dimanche, avril 03, 2011

L'initiation et les métiers







Le syndicalisme français ne se relèvera pas du coup porté par la loi Le Chapelier, promulguée en France le 14 juin 1791, qui proscrivait les organisations ouvrières. La révolution bourgeoise de 1789, en mettant fin aux corporations du moyen âge, livrait la France au capitalisme destructeur. 

Karl Marx écrit :
« Les lois des corporations du moyen âge empêchaient méthodiquement la transformation du maître en capitaliste, en limitant par des édits rigoureux les nombre maximum des compagnons qu'il avait le droit d'employer, et encore on lui interdisait l'emploi de compagnons dans tout genre de métier autre que le sien. La corporation se gardait également avec un zèle jaloux contre tout empiétement du capital marchand, la seule forme libre du capital qui lui faisait vis-à-vis. Le marchand pouvait acheter toute sorte de marchandises le travail excepté. Il n'était souffert qu'à titre de débitant de produits. Quand des circonstances extérieures nécessitaient une division du travail progressive, les corporations existantes se subdivisaient en sous-genres, ou bien il se formait des corporations nouvelles à côté des anciennes, sans que des métiers différents fussent réunis dans un même atelier. L'organisation corporative excluait donc la division manufacturière du travail, bien qu'elle en développât les conditions d'existence en isolant et perfectionnant les métiers. En général le travailleur et ses moyens de production restaient soudés ensemble comme l'escargot et sa coquille. Ainsi la base première de la manufacture, c'est-à-dire la forme capital des moyens de production, faisait défaut. » (LE CAPITAL, livre 1)

Dans « L'initiation et les métiers », article paru dans la revue Voile d'Isis (avril 1934), René Guénon traite de la conception traditionnelle des métiers.


L'initiation et les métiers

Nous avons dit souvent que la conception « profane » des sciences et des arts, telle qu'elle a cours actuellement en Occident, est chose très moderne et implique une dégénérescence par rapport à un état antérieur où les uns et les autres présentaient un caractère tout différent. La même chose peut être dite aussi des métiers ; et, d'ailleurs, la distinction entre les arts et les métiers, ou entre « artiste » et « artisan », est, elle aussi, spécifiquement moderne, comme si elle était née de cette déviation profane et n'avait de sens que par elle. L'artifex, pour les anciens, c'est, indifféremment, l'homme qui exerce un art ou un métier; mais ce n'est, à vrai dire, ni l'artiste ni l'artisan au sens que ces mots ont aujourd'hui ; c'est quelque chose de plus que l'un et que l'autre, parce que, originairement tout au moins, son activité est rattachée à des principes d'un ordre beaucoup plus profond.

Dans route civilisation traditionnelle, en effet, toute activité de l'homme, quelle qu'elle soit, est toujours considérée comme dérivant essentiellement des principes ; par là, elle est comme « transformée », pourrait-on dire, et, au lieu d'être réduite à ce qu'elle est en tant que simple manifestation extérieure (ce qui est en somme le point de vue profane), elle est intégrée à la tradition et constitue, pour celui qui l'accomplit, un moyen de participer effectivement à celle-ci. Il en est ainsi même au simple point de vue exotérique : si l'on envisage, par exemple, une civilisation telle que la civilisation islamique, ou la civilisation chrétienne du Moyen Age, rien n'est plus facile que de se rendre compte du caractère « religieux » qu'y revêtent les actes les plus ordinaires de l'existence. C'est que, là, la religion n'est point quelque chose qui occupe une place à part, sans aucun rapport avec tout le reste, comme elle l'est pour les Occidentaux modernes (pour ceux du moins qui consentent encore à admettre une religion) ; au contraire, elle pénètre toute l'existence de l'être humain, ou, pour mieux dire, tout ce qui constitue cette existence, et en particulier la vie sociale, se trouve comme englobé dans son domaine, si bien que, dans de telles conditions, il ne peut y avoir en réalité rien de « profane », sauf pour ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont en dehors de la tradition, et dont le cas représente alors ; une simple anomalie. Ailleurs, où il n'y a rien a quoi s'applique proprement le nom de « religion », il n'y en a pas moins une législation traditionnelle et « sacrée » qui, tout en ayant des caractères différents, remplit exactement le même rôle ; ces considérations peuvent donc s'appliquer à toute civilisation traditionnelle sans exception. Mais il y a encore quelque chose de plus : si nous passons de l'exotérisme à l'ésotérisme (nous employons ici ces mots pour plus de commodité, bien qu'ils ne conviennent pas avec une égale rigueur à tous les cas), nous constatons, très généralement, l'existence d'une initiation liée aux métiers et prenant ceux-ci pour base ; c'est donc que ces métiers sont encore susceptibles d'une signification supérieure et plus profonde ; et nous voudrions indiquer comment ils peuvent effectivement fournir une voie d'accès au domaine initiatique.

