vendredi, janvier 20, 2012

Une cartographie de la misère






La logique impériale libérale.

Deux siècles après la Révolution française, en guise de singulier bicentenaire, le Mur de Berlin s'effondre, sapé de part et d'autre par l'Ouest et l'Est. Le Pape y compte pour rien, les dirigeants occidentaux non plus, encore moins les intellectuels européens, car l'impulsion ne vint pas de l'extérieur, mais de l'intérieur. Il n'y eut pas explosion du système soviétique, mais implosion d'une machine viciée par ses mécanismes internes. Faussement révolutionnaire, socialiste et communiste, vraiment totalitaire et bureaucratique, l'Union soviétique avec son Empire s'écroule faute d'avoir été dialectique, c'est-à-dire à l'écoute plastique des leçons données par l'Histoire.

Cette date compte à égalité avec celles qui marquent la chute des pouvoirs policiers, militaires et fascistes du XXe siècle. Au nom du peuple et des idées de gauche, ce régime fut semblable en de trop nombreux points aux dictatures militaires nazies et mussoliniennes pendant plus de soixante-dix ans. Après tant d'années au pouvoir, que restait-il ? Rien... Un pays en déshérence, perclus de misères généralisées, profondément traumatisé, marqué pour de longues générations, saigné à blanc. Aucune production littéraire, philosophique, culturelle, artistique, scientifique digne de ce nom une catastrophe intégrale.

L'adversaire libéral gagne sans même avoir mené le combat. Bilan de cette guerre froide ? Un vainqueur décidé à remplacer la misère soviétique par la misère libérale. Disparition des camps, certes, ouverture du marché, bien sûr, mais aussi, et surtout, généralisation de la prostitution, règne sans partage de l'argent sale, des pouvoirs de la mafia, apparition de la faim, clochardisation massive, réduction de la consommation aux seules élites générées par le marché, logiques consuméristes, trafics internationaux de matières fissiles, guerres ethniques, terrorisme brutalement réprimé, recyclage au pouvoir de spécialistes en services secrets, questions militaires et autres spécialités policières. Marx passait pour une peste planétaire, Tocqueville devint le choléra généralisé.

Le libéralisme semble l'horizon indépassable de notre époque. Et, comme jadis à l'époque florissante des succès soviétiques, il dispose d'intellectuels, de chiens de garde appointés et d'idiots utiles. On ne compte plus, parmi les penseurs dits médiatiques, les soutiens à l'Amérique, même quand elle viole le droit international, bafoue le droit de la guerre, ignore le droit des gens, méprise les conventions juridiques planétaires, inonde le monde d'exactions passibles de haute cour de justice, soutient des régimes condamnés par les associations des Droits de l'Homme.

Outre-Atlantique, d'aucuns en viennent même à déclarer la fin de l'Histoire ! Rien moins... Avec le triomphe planétaire du libéralisme américain, quel besoin d'imaginer un après ? Le monde devenu Un, plus aucune alternative politique crédible ne vient désormais demander des comptes au triomphateur. Quand la réalisation de l'Histoire arrête l'Histoire, reste à contempler le vainqueur, lui élever des temples, célébrer sa gloire et, collaborer.

Et puis, et puis... Vint le 11 septembre comme preuve que l'Histoire continue. A la manière d'une réponse de Diogène à Zénon — marcher pour démontrer l'inanité de la thèse niant l'existence du mouvement —, la destruction d'un symbole — le Centre du Monde des Affaires — atteste la suite. Et quelle suite ! On n'allait pas tarder à comprendre de quelle manière l'Histoire continue avec le dessin aux contours nets du nouvel adversaire de l'Occident libéral : l'Islam politique qui, à sa manière, fédère les victimes de l'arrogance du marché occidental. Avec pareil ennemi qui dispose de Dieu dans sa besace et croit que toute mort au combat ouvre illico les portes d'un Paradis sucré, mielleux et définitif, le combat promet d'être rude.

L'Europe a choisi son camp depuis bien longtemps. La gauche socialiste et gouvernementale a idéologiquement rallié les troupes du vainqueur libéral, en jouant d'arrogance pour masquer sa collaboration de fait par une résistance verbale sur le mode de la posture de principe. La droite n'a aucun mal à célébrer son territoire naturel. La démocratie a fait long feu. On ne trouve plus, en France et en Europe, qu'une oligarchie au sens premier du terme : le pouvoir d'une minorité qui, droite et gauche confondues, communie dans les mêmes dogmes du marché libre et de l'excellence libérale. Ainsi, l'Europe actuelle représente un maillon utile dans la chaîne d'un gouvernement planétaire à venir.

En France, les ralliements ne se comptent plus : un bottin (mondain) d'anciens maoïstes, trotskistes, situationnistes, althussériens, marxistes-léninistes, et autres activistes de Mai 68 ne suffit pas pour enregistrer les reniements, les passages à l'ennemi et les mises au service du libéralisme dans ses secteurs les plus stratégiques — affaires, journalisme, médias, édition, politique évidemment, banque, etc. Chacun connaît les noms et les carrières, tout le monde sait les trajets et la suffisance, l'arrogance de cette poignée qui donne des leçons aujourd'hui avec l'aplomb inchangé de leurs trente ans. La différence? Ils vantent aujourd'hui ce qu'ils moquaient jadis dans la bouche de leurs géniteurs !

Or il existe encore et toujours une gauche qui n'a pas trahi et reste fidèle aux idéaux d'avant l'exercice du pouvoir. Elle croit encore que les idées défendues par les socialistes avant le 10 mai 1981 demeurent d'actualité, au même titre que celles de Jaurès, Guesde, Allemane ou Louise Michel. Certes, il faudrait les reformuler, les repréciser, les passer au crible de la postmodernité, mais pour les rendre plus actives, mieux opérantes, et non pour leur enlever leur substance. La souveraineté populaire, la défense des miséreux et des sans-grades, le souci du bien public, l'aspiration à la justice sociale, la protection des minorités, restent des idéaux défendables.

