vendredi, novembre 12, 2010

La révolution ludique de Bob Black


La plupart des travailleurs en ont marre du travail. Les taux d'absentéisme, de vols et de sabotages commis par les employés sont en hausse continuelle, sans parler des grèves sauvages et de la tendance générale à tirer au flanc. C'est peut-être là l'amorce d'un mouvement de rejet conscient, et plus seulement viscéral, à l'égard du travail. Cela n'empêche pas que le sentiment qui prévaut, parmi tous les patrons et leurs séides mais aussi chez la plupart des travailleurs, est que le travail lui-même est inévitable et nécessaire.

Je ne suis pas d'accord. Il est à présent possible d'abolir le travail et de le remplacer, dans les cas où il remplit une fonction utile, par une multitude de libres activités d'un genre nouveau. L'abolition du travail exige de s'attaquer au problème d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif. D'une part, il faut réduire considérablement la quantité de travail effectuée : dans ce monde, la majeure partie du travail est inutile, voire nuisible et il s'agit tout simplement de s'en débarrasser. D'autre part, et là se situent tant le point central que la possibilité d'un nouveau départ révolutionnaire, il nous faut transformer toute l'activité que requiert le travail réellement utile en un éventail varié de passe-temps agréables - si ce n'est qu'ils se trouvent aboutir à des produits utiles, sociaux. Voilà qui ne devrait sûrement pas les rendre moins attrayants, quand même !

Alors seulement, toutes les barrières artificielles que forment le pouvoir et la propriété privée devraient s'effondrer. La création doit devenir récréation. Et nous pourrions tous nous arrêter d'avoir peur les uns des autres.

Je n'insinue pas que la majeure partie du travail pourrait connaître une telle réhabilitation. Mais justement la majeure partie du travail, par son inanité ou sa nocivité, ne mérite pas d'être réhabilitée... Seule une franction toujours plus réduite des activités salariées remplit des besoins réels, indépendants de la défense ou de la reproduction du système salarial et de ses appendices politiques ou judiciaires. Il y a trente-cinq ans, Paul et Percival Goddman estimaient que seuls cinq pour cent du travail effectué alors - il est probable que ce chiffre, pour peu qu'il soit fiable, serait plus bas de nos jours - auraient suffi à satisfaire nos besoins minimaux : alimentation, vêtements, habitat. Leur estimation n'est qu'une supposition éclairée mais la conclusion en est aisée à tirer : directement ou indirectement, le gros du travail ne sert que les desseins improductifs du commerce et du contrôle social. Du jour au lendemain, nous pouvons affranchir des dizaines de millions de VRPO et de soldats, de gestionnaires et de flics, de courtiers et d'hommes d'Église, banquiers et d'avocats, de professeurs et de propriétaires de logements, de vigiles et de publicitaires, d'informaticiens et de domestiques, etc. Et il y a là un effet boule de neige puisque, à chaque gros ponte rendu oisif, on libère par la même occasion ses sous-fifres et ses larbins. Ainsi implose l'économie.

Quarante pour cent de la main-d'oeuvre est constituée de cols blancs, dont la plupart exercent quelques-uns des métiers les plus ennuyeux et les plus débiles jamais inventés. Des secteurs entiers de l'économie, l'assurance, la banque ou l'immobilier exemple, ne consistent en rien d'autre qu'en un brassage de paperasse dénué de toute utilité réelle. Ce n'est pas par hasard que le secteur "tertiaire", celui des services, s'accroît aux dépens du "secondaire" (l'industrie) tandis que le "primaire" (l'agriculture) a presque disparu. Comme le travail ne présente aucune nécessité, sauf pour ceux dont il renforce le pouvoir, des travailleurs toujours plus nombreux passent d'une activité relativement utile à une activité relativement inutile, dans le simple but d'assurer le maintien de l'ordre, la paix sociale - car le travail est en soi la plus redoutable des polices. N'importe quoi vaut mieux que rien. Voilà pourquoi vous ne pouvez rentrer avant l'horaire à la maison sous prétexte que vous avez achevé votre besogne quotidienne plus tôt. Même s'ils n'en ont aucun usage productif, les maîtres veulent votre temps, et en quantité suffisante pour que vous leur apparteniez, corps et âme. Comment expliquer autrement que la semaine de travail moyenne n'a guère diminué au cours des cinquante dernières années ?

Ensuite le couperet peut tomber sans dommage sur le travail productif lui-même. Plus jamais de production d'armements, d'énergie nucléaire, de bouffe industrielle, de désodorisants - et par dessus tout, plus jamais d'industrie automobile. Je n'ai rien contre une Stanley Steamer ou une Ford T de temps à autre, mais le fétichisme libidinal de la bagnole qui fait vivre des cloaques comme Détroit ou Los Angeles, pas question ! À ce stade, nous avons, mine de rien, résolu la crise de l'énergie, la crise de l'environnement et d'autres problèmes sociaux connexes et réputés insolubles.

Pour finir, il nous faut abolir l'activité laborieuse de loin la plus répandue, celle dont les horaires sont les plus interminables et qui regroupe des tâches parmi les plus ennuyeuses - et les moins bien rémunérées. Je veux parler du travail domestique et éducatif qu'effectuent les femmes au foyer. En abolissant le travail salarié et en réalisant le plein-chômage, nous sapons la division sexuelle du travail. La famille nucléaire telle que nous la connaissons provient d'une adaptation inévitable à la division du travail qu'impose l'esclavage salarié moderne. Qu'on le veuille ou non, telles que sont les choses depuis un ou deux siècles, il a longtemps été plus rationnel sur le plan économique que ce soit l'homme qui gagne le pain du ménage - pendant que la femme se tape le boulot de merde afin que son compagnon y trouve un doux refuge, à l'abri de ce monde sans coeur. Et que les enfants se rendent dans des camps de concentration nommés "écoles" d'abord pour que maman ne le ai pas sur le dos pendant qu'elle besogne, ensuite pour mieux contrôler leurs faits et gestes - et incidemment pour qu'ils acquièrent les habitudes de l'obéissance et de la ponctualité, ni nécessaires aux travailleurs.

Pour se débarrasser définitivement du patriarcat, il faut en finir avec la famille nucléaire, lieu de ce "travail de l'ombre", non payé, lequel rend possible le système de production fondé sur le travail qui, par lui-même, a rendu nécessaire la forme moderne et adoucie du patriarcat. Le corollaire de cette stratégie "antinucléaire" est l'abolition de l'enfance et la fermeture des écoles. Il y a plus d'élèves que de travailleurs à plein temps dans ce pays. Nous avons besoin des enfants comme professeurs, et non comme élèves. Leur contribution à la révolution ludique sera immense parce qu'ils sont mieux exercés dans l'art de jouer que ne le sont les adultes. Les adultes et les enfants ne sont pas identiques, mais ils deviendront égaux grâce à l'interdépendance. Seul le jeu peut combler le fossé des générations.