Ce qui permet le mieux de le comprendre, c'est la notion de ce que la doctrine hindoue appelle swadharma, c'est-à-dire l'accomplissement par chaque être d'une activité conforme à sa nature propre ; et c'est aussi par cette notion, ou plutôt par son absence, que se marque le plus nettement le défaut de la conception profane. Dans celle-ci, en effet, un homme peut adopter une profession quelconque, et il peut même en changer à son gré, comme si cette profession était quelque chose de purement extérieur à lui, sans aucun lien réel avec ce qu'il est vraiment, avec ce qui fait qu'il est lui-même et non pas un autre. Dans la conception traditionnelle, au contraire, chacun doit normalement remplir la fonction à laquelle il est destiné par sa nature même ; et il ne peut en remplir une autre sans qu'il y ait là un grave désordre, qui aura sa répercussion sur toute l'organisation sociale dont il fait partie ; bien plus, si un tel désordre vient à se généraliser, il en arrivera à avoir des effets sur le milieu cosmique lui-même, toutes choses étant liées entre elles selon de rigoureuses correspondances. Sans insister davantage sur ce dernier point, qui pourrait cependant trouver assez facilement son application aux conditions de l'époque actuelle, nous ferons remarquer que l'opposition des deux conceptions peut, tout au moins sous un certain rapport, être ramenée à celle d'un point de vue « qualitatif » et d'un point de vue « quantitatif » : dans la conception traditionnelle, ce sont les qualités essentielles des êtres qui déterminent leur activité ; dans la conception profane, les individus ne sont plus considérés que comme des « unités » interchangeables, comme s'ils étaient, en eux-mêmes, dépourvus de toute qualité propre. Cette dernière conception, qui tient manifestement de près aux idées modernes d'« égalité » et d'« uniformité » (celle-ci étant littéralement au rebours de l'unité véritable, car elle implique la multiplicité pure et « inorganique » d'une sorte d'« atomisme » social), ne peut logiquement aboutir qu'à l'exercice d'une activité purement « mécanique », dans laquelle il ne subsiste plus rien de proprement humain ; et c'est bien la, en effet, ce que nous pouvons constater de nos jours. Il doit donc être bien entendu que les métiers « mécaniques » des modernes n'étant qu'un produit de la déviation profane, ne sauraient aucunement offrir les possibilités dont nous entendons parler ici ; à vrai dire, ils ne peuvent même pas être considérés comme des métiers, si l'on veut garder à ce mot son sens traditionnel, le seul qui nous intéresse présentement.

Si le métier est quelque chose de l'homme même, et comme une manifestation ou une expansion de sa propre nature, il est facile de comprendre qu'il puisse, comme nous le disions tout à l'heure, servir de base à une initiation, et même qu'il soit, dans la généralité des cas, ce qu'il y a de mieux adapté à cette fin. En effet, si l'initiation a essentiellement pour but de dépasser les possibilités de l'individu humain, il n'en est pas moins vrai qu'elle ne peut prendre pour point de départ que cet individu tel qu'il est ; de là la diversité des voies initiatiques, c'est-à-dite en somme des moyens mis en œuvre à titre de « supports », en conformité avec la différence des natures individuelles, cette différence intervenant d'ailleurs d'autant moins, par la suite, que l'être avancera davantage dans sa voie. Les moyens ainsi employés ne peuvent avoir d'efficacité que s'ils correspondent à la nature même des êtres auxquels ils s'appliquent ; et, comme il faut nécessairement procéder du plus accessible au moins accessible, de l'extérieur à l'intérieur, il est normal de les prendre dans l'activité par laquelle cette nature se manifeste au-dehors. Mais il va de soi que cette activité ne peut jouer un tel rôle qu'en tant qu'elle traduit réellement la nature intérieure ; il y a donc là une véritable question de « qualification », au sens initiatique de ce terme ; et, dans des conditions normales, cette « qualification » devrait être requise pour l'exercice même du métier. Ceci touche en même temps à la différence fondamentale qui sépare l'enseignement initiatique de l'enseignement profane : ce qui est simplement « appris » de l'extérieur est ici sans aucune valeur ; ce dont il s'agit, c'est d'« éveiller » les possibilités latentes que l'être porte en lui-même (et c'est là, au fond, la véritable signification de la « réminiscence » platonicienne).

On peut encore comprendre, par ces dernières considérations, comment l'initiation, prenant le métier pour « support », aura en même temps, et inversement en quelque sorte, une répercussion sur l'exercice de ce métier. L'être, en effet, ayant pleinement réalisé les possibilités dont son activité professionnelle n'est qu'une expression extérieure, et possédant ainsi la connaissance effective de ce qui est le principe même de cette activité, accomplira dès lors consciemment ce qui n'était d'abord qu'une conséquence tout « instinctive » de sa nature ; et ainsi, si la connaissance initiatique est, pour lui, née du métier, celui-ci, à son tour, deviendra le champ d'application de cette connaissance, dont il ne pourra plus être séparé. Il y aura alors correspondance parfaite entre l'intérieur et l'extérieur, et l'œuvre produite pourra être, non plus seulement l'expression à un degré quelconque et d'une façon plus ou moins superficielle, mais l'expression réellement adéquate de celui qui l'aura conçue et exécutée, ce qui constituera le « chef-d'œuvre » au vrai sens de ce mot.