A l'évidence, cette gauche qui reste de gauche n'a pas été dite par ses adversaires gauche de gauche, mais gauche de la gauche, ou, disons-le autrement, gauchiste. On s'en doute, le glissement sémantique est organisé par les libéraux soucieux de décrédibiliser cette pensée et de la renvoyer aux utopies de cerveaux immatures et irresponsables. Ceux-là pensent à droite, défendent des idées de droite — la loi du marché comme horizon indépassable —, vivent à droite, fréquentent le monde de droite et parlent à gauche, avec un vocabulaire permettant à leur reniement de ne pas (leur) paraître trop radical : ils ne peuvent avoir changé tant que cela, la preuve, ils votent encore à gauche ! Certes, mais quelle gauche... Dans les boutiques de ces gens-là, quiconque parle du Peuple devient Populiste et en appeler à la Démocratie définit désormais le Démagogue.

Quand dira-t-on que ces reniements, ce passage de la gauche gouvernementale à l'ennemi libéral, cette oligarchie qui dispose de la visibilité médiatique terrorise intellectuellement tout défenseur d'une réelle idée de gauche, cet abandon de souveraineté suivie d'une mise à disposition d'une autorité tierce — États-Unis ou Europe —, ce refus des élites aux commandes de bon nombre de valeurs cardinales héritées de 1789 — la Nation, l’État, la République, la France, comme autant de logos vichystes, pétainistes, fascistes, etc. —, quand dira-t-on que ces renoncements créent un désespoir national, puis fondent et légitiment le vote d'extrême droite depuis un quart de siècle?

Misère sale contre misère propre.

Les intellectuels français méprisent Billancourt. Billancourt, c'est-à-dire? Pas seulement la classe ouvrière qui n'existe plus comme jadis. Celle de Simone Weil écrivant La condition ouvrière, celle de Sartre lui consacrant des pages denses de la Critique de la raison dialectique, celle de Camus signant les chroniques d'Actuelles. Mais cette nouvelle version des misérables analysée, montrée, décortiquée par Pierre Bourdieu et les siens dans La misère du monde. Secrétaires et gardiens d'immeuble, agriculteurs et chômeurs, petits commerçants et enseignants en ZEP, banlieusards et immigrés, mères célibataires et travailleurs précaires, videurs de boîte et intermittents du spectacle, ouvriers métallos licenciés et fin de droit à la rue, îlotiers en uniforme et intérimaires, tous ces oubliés de la politique politicienne toutes ces victimes de la violence libérale, tous ces laissés-pour-compte de la société consumériste.

Faut-il que Bourdieu découvre le pot aux roses en montrant cette misère-là, qu'on fasse tout de suite de cet homme qui donne la parole à ces oubliés un bouc émissaire contre lequel se déchaînent la quasi-totalité des journalistes, copains comme cochon avec la presque entièreté des intellectuels qui ont traîné son nom, son travail, son honneur, ses méthodes, sa carrière, sa réputation dans la boue. Et ce jusques et y compris dans les heures suivant sa mort. J'ai épinglé ces pages immondes et dit ce que j'en pensais dans un Tombeau pour Pierre Bourdieu intitulé Célébration du génie colérique.

Haro sur celui qui tend le miroir ! On n'en veut pas aux responsables de l'état de fait, aux coupables de cette misère généralisée. Mieux : on les épargne, on évite de les citer et de les désigner. Puis l'on crie sur celui qui effectue son travail d'intellectuel, de philosophe, de penseur engagé, de sociologue et raconte le malaise, lui donne une identité, le met en formule, en appelle aux témoignages de ces victimes sans visages et sans nom. Malheur à celui qui ne collabore pas et résiste : on lâche contre lui les chiens qui ne reculent devant aucun moyen pour discréditer, falsifier, mentir — comme aux plus belles heures du magistère de Jean Kanapa.

Laissons donc de côté les manants qui puent, vendent de pitoyables journaux ou qu'on enjambe dans la rue, en sortant de chez soi, pour prendre l'avion de Téhéran, Kigali, Sarajevo, Alger, Bagdad ou Grozny, ces empyrées de la misère propre où, entre deux hôtels de luxe, on effectue un reportage qui permet, quelque trois jours plus tard, de donner des leçons d'humanisme, de droit de l'homme, de politique étrangère dans les colonnes de journaux qui ouvrent leurs pages comme d'autres leurs cuisses, par habitude professionnelle. Billancourt? Trop peuple, trop trivial, trop provincial...

Avec la misère lointaine, cosmopolite, mondiale et planétaire, quand elle permet la mise en scène de soi sur le mode malrucien, alors on peut lui donner sa personne, son talent et son énergie : on en récolte les bénéfices sonnants et trébuchants après constitution de soi en valeur monnayable sur le marché de l'édition, de la publication, de l'intelligence mondaine, spectaculaire et médiatique. Marx prévenait pourtant les béjaunes que l'histoire se rejoue toujours selon une impitoyable loi : la tragédie se reformule plus tard, certes, mais sur le mode comique... N'est pas René Char ou Georges Orwell qui veut !

Dans Politique du rebelle, j'ai décrit ce nouvel enfer en réactivant les bolges de La divine comédie : privés d'activités et corps improductifs : les vieux, les fous, les malades, les délinquants ; forces improductives : immigrés, clandestins, réfugiés politiques, chômeurs, Rmistes, intérimaires ; forces exploitées du corps social : nomades et privées de sûreté : contractuels, apprentis ; ou sédentaires et privées de liberté : adolescents, salariés, prostitués, prolétaires, précaires. Des millions de personnes exclues du corps social, éjectées de la logique dite démocratique.

Jamais représentées, nulle part évoquées, sans cesse écartées, invisibles dans les mondes de la culture, de la politique, de la littérature, de la télévision, des médias, de la publicité, du cinéma, des reportages, de l'université, de l'édition, interdites de visibilité, ces preuves par le déchet que le système fonctionne bien et à plein régime, les oligarques ne veulent pas le rappel de leur existence. Tout retour de ce refoulé les met en rage, et ils s'autorisent tout pour l'anéantir, l'empêcher et le décomposer. Y compris, bien sûr, en recourant à des solutions radicalement immorales.