Je n'ai pas encore mentionné la possibilité d'abolir presque tout le travail restant par l'automatisation et la cybernétique. Tous les scientifiques, les ingénieurs et les techniciens, libérés des soucis de la recherche militaire ou de l'obsolescence calculée auront tout loisir d'imaginer en s'amusant des moyens d'éliminer la fatigue, l'ennui ou le danger dans des acitivités comme l'exploitation minière, par exemple. Il ne faut aucun doute qu'ils se lanceront dans bien d'autres projets pour se distraire et se faire plaisir. Peut-être établiront-ils des systèmes de communication multimédia à l'échelle de la planète. Peut-être iront-ils fonder des colonies dans l'espace. Peut-être. Je ne suis pas moi-même un fana du gadget. Je n'aimerais guère vivre dans un paradis entièrement automatisé. Je ne veux pas de robots-esclaves faisant tout à ma place. Je veux faire et créer moi-même. Il y a, je pense, une place pour les techniques substitutives au travail humain mais je la souhaiterais modeste.

Ebook gratuit :
Le livre de Bob Black, « Travailler, moi ? jamais ! » est en ligne : http://kropot.free.fr/black-travailler.htm





L’athéisme post-moderne


L’athéisme post-moderne abolit la référence théologique, mais aussi scientifique, pour construire une morale. Ni Dieu ni la Science, ni le Ciel intelligible ni l’agencement de propositions mathématiques, ni Thomas d’Aquin ni Auguste Comte ou Marx. Mais la Philosophie, la Raison, l’Utilité, le Pragmatisme, l’Hédonisme individuel et social, autant d’invitations à évoluer sur le terrain de l’immanence pure, dans le souci des hommes, par eux, pour eux, et non par Dieu, pour Dieu.

Le dépassement des modèles religieux et géométriques s’effectue dans l’histoire du côté des Anglo-saxons Jeremy Bentham – lire et relire « Déontologie » ! – par exemple – ou son disciple John Stuart Mill. Tous deux échafaudent des constructions intellectuelles ici et maintenant, ils visent des édifices modestes, certes mais habitables : non pas d’immenses cathédrales invivables, belles à voir – ainsi les édifices de l’idéalisme allemand ! - , impraticables, mais des bâtisses à même d’être réellement habitées.

Bien et Mal existent non plus parce qu’ils coïncident avec les notions de fidèle ou d’infidèle dans une religion, mais en regard de l’utilité et du bonheur du plus grand nombre possible. Le contrat hédoniste – on ne peut plus immanent… - légitime toute intersubjectivité, il conditionne la pensée et l’action, il se passe tout à fait de Dieu, de la religion et des prêtres. Nul besoin de menacer d’un Enfer ou de faire miroiter un Paradis, pas utile de mettre sur pied une ontologie de la récompense et de la punition post mortem pour inviter à l’action bonne, juste et droite. Une éthique sans obligations ni sanctions transcendantes.

Principes d'athéologie

L’athéologie se propose trois tâches : d’abord - première partie - déconstruire les trois monothéismes et montrer combien, malgré leurs diversités historiques et géographiques, malgré la haine animant les protagonistes des trois religions depuis des siècles, malgré l’apparente irréductibilité en surface de la loi mosaïque, des dits de Jésus et de la parole du Prophète, malgré les temps généalogiques différents de ces trois variations effectuées sur dix siècles avec un seul et même thème, le fond demeure le même. Variation de degrés, pas de nature.

Qu’en est-il de ce fond, justement ? Une série de haines violemment imposées dans l’histoire par des hommes qui se prétendent dépositaires et interprètes de la parole de Dieu - les Clergés : haine de l’intelligence à laquelle les monothéistes préfèrent l’obéissance et la soumission ; haine de la vie doublée d’une indéfectible passion thanatophilique ; haine de l’ici-bas sans cesse dévalorisé en regard d’un au-delà, seul réservoir de sens, de vérité, de certitude et de béatitude possibles ; haine du corps corruptible déprécié dans le moindre détail quand l’âme éternelle, immortelle et divine est parée de toutes les qualités et de toutes les vertus; haine des femmes enfin, du sexe libre et libéré au nom de l’Ange, cet anticorps archétypal commun aux trois religions.

Après le démontage de la réactivité des monothéismes à l’endroit de la vie immanente et possiblement jubilatoire, l’athéologie peut s’occuper particulièrement de l’une des trois religions pour regarder comment elle se constitue, s’installe et s’enracine sur des principes qui supposent toujours la falsification, l’hystérie collective, le mensonge, la fiction et les mythes auxquels on donne les pleins pouvoir.
La réitération d’une somme d’erreurs par le plus grand nombre finit par devenir un corpus de vérités auquel il est interdit de toucher, sous peine des dangers les plus graves pour les esprits forts - des bûchers chrétiens d’avant-hier aux fatwas musulmanes d’aujourd’hui.

Pour tâcher de voir comment se fabrique une mythologie, on peut proposer - deuxième partie - une déconstruction du christianisme. En effet, la construction de Jésus procède d’une forgerie réductible à des moments visibles dans l’histoire pendant un ou deux siècles : la cristallisation de l’hystérie d’une époque dans une figure qui catalyse le merveilleux, ramasse les aspirations millénaristes, prophétiques et apocalyptique du moment dans un personnage conceptuel nommé Jésus ; l’existence méthodologique et nullement historique de cette fiction ; l’amplification et la promotion de cette fable par Paul de Tarse qui se croit mandaté par Dieu quand il se contente de gérer sa propre névrose ; sa haine de soi transformée en haine du monde; son impuissance, son ressentiment, la revanche d’un avorton - selon son propre terme... - transformés en moteur d’une individualité qui se répand dans tout le bassin méditerranéen ; la jouissance masochiste d’un homme étendue à la dimension d’une secte parmi des milliers à l’époque : tout cela surgit quand on réfléchit un tant soit peu et qu’en matière de religion on récuse l’obéissance ou la soumission pour réactiver un acte ancien et défendu : goûter du fruit de l’arbre de la connaissance...

