vendredi, janvier 06, 2012

Mondialisation & utopie




La mondialisation est-elle porteuse d'utopie ? Les débats actuels sur l'« horreur économique » n'incitent pas à répondre par l'affirmative. D'un point de vue historique, l'utopie a pourtant joué un rôle déterminant dans la formulation des thèses universalistes qui servent de caution idéologique à la mondialisation. Évocation, le plus souvent, d'une société idéale obéissant aux lois de la raison, l'utopie possède une portée universelle. N'a-t-elle pas pour ambition de permettre une prise de distance à l'égard des institutions existantes au nom d'une rationalité qui transcende les particularismes locaux ? Située nulle part, l'utopie est en même temps susceptible de s'appliquer en tout lieu.

A moins de considérer certaines sectes religieuses de la période moderne comme des utopies, il faut attendre le tournant du XVIIIe siècle pour voir l'universalité devenir une dimension explicitement revendiquée du discours utopique. Cette revendication est contemporaine d'une mutation en profondeur de l'utopie. D'un genre littéraire illustré par des auteurs comme Thomas More ou Francis Bacon, on passe à des mouvements comme le saint-simonisme, le fouriérisme ou l'owénisme qui articulent un discours prophétique avec un ensemble de pratiques sociales visant à sa réalisation. Qualifiés généralement de socialismes utopiques, ces mouvements cherchent à établir un nouvel ordre dont l'harmonie contrasterait avec l'anarchie de la société existante. Un tel ordre se veut universel. Tandis que les saint-simoniens imaginent la planète quadrillée par des voies de communication conduisant l'humanité vers l'« association universelle », les fouriéristes et les owénistes la peuplent de communautés en relation les unes avec les autres comme les nœuds d'une immense maille.

Au début des années 1830, les saint-simoniens projettent d'aménager entièrement la terre afin d'en faire la « demeure de l'homme ». C'est dans cette perspective qu'ils militent en faveur de systèmes comme les chemins de fer à l'échelle de continents entiers ou d'infrastructures à vocation internationale comme le canal de Suez. De l'interconnexion des réseaux nationaux de chemins de fer au creusement des isthmes de Suez et Panama, en passant par l'établissement des premières liaisons télégraphiques transatlantiques, l'évolution technologique de la seconde moitié du XIXe siècle semble leur donner raison. Le développement du commerce mondial va dans le même sens. L'internationalisation de pans entiers de l'économie fait figure de préambule à notre mondialisation.

L'internationalisation du siècle dernier porte la marque d'un mélange complexe d'intérêts matériels et d'idées généreuses dont certaines se sont constituées au contact des discours et des pratiques utopiques. Il n'est pas fortuit qu'un des principaux artisans du traité de libre-échange avec l'Angleterre de 1860 soit un ancien saint-simonien, Michel Chevalier. Même si les stratégies financières occupent souvent le devant de la scène, la mondialisation doit à son tour quelque chose au rêve d'une planète vivifiée par la circulation de l'information et l'hybridation des cultures. L'Internet qui constitue l'une de ses technologies emblématiques se présente comme l'héritier de réflexions développées au sein du mouvement alternatif américain dans les années 1960-1970.

Cette veine idéaliste suffit-elle pour assimiler la mondialisation, ou du moins certains des discours auxquels elles donne naissance, à une forme d'utopie ? La réponse est loin d'être évidente. Car l'utopie s'est presque toujours construite par écart avec l'existant, comme le résultat d'une prise de distance permettant d'envisager une situation radicalement différente. Or n'est-ce point la possibilité de cet écart que vient menacer une mondialisation qui abolit progressivement toutes les différences ? On peut même se demander si ce phénomène, souvent présenté comme un progrès, ne constitue pas en réalité un frein à ce même progrès. Une analogie avec le vivant vient aussitôt à l'esprit. Dans un livre intitulé l’Émergence de l'homme. Essai sur l'évolution et l'unicité humaine, l'anthropologue Jan Tattersall fait observer que le caractère global que présente depuis longtemps le peuplement humain a empêché l'Homo sapiens de donner naissance à des sous-espèces, encore moins à des races distinctes, celles-ci apparaissant uniquement lorsqu'une sous-population s'isole suffisamment longtemps pour permettre à des caractères originaux de s'affirmer. En brassant les cultures, la mondialisation pourrait bien conduire au blocage des processus de différenciation culturelle et compromettre par là même les évolutions dont ils sont porteurs.

A cette argumentation, les partisans de la mondialisation peuvent rétorquer que de nouveaux clivages se font jour en même temps que disparaissent d'anciennes divisions. Dans les sociétés développées, l'Internet constitue par exemple un outil de différenciation, même si les différences qu'il contribue à faire émerger se jouent des frontières nationales. En s'inspirant des travaux du théologien Pierre Teilhard de Chardin — une référence que mobilisent volontiers les idéologues américains de l'Internet on peut aussi présenter la mondialisation comme une nouvelle étape faisant suite à l'évolution au sens darwinien. Si l'Hommo sapiens constitue le terme de l'évolution biologique, le relais pourrait être pris par l'humanité prenant graduellement conscience de son unité par l'intermédiaire des réseaux d'information. A en croire certains auteurs, ces deux étapes devraient être replacé dans la perspective d'une expression sans cesse plus affirmée de la dimension spirituelle de l'univers. Il est étonnant de constater la facilité avec laquelle ces croyances, quelque peu New Age cohabitent avec la circulation électronique des capitaux et les délocalisations d'entreprises. La mondialisation est-elle porteuse d'utopie ? La question mérite en tout cas d'être posée.

Antoine Picon, Dictionnaire des utopies.


Dictionnaire des utopies

Les idées et les hommes qui ont voulu changer la société.

Face à ce qu’on a appelé la fin des idéologies et au millénarisme, face aux interrogations et aux inquiétudes que génère la mutation actuelle de la société, un ouvrage qui informe sur le foisonnement d’idées novatrices que recèle l’histoire.