La négation de cette partie souffrante de la population, le braquage des projecteurs sur les misères planétaires propres, la rupture du lien entre l'intellectuel et la société, le déni de la misère sale, la décomposition de la gauche gouvernementale, le produit frelaté d'une tendance libérale libertaire — dont on voit bien le libéralisme, mais dont la partie libertaire demeure franchement cachée... —, tout cela crée soit de l'abstentionnisme politique lors des consultations électorales, soit un vote refuge dans le protestataire pur, soit encore un engrossement de la nébuleuse d'extrême droite. Le déni de la misère sale produit un retour du refoulé nihiliste.

Michel Onfray, La puissance d'exister.


La puissance d'exister





Dessin :

jeudi, janvier 19, 2012

Louise Michel






« Maintenant que nous savons que les riches sont des larrons, si notre père, notre mère n'en peuvent purger la terre, nous quand nous aurons grandi, nous en ferons du hachis. »

Louise Michel


Quand les victimes du capitalisme, comme les nouvelles chômeuses et ex ouvrières de l'usine Lejaby d'Yssingeaux, auront une forte attirance pour les idées radicales de Louise Michel, les larrons de la foire mondialiste trembleront.

Idées que ne renieraient pas les bodhisattvas bouddhistes. Un bodhisattva fait le vœu de sauver tous les êtres et, selon les textes, n'hésite pas à éliminer un criminel qui projette d'attenter à la vie de plusieurs personnes. Or le monde est à la merci de criminels. « Les spéculateurs qui ont ruiné les économies occidentales par appât du gain et avidité folle devraient être traduits devant un tribunal de Nuremberg pour crime contre l'humanité », estime Jean Ziegler.


"Buter le patron voyou"

« Louise (Yolande Moreau) est employée dans une usine de textiles de la région de Picardie, dont le patron vide les locaux en une nuit, pour la délocaliser. Les manutentionnaires l’apprendront le lendemain, au moment de regagner leur poste, vêtues de leur nouvelle blouse offerte la veille par le dirigeant ! Michel (Bouli Lanners) est le plus improbable des tueurs à gages que vient trouver Louise, afin qu’il accepte un contrat rétribué avec la prime de licenciement des ouvrières bafouées : « buter le patron voyou » ! Voilà le tandem engagé dans une équipée improbable, des arrière-cours picardes jusqu’à l’île de Jersey en passant par la Belgique. » ARTE

Louise-Michel




Carnet de police française de 1894 où figurent des personnes recherchées aux frontières. Parmi elles, le célèbre géographe Élisée Reclus et la « vierge rouge » Louise Michel.  


mercredi, janvier 18, 2012

Que sait-on scientifiquement du déluge et de l'arche de Noé ?





Avant d'être relaté dans la Bible, l'épisode du déluge et de l'arche de Noé constituait un mythe mésopotamien. La Mésopotamie, région de l'Asie occidentale, située entre le Tigre et l'Euphrate, a été, entre le VIe et le Ier millénaire avant Jésus Christ, l'un des plus brillants foyers de civilisation. Or, dans les textes mésopotamiens qui racontent "l'histoire du monde", le Déluge est un événement majeur, sans commune mesure avec les inondations, dont plusieurs sont également répertoriées. Ainsi, dans L'Épopée de Gilgamesh, récit datant des XVIIIe et XVIIe siècles avant J. C., qui relate la quête de l'immortalité par ce roi légendaire, la construction de l'arche est décrite en détail. En réalité, la Bible ne fera plus tard que résumer ce texte. En effet, c'est dans le chapitre IV de la Genèse, un des plus anciens livres de l'Ancien Testament, vraisemblablement écrit aux alentours du Xe siècle avant J. C., qu'il est question du Déluge et de l'arche de Noé.

Il est bien sûr difficile de faire la part de ce qui est historique et de ce qui est mythique, en l'absence en particulier de preuves archéologiques. Mais je pense que les mythes du Déluge, dont on trouve également des traces dans d'autres civilisations, comme, par exemple, celle des Indiens des plaines nord-américaines, correspondent au souvenir lointain de la terrible catastrophe qui s'est produite dans toutes les zones côtières de la Terre lors de la fin de la dernière glaciation.

En effet, le réchauffement climatique de l'holocène, épisode commencé il y a 15 000 ans, a entraîné une augmentation de plus de 100 mètres du niveau de tous les océans. Dans le golfe Persique, par exemple, le niveau maximal des eaux, atteint il y a 6 000 ans, était de deux à trois mètres supérieur à ce qu'il est actuellement. Je pense, même si on n'en possède malheureusement pas la preuve scientifique, que la tradition orale a gardé la mémoire de ces événements jusqu'à l'arrivée de l'écriture chez les Mésopotamiens : les inondations du golfe Persique ou de la mer Noire, qui se sont produites lors de cette montée des eaux, correspondraient aux descriptions du déluge. Quant à Noé, il s'agissait certainement d'un chef au comportement héroïque, dont la légende ensuite a été amplifiée par les conteurs d'histoires. On peut également penser que, devant l'ampleur de la catastrophe écologique due à la montée des eaux, certains aient cherché à protéger des animaux, de ferme certainement, au travers d'embarcations comme celle de l'arche de Noé décrite par la Bible.

Albert TARANTOLA, géophysicien, professeur à l'Institut de physique du Globe, Paris. 

mardi, janvier 17, 2012

La franc-maçonnerie & la Commune



Comme le frère et anarchiste Élisée Reclus, ami d'Alexandra David-Néel, de nombreux francs-maçons participèrent à la commune de Paris. Par leurs médiations, les francs-maçons tentèrent d'éviter l'issue sanglante. Le 29 avril 1871, ils partent de la cour du Louvre pour planter leurs bannières sur les remparts. Dans le cas où les bannières seraient trouées par les balles des Versaillais, ils promettent de les « venger » (Tardi représente l'évènement dans « Le cri du peuple », dessins au début et à la fin du post).