Cette déconstruction du christianisme suppose certes un démontage de la fabrication de la fiction, mais aussi une analyse du devenir planétaire de cette névrose. D’où des considérations historiques sur la conversion politique de Constantin à la religion sectaire pour de pures raisons d’opportunisme historique. Conséquemment, le devenir impérial d’une pratique limitée à une poignée d’illuminés devient clair : de persécutés et minoritaires les chrétiens deviennent persécuteurs et majoritaires grâce à l’intercession d’un Empereur devenu l’un des leurs.

Le Treizième apôtre, comme Constantin se proclame en un Concile, met sur pied un Empire totalitaire qui édicte des lois violentes à l’endroit des non-chrétiens et pratique une politique systématique d’éradication de la différence culturelle. Bûchers et autodafés, persécutions physiques, confiscations des biens, exils contraints et forcés, assassinats et voies de faits, destructions d’édifices païens, profanation de lieux et d’objets de culte, incendie de bibliothèques, recyclages architecturaux de bâtiments religieux antiques dans les nouveaux monuments ou dans le remblayage des routes, etc.

Avec les pleins pouvoirs pendant plusieurs siècles, le spirituel se confond au temporel... D’où - troisième partie - une déconstruction des théocraties qui supposent la revendication pratique et politique du pouvoir prétendument issu de Dieu qui ne parle pas, et pour cause, mais que font parler les prêtres et le clergé. Au nom de Dieu, mais via ses prétendus serviteurs, le Ciel commande ce qui doit être fait, pensé, vécu et pratiqué sur Terre pour Lui être agréable ! Et les mêmes qui prétendent porter Sa parole affirment leur compétence dans l’interprétation de ce qu’Il pense des actions effectuées en Son nom…

La théocratie trouve son remède dans la démocratie : le pouvoir du peuple, la souveraineté immanente des citoyens contre le prétendu magistère de Dieu, en fait de ceux qui s’en réclament… Au nom de Dieu, l’Histoire témoigne, les trois monothéismes font couler pendant des siècles d’incroyables fleuves de sang ! Des guerres, des expéditions punitives, des massacres, des assassinats, du colonialisme, des ethnocides, des génocides, des Croisades, des Inquisitions, aujourd’hui l’hyperterrorisme planétaire…

Déconstruire les monothéismes, démythifier le judéo-christianisme – mais aussi l’islam, bien sûr –, puis démonter la théocratie, voilà trois chantiers inauguraux pour l’athéologie. De quoi travailler ensuite à une nouvelle donne éthique et produire en Occident les conditions d’une véritable morale post-chrétienne où le corps cesse d’être une punition, la terre une vallée de larmes, la vie une catastrophe, le plaisir un péché, les femmes une malédiction, l’intelligence une présomption, la volupté une damnation.

A quoi pourrait dès lors s’ajouter une politique moins fascinée par la pulsion de mort que par la pulsion de vie. L’autre ne s’y penserait pas comme un ennemi, un adversaire, une différence à supprimer, réduire et soumettre, mais comme la chance d’une intersubjectivité à construire ici et maintenant, non pas sous le regard de Dieu ou des dieux, mais sous celui des seuls protagonistes, dans l’immanence la plus radicale. De sorte que le Paradis fonctionnerait moins en fiction pour le Ciel qu’en idéal de la raison ici-bas. Rêvons un peu…

Michel Onfray, « Traité d’athéologie »

Traité d’athéologie


« Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l'intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d'un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l'obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l'au-delà, l'ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l'épouse et la mère, l'âme et l'esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré... " En philosophie, il y eut jadis une époque " Mort de Dieu ". La nôtre, ajoute Michel Onfray, serait plutôt celle de son retour. D'où l'urgence, selon lui, d'un athéisme argumenté, construit, solide et militant. »

Sophia Aram et la religion


jeudi, novembre 11, 2010

11 Novembre 1918, fin d’un calcul criminel


« Pour ne pas léser de très puissants intérêts privés, et pour éviter d'enfreindre les accords secrets conclus entre métallurgistes allemands et français, on a sacrifié, dans des entreprises militaires inefficaces, des centaines de milliers de vies humaines, sauf sur un point : Briey-Thionville, dont, durant quatre années, l'Allemagne en toute tranquillité a tiré les moyens de continuer la lutte ».
Jean Galtier-Boissière (Histoire de la Guerre 14-18)

Comment la grande boucherie fut montée de toutes pièces par accords secrets.

Comme il est bon d’illustrer d’un exemple des thèses en général peu répandues, prenons le cas de l’opposition franco-allemande au cours de la guerre de 1914-1918.

Les marchands de canons, dont les principaux étaient Schneider en France et Krupp en Allemagne, étaient étroitement unis en une sorte de trust international dont le but secret était d'accroître l'immense fortune de ses membres en augmentant la production de guerre, de part et d'autre de la frontière.

A cet effet, ils disposaient de moyens puissants pour semer la panique parmi la population des deux pays, afin de persuader chacune que l'autre n'avait qu'un but : l'attaquer.

De nombreux journalistes, des parlementaires, étaient grassement rétribués par eux pour remplir ce rôle. D'ailleurs, un important munitionnaire français, de Wendel, député de surcroît, avait pour cousin un autre munitionnaire, allemand. Von Wendel, siégeant au Reichstag. Ils étaient aux premières loges, dans chaque pays, pour acheter les consciences et faire entendre leurs cris d'alarme patriotiques.

Tout ce joli monde - marchands de canons, journalistes et parlementaires - parvint aisément à lancer les deux peuples dans une folle course aux armements que rien ne devait plus arrêter, jusqu'à ta guerre.

Leurs Chefs d'Etat respectifs, loin de les freiner, les encourageaient. Et notamment notre Président de la République, Raymond Poincaré, un Lorrain, élevé dans l'idée de revanche et prêt à n'importe quel mensonge, à n'importe quel forfait, pour reconquérir l'Alsace et la Lorraine.

Une de ses déclarations sans fard met à jour sa mentalité :

« Dans mes années d’école, ma pensée assombrie par la défaite traversait sans cesse la frontière que nous avait imposée le traité de Francfort… Je ne voyais pas à ma génération d’autre raison de vivre que l’espoir de recouvrer nos provinces perdues. »

C'est pour ces différents motifs que les soldats allemands et français allaient s'entr'égorger.

On leur avait appris à se haïr, alors que les munitionnaires et les états-majors, fraternellement unis, suivaient avec satisfaction, à l'arrière, les déroulements du drame qu'ils avaient conjointement déclenché.

Pour bien approfondir cette immense duperie, et pour que tous nos lecteurs comprennent que le "patriotisme", et la "défense du territoire" ne sont que des mots creux servant à couvrir les plus abominables tripotages, il convient de raconter l'histoire du bassin de Briey, car elle est caractéristique, symptomatique, et, à elle seule, devrait dégoûter à jamais les peuples de prendre les armes.