De Âge d’or à Ville idéale, de Autogestion à Science-fiction, ce dictionnaire alphabétique présente, à travers une centaine d’articles, les principales utopies apparues au cours de l’histoire :

- les grandes œuvres des utopistes : de La République de Platon, à Utopia de Thomas More et au Meilleur des mondes de Huxley) ;

- l’utopie comme expérience vécue : des phalanstères de Fourier à la Commune de Paris et à l’école du Bauhaus ;

- les utopies architecturales, urbanistiques, scientifiques et techniques : immeubles communautaires, villes idéales, mondes virtuels…

De grands articles thématiques et synthétiques présentent par domaines de culture les différentes utopies : architecture, cinéma, éducation, musique, politique, science, voyage… 


Michèle Riot-Sarcey est professeure d'histoire contemporaine à l'Université de Paris 8. Elle a publié notamment le Réel de l'utopie (1998), l'Utopie en questions (2001). 

Thomas Bouchet est maître de conférences d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne. II est secrétaire de rédaction des Cahiers Charles Fourier. Il a récemment publié le Roi et les barricades (2000).

Antoine Picon est professeur à l'Université Harvard. Spécialiste des sciences et des techniques dans leurs relations avec la ville et l'utopie, il a notamment publié Raison, imaginaire et utopie. Les saint-simoniens et la société française



Illustration :

jeudi, janvier 05, 2012

L'indépendance d'esprit





Pour Georges Palante, l'individualisme relève avant tout d'une sensibilité : c'est un refus des illusions qui dépasse tous les clivages, un combat contre la société pour préserver son intégrité. 
L'auteur de « La sensibilité individualiste », propose une tactique pour échapper au conditionnement social, politique et religieux.

La sensibilité individualiste



Le mot individualisme peut désigner soit une doctrine sociale, soit une forme de sensibilité.


C'est dans le premier sens qu'il est pris par les économistes et les politiques. L'individualisme économique est la doctrine bien connue du non-interventionnisme, du laisser-faire, laisser-passer. L'individualisme politique est la doctrine qui réduit l'État à la seule fonction de défense à l'extérieur et de sécurité à l'intérieur ; ou encore celle qui préconise la décentralisation (régionalisme et fédéralisme), ou encore celle qui défend les minorités contre les majorités (libéralisme) et se trouve amenée par la logique à prendre en mains la cause de la plus petite minorité : l'individu.


Tout autre est l'individualisme psychologique. — Sans doute, il peut y avoir un lien entre l'individualisme doctrinal et l'individualisme sentimental. [...]


La sensibilité individualiste peut se définir négativement. Elle est le contraire de la sensibilité sociable. Elle est une volonté d'isolement et presque de misanthropie.


La sensibilité individualiste n'est pas du tout la même chose que l'égoïsme vulgaire. L'égoïste banal veut à tout prix se pousser dans le monde, il se satisfait par le plus plat arrivisme. Sensibilité grossière. Elle ne souffre nullement des contacts sociaux, des faussetés et des petitesses sociales. Au contraire, elle vit au milieu de cela comme un poisson dans l'eau.


La sensibilité individualiste suppose un vif besoin d'indépendance, de sincérité avec soi et avec autrui qui n'est qu'une forme de l'indépendance d'esprit ; un besoin de discrétion et de délicatesse qui procède d'un vif sentiment de la barrière qui sépare les moi, qui les rend incommunicables et intangibles ; elle suppose aussi souvent, du moins dans la jeunesse, cet enthousiasme pour l'honneur et l'héroïsme que Stendhal appelle espagnolisme, et cette élévation de sentiments qui attirait au même Stendhal ce reproche d'un de ses amis : «Vous tendez vos filets trop haut.» Ces besoins intimes, inévitablement froissés dès les premiers contacts avec la société, forcent cette sensibilité à se replier sur elle-même. C'est la sensibilité de Vigny : «Une sensibilité extrême, refoulée dès l'enfance par les maîtres et à l'armée par les officiers supérieurs, demeurée enfermée dans le coin le plus secret du cœur.» Cette sensibilité souffre de la pression que la société exerce sur ses membres : «La société, dit Benjamin Constant, est trop puissante, elle se reproduit sous trop de formes, elle mêle trop d'amertume à l'amour qu'elle n'a pas sanctionné...» Et ailleurs : «L'étonnement de la première jeunesse à l'aspect d'une société si factice et si travaillée annonce plutôt un cœur naturel qu'un esprit méchant. Cette société d'ailleurs n'a rien à en craindre. Elle pèse tellement sur nous ; son influence source est tellement puissante qu'elle ne tarde pas à nous façonner d'après le moule universel. [...]


Il semble qu'on doive considérer la sensibilité individualiste comme une sensibilité réactive au sens que Nietzsche donne à ce mot, c'est-à-dire qu'elle se détermine par réaction contre une réalité sociale à laquelle elle ne peut ou ne veut point se plier. Est-ce à dire que cette sensibilité n'est pas primesautière ? En aucune façon. Elle l'est, en ce sens qu'elle apporte avec elle un fond inné de besoins sentimentaux qui, refoulés par le milieu, se muent en une volonté d'isolement, en résignation hautaine, en renoncement dédaigneux, en ironie, en mépris, en pessimisme social et en misanthropie.


Cette misanthropie est d'une nature spéciale. Comme l'individualiste est né avec des instincts de sincérité, de délicatesse, d'enthousiasme, de générosité, et même de tendresse, la misanthropie où il se réfugie est susceptible de nuances, d'hésitations, de restrictions et comme de remords. Cette misanthropie, impitoyable pour les groupes, — hypocrites et lâches par définition, — fait grâce volontiers aux individus, à ceux du moins en qui l'individualiste espère trouver une exception, une «différence», comme dit Stendhal.