Ceci, on le voit, est bien loin de la prétendue « inspiration » inconsciente, ou subconsciente si l'on veut, où les modernes veulent voir la marque du véritable artiste, tout en regardant celui-ci comme supérieur à l'artisan, suivant la distinction plus que contestable dont ils ont pris l'habitude. Artiste ou artisan, celui agit sous une telle « inspiration » n'est en tout cas qu'un profane; il montre sans doute par là qu'il porte en lui certaines possibilités, mais, tant qu'il n'en aura pas pris effectivement conscience, même s'il atteint à ce qu'on est convenu d'appeler le « génie », cela n'y changera rien ; et, faute de pouvoir exercer un contrôle sur ces possibilités, ses réussites ne seront en quelque sorte qu'accidentelles, ce qu'on reconnaît d'ailleurs communément en disant que l'« inspiration » fait parfois défaut. Tout ce qu'on peut accorder, pour rapprocher le cas dont il s'agit de celui où intervient une véritable connaissance, c'est que l'œuvre qui, consciemment, ou inconsciemment, découle vraiment de la nature de celui qui l'exécute, ne donnera jamais l'impression d'un effort plus ou moins pénible, qui entraîne toujours quelque imperfection, parce qu'il est chose anormale; au contraire, elle tirera sa perfection même de sa conformité à la nature, qui impliquera d'ailleurs, d'une façon immédiate et pour ainsi dire nécessaire, son exacte adaptation à la fin à laquelle elle est destinée.

Si maintenant nous voulons définir plus rigoureusement le domaine de ce qu'on peut appeler les initiations de métier, nous dirons qu'elles appartiennent à l'ordre des « petits mystères », se rapportant au développement des possibilités qui relèvent proprement de l'état humain, ce qui n'est pas le but dernier de l'initiation, mais en constitue du moins obligatoirement la première phase. Il faut, en effet, que ce développement soit tout d'abord accompli dans son intégralité, pour permettre ensuite de dépasser cet état humain ; mais, au-delà de celui-ci, il est évident que les différences individuelles, sur lesquelles s'appuient ces initiations de métier, disparaissent entièrement et ne sauraient plus jouer aucun rôle. Comme nous l'avons expliqué en d'autres occasions, les « petits mystères » conduisent a la restauration de ce que les doctrines traditionnelles désignent comme l'« état primordial » ; mais, dès que l'être est parvenu a cet état, qui appartient encore au domaine de l'individualité humaine (et qui est le point de communication de celle-ci avec les états supérieurs), les différenciations qui donnent naissance aux diverses fonctions « spécialisées » ont disparu, bien que toutes ces fonctions y aient également leur source, ou plutôt par cela même ; et c'est bien à cette source commune qu'il s'agit en effet de remonter pour posséder dans sa plénitude tout ce qui est impliqué par l'exercice d'une fonction quelconque. .

Si nous envisageons l'histoire de l'humanité telle que l'enseignent les doctrines traditionnelles, en conformité avec les lois cycliques, nous devons dire que, à l'origine, l'homme ayant la pleine possession de son état d'existence, avait naturellement les possibilités correspondant à toutes les fonctions, antérieurement à toute distinction de celles-ci. La division de ces fonctions se produisit dans un stade ultérieur, représentant un état déjà inférieur à l'« état primordial », mais dans lequel chaque être humain, tout en n'ayant plus que certaines possibilités déterminées, avait encore spontanément la conscience effective de ces possibilités. C'est seulement dans une période de plus grande obscuration que cette conscience vint à se perdre ; et, des lors, l'initiation devint nécessaire pour permettre à l'homme de retrouver, avec cette conscience, l'état antérieur auquel elle est inhérente ; tel est en effet le premier de ses buts, celui qu'elle se propose le plus immédiatement. Cela, pour être possible, implique une transmission remontant, par une « chaîne » ininterrompue, jusqu'à l'état qu'il s'agit de restaurer, et ainsi, de proche en proche, jusqu'à l'« état primordial » lui-même; et encore, l'initiation ne s'arrêtant pas là, et les « petits mystères » n'étant que la préparation aux « grands mystères », c'est-à-dire à la prise de possession des états supérieurs de l'être, il faut remonter au-delà même des origines de l'humanité. En effet, il n'y a pas de véritable initiation, même au degré le plus inférieur et le plus élémentaire, sans intervention d'un élément « non humain », qui est, suivant ce que nous avons exposé précédemment en d'autres articles, l'« influence spirituelle » communiquée régulièrement par le rite initiatique. S'il en est ainsi, il n'y a évidemment pas lieu de rechercher « historiquement » l'origine de l'initiation, question qui apparaît des lors comme dépourvue de sens, ni d'ailleurs l'origine des métiers, des arts et des sciences, envisagés dans leur conception traditionnelle et « légitime », car tous, à travers des différenciations et des adaptations multiples, mais secondaires, dérivent pareillement de l'« état primordial », qui les contient tous en principe, et, par là, ils se relient aux autres ordres d'existence, au-delà de l'humanité même, ce qui est d'ailleurs nécessaire pour qu'ils puissent, chacun à son rang et selon sa mesure, concourir effectivement à la réalisation du plan du Grand Architecte de l'Univers.

René Guénon, « Mélanges ».


Mélanges

Selon Guénon, le monde moderne est un monde finissant qui ne saurait échapper à son destin, car la marche descendante du présent cycle temporel est inexorable.

La seule issue possible pour ceux qui veulent réagir contre cette tendance est la voie initiatique, quelles qu'en soient les difficultés. En effet, celle-ci implique deux conditions essentielles : un accord intellectuel fondamental sur les principes métaphysiques des doctrines traditionnelles et une transmission initiatique authentiquement valable, c'est-à-dire fort éloignée des multiples contrefaçons et pseudo-initiations qui foisonnent à notre époque.

Là-dessus, le message de Guénon n'a jamais varié et ses avertissements sont toujours aussi présents en 2011 qu'au début du 20ème siècle.




Illustration : blason des tourneurs


samedi, avril 02, 2011

Elizabeth II, lézard couronné ?