Les mines de fer de Briey-Thionville étaient à cheval sur les frontières du Luxembourg, de la France et de l'Allemagne. La famille franco-allemande de Wendel en était propriétaire.

Ce bassin était d'une importance capitale pour le déroulement de la guerre. M. Engerand, dans un discours prononcé à la Chambre des députés, après le conflit, le 31 janvier 1919 dira :

« En 1914 ; la seule région de Briey faisait 90 % de toute notre production de minerai de fer ».

Poincaré lui-même avait écrit autrefois (« L’Invasion », page 48) : « L'occupation du bassin de Briey par les Allemands ne serait rien moins qu'un désastre puisqu'elle mettrait entre leurs mains d'incomparables richesses métallurgiques et minières dont l'utilité peut être immense pour celui des belligérants qui les détiendra ».

Or, il se passa un fait extraordinaire : dès le 6 août 1914, le bassin fut occupé par les Allemands sans aucune résistance.

Plus extraordinaire encore : le général de division chargé de la défense de cette région, le général Verraux, révéla par la suite que sa consigne (contenue dans une enveloppe fermée à ouvrir en cas de mobilisation), lui prescrivait formellement d'abandonner Briey sans combat.

La vérité, connue longtemps après, était la suivante : une entente avait été passée entre certains membres de l'état-major et des munitionnaires français, pour laisser le bassin aux mains des Allemands, afin que la guerre se prolonge (les Allemands n'auraient pu la poursuivre sans le minerai de fer), et que les bénéfices des marchands de canons soient accrus.

Et vive la légitime défense au nom de laquelle on s'étripait un peu partout sur les champs de bataille !
Mais cette histoire - combien édifiante ! - n'est pas terminée.
Pendant tout le conflit, il n'y eut pas une seule offensive française contre Briey ! Ce n'était pourtant pas faute d'avertissements !

En effet, en pleine guerre, le Directeur des Mines envoyait la note suivante au sénateur Bérenger :

« Si la région de Thionville (Briey) était occupée par nos troupes, l'Allemagne serait réduite aux quelques 7 millions de tonnes de minerais pauvres qu'elle tire de la Prusse et de divers autres Etats, toutes ses fabrications seraient arrêtées. Il semble donc qu'on puisse affirmer que l'occupation de la région de Thionville mettrait immédiatement fin à la guerre, parce qu'elle priverait l'Allemagne de la presque totalité du métal qui lui est nécessaire pour ses armements ».

L'état-major français et le Président de la République furent abondamment avertis de ces faits.

Des dossiers complets sur cette affaire furent même fournis à Poincaré par le député Engerand.

Poincaré refusa d'intervenir. L'état-major refusa toute offensive du côté de Briey.

A défaut d'offensive, de reprise du terrain, on aurait pu bombarder Briey pour rendre inutilisables les installations.
Au contraire, des accords secrets furent passés entre états-majors allemands et français, afin que les trains remplis de minerai se dirigeant vers l'Allemagne ne fussent, en aucun cas bombardés.

En passant, disons que, bien entendu, ces mêmes états- majors avaient décidé également de ne pas détruire leurs quartiers généraux respectifs... Ces deux bandes de gangsters étaient "régulières" !

Des aviateurs français, néanmoins, désobéirent aux ordres reçus et lancèrent quelques bombes sur les installations de Briey. Ils furent sévèrement punis.

Et savez-vous par quel intermédiaire les directives secrètes d'interdiction de bombarder avaient été données ? Par un certain lieutenant Lejeune - tout puissant, quoique simple lieutenant - qui, dans le civil, avant la guerre, était ingénieur attaché aux mines de Jœuf et employé de M. de Wendel.

Cette histoire n’est qu’un exemple, parmi beaucoup de la collusion des munitionnaires et des gouvernants des pays en guerre. Nous en pourrions citer bien d’autres !

Nous espérons qu’elle fera réfléchir ceux que ces mêmes munitionnaires et gouvernemants poussent au combat, au nom de la patrie en danger et de la légitime défense !

Jean Gauchon, extrait de la brochure « Pacifisme intégral ».

En 1977, le texte est repris par Daniel Fargeas dans son livre, « Les fiches écologiques ». Il est également cité en 1998 par Jean-Pierre Fléchard dans « Le Livre noir du capitalisme ».

Les profiteurs de guerre : 1914-1918


Cliquer sur la vignette pour feuilleter le livre

" Hélas ! Il y a un vaste front où l'on acquiert rapidement des fortunes trop colossales pour être honnêtes, et un autre où on se fait casser la gueule pour cinq sous " : les combattants de la Grande Guerre, tous pays confondus, émettent à foison de telles invectives. Ainsi s'installe une catégorie à la fois bien déterminée et insaisissable, les profiteurs de guerre, plaie ouverte dans le consensus censément à l'œuvre dans les sociétés en guerre. De toutes parts, les prises à partie féroces, désespérées, peignent un noir tableau, celui de masses citoyennes en proie à des souffrances prolongées rendues plus aiguës par l'idée que dans le même temps, d'autres (patrons, commerçants, financiers) s'enrichissent et mènent la belle vie. Ce livre propose une exploration et une interprétation de ce phénomène d'opinion, à travers les écrits combattants, la presse, mais aussi les lettres de délation reçues par les pouvoirs publics. Face à une telle mise en cause, le monde patronal est contraint de produire un contre-discours fondé sur son inscription patriotique dans l'effort de guerre. Deux visions résolument antagonistes de la France en tant que société capitaliste libérale en guerre se trouvent donc dressées l'une contre l'autre, formant un vrai problème historique. Cet ouvrage entend établir, à travers les archives de l'impôt sur les bénéfices de guerre créé en 1916, une typologie des enrichissements en 1914-1918 en même temps qu'une anthropologie culturelle du patronat. Il place ainsi dans un vis-à-vis sans concessions les conditions et les attentes du " peuple " d'une part, des élites économiques et politiques d'autre part. Il montre que le patriotisme verbal de ces dernières ne se reflète guère dans le concret des affaires, tandis que la rancœur et la critique acerbe du premier s'accompagnent des mille maux réellement vécus face à l'ennemi, des difficultés quotidiennes et du deuil. Enfin, le constat tiré des grandes inégalités de traitement opérées par le régime républicain entre les catégories sociales durant la guerre pointe les finalités ambiguës de la démocratie libérale. Cet essai d'histoire propose la première étude sur les profiteurs de guerre, et s'empare ainsi d'un objet d'histoire fortement polémique, avec le souci de n'en minorer ni les excès ni la part de réalité.