Hostile aux «choses sociales» (Vigny), fermé aux affections corporatives et solidaristes, l'individualiste reste accessible aux affections électives ; il est très capable d'amitié.
Le trait dominant de la sensibilité individualiste est en effet celui-ci : le sentiment de la «différence» humaine, de l'unicité des personnes, — L'individualiste aime cette «différence», non seulement en soi, mais chez autrui. Il est porté à la reconnaître, à en tenir compte et à s'y complaire. Cela suppose une intelligence fine et nuancée. Pascal a dit : «A mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes.» La sensibilité sociable ou grégaire se complaît dans la banalité des traits ; elle aime qu'on soit «comme tout le monde». La sensibilité chrétienne, humanitaire, solidariste et démocratique, voudrait effacer les distinctions entre les moi. [...] Le chrétien dit : «Faites à autrui ce que vous voudriez qu'il vous fît.» A quoi un dramaturge moraliste, B. Shaw, réplique avec esprit : «Ne faites pas à autrui ce que vous voudriez qu'il vous fît : vous n'avez peut-être pas les mêmes goûts.» [...]
La tactique de l'individualiste contre la société


La tactique de l'individualiste contre la société sera infiniment plus complexe, plus délicate, plus riche, plus nuancée et plus variée que celle, grossière et brutale, de l'anarchisme. - Chacun ici pourra se faire son plan de vie individuelle, se composer un recueil de recettes pratiques pour louvoyer avec la société, pour lui échapper dans la mesure du possible, pour passer à travers les mailles du filet dont elle l'enserre ou, si l'on préfère, pour glisser entre les embûches sociales, en ne laissant que le moins possible de laine aux ronces du chemin.


Cette tactique peut porter sur deux points :


1° œuvre d'affranchissement extérieur de l'individu vis-à-vis des relations et influences sociales où il se trouve engagé (cercles sociaux et autorités dont il dépend) ;


2° méthode d'affranchissement intérieur ou hygiène intellectuelle et morale propre à fortifier en soi les sentiments d'indépendance et d'individualisme.


Sur le premier point, on pourrait peut-être, en s'aidant des observations et des préceptes des moralistes individualistes, dresser un petit programme qui comporterait les articles suivants :


a. Réduire au minimum les relations et les assujettissements extérieurs. Pour cela, simplifier sa vie ; ne s'engager dans aucun lien, ne s'affilier à aucun groupe (ligues, partis, groupements de tout genre), capable de retrancher quelque chose à notre liberté (Précepte de Descartes). Braver courageusement le Vae soli. Cela est souvent utile ;


b. Si le manque d'indépendance économique ou la nécessité de nous défendre contre des influences plus puissantes et plus menaçantes nous contraint de nous engager dans ces liens, ne nous lier que d'une façon absolument conditionnelle et révocable et seulement dans la mesure où notre intérêt égoïste l'ordonne ;


c. Pratiquer contre les influences et les pouvoirs la tactique défensive qui peut se formuler ainsi : Divide ut liber sis (diviser pour être libre). Mettre aux prises les influences et les pouvoirs rivaux; maintenir soigneusement leurs rivalités et empêcher leur collusion toujours dangereuse pour l'individu. S'appuyer tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre, de manière à les affaiblir et les neutraliser l'un par l'autre. Amiel reconnut les heureux effets de cette tactique. " Tous les partis, dit-il, visent également à l'absolutisme, à l'omnipotence dictatoriale. Heureusement qu'ils sont plusieurs et qu'on pourra les mettre aux prises (Amiel, Journal Intime, II, p. 88.)";


d. En vertu de ce jeu de bascule, quand un pouvoir acquiert une prépondérance par trop forte, il devient, de droit, l'ennemi. A ce point de vue, l'individualisme peut admettre parfaitement l'existence de l’État, mais d'un État faible, dont l'existence est assez précaire et menacée pour qu'il soit besoin de ménager les individus ;


e. S'accommoder en apparence de toutes les lois, de tous les usages auxquels il est impossible de se dérober. Ne pas nier ouvertement le pacte social ; biaiser avec lui quand on est le plus faible. L'individualiste, d'après M. R. de Gourmont, est celui qui " nie, c'est-à-dire détruit dans la mesure de ses forces le principe d'autorité. C'est celui qui, chaque fois qu'il le peut faire sans dommage, se dérobe sans scrupule aux lois et à toutes les obligations sociales. Il nie et détruit l'autorité en ce qui le concerne personnellement; il se rend libre autant qu'un homme peut être libre dans nos sociétés compliquées (Rémy de Gourmont, Épilogue, II, p. 308.) "


Georges Palante, La sensibilité individualiste.



La sensibilité individualiste
http://kropot.free.fr/Palante-individu.htm






mercredi, janvier 04, 2012

Pauvreté & richesse



« La pauvreté, comme la richesse, est l'expression d'une société malade. »
Guy Gilbert





Guy Gilbert, le "prêtre des loubards", assène quelques vérités bien senties.


Tant que ceux qui possèdent...

Un pauvre qui ne pense qu'à être riche est aussi puant que celui qu'il jalouse. Un riche qui ne partage pas quelque chose de la pauvreté de celui qu'il veut aider restera toujours égoïste, fermé sur lui. Quand on ne donne que son superflu, tout don n'est que de la merde.

Tant que ceux qui possèdent, qui savent et qui ont le pouvoir, décideront pour ceux qui n'ont rien, ne sont rien et n'ont aucun pouvoir, les pauvres de la terre le resteront.

Les opprimés se libéreront par eux-mêmes. Leur libération ne doit partir que d'eux. Elle ne sera efficace que si elle est conduite par les exclus eux-mêmes.

Nous ne sommes, nous, que leurs alliés possibles restant à leurs côtés pour qu'ils mènent à bien leur libération. Ce que je dis est valable pour les jeunes de la rue. Comme pour les prisonniers. De multiples gestes se font au service de ces derniers. Mais je leur répète de prison en prison, en allant les visiter : « Votre dignité, c'est vous et vous seuls qui la gagnerez. Votre liberté d'homme et de femme, à l'intérieur des prisons, c'est vous et vous seuls qui la légitimerez. Nous, dehors, on est là seulement pour vous aider. La prison sera votre lieu de libération collective ou celui de votre enchaînement individuel. »

La rue et ses valeurs

Dans la rue, j'ai découvert une immense et merveilleuse humanité. Ce sont des vivants, les jeunes de la rue. Solidaires dans leur souffrance et dans leur exclusion, ils m'ont fait découvrir des valeurs incomparables de solidarité, de coude à coude.