La Commune de Paris


Bien que, parmi les dirigeants de la Commune, la majorité ait été jacobine et blanquiste, l'influence des jurassiens, des proudhoniens (Vallès, Courbet), de Bakounine (Varlin, Malon) a contribué à diffuser dans les actes de la Commune des théories spécifiquement anarchistes (la destruction de l'État, les communes fédérées, l'élection des officiers et des fonctionnaires, l'union libre). À la Commune de Paris se joignirent les Communes de Saint-Étienne, de Limoges, de Narbonne, de Marseille, de Toulouse. Vite écrasées par la répression, ces Communes libres n'esquissèrent qu'en un bref moment la théorie du dépérissement de l'État. Vite rétabli dans toute sa sévérité et animé d'un esprit de vengeance, l'État fit à Paris vingt mille victimes. Sept mille cinq cents Communards furent déportés en Nouvelle-Calédonie, quatre cent dix au bagne de Cayenne, trois cent vingt-deux en Algérie.


Longtemps occulté par la IIIe République, le souvenir de la Commune de Paris a été récupéré par les partis socialiste et communiste, qui ont prétendument affirmé être ses héritiers.

Or, en 1871, le Parti socialiste ne formait qu'un quart des membres dirigeants de la Commune, qui ne comprenait qu'un seul marxiste, Frankel.

Karl Marx avait délégué Élisabeth Dimitrieff comme représentante de l'Internationale auprès de la Commune.

Au lendemain de la Commune, le mouvement ouvrier français fut pratiquement annihilé. F. Pelloutier, dans son Histoire des bourses du travail (1921) écrivait: « La section française de l'Internationale dissoute, les révolutionnaires fusillés, envoyés au bagne ou condamnés à l'exil; les clubs dispersés, les réunions interdites; la terreur confinant au plus profond des logis les rares hommes échappés au massacre : telle était la situation du prolétariat au lendemain de la Commune. »


Michel Ragon 




La Franc-maçonnerie 

La franc-maçonnerie est l'ordre ésotérique des anciens maçons de temples et de cathédrales. Aujourd'hui simple société philosophique (depuis le XVIII siècle), voire à tendance politique (le « Grand Orient », l'une des branches de la franc-maçonnerie, influença la Révolution française), l'ordre avait vraiment conféré l'initiation, encore au Moyen Age, quand il était ouvrier.

Groupés en société secrète, les francs-maçons ne se reconnaissaient d'autre aristocratie que la leur, fondée sur une science corporative à base de mathématique pythagoricienne (arithmétique et géométrie) et sur l'adhésion collective. L'ordre se hiérarchisait comme les autres corporations en trois grades apprentis, compagnons et maîtres. Au sommet, l'architecte ou maître d’œuvre. Des grades à dénominations hermétiques furent ajoutés en cours d'histoire, mais leur valeur n'était qu'honorifique. Une « loge » ne dépend que de son « vénérable maître », élu pour un temps.

En Europe, la franc-maçonnerie paraît d'origine étrusque : elle remonterait au roi Numa (715) qui la légalisa en tout cas. On la décèle en Italie au VIIIe siècle de notre ère ; de là, elle aurait touché l'Allemagne, puis l'Angleterre, au fur et à mesure que se diffusait l'art roman. On y décèle toutefois aussi une influence nordique celle des architectes de la mer, constructeurs de carènes, les Scandinaves, particulièrement nette dans le gothique. Les églises sont alors en forme de carène renversée. De plus, les ouvriers utilisent les runes, à la fois comme symboles ésotérique (avec les nombres) et comme marques de métier tracées dans la pierre et le bois.

Après le déclin de la franc-maçonnerie dite opérative (celle des ouvriers), l'ordre renaîtra en Grande-Bretagne, mais sous une forme philosophique. Il deviendra peu à peu en Europe une « chevalerie » de la bourgeoisie, au fur et à mesure que la noblesse s'effacera. En France, le Grand Orient date de 1772. De Grande-Bretagne proviendra aussi la tendance la plus mystique de la franc-maçonnerie — le Rite Écossais (vers 1800) — par réaction contre le Grand Orient qui s'était entre-temps identifié avec les thèses athéistes de l'Encyclopédie. Le symbolisme de la franc-maçonnerie s'appuyant trop exclusivement sur la tradition juive, autre excès ou divergence par rapport à la primitive franc-maçonnerie ouvrière, Cagliostro y introduisit à Lyon une influence égyptienne par le Rite de Memphis-Misraïm.

Dès le XIVe siècle, par suite déjà d'une politisation souterraine, la franc-maçonnerie ouvrière était entrée en décadence, mourant ensuite de sa belle mort. Avant la fin du gothique, elle connut son ère des « tours inachevées » (Raoul Vergès). Un ange noir dialecticien a éteint le génie des maçons de cathédrales ! Celle de Strasbourg n'aura qu'une tour... La cité avait été, pourtant, le haut lieu de la franc-maçonnerie allemande, grâce à l'extraordinaire personnalité du maître d’œuvre Erwin de Steinbach. La Maison Notre-Dame, l'ancienne loge maçonnique, voisine de la cathédrale, conserve encore des plans de sa main. 


Jean-Louis Bernard 

 




dimanche, janvier 15, 2012

Une fillette apprentie prédicatrice





Elles sont trois à déambuler dans le village limousin. La plus jeune est une gamine, elle rêve de devenir prédicatrice de Jéhovah. En accompagnant deux femmes expertes dans le porte-à-porte biblique, la fillette apprend l'art et la manière d'apporter la bonne nouvelle, la Tour de garde à la main.

Jéhovah, le dieu jaloux, colérique et franchement tyrannique de l'Ancien Testament, est au centre de la vie d'une jeune apprentie prédicatrice âgée de 12 ans seulement. Intrigué, quelques jours plus tard, j'infiltre les Témoins de Jéhovah, une secte connue par l'infatigable prosélytisme des personnes qui espèrent rejoindre les 144 000 élus qui échapperont à l'apocalypse. Ces élus vivront éternellement sur la terre transformée en paradis. Dans le royaume terrestre de Jéhovah, les animaux prédateurs, devenus végétariens, sont doux comme des agneaux et « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil


Pour trouver le salut, vivre éternellement et caresser les tigres, il faut suivre à la lettre les préceptes bibliques de la Watch Tower, maison mère de Brooklyn (USA), qui inonde le monde de brochures, livres et imprimés.