Biographie de l'auteur

François Bouloc est docteur en histoire contemporaine, membre du Collectif international et de recherche 1914-1918 (www.crid1418.org ). Il a publié divers articles sur le premier conflit mondial et a notamment collaboré à l'ouvrage collectif Le Chemin des dames. De l'événement à la mémoire, dirigé par Nicolas Offenstadt (Stock, 2004). Il enseigne actuellement à l'ITEP de Grèzes (Aveyron).

mercredi, novembre 10, 2010

Athéologie religieuse


Anticlérical, je le suis, mais pas antireligieux. La mentalité religieuse a engendré souvent le meilleur de l’esprit humain, et vaut quand même mieux que la mentalité d’épicier. Mais je suis contre les Eglises, leur dogmatisme, leur hiérarchie ; elles sont le cancer des religions. Je suis plutôt pour une religion athéologique et sans lien avec le pouvoir politique. […]

Quelle que soit la religion, je déteste les Eglises, les clercs qui se sont arrogé le monopole de la prétendue vérité, qui ont répondu aux inquiétudes humaines par des dogmes. Mais je respecte la religion quand elle prône la charité (la charité et non l’aumône), la religion qui s’oppose à la hiérarchie, qui crée la fête, qui sort les hommes du monde du pouvoir et du travail, qui transgresse la raison pratique et les tabous, qui inspire les artistes, qui engendre des histoires fantastiques. L’hindouisme n’est pas seulement la religion des brahmanes. Elle est aussi celle de ces hommes condamnés à mort pour leurs activités contre le colonialisme anglais qui marchaient vers l’échafaud avec une dignité sereine, murmurant sans cesse le nom du dieu Rama jusqu’à ce que le nœud coulant se resserre.

[…] Toute religion comprend à la fois celle des cœurs simples, dont les qualités humaines se cachent derrière une apparence naïve et qui sont plus aptes à convertir que les faiseurs de sermons, et celle des théologiens dépositaires de dogmes, toujours prêts à condamner. Il saute aux yeux de qui veut bien ôter ses œillères que, quelle que soit la religion, il existe une division entre celle des cœurs simples et celle de ceux qui mêlent l’au-delà et le pouvoir. Les religions illustrent aussi le fait qu’il y a plus en commun entre un paysan français et un paysan chinois qu'entre un paysan français et un bourgeois français ou entre un portefaix chinois et un lettré chinois. Les différences culturelles entre les hommes sont moins importantes que les différences sociales. C’est aussi la leçon de l’étude des religions. La métaphysique bouddhique est plus proche de la théologie chrétienne que du bouddhisme de l’humble fidèle qui invoque le Bouddha Amitabha, qui lui-même a tant en commun avec la vieille dame qui va cueillir des roses pour l’autel de l’église de son village. Mais il ne faudrait pas croire que la religion populaire est une forme dégradée de la religion des clercs, pas plus que la politique du peuple est une forme vulgaire de celle des politiciens et des classes possédantes. La religion des clercs est devenue une religion philosophique, tandis que celle des humbles garde au fond du cœur cette intuition unique de l’au-delà qui faisait déjà peindre les fresques de Lascaux et d’Atamira à leurs lointains ancêtres.

Je laisserai conclure un vieux taoïste qui s’exprime ainsi dans un roman chinois ancien, et dont les paroles auraient pu tout aussi bien être dites par un bouddhiste :

Le seul enseignement que vous recevrez de moi n’enrichira pas vos connaissances, dont d’ailleurs tout dépend de l’usage que vous en ferez. Vous n’avez pas besoin d’un maître pour cela ; je vous aiderai seulement à tout regarder d’un autre œil.

Vous verrez des statues, des rites ; ces choses en aide certains ; mais j’espère que vous ne verrez bientôt plus dans ces statues que des formes parfois belles, le plus souvent ridicules, et dans les rites qu’une certaine façon de se comporter au sein d’une communauté ; leur sens est plus important que les gestes, et, une fois qu’on en a compris le sens, on les oublie comme on oublie le filet une fois qu’on a attrapé les poissons.

Ne cherchez pas plus le vide que le plein, car ce ne sont là que deux mots qui vous fatigueront le cœur en vain. N’essayez pas de suivre mes paroles, car elles ne valent pas plus que ces mots vulgaires que vous entendiez dans le lieu d’où vous venez ; je ne suis qu’un maître de hasard. Apprenez plutôt à rester immobile et à respirer : la lumière du soleil éclairera le fond de votre cœur.

Bouddhisme et taoïsme, comme toute religion, sont englués dans les sociétés où ils furent répandus. Eux aussi ont eu recours à l’enfer pour faire peur et au ciel pour récompenser leurs adeptes. C’est misérable, et c’est faire insulte au Tao comme au Dharma et à Dieu. Eux non plus n’ont pas été à l’abri de collusions avec le pouvoir et de l’esprit partisan, même s’ils se sont abstenus d’avoir recours aux bûchers de l’Inquisition ou au fil de l’épée.

Si la religion devient un ramassis de superstitions ou si elle est rejetée à cause des aberrations qu’elle peut engendrer, il ne reste que le travail et ces plaisirs décevants qui ne laissent qu’amertume. Pour demeurer, pour continuer à posséder une séduction, elle doit être aussi sagesse et faire accepter que, s’il y a vie, il y a mort ; sinon, elle ne vaut rien. Elle doit redonner aux fêtes leurs excès, faire de celles-ci des moments où sont abolis les tabous sociaux. Elle doit évoluer avec le temps et les cultures. Se cramponner à l’une de ses formes est idiot. Sa diversité est sa richesse.

Jacques Pimpaneau, « A deux jeunes filles qui voudraient comprendre la religion des Chinois ».


A deux jeunes filles qui voudraient comprendre la religion des Chinois


Dieu existe-t-il en Chine ? Quels sont les grands traits de la religion des Chinois ? Peut-on parler de sagesse plutôt que de religion ?
Telles sont quelques-unes des questions auxquelles l’auteur se propose de répondre avec simplicité dans ce livre à l’adresse de deux jeunes filles. On y parle aussi du paradis et de l’enfer, des rites comme des superstitions, du panthéon des dieux et du Tao.


Photographie :
Fête annuelle shinto. « Chaque premier dimanche d’avril, la ville de Kawasaki organise un grand festival, le Kanamara Matsuri, mettant à l’honneur le phallus symbolisant la fertilité. A cette occasion, des milliers de verges de toutes tailles et de toute nature sont exhibées. Telle une divinité, il fait ouvertement l’objet de tous les désirs et de toutes les dévotions dans la plus grande désinvolture. »

lundi, novembre 08, 2010

Eloge de la paresse, rejet du capitalisme


Paul Lafargue

Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu ; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne professe d'être chrétien, économe et moral, j'en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu ; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre-penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste.
Dans la société capitaliste, le travail est la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique.[...]