Ils s'aident, ils ont une force de résistance et une capacité créatrice inexploitées. Ils ont une culture, une langue, un sens aigu de l'autre, un regard très perspicace et pénétrant qui les aident, dans les situations difficiles, à trouver les réponses qui les sortiront de l'ornière.

A partir du moment où on les a fichés comme délinquants, nous pensons qu'ils ne sont rien et n'ont rien à nous apprendre. Alors qu'en réalité, en vivant avec eux, on découvre qu'ils sont, à leur manière, comme des prophètes. De façon négative, mais prophètes par leur manière de nous alerter sur l'avenir de la société. Ces jeunes la défient en allant plus loin qu'elle dans la course effrénée au fric, dans le chacun pour soi. La seule différence, c'est qu'ils ne thésaurisent pas. Ils grillent tout et jouent au riche.., l'espace d'un moment, jouissant dans la minute qui vient de tous les plaisirs que donne la puissance de l'argent... en n'oubliant pas leurs copains de misère avec qui tout est partagé. Quitte, le lendemain, à se retrouver dans la rue avec pas même vingt francs en poche pour l'achat d'un casse-croûte.

Je répète partout aux gens qui me valorisent « Ce que je suis, je le leur dois. » Leurs valeurs sont passées en moi. Je pense qu'aucun peuple auquel l’Église m'aurait confié n'aurait pu m'apporter autant. Pourquoi ? Parce qu'ils sont en France les plus pauvres parmi les plus pauvres. Et qu'ils sont MA FORCE. Depuis vingt-trois ans, je ne me suis appuyé que sur eux. Ma force, je la tiens de Jésus-Christ bien sûr, mais Jésus-Christ passant PAR EUX.

Alternative à la pauvreté :
la justice et la fraternité

La pauvreté est injuste, inhumaine. La démission des parents, la pauvreté matérielle, le chômage qui ont conduit en prison de multiples fois les jeunes avec qui nous vivons, la combinaison de tout ça, c'est l'injustice absolue.

Combien de fois, en les regardant, je me prends à rêver leur naissance dans un milieu normal, chaud et confortable ! Jamais alors ils n'auraient eu ce dégoût de la vie, cette violence qui durcit leurs traits, ce comportement difficile et cette désespérance qui me vrille le cœur.

Inhumaines, ces vies de pauvres qui, à seize ans, dans de multiples centres, avec d'innombrables éducateurs, ne désirent qu'une chose : s'accrocher à quelqu'un. Ils ne rêvent que d'être, enfin, quelqu'un pour quelqu'un. Rêve jusqu'ici irréalisable. La pauvreté, comme la richesse, est l'expression d'une société malade.

Seules la justice et la fraternité sont les deux fruits d'une société humaine et juste.
Juste si chacun peut participer à la construction d'une vie sociale plus humaine.
Juste si elle offre à chacun sa chance.
Juste si notre diversité est reconnue.
Juste si on encourage tout ce qui va vers le haut.

Guy Gilbert, Avec mon aube et mes santiags.


Avec mon aube et mes santiags





Dessin :



mardi, janvier 03, 2012

Prédateurs invisibles





Le sociologue Antonin veut comprendre une terrifiante énigme qui semble habiter le cœur d'un vaste monastère lamaïste. La mort frappe des personnes jeunes qui sont en relation avec ces ermitages tantriques.

J'allai dans ma chambre, afin d'envoyer à Tchang (Ismaël) la synthèse de mes observations, avec l'aide de mon fidèle ordinateur Powerbook dont la forme évoque un grimoire.

Cependant, une étrange sensation se produisit peu à peu dans ma poitrine, alors que je dactylographiais sur mon écran les impressions de cette journée. Une sorte d'oppression commençait à envahir le thorax, comme si j'étais en proie à une sorte de « stress » excessif. De plus quelques visages étranges de couleur noire apparurent, évanescents comme des hallucinations, lorsque je fermai les yeux. J'envoyai l'ensemble des informations, avec également mes questions à Ismaël concernant cette fugitive perception onirique, et cette sensation de poitrine serrée, si inhabituelle pour moi... [...]

(La réponse d'Ismaël Tchang)

Cher Antonin,

Merci de tes pages. Je réponds ce soir à ta question concernant ces effets indirects de ta curiosité. Il s'agit probablement de l'activation du système de protection subtil de l'institution dont tu as, sans t'en apercevoir, pénétré le champ, et outrepassé les lignes de force implicites, aujourd'hui. Ce « système » est indéfinissable. Il est nulle part et peut agir partout... Mais on le représente simplement ici sous la forme d'un « imagiShark » noir et grimaçant, agitant de la main droite un couperet et, de la gauche, un bol plein de sang. Il est montré trépignant un corps humain ou deux, de son pied aux longs ongles acérés.

Il servirait, outre à soulager les disciples de leurs peurs et de leurs conflits intérieurs, à asseoir l'autorité et les priorités qui président aux destinées du culte. Quelque chose attaque les opposants potentiels à ce dernier, en infligeant toutes sortes de sensations désagréables. Cela décourage ainsi des initiatives humaines, même valables, au moment où elles vont dans un sens qui est défavorable au système tantrique. La manière dont cela se passe est bien sûr impossible à comprendre.

Le bouddhisme et le Tibet constituent des couvertures idéales, puisqu'ils sont des symboles de non-violence. Il se peut très bien qu'en filigrane du monastère il n'y ait plus aujourd'hui de ce véritable bouddhisme ancien, sinon les peintures, les conversations et le vocabulaire de la méditation... Il m'a semblé, en effet, que les émotions hostiles et la volonté obtuse de certains disciples y sont transformées. Alors sont-elles simultanément utilisées comme « matériau » d'intimidation et de domination, en étant projetées sur d'autres à l'extérieur par un réseau invisible, complexe et incompréhensible ? Ces phénomènes peuvent même circuler, apparaître, disparaître, se jouant de l'espace. Rien de très engageant, n'est-ce pas !

