments jouent, chacun y occupe sa place dans l’espace et dans le temps. Vous pouvez écouter la symphonie dans son ensemble ou, si vous le désirez, fixer votre attention sur un instrument particulier. Vous pouvez même isoler chaque note jouée par cet instrument. Une fréquence donnée n’exclut aucune des autres.

Je l’ignorais lorsque j’étais enfant mais, chaque fois que je me promenais dans le bazar grouillant de monde de Delhi où étaient entassés plus d’êtres humains qu’on ne pouvait l’imaginer, il y avait une multitude de choses qui échappaient à mon attention. Des voix, des ronflements de moteurs, des chants d’oiseaux, des ondes hertziennes, des rayons X, des rayons cosmiques et une infinité de particules subatomiques circulaient dans l’air que je respirais. D’innombrables réalités m’entouraient.

Chaque fréquence dans la nature coexiste avec les autres fréquences. Pourtant nous ne connaissons que ce que nous percevons. Il est naturel d’avoir peur de ce que nous ne pouvons pas percevoir, et comme la mort soustrait les créatures à notre regard, notre réaction est de craindre la mort. Je n’étais certainement pas immunisé contre cette frayeur. La mort d’un animal de compagnie me faisait de la peine ; la mort de mon grand-père, qui survint soudain au milieu de la nuit, me terrifia. Mon jeune frère ne cessait de courir dans la maison en criant : « Où est-il ? Où est-il ? » Il s’écoula des années avant que je me rende compte que la réponse correcte était : « Ici et partout. »

Différents plans de l’existence représentent différentes fréquences de conscience. Le monde de la matière est simplement la manifestation d’une fréquence particulière. (Des décennies plus tard je fus stupéfait de lire que, selon les physiciens, il y a un bruit de fond dans l’univers qui est si spécifique qu’il ressemble à la note si bémol, bien qu’il vibre à des fréquences infiniment inférieures à celles que peut percevoir l’oreille humaine.) En Inde, un enfant n’entendrait jamais parler d’une notion quasi scientifique aussi complexe, mais j’ai entendu parler des cinq éléments ou Mahabhutas : la terre, l’eau, le feu, l’air et l’espace. Ces éléments se sont combinés pour former tout ce qui existe, ce qui paraît rudimentaire à quelqu’un versé dans la science occidentale, mais on pouvait y voir une vérité intéressante : quelques éléments simples sont à l’origine de toutes les combinaisons.

Au XXe siècle la science occidentale en est venue à comprendre que tous les objets solides sont en fait constitués de vibrations invisibles. Dans mon enfance on considérait que les choses solides contenaient une proportion importante de l’élément terre. En d’autres termes les choses solides avaient des fantômes, des âmes errantes, des esprits qui, pour une raison ou une autre, sont « bloqués ». Quand j’étais enfant, j’étais certain que lorsqu’un chat ou un chien s’arrêtait pour renifler l’air, il voyait quelque chose que j’étais incapable de voir. Plus tard je n’ai pas été surpris de lire dans divers textes orientaux et occidentaux que les plans astraux inférieurs que nous percevons parfois dans des états de conscience supérieure sont souvent perçus par les animaux. Je n’ai pas été surpris non plus de rencontrer un interne en psychiatrie qui m’a fait cette confidence : quand la salle d’hôpital était faiblement éclairée, il pouvait voir – à la limite de la visibilité – l’âme quitter un mourant. En Inde les enfants dévorent des bandes dessinées où l’on voit les exploits de héros qui se battent dans de lointains Lokas. Pour vibrations denses, c’est-à-dire des vibrations sur un plan inférieur, alors que les choses éthérées avaient des vibrations subtiles, c’est-à-dire des vibrations sur un plan supérieur.

De même qu’il existe différents plans pour les choses matérielles, il existe différents plans pour les choses de l’esprit. Cette notion pouvait choquer les frères des écoles chrétiennes, surtout des Irlandais, qui étaient mes maîtres d’école. Pour eux le seul esprit était le Saint-Esprit. Nous, les enfants, nous étions assez diplomates pour ne pas montrer notre désaccord. Pourtant dans notre cosmos il semblait logique que si la Terre était un monde spirituel dense, il devait y avoir des plans spirituels supérieurs, que nous connaissions sous le nom de Lokas et qui, dans les cercles mystiques occidentaux, s’appellent « les plans astraux ». Il existe une multitude de plans astraux, qu’on peut classer en monde astral supérieur et en monde astral inférieur, et même les plans les plus bas vibrent à une fréquence supérieure à celle du monde de la matière.

Il y a longtemps que l’Occident a renoncé à essayer d’entendre la musique des sphères, mais en Inde on croit qu’une personne dont la conscience est affinée peut entendre vraiment la vibration des divers plans supérieurs. Dans le plan astral vous pouvez voir votre propre corps par exemple. Pourtant il pourrait changer d’âge d’un instant à l’autre.

Les dons psychiques, notamment le don de double vue et la télépathie, appartiennent aux plans astraux inférieurs. On y trouve aussi des fantômes, des âmes errantes, des esprits qui, pour une raison ou une autre, sont « bloqués ». Quand j’étais enfant, j’étais certain que lorsqu’un chat ou un chien s’arrêtait pour renifler l’air, il voyait quelque chose que j’étais incapable de voir. Plus tard je n’ai pas été surpris de lire dans divers textes orientaux et occidentaux que les plans astraux inférieurs que nous percevons parfois dans des états de conscience supérieure sont souvent perçus par les animaux. Je n’ai pas été surpris non plus de rencontrer un interne en psychiatrie qui m’a fait cette confidence : quand la salle d’hôpital était faiblement éclairée, il pouvait voir – à la limite de la visibilité – l’âme quitter un mourant. En Inde les enfants dévorent des bandes dessinées où l’on voit les exploits de héros qui se battent dans de lointains Lokas. Pour nous, voyager dans l’espace, c’était quitter le monde de la matière puis le réintégrer. Nos héros rencontraient des formes-pensées et des nuages-pensées, des ectoplasmes qui se déplaçaient pendant leur sommeil ; ils voyaient aussi des couleurs astrales et des auras. Dans tous les cas il s’agissait de vibrations du plan astral inférieur.

Dans la tradition indienne, à tout corps physique est attribué un corps astral qui l’accompagne...


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