Si, déracinant de son cœur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits de l'homme, qui ne sont que les droits de l'exploitation capitaliste, non pour réclamer le Droit au travail, qui n'est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d'airain, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre. La vieille Terre, frémissant d'allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers... Mais comment demander à un prolétariat corrompu par la morale capitaliste une résolution virile ?


Livre en ligne : « Le Droit à la paresse » (1880) :

Paresse et Révolution
Ecrits 1880-1911


De Paul Lafargue (1842-1911), on connaît surtout le célèbre Droit à la paresse, voire son lien avec Marx, dont il était le gendre. Pamphlétaire, militant et journaliste prolixe, il fut aussi un acteur et un théoricien du socialisme. Membre de la Ire et de la IIe Internationale, il participa aux débats socialistes pendant plusieurs décennies. Dans une langue élégante, presque désuète, où perce un esprit brillant, souvent caustique et incisif, ses articles, pamphlets et discours laissent un témoignage historique considérable. S'attaquant au Capital devenu dieu et religion, mais aussi critiquant Victor Hugo, " ce tournesol que sa nature condamnait à tourner avec le soleil ", la condition de la femme, Jaurès, le réformisme et la bonne conscience républicaine et nationale issue de la Révolution française, il nous plonge dans un temps dont les contradictions, les luttes et les espoirs ne sont pas sans résonance avec celles et ceux d'aujourd'hui.

Alexandre le bienheureux


« Alexandre est cultivateur dans une petite ferme française, mais sa femme le pousse à bout de force en lui imposant chaque jour une liste de travaux démesurée. Devenu brutalement veuf, il éprouve un grand soulagement et se sent libéré de son labeur : il décide de s'accorder un repos qu'il juge mérité, afin de prendre le temps de savourer la vie. Son comportement sème rapidement le trouble dans le petit village par l'exemple qu'il donne, et une partie des habitants décide de le forcer à reprendre le travail. Mais ils échouent, et Alexandre commence à faire des émules, qui s'essayent comme lui à la paresse. »

Les principales conditions de l’affranchissement :

- Vivre sur un terrain cultivable (fruits et légumes, pas de céréales) ;
- Etre végétarien (gage de santé) ;
- Ne pas avoir de dettes, se contenter d’une petite maison écolo qui revient à quelques centaines d’euros ;
- Pratiquer la solidarité au sein d’un collectif d’affranchis…


Illustration :
Le B.E.L.L. de Bordeaux Szekely, The Biogenic Ecodesic Living Lighthouse. http://earthstar.newlibertyvillage.com/BELL.htm


samedi, novembre 06, 2010

La France des millionnaires

Plus de deux millions de riches vivent dans la prétendue « patrie des droits de l’homme ».

« Avec 9 % des millionnaires du monde, notre pays se situe au troisième rang, derrière le Japon et les États-Unis, selon une étude publiée par le Crédit Suisse. […]

L’Hexagone se place ainsi loin devant ses voisins européens. Le Crédit Suisse affirme que l’Italie n’héberge que 6% de millionnaires, la Grande-Bretagne et l’Allemagne 5%. Les Etats-Unis concentrent à eux seuls 9,94 millions d’individus, soit 41% de la population mondiale de millionnaires. Le quota tombe à 3% en Chine et à 4% au Canada. »

Les millionnaires représentent 0,5% de la population mondiale. Ils accaparent 35,56% de la richesse de la planète. Leur fortune en valeur absolue est évaluée à près de 69.200 milliards de dollars (soit 50.228 milliards d’euros).

La dette publique mondiale, estimée à 40 000 milliards de dollars, est nettement inférieure au colossal magot de l’oligarchie du fric.

mardi, novembre 02, 2010

Le végétarisme et les chrétiens


Des textes, comme « L’Evangile des Douze » ou le livre « Kerymata Petrou », « Les Proclamation de Pierre », proscrivent clairement l’alimentation carnée au sein des premières communautés chrétiennes. Or l’Eglise triomphante a combattu le végétarisme au nom de la Bible. La Bible a-t-elle été délibérément tronquée ?

Des Faussaires

Deux ans après la victoire de Constantin, le Concile d’Ancyre (aujourd’hui Ankara) ordonna en l’an 314 que tous les prêtres et les diacres qui ne voulaient pas manger la viande, même mélangée aux légumes, fussent relevés de leurs fonctions.

C’est ainsi qu’aucun végétarien, pour raisons éthiques (jusqu’au milieu du 19ème siècle on appelait les végétariens des « pythagoriciens ») ne pouvait recevoir de charge, que ce soit dans l’Eglise ou dans l’Etat. A cet égard les Eglises et tous les gouvernements du monde s’accordaient.

Nous pouvons ici trouver la raison pour laquelle les correcteurs expurgèrent les textes canoniques de tous les passages faisant mention de la nourriture carnée et de la renaissance de l’âme : car c’était là des principes fondamentaux du gnosticisme, qui était considéré par l’Eglise officielle comme une concurrence et craint comme tel. En éliminant ces passages, l’Eglise sapait peu à peu l’influence des gnostiques, tout en s’assurant pour elle-même un plus grand nombre de fidèles. Car l’abstinence que le Christ exigeait n’était pas du goût de chacun.

Notre respect pour les anciennes traditions nous empêche de croire à de tels agissements de la part de l’Eglise. Mais la falsification d’une épître de Paul, où les gnostiques sont décrits comme des impies, démontre que l’Eglise, dans sa lutte contre eux, n’a reculé devant aucun moyen. Le Dr W. Winsch écrit en effet à ce propos , dans son étude intitulée « Jésus était-il Nazaréen ? », ce qui suit : « Nous savons à présent de manière très précise que la première épître à Timothée a été falsifiée. En effet, le contrefacteur se trahit lui-même à la fin, en mettant en garde contre la secte des Gnostiques, alors que celle-ci n’existait pas encore du temps de Paul. »

Il est maintenant d’un grand intérêt de constater que cette lettre interpolée constitue le seul fragment du Nouveau Testament où soient recommandée la nourriture carnée (I Tim. 4 : 1-9) et les boissons fermentées (5 : 23). Il est ainsi très aisé de supposer que cette falsification n’a été perpétrée que dans l’intérêt des non-abstinents de la communauté chrétienne et seulement dans le dessein de les couvrir de l’autorité de Paul.