Heureusement l'être humain est protégé, et le mystère de la vie nous entoure. Il y a des défenses qui peuvent nous préserver des imagiShark prédateurs, lorsque c'est nous qu'ils « attaquent ». Les psychologues appelleraient cela de la psycho-neuro-immunité (Résistance à la maladie due à des facteurs d'ordre psychologique). On devrait même parler de « socio-neuro-immunité » dans le cas où des groupes de personnes sont concernés. L'expérience en retraite me suggère que le système des « imagiShark » est assez coriace ! Il faut donc doter notre propre protection d'une résistance supplémentaire... Pour cela la méthode est aussi simple que le problème est... complexe ! Te souviens-tu de la manière effroyable, mais terriblement efficace, qu'utilisèrent les Communistes chinois sur le Toit du Monde ?

Dans les années 50, ils dominèrent sans difficulté les régions du Tibet où le lamaïsme était pourtant très puissant. Cette occupation utilisa les armes à feu et les camions de troupes, la torture et les massacres d'innocents, mais surtout et progressivement la stratégie du grand nombre. Les lamaseries étaient censées protéger le Toit du Monde des envahisseurs potentiels, avec les rituels des imagiShark. Les Chinois ont limité cette religion qui leur était hostile, en détruisant ses temples. Ils ont dilué cette culture puissante, par la foule des colons de Chine. Ayant dépassé la masse critique, l'effet de nombre a été efficace. C'était la manière aussi de neutraliser les magies de certains des cultes rendus aux imagiShark. Des disciples, acculés au désastre de leur tradition, se sont évidemment déchaînés contre le terrible envahisseur, en mettant leur courroux et leur religion au service de leur liberté humaine...

Les « imagiShark » sont des reflets, semble-t-il, d'une communauté et des personnes qui y vivent. Les effets désagréables que tu ressens puisent probablement à la passion religieuse des disciples, et surtout à l'esprit de corps qui les réunit. En somme, le nombre des fidèles est un facteur de l'efficacité de ces « effets spéciaux ». Il suffit de mobiliser, si l'on est victime, un nombre d'individus supérieur à celui qui est impliqué pour les produire. Il y a en tout cent eurolamas. Tu ajouteras les cent huit retraitants actuels. Tu additionneras à ce chiffre celui des cinq cents disciples fervents à l'extérieur. Ils vénèrent ces mêmes effigies terribles, et participent donc à ce système... Il faudra t'assurer d'un nombre plus grand d'amis et de relations ! [...]

Marc Bosche, Nirvana, le réveil des oiseaux.

L'auteur précise que son livre est un thrilleur initiatique, un récit qui fait frissonner (en anglais : « to thrill ») et révèle aussi une vérité cachée.

Les « imagiShark » sont les redoutables gardiens invisibles du lamaïsme, les dharmapalas qui auraient la mission de neutraliser, voire tuer, les ennemis des lamas.

Témoignage d'Arnagala :

"A la retraite d'Orléans, Namkhai Norbu nous parla longuement des "Gardiens". Ce sont des Bouddhas censés protéger les pratiquants. Mais s'adresser à eux est, pour diverses raisons, réputé être une tache dangereuse. Les pratiques qui leur sont consacrées sont donc longues et complexes. Après plusieurs années de réflexion sur la question, j'en vins à la conclusion que ces choses-là n'étaient pas pour moi. Certes, je sens la force des rituels, et j'apprécie de m'y plonger, mais cela reste une mise en scène symbolique, plus encore en ce qui concerne les Gardiens, les esprits et les rituels "violents" ou magiques en général. Surtout, cela me touche infiniment moins que les textes Dzogchen. Je décidais donc de ne garder qu'eux et, par respect pour Namkhai Norbu, qui nous demandais de croire que ces gardiens n'étaient pas QUE des personnifications mais aussi des personnes bien réelles, je cessais d'aller à ses retraites. "



lundi, janvier 02, 2012

Techniques du bonheur





Les chômeurs auront du travail, la dette de la France sera honorée, les populations retrouveront la foi dans le capitalisme et le docteur Roger Halfon deviendra le pape du Sohaming, la religion du bonheur.

L'éditeur de l’Évangile du bonheur (Le Sohaming, éditions Ambre, écrit par Saint Roger en personne), explique que Sa Sainteté Halfon, « a toujours considéré comme essentiel le fait de rechercher les causes de notre mal-être, afin de nous permettre de nous libérer de nos chaînes de souffrance, chaînes liées au fonctionnement de notre corps, de notre mental et de notre énergie basique nommée généralement l'âme. Il se trouve que les techniques qui s'occupent de l'esprit paraissent négliger le corps, et celles qui s'en préoccupent oublient l'esprit. Faire une synthèse de ces différents éléments a conduit ainsi le docteur Halfon au Sohaming en référence au son tibétain So-ham qui désigne le lien existant entre toute forme de vie et l'infini ».

Les propagateurs de la foi So-ham, les apôtres du bonheur, maudissent l'agnosticisme de « malheur » et ses lugubres oiseaux qui prennent leurs plumes pour contredire Roger Halfon : « So-ham vient du sanskrit (सो ऽह), donc de l'Inde pas du Tibet, et signifie littéralement « Lui je suis », expression qui identifie l’âme du pratiquant (Âtman) au Brahman. »

En revanche, les heureux bénis, ceux qui ont la foi béatifique, trouveront dans la Bible de Sa Sainteté Roger Halfon le secret du bonheur d'avoir :

Exercices de l'avoir par Roger Halfon

EXERCICE N° 1

But de l'exercice : Savoir que l'on peut avoir.

Déroulement de l'exercice :

Première étape

Regardez à l'endroit où vous vous trouvez un objet que vous pourriez posséder.

Deuxième étape

Prononcez à voix haute en désignant l'objet la phrase suivante : « Je peux avoir cet objet » (nommer alors à voix haute l'objet). Recommencez 10 fois cet exercice.