L'existence d'un jéhoviste est conditionnée par la Bible et l'obéissance absolue à Jéhovah. Entre les mains de manipulateurs, la Bible est l'instrument infernal de la domination sectaire. Composée de 66 livres et de plus de 600 000 mots (la version anglaise de King James comporte 783 137 mots), la Bible développe tous les arguments imaginables de la soumission religieuse. Les préceptes, sentences, paraboles, commandements attribués à Dieu sont tellement nombreux que les Témoins de Jéhovah y trouvent suffisamment d'éléments pour développer leur vision théocratique du monde. Pourtant, cette lecture obsessionnelle de la Bible n'est-elle pas déconseillée par la Bible elle-même qui déclare : « la lettre tue, l'Esprit vivifie » (2 Co 3:6) ?

Les Témoins de Jéhovah diabolisent ce qui n'est pas propre à la secte, pratiquent la quarantaine du conjoint qui refuse d'adhérer, et l'éducation des enfants est fondée sur un grand nombre d'interdits.

Les Témoins de Jéhovah ont annoncé la fin des temps à plusieurs reprises : 1874, 1914, 1925, 1975. Les anciens documents concernant ces dates sont dissimulés par la secte. Toutefois, ils sont consultables sur ce site :

Les jéhovistes sont convaincus qu'ils vivent les deniers jours. Ils disent : « Vous êtes-vous déjà demandé, en regardant les informations à la télévision : « Où va le monde ? » Des catastrophes surviennent de manière si soudaine et inattendue qu'aucun humain ne peut prédire ce que demain apportera. […] D'après l'U.S. Geological Survey, rien que depuis 1990, chaque année 17 tremblements de terre en moyenne ont été assez puissants pour endommager des bâtiments et fissurer le sol. […] Malgré les progrès de la médecine, des maladies anciennes et nouvelles affligent l'humanité... » Pour les Témoins de Jéhovah, les guerres, les disettes, les épidémies, la criminalité, l'immoralité et Satan tourmentent l'humanité des derniers jours.

Vêtus de leurs plus beaux atours, ils se réunissent régulièrement pour exorciser le diable et leurs angoisses dans les nombreuses salles du Royaume. Les bâtiments sont généralement construits ou rénovés à peu de frais grâce au travail bénévole. De plus, les Témoins de Jéhovah ont multiplié les recours devant les tribunaux administratifs pour faire reconnaître leur qualité d'association cultuelle qui leur confère de substantiels avantages et notamment le dégrèvement de la taxe foncière pour le millier de salles dont ils disposent en France.



samedi, janvier 14, 2012

La philosophie



Les oligarchies manipulent l'opinion et façonnent les consentements. Sans une véritable culture politique et philosophique, le droit de vote n'est qu'une parodie de citoyenneté.

Second manifeste pour la philosophie

Écrire un Manifeste, même pour quelque chose dont la prétention intemporelle est aussi puissante que celle de la philosophie, c'est déclarer que le moment est venu de faire une déclaration. Un Manifeste contient toujours un « il est temps de dire... » qui fait que, entre son propos et son moment, on ne saurait distinguer. Qu'est-ce qui m'autorise à juger qu'un Manifeste pour la philosophie est à l'ordre du jour, et, qui plus est, un second Manifeste ? Dans quel temps de la pensée vivons-nous ?

Il faut accorder sans hésitation à mon ami Frédéric Worms qu'il y a eu en France, entre les années soixante et les années quatre-vingts — des derniers grands travaux de Sartre aux œuvres capitales d'Althusser, Deleuze, Derrida, Foucault, Lacan, Lacoue-Labarthe ou Lyotard, pour ne citer que les morts —, un fort « moment » philosophique. La preuve de ce point « par l'exemple négatif », comme disent les Chinois, est l'acharnement mis par la coalition de quelques vedettes médiatiques et de sorbonnards en goguette à nier qu'il se soit passé, dans ces années lointaines, quoi que ce soit de grand ou même d'acceptable. Cette coalition a montré que tous les moyens lui étaient bons pour imposer à l'opinion publique sa vindicte stérile, y compris le sacrifice sans phrase d'une génération entière de jeunes gens acculés à un choix détestable ou bien le carriérisme sauvage assaisonné d'Éthique, de Démocratie, et, s'il le faut, de Piété, ou bien le non moins sauvage nihilisme des jouissances courtes, à la sauce no future. Le résultat de cet acharnement a été qu'entre les efforts héroïques de la jeunesse actuelle pour retrouver une voix qui porte et l'escouade amaigrie des survivants et héritiers de la grande époque, il y a, en philosophie, un trou béant qui déconcerte nos amis étrangers. Concernant la France, seule l'élection de Sarkozy parvient à les étonner autant que le fait, depuis vingt ans, l'abaissement de nos intellectuels. C'est que nos « amis américains » sont toujours trop prompts à oublier que la France, si elle est le lieu de quelques hystéries populaires grandioses qu'escortent de puissantes inventions conceptuelles, est aussi celui d'une réaction versaillaise et servile tenace, à laquelle le ralliement propagandiste de régiments d'intellectuels n'a jamais fait défaut.

« Qu'êtes-vous devenus, philosophes français que nous avons tant aimés, pendant ces sombres années quatre-vingts et plus encore quatre-vingt-dix ? » nous demande-t-on avec insistance. Eh bien, nous poursuivions le travail dans divers lieux protégés que nous avions construits de nos mains. Mais voici que des signes de plus en plus nombreux, en dépit ou à cause de ce que la situation historique, politique et intellectuelle de la France semble extrêmement dégradée, indiquent que nous allons, vieux rescapés dédiant notre fidèle labeur à l'assaut mécontent et instruit de nouvelles générations, retrouver un peu d'air libre, d'espace et de lumière.