Nous disposons de nombreux témoignages de ce combat qui fit rage autour de ces deux interprétations, végétarienne et non végétarienne. Par exemple, le nombre des végétariens était, quatre cents ans après Jésus-Christ, encore si élevé que lors du Concile d’Ancyre (Ankara), il fut décidé que les prêtres qui voulaient vivre de mets végétaux seraient malgré tout tenus de goûter à la viande, cela sous peine de destitution !

Franz Susman (cité par Albert Mosséri dans "L'homme, le singe et le paradis").

L'Évangile des douze
ou de la vie parfaite


Extrait du chapitre 46 :
La transmission de la loi
Tu ne dois pas manger de viande ni boire le sang d’une quelconque créature sacrifiée, ni quoi que ce soit qui met le désordre dans ta santé ou tes sens.

***

Les chrétiens aiment… la chair et le sang



lundi, novembre 01, 2010

Travailler deux heures par jour

A-t-on besoin de travailler 8 heures par jour pour vivre ?
Quand on aura supprimé les frais de médicaments et de médecins (ils sont remboursés, mais ils sont prélevés indirectement sur les salaires sous forme de charges), quand on aura supprimé les frais de tabac, de café, d’alcool, de viandes, d’armement, on pourra vivre de deux heures de travail par jour. Les usines atomiques seront remplacées par des séchoirs à fruits et à légumes. Et l’on pourra transporter ces aliments séchés et très légers dans tous les coins de la terre pour éliminer la famine et la faim. A lieu de détruire des milliers de tonnes de pommes et de choux-fleurs, on les fera sécher pour les conserver très longtemps. Devenant ultra-léger, leur transport ne coûtera pas beaucoup. Au lieu de cultiver des régions entières en plantant du café, du cacao, du tabac, de l’opium, du blé, etc., on cultivera des aliments sains.
Albert Mosséri, « L’homme, le singe et le paradis ».

Albert Mosséri préconise une alimentation naturelle qui se rapproche de celle des grands primates (le gorille, le chimpanzé, l’orang-outang). « C’est-à-dire, précise Albert Mosséri, il n’y aura pas ou presque pas de produits animaux, ni viande, ni poisson, ni huîtres, ni fruits de mer, et il n’y aura pas non plus de céréales, parce que l’homme n’est pas un granivore. »


Travailler deux heures par jour est actuellement possible au Japon. Mais seuls quelques macaques, qui se contentent de cacahouètes en guise de salaire, sont concernés.



« Travailler deux heures par jour » est aussi le titre d’un livre intéressant écrit par le collectif Adret et publié en 1977.

« Une importante diminution de la durée du travail ne peut avoir lieu que dans une autre société qui ne serait pas gouvernée par le profit et où le pouvoir de division et les possibilités concrètes d'organisation seraient le plus possible décentralisées au niveau d'unités dont la taille permette qu'on s'y connaisse et qu'on s'y reconnaisse ; communautés, collectifs d'immeubles, organisations de quartier, de village, associations, etc. »
Adret

Un chapitre du livre est en ligne :


dimanche, octobre 31, 2010

La société idéale


Erik Sablé

C’est d’abord une société parfaitement égalitaire. Celle des souverains de l’Age d’or, où tous les hommes sans exceptions tissaient les étoffes dont ils faisaient leurs vêtements et labouraient la terre pour se procurer leur nourriture.

« Ils vivaient fraternellement avec les animaux, et ne faisaient qu’une famille avec les dix mille êtres. » Ils ne se distinguaient en rien les uns des autres par leur richesse, leur plus ou moins grand pouvoir. Car ce sont finalement les différences de conditions, les hiérarchies, qui sont la source de tous les désordres d’une société.

La seule véritable élite est constituée par le Sage, qui s’impose sans jamais s’imposer par sa simple présence.

Mais bien souvent, ce Sage est à l’image de ce Keng Sang, dont parle Tchouang Tseu, qui préféra se retirer loin de toute société humaine, et déclina l’offre que lui faisaient les paysans de devenir leur souverain.

L’être réellement supérieure est suffisamment humble pour choisir de demeurer caché, ou du moins pour se contenter d’une condition ordinaire, comme ces grands maîtres soufis qui sont de simples artisans du bazar. D’ailleurs, pour Lie Tseu, le fait qu’il y ait un dirigeant est déjà un signe de décadence. Il parle d’un temps primitif où « les animaux et les hommes voyageaient ensemble ». Il précise que c’est « lorsque les hommes se furent donné » des empereurs et des rois « que la défiance surgit et causa la séparation » entre le règne humain et le règne animal. Depuis, seuls les sages comprennent encore le langage des animaux car ils « pénètrent les sentiments de tous les êtres ».

Cette idée qu’il existe un monde primitif, parfaitement égalitaire ou du moins dénué d’autorités extérieures, se retrouve dans la croyance des Indiens en une caste unique, antérieure à la fragmentation de la société en plusieurs groupes humains hiérarchisés. Cette caste, qui était plutôt un état de la société, se nommait Hamsa comme le cygne qui surgit du Brahma indifférencié.

Les humains ont donc toujours vécu dans la nostalgie, ou le souvenir, d’une société égalitaire qui était en fait celle de l’Age d’or, le Satya yuga du Vishnou Puranas.

Quelle était cette vie paysanne primitive qui représente l’idéal taoïste ?

Une très ancienne chronique, le Che King nous en donne quelques aperçus.
Les habitants étaient réunis dans de petits villages. Les maisons, bâties en pisé, étaient regroupées autour du puits. Elles étaient orientées vers le sud. La porte se trouvait à l’est et la fenêtre à l’ouest. Il n’y avait pas de cheminée et la fumée du foyer s’échappait par une ouverture dans le toit. On dormait dans le coin sud-ouest sur des nattes. C’était aussi l’endroit où se gardaient les semences et où se trouvait le dieu principal de la maison qui se nommait Ao.

La demeure était le domaine de la femme. L’homme s’occupait de la vie extérieure. L’hiver, la femme tissait, au printemps, elle élevait le ver à soie. Il faut dire que l’élevage du ver à soie date de 2000 ans avant J.-C. alors qu’il commença en France au 16ème siècle sous François 1er.

Les hommes travaillaient surtout l’été dans les champs. Ils étaient vêtus de chanvre et portaient de larges chapeaux de paille.

A la sortie du village se trouvait le bois sacré qui était le séjour du dieu de la terre et des semences, ainsi que la rivière où les villageois allaient se baigner. Ce bois était le lieu où se célébraient les fêtes, les fiançailles (au printemps) et, durant ces périodes, la communauté villageoise s’abandonnait sans contraintes à la joie d’une communion avec la nature. La fêtes d’automne était la dernière fête de l’année. Après, les hommes allaient se reposer jusqu’à la bonne saison.