EXERCICE N° 2

But de l'exercice : Renforcez la qualité à avoir par le contact.

Déroulement de l'exercice.

Première étape. Allez toucher dans l'endroit où vous vous trouvez un objet que vous pouvez avoir.

Deuxième étape :

Comme précédemment, dites à voix haute, en touchant cet objet : « Je peux l'avoir », nommez à voix haute l'objet. Cet exercice est à pratiquer 10 fois.

Source, Le Sohaming, exercices pratiques pour la santé, le bien-être et le bonheur, pages 110 et 111.


N'est-il pas merveilleux de savoir que l'on peut avoir un objet que l'on possède déjà ?





So-ham, mantra « tibétain » pour gens heureux



La photo de la vidéo est une représentation du mantra AUM ou OM (de l'hindouisme.


Le Sohaming
Exercices pratiques pour la santé, le bien-être et le bonheur




Dessin : 
Imbécile heureux.

dimanche, janvier 01, 2012

Notre avenir




Tant que l'on n'a pas bien compris la liaison de toutes choses et l'enchaînement des causes et des effets, on est accablé par l'avenir. Un rêve ou la parole d'un sorcier tuent nos espérances ; le présage est dans toutes les avenues. Idée théologique. Chacun connaît la fable de ce poète à qui il avait été prédit qu'il mourrait de la chute d'une maison ; il se mit à la belle étoile ; mais les dieux n'en voulurent point démordre, et un aigle laissa tomber une tortue sur sa tête chauve, la prenant pour une pierre. On conte aussi l'histoire d'un fils de roi qui, selon l'oracle, devait périr par un lion ; on le garda au logis avec les femmes ; mais il se fâcha contre une tapisserie qui représentait un lion, s'écorcha le poing sur un mauvais clou, et mourut de gangrène.

L'idée qui sort de ces contes, c'est la prédestination que des théologiens mirent plus tard en doctrine ; et cela s'exprime ainsi : la destinée de chacun est fixée quoi qu'il fasse. Ce qui n'est point scientifique du tout ; car ce fatalisme revient à dire : « Quelles que soient les causes, le même effet en résultera.» Or, nous savons que si la cause est autre, l'effet sera autre. Et nous détruisons ce fantôme d'un avenir inévitable par le raisonnement suivant ; supposons que je connaisse que je serai écrasé par tel mur tel jour à telle heure ; cette connaissance fera justement manquer la prédiction. C'est ainsi que nous vivons ; à chaque instant nous échappons à un malheur parce que nous le prévoyons ; ainsi ce que nous prévoyons, et très raisonnablement, n'arrive pas. Cette automobile m'écrasera si je reste au milieu de la route ; mais je n'y reste pas.

D'où vient alors cette croyance à la destinée ? De deux sources principalement. D'abord la peur nous jette souvent dans le malheur que nous attendons. Si l'on m'a prédit que je serai écrasé par une automobile, et si l'idée m'en vient au mauvais moment, c'est assez pour que je n'agisse pas comme il faudrait ; car l'idée qui m'est utile à ce moment-là, c'est l'idée que je vais me sauver, d'où l'action suit immédiatement ; au contraire, l'idée que j'y vais rester me paralyse par le même mécanisme. C'est une espèce de vertige qui a fait la fortune des sorciers.

Il faut dire aussi que nos passions et nos vices ont bien cette puissance d'aller au même but par tous chemins. On peut prédire à un joueur qu'il jouera, à un avare qu'il entassera, à un ambitieux qu'il briguera. Même sans sorcier nous nous jetons une espèce de sort à nous-mêmes, disant : « Je suis ainsi ; je n'y peux rien. » C'est encore un vertige, et qui fait aussi réussir les prédictions. Si l'on connaissait bien le changement continuel autour de nous, la variété et la floraison continuelle des petites causes, ce serait assez pour ne pas se faire un destin. Lisez Gil Blas ; c'est un livre sans gravité, où l'on apprend qu'il ne faut compter ni sur la bonne fortune ni sur la mauvaise, mais jeter du lest et se laisser porter au vent. Nos fautes périssent avant nous ; ne les gardons point en momies.

Émile Chartier, dit Alain, Propos sur le bonheur.


Avenir & « Mo » tibétain

Très éloigné des sages propos d'Alain ou de la véritable philosophie bouddhiste, le lamaïsme accorde une grande importance à la connaissance de l'avenir. La pratique de la divination est donc très répandue parmi les lamas. L'un d'eux, un lama-yogi du nom de Choekyi Wangpo, doit sa prospérité aux sectateurs du Vajrayana qui, contrairement à ce que l'on clame partout, ne trouvent pas la sérénité dans la méditation. Ils ont besoin de consulter des lamas devins pour apaiser leurs angoisses.

La Buddha Connection soutien les charlatans du Bouddha en répandant cette sorte de « bonne nouvelle » :

Le Mo est la version tibétaine de la divination. Le système du Mo est tout à fait unique et remonte au 7ème siècle. Aujourd’hui, il est seulement pratiqué par le célèbre maître de « Chöd » et guérisseur, le Vénérable Kalsang Rinpotché qui a en hérité de son père, le dernier « Chatral Pema Gyurme » et qui l’a lui-même transmise à ses fils, le Vénérable Karma Rinpotché et le Yogi Choeki Wangpo Kalsang.

Yogi Wangpo Kalsang dirige la puissante cérémonie "Chöd Tshog Richen Trenwa" pour une thérapie de groupe. La cérémonie Chöd étend la thérapie aux problèmes émanant de problèmes soit temporaires, soit résultant de la dette karmique. Chöd, signifiant « coupure », est une pratique bouddhiste tantrique qui vise à couper les liens avec l’ego. Dans le bouddhisme tantrique tibétain le Chöd est enseigné aux débutants pour l'accumulation de mérites. Il y a d’autres bienfaits qui peuvent être tirés de la pratique Chöd. Elle pourrait notamment aider l'enlèvement total d'obstacles subconscients dont la prise de conscience est une chose difficile

INITIATION DE CHOD : 25€, Journée complète : 45€

RITUEL DE LIBERATION CHÖD TSHOG RINCHEN TRENWA : Prix pour la journée : 45 €

PUJA DU FEU (POUR ACCROITRE LA FORCE DE VIE) : 25€


Divinations et entretiens personnels possibles tous les jours sur rendez-vous : Suggestion de don : 50 €
Pour obtenir une divination ou un entretien, appelez B... au 01.45...