Klaus Wagner (1958-2007) était convaincu que la Reine Elizabeth II (née le 21 avril 1926), qu'il appelait Elizardbeast, est la bête de l'Apocalypse. Il avait conçu une théorie conspirationniste et prophétique d'après une herméneutique fondée sur le calcul mathématique. En outre, il estimait que Diana Spencer (1961-1997), princesse de Galles, était la femme attaquée par le dragon au chapitre 12 du texte biblique (le dragon est le symbole de la City de Londres).


Par l'intermédiaire du Daily Mirror, Klaus Wagner déclara à la princesse de Galles : « Vous êtes le seul espoir pour ce pays. La guerre de l'establishment contre vous a franchi une nouvelle étape. »





Photo : Klaus Wagner à Londres (6 mars 1996).



Camille Flammarion, serviteur de Belzébuth ou savant indigne ?




En 1869, l'astronome Camille Flammarion rédige et prononce l'éloge funèbre d'Allan Kardec, le fondateur du spiritisme et déclare : « Car, Messieurs, le spiritisme n'est pas une religion, mais c'est une science dont nous connaissons à peine l'a b c. ... En quoi consiste le mystère de la vie ? par quel lien l'âme est-elle attachée à l'organisme ? par quel dénouement s'en échappe-t-elle ? sous quelle forme et en quelles conditions existe-t-elle après la mort ? quels souvenirs, quelles affections garde-t-elle ? Ce sont là, Messieurs, autant de problèmes qui sont loin d'être résolus et dont l'ensemble constituera la science psychologique de l'avenir. »

Camille Flammarion appelle de ses vœux une science psychique nouvelle fondée sur l'étude des phénomènes parapsychologiques. Mais les idées scientifiques et philosophiques de l'astronome soulèvent des critiques. « Elles viennent, précise Flammarion, de deux antipodes extrêmes : les spiritualistes cléricaux et les matérialistes radicaux. (La rime est riche dans cette association singulière.) »

En voici deux exemples :

Lettre adressée à Camille Flammarion le 15 juillet 1900 :

Vous servez Lucifer, Satan, Belzébuth, Astaroth, comme les Francs-maçons.

« Cher et illustre Maître,

C'est ainsi que l'on vous qualifie autour de moi, et en Espagne vous êtes vénéré comme un dieu par des hommes incroyants. Le voyage triomphal que vous venez d'y faire pour l'éclipse du soleil en est une preuve.

Or, vous n'êtes pas un Maître; mais plutôt l'esclave du diable.

Il est inouï de voir un savant si célèbre perdre un temps qui pourrait être mieux employé, à chercher ce qui nous a été révélé depuis près de deux mille ans.

Notre sort, après la mort, n'est douteux pour personne. Il faut être d'une ignorance totale, permettez-moi de vous le dire, pour ne pas savoir que les bons vont au ciel, les méchants en enfer, les médiocres, c'est-à-dire le grand nombre, au purgatoire. Si ces derniers peuvent se manifester, ce ne peut être que par la permission de Dieu. Autrement, ce sont des anges déchus.

N'avez-vous donc jamais lu l'Évangile? Ignorez-vous que notre Sauveur est descendu aux limbes le Vendredi Saint, après avoir versé son sang pour le salut du monde ?

Qu'avez-vous donc besoin de chercher ? L’Église a reçu du Saint-Esprit la mission, d'enseigner, et elle seule en a le droit. Vous êtes un renégat, comme Julien l'Apostat, et vous finirez comme lui, avec votre culte du Soleil.

Vous jetez le trouble parmi les âmes. Laissez-les donc dormir sur l'oreiller de la foi.

Oui, vous servez Lucifer, Satan, Belzébuth, Astaroth, comme les Francs-Maçons ; vous êtes esclave en vous croyant libre et Maître.

Renoncez donc à des recherches stériles qui ne peuvent vous mener à rien et qui compromettent votre réputation de savant. C'est le vœu que vous adresse un ancien admirateur, bien déçu par votre personne.
Canonnico Della Ventura.


Lettre du 10 décembre 1900 :

Si les morts pouvaient réapparaître, ils le feraient tout nus...

« Monsieur,

Je n'ai point répondu à vos invitations publiées par les journaux, relatives aux prétendus phénomènes psychiques, parce que je voyais avec une grande tristesse un homme de science tel que vous chercher à recommencer un De prodigiis de Julius Obsequens, et ce faire avec la pire des méthodes, celle qui consistera à provoquer les élucubrations de tous les farceurs, de tous les imposteurs, de tous les fumistes, de tous les névrosés, de tous les hystériques, de tous les esprits faibles, hallucinés et détraqués de l'univers (1). A moins que vous n'y cherchiez un succès de librairie que vous obtiendrez sûrement, mais au prix de votre dignité de savant, je ne m'explique nullement ce que vous pouvez espérer.

Je n'ai pas l'honneur de vous connaître, mais j'ai attentivement suivi vos travaux depuis votre premier livre, à l'époque où j'étais moi-même étudiant à Paris, logé au dépôt de la librairie de mon père, 5, rue de Tournon, où Allan Kardec (M. Rivail) y tenait la comptabilité. Il était en même temps comptable au journal L'Univers, incognito, bien entendu. C'était un excellent homme, mais absolument timbré (2), en dehors de son travail, et avec lequel j'aimais beaucoup à causer. Les ecclésiastiques et les prélats qui fréquentaient beaucoup la maison à cause de la nature des affaires de mon père, croyaient fermement au spiritisme, à1'existence des esprits, des manifestations d'outre-tombe, mais assuraient que tous ces phénomènes étaient des manifestations du démon. Il y avait là, vous le comprenez, un antagonisme professionnel en même temps qu'une foi aveugle et voulue en des affirmations qu'on se gardait, aussi bien d'un côté que de l'autre, de contrôler sérieusement, de peur d'ébranler le lucratif échafaudage des deux professions, beaucoup plus associées que rivales.