Il faut préciser que les paysans étaient le plus souvent propriétaires de leurs champs et la communauté villageoise à peu près indépendante du pouvoir central.

Le taoïsme a toujours pris en exemple l’eau, le principe féminin et, dans ces sociétés primitives, ce sont les femmes qui assuraient la transmission héréditaire du nom. Par ailleurs, il est certain que la société chinoise fut à l’origine matriarcale.

Jusqu’au 3ème siècle de notre ère, des femmes occupaient des emplois administratifs importants. Elles exerçaient l’autorité et même le pouvoir suprême comme l’impératrice Lu (195-180 avant J.-C). Certaines femmes de ces époques lointaines étaient d’une grande culture et écrivaient des poèmes remarquables ou des traités d’histoires comme Pan Chao (environ 100 avant J.-C).

Puis la Chine devint une société patriarcale rigide où le père avait le droit de vendre sa femme et ses enfants et où l’épouse n’était plus honorée que pour sa docilité et sa capacité à donner naissance à des fils…

De tout temps, nous retrouvons l’existence de ces petites communautés paysannes. En Russie, par exemple, à l’époque des Tsars, nous avons les communautés des Doukoborsky à l’organisation semi-communiste. Dans les colonies agricoles de l’Amour, ils géraient une collectivité rurale sans maîtres, sans autorité autre que celle qu’ils désignaient eux-mêmes.
Ils réussirent alors que les colonies d’état échouèrent.

En nouvelle Grenade, les sociétés de Sainte-Marthe s’administraient seules, sans armée, sans police, sans fonctionnaires, etc.

Au début du 20ème siècle, il existait encore de telles communautés agricoles dans des régions reculées des Pyrénées, notamment autour de Massat.

Certains témoins privilégiés, certains bergers, qui étaient encore vivants il y a quelques années, nous ont laissé des témoignages précieux sur la vie dans ces montagnes où l’isolement a permis à ce type de société de se maintenir.

Il y avait une égalité de condition entre tous les membres du même village. Tous menaient une vie difficile, mais qui se passait dans la joie. Lorsqu’un membre de la communauté était malade, il retrouvé son champ fauché, du pain et du fromage devant sa porte et il ne savait jamais qui l’avait aidé.

Puis certains habitants s’expatrièrent et devinrent fonctionnaires. Lorsqu’ils revirent au pays pour la retraite, ils touchaient une pension. Et, d’après ces témoins, « à partir de ce moment, vinrent les inégalités, l’envie, la haine et tous les problèmes ».

L’idéal social que vécurent ces communautés paysannes est celui du géographe et penseur libertaire Elisée Reclus qui écrivait : « Notre destinée, c’est d’arriver à cet état de perfection idéale où les peuples n’auront plus besoin d’être sous la tutelle ou d’un gouvernement ou d’une autre nation ; c’est l’absence de gouvernement, l’anarchie, la plus haute expression de l’ordre. »

Une telle société égalitaire peut sembler utopique, mais ce sont plutôt les sociétés hiérarchisées qui le sont. En effet, seule une parfaite égalité des conditions de vie peut contrer l’envie et la volonté de puissance qui se trouvent en germe chez la plupart des humains.

Les premiers franciscains le savaient bien qui désignaient leur père abbé pour une période limitée. Après, il redevenaient un simple moine comme les autres. De même le Vénérable dans les loges maçonniques ou les patrons dans les coopératives ouvrières autogérées sont nommés seulement pour quelques années.

Dans le Sangha original, le Bouddha avait lui aussi rejeté toute hiérarchie de fonction et il n’y avait aucune autorité suprême. Peu avant sa disparition, Ananda lui demanda de désigner un successeur. Il refusa et se contenta de répondre : « Soyez à vous-même votre propre île, votre propre refuge »… Le seigneur Gautama était donc un parfait libertaire.

Cependant, il manquait sans doute à ces communautés paysannes la pierre philosophale qui transforme le plomb des passions humaines en or, c’est-à-dire la présence de sages habités par le Tao, même, et surtout, si cette présence est secrète.

Exactement comme le Tao est mystérieusement présent au sein de la nature, la société des hommes doit être « bénie » par ces sages pour qu’elle demeure harmonieuse. Ils sont en fait les piliers qui permettent à l’univers de se maintenir, de se perpétuer.

Dans les sociétés chinoises ou japonaises des 18ème et 19ème siècles qui étaient pourtant loin de correspondre à l’idéal taoïste, il suffisait qu’un saint homme comme le moine zen Ryokan intervienne pour que le seigneur local cesse immédiatement d’abîmer les récoltes en chassant sur les terres des paysans ou pour qu’une injustice soit réparée.

De même en Chine, Tsu Yun, le dernier des grands maîtres Tchan, était respecté, écouté, même par les brigands ou les fonctionnaires les plus corrompus.

Ces sages ermites représentaient une voix extérieure à l’ordre social, supérieure à lui, et qui pouvait intervenir pour rectifier une disharmonie, un déséquilibre. Sans parler de l’action de leur simple présence qui bénéficiait à l’ensemble de la société.

Erik Sablé, « Sagesse libertaire taoïste ».


Illustration : Pierre Puvis de Chavannes

vendredi, octobre 29, 2010

Les contes

Les contes sont des récits populaires, sans auteurs, mêlant le réel et le surréel, qui existent chez tous les peuples. Ils s’adressent moins aux enfants, qu’ils fascinent pourtant (parce que leur inconscient y puisent une sève), qu’aux personnes intuitives, ayant le sens inné du symbolisme, langue de l’inconscient. Ces contes, en somme chiffrés, sont le testament des anciennes religions ethniques. Ils s’harmonisent par conséquent avec notre hérédité profonde. Ils ouvrent des perspectives sur des périodes durant lesquelles coexistèrent des humanités différentes et la nôtre : géants, nains, chèvre-pieds, et durant lesquelles nos ancêtres percevaient encore les fées. Les contes étaient narrés aux veillées, récemment encore, par de vieilles femmes, porte-parole de la mémoire collective, ensevelie mais latente dans l’inconscient. Le 18ème siècle les rédigea, puis le 19ème, les sauvant de l’oubli pur et simple. Ainsi survécurent les contes gallo-français (par Perrault), germaniques (par les frères Grimm) et le superbe Kalevala finnois.

Jean-Louis Bernard

Voir :

La Belle au bois dormant

Cendrillon

Le Petit Chaperon rouge

Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...