D'après l'affiche du film La Coupe (Phörpa titre original tibétain , The Cup titre anglais) est un film australo-indien de Khyentse Norbu.



Dessin :
http://www.laliberte.ch/dessins

samedi, décembre 31, 2011

Trois philosophes





A l'attention des amateurs de livres de philosophie, Amazon communique régulièrement la liste des meilleures ventes.

Le livre de Michel Onfray, "L'ordre libertaire : La vie philosophique d'Albert Camus", figure en bonne place.

L'ordre libertaire
La vie philosophique d'Albert Camus

Albert Camus écrivait en 1953 dans ses Carnets : « Je demande une seule chose, et je la demande humblement, bien que je sache qu’elle est exorbitante : être lu avec attention. » Pour lui rendre justice, croiser sa pensée et son existence, saluer une vie philosophique exemplaire, j’ai souhaité écrire ce livre après l’avoir lu avec attention.» (M. Onfray)

Pour mettre fin à une légende fabriquée de toutes pièces par Sartre et les siens, celle d’un Camus « philosophe pour classes terminales », d’un homme de gauche tiède, d’un penseur des petits Blancs pendant la guerre d’Algérie, Michel Onfray nous invite à la rencontre d’une œuvre et d’un destin exceptionnels.

Né à Alger, Albert Camus a appris la philosophie en même temps qu’il découvrait un monde auquel il est resté fidèle toute sa vie, celui des pauvres, des humiliés, des victimes. Celui de son père, ouvrier agricole mort à la guerre, celui de sa mère, femme de ménage morte aux mots mais modèle de vertu méditerranéenne : droiture, courage, sens de l’honneur, modestie, dignité.

La vie philosophique d’Albert Camus, qui fut hédoniste, libertaire, anarchiste, anticolonialiste et viscéralement hostile à tous les totalitarismes, illustre de bout en bout cette morale solaire.


Ensuite, il y a le livre d'Alain Badiou "La République de Platon" :

La République de Platon

« Cela a duré six ans. 

Pourquoi ce travail presque maniaque à partir de Platon ? C’est que c’est de lui que nous avons prioritairement besoin aujourd’hui : il a donné l’envoi à la conviction que nous gouverner dans le monde suppose qu’un accès à l’absolu nous soit ouvert. 

Je me suis donc tourné vers La République, œuvre centrale du Maître consacrée au problème de la justice, pour en faire briller la puissance 
contemporaine. Je suis parti du texte grec sur lequel je travaillais déjà avec ardeur il y a cinquante-quatre ans. 

J’ai commencé par tenter de le comprendre, totalement, dans sa langue. Je me suis acharné, je n’ai rien laissé passer ; c’était un face-à-face entre le texte et moi. Ensuite, j’ai écrit ce que délivrait en moi de pensées et de phrases la compréhension acquise du morceau de texte grec dont j’estimais être venu à bout. Peu à peu, des procédures plus générales sont apparues : complète liberté des références ; modernisation scientifique ; modernisation des images ; survol de l’Histoire ; tenue constante d’un vrai dialogue, fortement théâtralisé. Évidemment, ma propre pensée et plus généralement le contexte philosophique contemporain se sont infiltrés dans le traitement du texte de Platon, et sans doute d’autant plus quand je n’en étais pas conscient. 

Le résultat, bien qu’il ne soit jamais un oubli du texte original, pas même de ses détails, n’est cependant presque jamais une “traduction” au sens usuel. Platon est omniprésent, sans que peut-être une seule de ses phrases soit exactement restituée. J’espère être ainsi parvenu à combiner la proximité constante avec le texte original et un éloignement radical, mais auquel le texte, tel qu’il peut fonctionner aujourd’hui, confère généreusement sa légitimité. 

C’est cela, après tout, l’éternité d’un texte. »

Alain Badiou


Jean-Paul Sartre est toujours apprécié des lecteurs :


L'existentialisme est un humanisme

Avec son Être et le néant, Jean-Paul Sartre ne se doutait sans doute pas du raz de marée qu il allait générer : la philosophie devient soudainement très populaire à Paris et tout le monde ne parle plus que d'existentialisme. Les critiques fusent contre son livre, de la part des communistes lui reprochant de ne pas être assez matérialiste et des Chrétiens de trop s'y adonner. 

Un peu déboussolé, Sartre décide de tenir une conférence pour remettre les choses au point. Il a surtout peur de voir les communistes le repousser, lui qui a, pendant la guerre, été interné dans un stalag où il découvrit la solidarité : soudain, le philosophe misanthrope se découvrit humaniste et désireux de se rapprocher des communistes. 

Dans L'existentialisme est un humanisme, on assiste donc à la greffe de l'existentialisme, philosophie solitaire de l'engagement de l'homme avec l'humanisme, un humanisme kantien à dominante universelle. Pour Sartre, Dieu n'existe pas, l'homme arrive sur Terre vide de toute dimension quelconque. Il doit donc s' inventer et exister. Seul l'engagement lui donne la possibilité de prendre conscience de lui ; mais les autres sont indispensables à cela car leur regard le crée : nous dépendons de la vision que les autres ont de nous : sans elle, nous nous ignorons. Il faut donc s'engager et peser chacune de nos actions en les interrogeant d'un point de vue universel : que penserions-nous de quelqu’un agissant comme nous ? 

La philosophie existentialiste tient du courage et du dévoilement de l'être. Il s'agit de se réaliser chaque jour comme si hier ne comptait pas. La psychanalyse n'a aucune place dans la réflexion de Sartre : l'homme a une totale liberté d'être, de s'élever ou de chuter et qu'importe son milieu ou ses origines. 