J'ai publié mon premier Manifeste pour la philosophie en 1989. Ce n'était pas la joie, je vous prie de le croire ! L'enterrement des « années rouges » qui suivirent Mai 68 par d'interminables années Mitterrand, la morgue des « nouveaux philosophes » et de leurs parachutistes humanitaires, les droits de l'homme combinés au droit d'ingérence comme seul viatique, la forteresse occidentale repue donnant des leçons de morale aux affamés de la terre entière, l'affaissement sans gloire de l'URSS entraînant la vacance de l'hypothèse communiste, les Chinois revenus à leur génie du commerce, la « démocratie » partout identifiée à la dictature morose d'une étroite oligarchie de financiers, de politiciens professionnels et de présentateurs télé, le culte des identités nationales, raciales, sexuelles, religieuses, culturelles tentant de défaire les droits de l'universel... Maintenir dans ces conditions l'optimisme de la pensée, expérimenter, en liaison étroite avec les prolétaires venus d'Afrique, de nouvelles formules politiques, réinventer la catégorie de vérité, s'engager dans les sentiers de l'Absolu selon une dialectique entièrement refaite de la nécessité des structures et de la contingence des événements, ne rien céder... Quelle affaire ! C'est de ce labeur que témoignait, de façon succincte et allègre à la fois, ce premier Manifeste pour la philosophie. Il était, ce petit livre, comme des mémoires de la pensée écrits dans un souterrain. Vingt ans après, vu l'inertie des phénomènes, c'est encore pire, naturellement, mais toute nuit finit par détenir la promesse de l'aube. On peut difficilement descendre plus bas : dans l'ordre du pouvoir d'État, que le gouvernement Sarkozy ; dans l'ordre de la situation planétaire, que la forme bestiale prise par le militarisme américain et ses servants ; dans l'ordre de la police, que les contrôles innombrables, les lois scélérates, les brutalités systématiques, les murs et les barbelés uniquement destinés à protéger les riches et les satisfaits Occidentaux de leurs ennemis aussi naturels qu'innombrables, à savoir les milliards de démunis de toute la planète, Afrique d'abord ; dans l'ordre de l'idéologie, que la tentative misérable visant à opposer une laïcité en haillons, une « démocratie » de comédie et, pour faire tragique, l'instrumentation dégoûtante de l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis, à de supposés barbares islamiques ; dans l'ordre enfin des savoirs, que l'étrange mixture qu'on veut nous faire avaler entre un scientisme technologisé, dont le fleuron est l'observation des cervelles en relief et en couleurs, et un juridisme bureaucratique dont la forme suprême est « l'évaluation » de toutes choses par des experts sortis de nulle part, qui concluent invariablement que penser est inutile et même nuisible. Cependant, si bas que nous soyons, je le redis, les signes sont là qui alimentent la vertu principale de l'heure : le courage et son appui le plus général, la certitude que va revenir, qu'est déjà revenue la puissance affirmative de l'Idée. C'est à ce retour qu'est dédié le présent livre, dont la construction s'ordonne précisément à la question : qu'est-ce qu'une Idée ?

D'un point de vue étroitement chevillé à mon œuvre propre, je peux évidemment dire que ce Second manifeste pour la philosophie soutient avec le deuxième tome de L'être et l'événement, titré Logiques des mondes et paru en 2006, le même rapport que le premier Manifeste soutenait avec le premier tome, paru en 1988 : donner une forme simple et immédiatement mobilisable à des thèmes que la « grande œuvre » présente dans leur forme achevée, formalisée, exemplifiée, minutieuse. Mais, d'un point de vue plus large, on peut aussi bien dire que la forme courte et clarifiée vise, en 1988, à attester que la pensée continue dans son souterrain, et, en 2008, qu'elle a peut-être les moyens d'en sortir.

Aussi bien n'est-ce sans doute pas un hasard qu'en 1988, la question centrale de L'Être et l'événement ait été celle de l'être des vérités, pensé dans le concept de multiplicité générique. Tandis qu'en 2006, dans Logiques des mondes, la question est devenue celle de leur apparaître, trouvé dans le concept de corps de vérité, ou de corps subjectivable.

Simplifions, et espérons : il y a vingt ans, écrire un Manifeste revenait à dire : «La philosophie est tout à fait autre chose que ce qu'on vous dit qu'elle est. Essayez donc de voir ce que vous ne voyez pas. » Aujourd'hui, écrire un second Manifeste, c'est plutôt dire « Oui ! La philosophie peut être ce que vous désirez qu'elle soit. Essayez de réellement voir ce que vous voyez. »

Alain Badiou, Second manifeste pour la philosophie.

Second manifeste pour la philosophie

Il y a vingt ans, mon premier Manifeste pour la philosophie s'élevait contre l'annonce, partout répandue, de la " fin " de la philosophie. A cette problématique de la fin, je proposais de substituer le mot d'ordre : " un pas de plus ".

La situation a bien changé. Si la philosophie était à l'époque menacée dans son existence, on pourrait soutenir aujourd'hui qu'elle est tout aussi menacée, mais pour une raison inverse : elle est dotée d'une existence artificielle excessive. Singulièrement en France, la " philosophie " est partout. Elle sert de raison sociale à différents paladins médiatiques. Elle anime des cafés et des officines de remise en forme. Elle a ses magazines et ses gourous. Elle est universellement convoquée, des banques aux grandes commissions d’État, pour dire l'éthique, le droit et le devoir.

Tout le point est que par " philosophie " on entend désormais ce qui en est le plus antique ennemi : la morale conservatrice.

Mon second manifeste tente donc de démoraliser la philosophie, d'inverser le verdict qui la livre à la vacuité de " philosophies " aussi omniprésentes que serves. Il renoue avec ce qui, de quelques vérités éternelles, peut illuminer l'action. Illumination qui porte la philosophie bien au-delà de la figure de l'homme et de ses " droits ", bien au-delà de tout moralisme, là où, dans l'éclaircie de l'Idée, la vie devient tout autre chose que la survie.
A. Badiou.