Ces fréquentations appelèrent, dès ma jeunesse, mon attention et ma curiosité vers les phénomènes dits psychiques ou surnaturels.

Mais la tournure éminemment critique de mon esprit ne me permettait pas de rien croire sans preuves. Personne n'a jamais pu m'en fournir aucune. Toutes les fois que j 'ai voulu contrôler scientifiquement un récit, une apparition, une évocation ou quelque prétendu phénomène que ce fût qui sortit du cadre des lois naturelles connues, je me suis trouvé en présence du néant, d'un néant lamentable et souvent douloureux (3). Tantôt je n'avais « pas de fluide, tantôt la présence d'un incrédule arrêtait les « esprits », tantôt je n'étais pas préparé à recevoir leurs communications, tantôt on m'avouait loyalement, comme Blavatsky et les théosophes, qu'il fallait se torturer, se détraquer, s'hypnotiser l'entendement pendant de longues années pour se mettre en un état d'... d'abrutissement... capable de vous ,mettre en communication avec les mahatmans... Bref, j'ai entendu raconter d'admirables choses, mais chaque fois que je suis allé au fond de ces récits, j'ai toujours trouvé ou des illusions grossières, ou des farces, ou des témoignages de seconde main acceptés sans contrôle par des esprits faibles ou détraqués, ou des mensonges auxquels leurs propres auteurs finissaient par ajouter sérieusement foi après les avoir racontés, phénomène très fréquent. Je ne parle pas des impostures calculées et, voulues, comme celle de la supérieure des sœurs de la commune de... (4) qui, pour cacher ses rendez-vous nocturnes avec le maître maçon qui avait bâti la maison d'école, terrorisa pendant dix-huit mois tout le village, et jusqu'à l'archevêché, qui ne savait plus à quels exorcismes se vouer.

Plus tard, j'ai voyagé en Orient, pour suivre des recherches d'histoire naturelle et d'histoire des religions et là, des fakirs indiens m'ont montré des choses absolument surprenantes, le coup du manguier, la lévitation, le transport invisible de certains objets en un lieu désigné, etc. Mais une différence capitale sépare tous ces prodiges de l'étude des nos prétendues manifestations psychiques en Occident. Ils sont indéfiniment reproductibles à la volonté de l'opérateur et rentrent immédiatement par cela même dans les applications scientifiques des lois naturelles (5). Assurément, nous ne connaissons pas les forces en vertu desquelles on les exécute, mais nous voyons clairement qu'ils s'opèrent, non par l'opération d'un être capricieux et inconnaissable, mais par le jeu d'une loi naturelle générale. Ce caractère est même le meilleur critérium qui puisse nous permettre de distinguer le vrai du faux, les phénomènes d'ordre scientifique à étudier et les impostures à confondre, les supercheries à dévoiler.

Si les morts pouvaient réapparaître, tous le feraient, et surtout le feraient pour des choses utiles à ceux qu'ils ont aimés, pour sauver des innocents injustement accusés, pour indiquer les trésors qu'ils ont cachés, les secrets qu'ils savent utiles à ceux qu'ils ont aimés et qui souffrent; ces apparitions ne se borneraient pas à de très rares personnes et pour leur dire des niaiseries. Quant aux dettes à payer, l'intérêt de la supercherie est par trop grossier : is fecit cui prodest, sans compter que Mgr Pavie a fort bien pu imaginer ce moyen de rendre service sans la froisser à une personne qu'il savait déjà digne d'intérêt (6). D'autre part, il est bien évident que si les morts pouvaient réapparaître, ils le feraient tout nus. 0ù se procureraient-ils des vêtements, depuis longtemps pourris, avec lesquels on prétend les voir ? Ces apparitions ne peuvent être que subjectives et se passer dans le cerveau de ceux qui les voient. Alors, comment laissent-elles des traces matérielles sur les meubles, sur les plaques photographiques ? Il y a là un dilemme dont il est impossible de sortir. En résumé, il n'y a dans tout cela, absolument rien de sérieux, rien de digne d'un homme de science, et quant à ceux qui se complaisaient ou qui se complaisent aux puériles niaiseries de cette espèce, ils en trouveront bien davantage encore dans les Acta sanctorum, dont il paraît tout à fait superflu de compiler une nouvelle édition.

Aussi, monsieur, n'est-ce pas là le but, mais simplement le prétexte de cette lettre. déjà très longue. Ce dont je veux vous entretenir, c'est d'une question exclusivement scientifique et pour laquelle vous pourriez, si vous le voulez, rendre à la science où vous êtes maître, un service incomparable. »...

M. E. Pélagaud, président de la Société d'anthropologie de Lyon, docteur ès lettres et en droit.





Notes de Camille Flammarion :

(1) Laquelle de ces épithètes pourrait être appliquée à l'une quelconque des relations publiées ? Quant au livre d'0bsequens, mes lecteurs savent depuis longtemps comment je l'ai traité.

(2) Ce n'est pas mon opinion. Je l'ai connu personnellement (1861-1869).