Cette conférence est admirable car Sartre se fait pédagogue (elle fut prononcée devant un public entré librement et donc pas nécessairement au fait des questions philosophiques) : il évoque des réflexions passionnantes avec une facilité déconcertante. Néanmoins, on pourra reprocher, du fait de la brièveté de son propos, des développements trop rapides sur des points importants comme celui concernant la solidarité entre les Hommes dont le lien avec l' existentialisme paraît discutable. De plus, la philosophie existentialiste est fondamentalement athée et anti-déterministe, ce qui prête tout de même à discussion : si l'on n'admet pas ces présupposés (à savoir que Dieu n'existe pas et que l'Homme a tout potentiel pour s'inventer librement), il sera difficile pour le lecteur d'adhérer aux développements de Sartre.




vendredi, décembre 30, 2011

2012, le temps de l'aventure



Calendrier maya ou pas, durant l'année 2012 il y aura des changements. La crise économique donnera-t-elle un nouvel allant à la "dictature rampante" ou, d'après le politiquement  correct, au déficit démocratique du Conseil de l'Union européenne ? Cette institution bureaucratique et technocratique, qui gouverne l'Europe sans réelle légitimité démocratique, se transformera-t-elle en véritable dictature en 2012 ? Quoi qu'il en soit, il est encore temps de vivre autrement, de partir à l'aventure...

L'aventure ! ce qui va arriver, c'est-à-dire, nous l'espérons bien, ce qui va troubler notre situation, déranger notre quiétude. Mot explosif, chargé de toute une dynamite d'imprévu, d'insolite, d'inquiétant, voire d'un périlleux qui fait agréablement frissonner. Mais aussi, certitude d'une nouveauté et peut-être d'un renouveau. Le hasard, surtout dangereux, remettant en cause notre état présent, transforme notre destin, nous offre l'occasion de faire notre mue. A nous de la saisir.

Aussi l'aventure, bien que riche en fatigues, en souffrances, en risques, est toujours tentante. Ceci pour deux raisons :

1. Elle nous divertit, en faisant craquer le cercle de nos habitudes. Après l'aventure, nous avons des chances de vivre dans des conditions tout autres que précédemment. Pendant l'aventure, nous sommes affranchis de nos soucis routiniers, nous vivons à un rythme exaltant; l'ennui, le chagrin, la peur du lendemain s'estompent. Nous avons, en vivant l'aventure, un sentiment de libération : du fait que nos habitudes, notre mode de vie sont bouleversés, nous sentons se relâcher nos liens avec le passé et les contraintes sociales, légales. Nous devenons disponibles, prêts à une existence vierge, — impression enivrante qui nous donne l'illusion que nous ne pesons plus sur terre de notre poids d'homme. Mirage, sans doute, dans la plupart des cas. Seules les grandes aventures, celles qui mettent la vie en jeu, guerre, complot, révolution libèrent intégralement ceux qui les vivent. Dans Prélude à Verdun, Jules Romains analyse la mentalité des combattants, voués à une mort presque certaine. S'ils acceptent, constate-t-il, un destin cruel, immérité, c'est par orgueil, certes, afin de ne pas se diminuer aux yeux des autres; surtout, ils ont l'impression réconfortante, tonique, de rompre avec l'être qu'ils furent, d'échapper au réseau d'obligations que la famille, la morale, la loi, les convenances, les sentiments ont tissé autour d'eux.

2. Confrontés à un état de choses inattendu, nous sommes obligés de faire un effort sur nous-mêmes, pour nous adapter à des circonstances inconnues. Si banale soit-elle — simple incident de voyage — l'aventure nous contraint à nous dépasser, en montrant présence d'esprit, souplesse, parfois courage et endurance. Bref ce qu'il y a de meilleur en nous est sollicité, mis à profit. Une fois le cap franchi, nous risquons d'être meilleurs : peut-être avons-nous été débarrassés de préventions, de craintes futiles. Nos vertus, mises à l'épreuve, se seront épanouies. Les caprices du sort ont pu nous ménager de bénéfiques contacts. En un mot l'aventure est enrichissante. Nous faisons peau neuve et notre nouvelle enveloppe est de matière plus rare. […]

L'amour de l'aventure a des interférences avec le sens exotique, le désir d'évasion, le goût des voyages, le sentiment héroïque, et c'est normal. Au départ de l'aventure, quelle qu'elle soit, il y a toujours un besoin de changement. «Le pirate, écrit Gilbert Lapouge, est un homme qui n'est pas content. L'espace que lui allouent la société ou les dieux lui paraît étroit, nauséabond, inconfortable. Il s'en accommode quelques brèves années et puis il dit « pouce », il refuse de jouer le jeu. Il fait son baluchon... » Tous les aventuriers ne sont pas des pirates, mais ils veulent changer d'horizon. Le mouvement leur est imposé : déplacement corporel en général; quelquefois divagation de l'esprit, errance dans le monde du rêve ou des chimères. Certes les sages résistent à cette quadruple tentation ils s'accommodent de leur sort, ils démystifient l'héroïsme, ils vivent en plein accord avec eux-mêmes, ils restent en place. Diogène dans son tonneau, Montaigne en sa librairie, Pascal dans sa chambre, La Fontaine dans ses parcs... L'immobilité, c'est le remède efficace contre le désir de tenter l'aventure, d'aller « ailleurs », afin de connaître une existence plus comblée, de cueillir l'immortalité de la gloire. Certes, tous ceux qui ne sont pas des sages, et qui s'agitent, ne sont pas des aventuriers. Il s'en faut de beaucoup. La plupart restent cramponnés à leur bureau, à leur pré, à leur usine, à leur école, se contentant de grommeler et de rêver à l'aventure. Seule une mobilisation générale ou un cataclysme, leur forçant la main, les pousse à partir. L'aventurier authentique, non mobilisé, est un homme qui se meut librement : on ne court pas l'aventure sur place. Un environnement habituel, une façon de vivre monotone, des visages trop connus érodent les passions primaires, seul levain de l'esprit d'aventure.

Roger Mathé, L'aventure d'Hérodote à Malraux.




Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...