Illustration d'après le sondage BVA, samedi 14 janvier 2012 :
Hollande 28%, Sarkozy 24%, Le Pen 17%, Bayrou 11%, Mélenchon 8%, Villepin 4%, Joly 4%, Arthaud 1%, Lepage 1%, Chevènement 1%, Boutin 1%, Poutou 0%, Dupont-Aignan 0%, Morin 0%, Nihous 0%

jeudi, janvier 12, 2012

Maria de Naglowska, le plaisir satanique





« Seul celui qui a dépassé ce rite (la pendaison initiatique) peut s'unir utilement à une femme correctement instruite parce que, connaissant l'indicible bonheur du plaisir satanique, il ne peut pas se noyer dans la chair d'une femme, et s'il accomplit avec son épouse le rite de la terre, il le fera pour s'enrichir et non pour se diminuer. »
Maria de Naglowska


Les amateurs d'orgies effrénées pourraient, à première vue, s'enthousiasmer pour les théories et la personnalité de Maria de Naglowska. L'érotisant qui se contenterait de lire le titre des œuvres de « la prêtresse de Vénus », qui se contenterait de quelques bribes de l'enseignement qu'elle dispensait non sans volubilité, estimerait avoir trouvé sa voie et sa longueur d'onde. Des titres comme La lumière du sexe, Magia sexualis, ou Le rite sacré de l'amour magique ont de quoi mettre l'eau à la bouche des minorités libidineuses. L'énoncé de sa devise, « Vers la connaissance à travers l'amour », pourrait également tromper l'amateur. De fait, quelque sensuelles que ses théories pussent sembler à première vue, Maria de Naglowska n'a jamais cessé d'être une grande mystique incomprise. Tous ceux qui l'ont approchée, écoutée avec attention, comprise dans toutes ses nuances, s'ingénient à louer son honnêteté foncière. Il est vrai qu'on louangeait aussi la sincérité de Crowley !

Maria de Naglowska prétendait descendre d'une famille princière du Caucase. Son union avec un noble polonais justifierait son nom de famille. Spoliée par la révolution russe de 1917, elle affirma avoir connu Raspoutine qui lui aurait prodigué tout son enseignement. L'hypothèse est actuellement battue en brèche. Une vie errante la mena en Égypte, en Italie et, enfin, à Paris, dans le quartier Montparnasse. Ce fut là, dans de petits bars sans prétention, devant des cafés-crème et des croissants, qu'elle enseigna sa révolution sexuelle psychique. Au physique, la prêtresse de Vénus n'avait d'ailleurs rien d'une bacchante : « C'était alors une femme frêle, blonde, aux traits ingrats, mais au regard magnétique. Il se dégageait de toute sa personne une impression de profonde sincérité. Elle parlait un français châtié, avec un fort accent slave. Elle était accompagnée, au Dôme comme à la Coupole, d'un grand benêt, son fils, que les discours-fleuves de sa mère semblaient prodigieusement ennuyer. » (Cité dans le Dictionnaire des sociétés secrètes.)

Ses premiers disciples, à quelques exceptions près les seuls qu'elle eût jamais, se révélèrent aussi bohèmes et aussi faméliques qu'elle. Dans la suite, elle recruta des amateurs quelque peu plus fortunés, mais qui ne comprirent pas tout ce que la doctrine voulait receler de sérieux et de spirituel.

Maria de Naglowska faisait dériver la plupart de son enseignement des théories de Paschal Berverley Randolph, dont elle adapta l’œuvre principale en français. Selon Randolph, Il était possible de capter l'énergie dégagée au cours de l'acte sexuel, doctrine qui se rapproche de celle des tantristes tibétains. L'acte d'amour revêt une portée mystique qui permet de pénétrer dans le domaine de l'au-delà et, partant, de la vie éternelle. Maria affirmait d'ailleurs que : « Eve est l'arène où la vie et la mort se livrent un combat sans merci. »

Avec de pareilles théories, même si on les prétend pures, il n'était pas étonnant de réunir un certain nombre d'adeptes mus par des sentiments un rien moins purs et un peu plus intéressés. Maria réunissait ses disciples pour des offices collectifs qui attirèrent fort rapidement l'attention de la police. Les cérémonies ne s'en interrompirent pas pour autant, mais elles se déroulèrent désormais dans le plus grand secret. A notre époque, il semblerait que, sous l'impulsion du tantrisme récemment remis à la mode en Europe, l'enseignement de Maria de Naglowska eût retrouvé pas mal d'enthousiasme, sincère ou non, parmi la faune des bohèmes de Montparnasse ou des snobs de Passy.

René Thimmy parle assez longuement d'une certaine Véra de Pétrouchkha, Slave initiée aux plus singuliers rites de la magie. On ne peut douter qu'il s'agisse de Maria de Naglowska. Tout concorde : les titres des œuvres, les théories abracadabrantes et rien moins que claires, la spiritualité exacerbée et incomprise, l'exploitation sensuelle des théories abstraites. Les réflexions de Thimmy rejoignent d'ailleurs les impressions générales que peut connaître un curieux mal au courant des véritables préceptes de Maria : « J'avais toutes les raisons de croire que j'allais me trouver en face d'une de ces bacchantes enfiévrées, de ces ardentes prêtresses d’Éros et de Sapho qui ramènent tout, dans la vie, aux plus basses questions sexuelles. » Pas du tout : il se dégageait en quelque sorte une atmosphère de pureté, de chasteté, de cette petite femme tranquille, sagement assise, parlant peu, gesticulant moins encore, et dont la conduite dans la vie paraissait quasiment ascétique. Son ordinaire consistait dans des cafés-crème, avec des croissants ou même des petits pains. Elle ne buvait pour ainsi dire jamais d'alcool, et sa seule débauche, c'étaient quelques cigarettes très ordinaires, pas même des cigarettes de luxe, qu'elle fumait avec délices. »

Quelques-unes de ses déclarations recelaient des interprétations dangereuses dont ses ennemis firent des gorges chaudes. Elle déclara de la sorte : « Redresse-toi, deviens raide comme la flèche. C'est ainsi que tu te lanceras dans la bonne direction en entraînant avec toi tes semblables. » En faisant abstraction de toutes ses périphrases et digressions verbeuses, on pouvait à peu près résumer la théorie de Maria de Naglowska comme suit : la grande prêtresse — Maria, comme de bien entendu — était une sorte d'immense réceptacle capable, par une force psychique exceptionnelle, de capter l'influx émanant du désir érotique. Son champ de bataille préféré comportait donc un groupe entier mû par la passion sensuelle. Recueillant bon nombre d'énergies perdues pour les autres, elle devenait une véritable batterie susceptible d'agir en retour sur ses semblables.

Thimmy a décrit une réunion tenue par Maria de Naglowska. La soirée devait se tenir chez une Américaine « gagnée aux idées de Véra beaucoup plus par curiosité et par une vague perversité sexuelle que par l'amour désintéressé de la magie ». Il semblerait que Maria de Naglowska profitât elle-même de ses profiteurs puisque, d'une part, elle pouvait s'emparer de leur fluide érotique et que, d'autre part, elle cherchait avant tout à réunir une certaine somme pour mener à bien ce qu'elle appelait sa « messe d'or », au cours de laquelle l'acte charnel accompli dans la plus grande pureté constituerait la prière suprême.