(3) Lois naturelles connues ?Où s'arrêtent-t-elles ? Cette affirmation suppose que tous les hommes de science qui ont constaté la réalité des phénomènes psychiques n'ont pas su observer ! Déclarer que ces phénomènes n'existent pas est contraire à la vérité.

(4) Je supprime le nom donné par mon irascible correspondant.

(5) Erreur que j'ai souvent réfutée. C'est confondre l'observation avec l'expérience, l'astronomie, la météorologie, avec la chimie et la physique. Est-ce que l'on peut reproduire à volonté les phénomènes spontanés, tels qu'une chute d'aérolithe, l'apparition d'une étoile nouvelle, une éruption solaire magnétique, un coup de foudre qui déshabille un homme sans le tuer, etc. ?

(6) L'auteur commente là un article que j'avais publié dans La revue des revues du 15 juillet 1899.

Illustration :

vendredi, avril 01, 2011

Après la mort



Les activités des traqueurs de fantômes (Ghost Hunters), évoquées à la suite du post « Les clubs du Feu de l'Enfer », ne datent pas d'aujourd'hui. L'éminent astronome Camille Flammarion (1842-1925) était persuadé de la réalité des apparitions, des transmissions télépathiques, des fantômes, des manifestations des mourants. Dans l'introduction de son livre Après la mort, il écrit :

« Notre premier volume, La mort et son mystère, a donné à ses lecteurs la certitude des fantômes de vivants, des apparitions et des manifestations de mourants, se produisant à toutes les distances, transmissions télépathiques irrécusables, et se termine par cette interrogation : « Obtiendrons-nous les mêmes preuves d'authenticité, la même certitude, sur l'existence réelle des morts? »

« Cecy est un livre de bonne foy », disait Montaigne dans ses inoubliables Essais : la même affirmation doit être donnée pour cet ouvrage.

Nous arrivons ici à la porte du temple fermé. Mais déjà cette porte a paru s'entrouvrir dans nos excursions à la frontière des deux mondes. Ce deuxième volume a pour but d'établir la survivance sur des faits d 'observation, par la même méthode expérimentale, en dehors de toutes croyances religieuses. »

Les adeptes du bouddhisme tibétain professent la doctrine de la renaissance après un séjour de 49 jours dans les Bardo. Selon le Bardo Thödol (Livre des morts tibétain), le processus de la mort et de la renaissance se déroule en trois phases. Durant le Bardo de l'instant de la mort apparaît une aveuglante lumière ; durant le Bardo de la Réalité suprême se manifestent des phénomènes lumineux de cinq couleurs en forme de mandala ; durant le Bardo du devenir apparaissent des phénomènes lumineux à l'éclat voilé qui correspondent aux six conditions de renaissance.

Camille Flammarion, qui analyse les phénomènes de survie avec tous les scrupules et l'objectivité d'un scientifique, ne mentionne jamais un séjour dans le monde intermédiaire (Bardo) limité à 49 jours. Ses observations montrent que des manifestations posthumes peuvent avoir lieu très longtemps après la mort. Il écrit : « Nous arrivons ici à des distances considérables, de cinq, dix, quinze, vingt, trente, quarante, soixante ans et davantage. La place me manque pour les mettre toutes sous les yeux du lecteur. [...]


Voici une apparition répétée et vue, non seulement par deux personnes, mais par plusieurs, et perçue par un chien. Elle présente un intérêt tout spécial. Je l'extrais de l'ouvrage de Myers, Human Personality (t. II, p. 21). Elle a été exposée par un magistrat russe, M. Mamtchitch, dans les relations suivantes :

Saint-Pétersbourg, 29 avril 1891

« Palladia était la fille d'un riche propriétaire russe mort un mois avant sa naissance. Sa mère, désespérée, voua son futur enfant au couvent. De là son nom, usité parmi les religieuses. Deux ans après, sa mère mourut, et l'orpheline, jusqu'à l'âge de quatorze ans, fut élevée dans un couvent de Moscou par sa tante, qui en était la supérieure.

En 1870, étant encore étudiant à l'Université de Moscou, je fis la connaissance du frère de Palladia, étudiant comme moi, il fut souvent question entre nous de rendre à la société la nonne malgré elle ; mais ce plan ne fut réalisé qu'en 1872. J'étais venu en été à Moscou, pour voir l'exposition, et j'y
rencontrai par hasard le frère de Palladia. J'appris qu'il se disposait à l'envoyer en Crimée pour cause de santé et je le secondai de mon mieux.. C'est alors que je vis Palladia pour la première fois. Elle avait quatorze ans ; quoique de haute taille, elle était fort chétive et déjà poitrinaire. A la prière de son frère, j'accompagnai Palladia et sa sœur en Crimée où elles restèrent pour passer l'hiver.

Dans l'été de 1873, je rencontrai par hasard Palladia et sa sœur à Odessa, où elles étaient venues pour consulter des médecins. Le 27 août, pendant que je faisais la lecture aux deux sœurs, Palladia mourut subitement d'un anévrisme. Elle avait quinze ans.

Deux ans après, en 1875, me trouvant à Kieff, il m'arriva, par une soirée du mois de décembre, d'assister pour la première fois à une séance de spiritisme; j°entendis des coups dans la table : cela ne m'étonna nullement, car j'étais sûr que c'était une plaisanterie. De retour chez moi, je voulus voir si les coups se produiraient ; je me mis dans la même pose, les mains sur la table. Bientôt des coups se firent entendre. Imitant le procédé dont j'avais été témoin, je commençai à réciter l'alphabet : le nom de Palladia fut dicté. Je fus étonné, presque effrayé; ne pouvant me tranquilliser, je me mis de nouveau à la table, et je demandai à Palladia ce qu'el1e avait à me dire. La réponse fut : « Replacez l'ange : il tombe. » Je ne compris pas de quoi il s'agissait.

Elle est enterrée à Kieff, et j'avais entendu qu'on voulait mettre un monument sur sa tombe, mais je n'y avais jamais été, et je ne savais pas de quel genre était le monument.

Après cette réponse, je ne me couchai plus, et dès que le jour parut, je me rendis au cimetière. Non sans peine, avec l'aide du gardien, je découvris la tombe enfouie sous la neige. Je m'arrêtai stupéfié : la statue en marbre de l'ange, avec une croix, penchait tout à fait de côté.

Je conclus de cette constatation qu'il y a un autre monde avec lequel nous pouvons entrer en rapport.

En octobre 1876, j'étais en train de m'installer dans un nouveau logement (rue Drorésnaya) avec mon camarade de service au ministère de la Justice, Potolof. J'étais de fort bonne humeur, et je jouais d'un pianino ; il était à peu près 8 heures du soir. A côté se trouvait mon cabinet de travail, éclairé aussi par une lampe. Mon camarade était occupé à sa table, à l'autre bout de ces chambres en enfilade. Toutes les portes étaient ouvertes, et de sa place il pouvait voir très bien le cabinet de la salle où je jouais. Tout à coup, j'aperçus Palladia! Elle se tenait au milieu de la porte,un peu de côté, le visage tourné vers moi, me regardant tranquillement. Elle avait la même robe foncée qu'elle portait ; lorsqu'elle mourut en ma présence. Sa main droite pendait librement. Je voyais distinctement ses épaules et sa taille. Tout le temps je la regardai dans les yeux, et chose singulière, sans penser que j'avais devant moi une personne morte. Elle était éclairée des deux côtés, et j'ai la vue très bonne. Mais j'avoue qu'aussitôt je sentis un frisson dans le dos, et fus comme pétrifié! Ce n'était pas de la frayeur, c'était quelque chose d'autre, comme la sensation que j'éprouve quand je regarde en bas d'une grande hauteur; je sens alors une terrible anxiété de vertige. Combien de temps Palladia resta-t-elle devant moi, je ne saurais le dire, mais je me rappelle qu'elle fit un mouvement à droite cet disparut derrière la porte du cabinet de travail. Je me précipitai vers elle. Alors seulement,
je me rappelai qu'elle était morte.

Dans ce moment, mon camarade vint à moi et me demanda ce que j'avais. Je lui dis ce qui venait de se passer ; alors nous entrâmes au cabinet, où nous ne trouvâmes personne. Mon camarade, ayant entendu la brusque interruption de mon jeu, avait levé la tête et, autant que je m'en souviens, disait avoir vu aussi quelqu'un passer devant la porte; à cause de mon excitation, il me dit, pour me tranquilliser, que probablement, c'était mon domestique, qui était venu arranger la lampe. Or, il était en bas, dans la cuisine. Voilà comment je vis Palladia pour la première fois, trois ans après sa mort.

Je l'ai souvent revue. Il arrive qu'elle m'apparaît trois fois par semaine ou deux fois le même jour, ou bien un mois se passe sans la voir.

Palladia apparaît toujours d'une façon inattendue, me prenant comme par surprise au moment où j'y pense le moins.

Jamais je ne la vois en rêve. Je la vois également quand je suis seul, ou en nombreuse compagnie.

Elle m'apparaît toujours avec la même expression sereine des yeux ; quelquefois avec un faible sourire.

Je la vois toujours dans la robe foncée qu'elle portait lorsqu'elle mourut sous mes yeux. Je vois distinctement son visage, sa tête, les épaules et les bras, mais je ne vois pas ses pieds, ou plutôt je ne pense pas à les examiner.

Chaque fois, en voyant Palladia inopinément, je perds la parole, je sens du froid dans le dos, je pâlis, je jette un faible cri et ma respiration s'arrête (c'est ce que me disent ceux qui par hasard m'ont observé à ces moments).

L'apparition de Palladia se prolonge une, deux, trois minutes puis, graduellement, elle s'efface et se dissout. »

Commentaire de Flammarion :

Ces aspects ressemblent beaucoup aux types d'hallucinations les mieux connus ; à l'exception, toutefois, de l'origine même, la révélation de la tombe du cimetière. Les observations que voici vont supprimer l'analogie.

« En 1879, à la fin de novembre, à Kieff, j'étais assis à mon bureau à écrire un acte d'accusation ; il était 8 heures du soir, la montre était devant moi sur la table. Je me hâtais de finir mon travail, car, à 9 heures, je devais me rendre à une soirée. Tout à coup, en face de moi, assise, sur un fauteuil, je vis Palladia ; elle avait le coude du bras droit sur une table et la tête appuyée sur la main. M'étant remis de mon saisissement, je regardai la montre et je suivis le mouvement de l'aiguille à secondes, puis je relevai les yeux sur Palladia ; je vis qu'elle n'avait pas changé de pose, et son coude se dessinait clairement sur la table. Ses yeux me regardaient avec joie et sérénité; alors pour la première fois, je me décidai à lui parler :

«Que sentez-vous à présent? » lui demandai-je. Son visage resta impassible, ses lèvres, autant qu'il m'en souvienne, restèrent immobiles, j'entendis distinctement sa voix prononcer le mot « Quiétude ». « Je comprends », lui répondis-je, et effectivement, en ce moment, je comprenais toute la signification qu'elle avait mise dans ce mot. Pour être plus sûr encore que je ne rêvais pas, je regardai de nouveau la montre et je suivis les mouvements de l'aiguille à secondes. Ayant reporté mon regard sur Palladia, je remarquai qu'elle commençait à s'effacer et à disparaître.

En 1885, je demeurais chez mes parents, à une campagne du gouvernement de Poltava. M'étant réveillé à l'aube, je vis Palladia, Elle se tenait devant moi, à cinq pas à peu près, et me regardait avec un sourire joyeux. S'étant approchée de moi, elle me dit deux mots : « J'ai été, j'ai vu », et, tout en souriant, disparut. Que voulaient dire ces mots ? Je ne pus le comprendre. Dans ma chambre, mon chien dormait auprès de moi. Dès que j'aperçus Palladia, le chien hérissa le poil et avec glapissement sauta sur mon lit, se pressant contre moi, et regardant dans la direction où je la voyais. Il n'aboya pas, tandis que, ordinairement, il ne laissait personne entrer dans la chambre sans aboyer et grogner. Toutes les fois que mon chien vit Palladia, il se pressa contre moi; comme cherchant un refuge ; Je ne parlai à personne de cet incident. Le soir du même jour, une jeune fille qui se trouvait chez nous me raconta qu'une chose étrange lui était arrivée ce matin-là : « M'étant réveillée de grand matin, me dit-elle, j'ai senti comme si quelqu'un se tenait au chevet de mon lit, et j'entendis distinctement une voix me disant : « Ne me crains pas, je suis bonne et aimante. » Je tournai la tête, mais je ne vis rien.

Un an plus tard, je fus fiancé à cette jeune fille. Je dois ajouter que j'avais vu alors cette demoiselle pour la première fois et que je ne pensais pas du tout à un mariage futur.

Cinq ans après, en 1890, je me trouvais avec ma femme et mon fils, âgé de deux ans, chez mes anciens amis, les Strijewsky, à leur campagne du gouvernement de Woronèje. Un jour, vers les 7 heures du soir, rentrant de la chasse, je passai dans l'aile que nous habitions pour changer de toilette ; j'étais assis, dans une chambre éclairée par une grande lampe. La porte s'ouvrit, et mon fils Olég accourut près de mon fauteuil, quand Palladia apparut tout à coup devant moi. Je remarquai détachait-pas ses yeux d’elle ; se tournant vers moi et me la montrant du doigt, i1 dit ces deux mots : « la tante ». Je le pris sur mes genoux et jetai un regard sur Palladia, mais elle avait disparu. Le Visage d’Olég était tout a fait tranquille et joyeux ; il commençait seulement à parler, ce qui explique la dénomination qu’il donna a l'apparition. »

Commentaire de Flammarion :

Cette déclaration, très détaillée, comme on le voit, a été complétée par celle des autres témoins qui la confirment, ce qui est important, car la première explication qui nous vient e l’esprit est toujours celle d’une hallucination possible. Mme Mamtchitch écrit entre autre :

« Je me rappelle très bien que le 10 juillet 1885, lorsque nous étions en visite chez les parents de M. C. Mamtchitch, je m’étais réveillée à l'aube du jour, car il avait été convenu entre ma sœur et moi que nous irions faire une promenade matinale. M’étant soulevée-sur le lit, je vis que maman et ma  sœur dormaient et, en ce moment, je sentis comme si que1qu’un se tenait à mon chevet. M’étant tournée a demi, car j’avais pour ainsi dire peur de regarder, je ne vis personne; m’étant recouchée, j’entendis immédiatement, derrière et au-dessus de ma tête, une voix de femme me disant doucement, mais distinctement : « Ne me crains pas, je suis bonne et aimante », et encore toute une phrase que j’oubliai à l’instant même. Immédiatement après, je m’habillai et j’allai me promener. C’est étrange que je n’aie été aucunement effrayée. Je n’en dis rien a ma mère ni à ma sœur, car elles n’aimaient pas de telles choses et n’y croyaient pas ; mais le soir du même jour, comme la conversation était engagée sur ces problèmes de l’Inconnu, je racontai à M. Mamtchitch ce qui m’était arrive le matin. »

Conclusion de Flammarion :

Telle est la relation de cette curieuse manifestation psychique. S’obstiner a ne voir le qu’une hallucination serait évidemment une erreur, car il faudrait admettre que : 1° le narrateur ; 2° sa femme (qui lui était alors étrangère) ; 3° son enfant de deux ans ; 4° son chien, aient été victimes
d’autant d’hallucinations concomitantes. Il resterait encore à expliquer le premier avertissement relatif au cimetière. Tout nous porte ici à conclure en faveur de manifestations réelles de la morte Palladia, décédée à l'âge de quinze ans, en 1873, dans les années l875, 1876, 1879, 1885 et 1890, C'est-à-dire deux, trois, six, douze et dix-sept ans après sa mort. Le seul moyen de sortir de cette conséquence serait d'accuser que le narrateur d'avoir inventé toute une série de mensonges. C'est là une accusation assez grave. Et l'auteur a un répondant de son honneur : Aksakof.






Camille Flammarion, serviteur de Belzébuth ou savant indigne ?




Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...