La soirée se déroula dans un salon très fin de siècle, où un Villiers de l'Isle-Adam ou un Jean Lorrain eussent pu subir, non sans volupté, leurs crises de délectation morose et d'érotisme malsain. En fait d'étreintes mystiques, le champagne coula à flots, et les participants se sentaient plus intéressés par l'art du lutinage que par les manifestations ésotériques de la prêtresse. Pendant que Maria formait, avec une participante, une mystique équerre magique, suscitant de la sorte une formidable tête de feu visible pour elle seule, les assistants se laissaient aller à d'autres étreintes qui, pour être plus terrestres, n'en étaient pas moins délectables. Thimmy conclut : « Et, mon Dieu ! ce qui se passa chez la belle Gladys est fort conforme à la nature et ne me semble présenter absolument rien de magique. A l'exception de l'hiérophantide qui emmagasinait précieusement les effluves de tous ces corps mélangés, spectateurs et spectatrices connaissaient des extases rien moins que mystiques. »

Par Maria de Naglowska, il est possible de glisser, mine de rien, vers d'autres sectes érotico-surnaturelles avec lesquelles elle sembla en relations étroites. La plus importante est celle de quelques apprentis satanisants qui, sous le couvert de théories assez filandreuses, se livraient à de mémorables soirées orgiatiques au cours desquelles intervenait la strangulation érotique. On sait que la pendaison engendre généralement une érection due au brutal afflux sanguin dans les membres inférieurs. Cette constatation est fort rassurante pour les semi-impuissants qui se strangulent partiellement afin de retrouver une virilité sans défaillance.

Ces pratiques, Lord F... et ses membres les appliquaient pour tenter, juraient-ils, de parvenir au troisième terme de l'initiation satanique. Après la pendaison, la cérémonie tournait d'ailleurs à la grivoiserie : « Lorsque le maître les dépend, il les allonge nus, généralement évanouis et privés de connaissance, sur le dos. Une femme alors, qui a suivi un entraînement rituel des plus sévères, rejette également ses vêtements et, complètement nue elle aussi, s'étend sur le corps inerte de telle sorte que son visage soit à hauteur du bas-ventre de l'homme tandis que sa ceinture repose sur la tête de l'expérimentateur. » Et lorsqu'un petit futé en vient à demander ce qu'il résulte de pareille position, il s'entend répondre : « Une amélioration spirituelle, un éblouissement extraordinaire, la contemplation subite et immédiate de Satan, c'est-à-dire du mal régénéré. »

Libre à chacun d'en croire ce qu'il désire ou de ricaner comme bon lui semble. Inutile de préciser les dangers de pareilles cérémonies. On prétend que Gérard de Nerval est mort, rue de la Vieille Lanterne, après avoir tenté de se livrer à des activités érotiques par la pendaison. L'affirmation est discutée. Elle l'est beaucoup moins en ce qui concerne Lord F... que l'on ne dépendit pas à temps, un beau jour. Il agonisa dans un dernier spasme satanique. Cette mort semblait d'ailleurs fort affecter Maria de Naglowska qui, d'un autre côté, affichait le plus profond mépris pour la secte tout entière.

Jacques Finné





mercredi, janvier 11, 2012

Morelly & le capitalisme





De nos jours, les intellectuels n'incarnent pas de contre-pouvoir. Ils servent sans vergogne les intérêts des maîtres du monde. Les philosophes du XVIIIe siècle sont plus intéressants. 

Né au début du XVIIIe siècle, Étienne-Gabriel Morelly, considère que la propriété privée est l'unique source des maux de l'humanité. Ses livres, « La Basiliade et le Code sont essentiellement la critique d'un ordre social européen perçu comme contre nature et provisoire.

Contre nature, tout d'abord. À ses débuts, l'humanité vivait selon les lois de la nature. L'harmonie régnait entre les hommes sans que ceux-ci aient conscience que cet état fût le meilleur. L'accroissement de la population et la dispersion qui en résulta sonnèrent le début d'une période de troubles durant laquelle les liens d'amour et d'affection entre les hommes se distendirent. C'est à ce moment précis que les premiers législateurs commirent l'erreur de prendre les relations sociales telles qu'elles étaient devenues pour des relations correspondant réellement à la nature de l'homme. Par manque de raison, ils tentèrent et tentent toujours depuis lors de les réglementer, persistant dans l'erreur initiale, alors qu'ils auraient dû revenir aux lois de la nature.

Provisoire, ensuite, car les « îles flottantes » — la civilisation européenne — finissent par sombrer. « Le progrès [étant] la loi générale de la nature », les hommes réfléchissent sur leurs échecs successifs et reviendront, éclairés par la raison, à l'ordre naturel suivi inconsciemment par leurs lointains ancêtres. Il faut donc que les hommes se désassujettissent des préjugés qui leur font prendre un ordre social historique et une construction humaine, la propriété privée, pour des données naturelles.

La critique de la propriété privée — critique dont le fondement est exclusivement moral — est capitale pour Morelly. Elle est la base même de tout cet édifice législatif erroné. En l'instituant, les premiers législateurs ont durablement séparé intérêt général et intérêt particulier. Revenir aux lois de la nature, et par conséquent retrouver la cité idéale, c'est en premier lieu abolir la propriété privée.

Les transformations induites par cette suppression sont radicales. En premier lieu, elles se traduisent par l'effondrement de la hiérarchie sociale et le retour à l'égalité primitive. Les hommes s'entraident mutuellement en participant — obligatoirement — à la production en fonction de leurs capacités et reçoivent selon leurs besoins. Quant aux charges publiques, elles échoient à tour de rôle aux chefs de famille.

Ce type de communisme a pu trouver un certain écho parmi les élites du XVIIIe siècle, mais c'est surtout le siècle suivant qui, en se l'appropriant, en l'interprétant en fonction de ses besoins et en l'annexant au courant socialiste, a contribué à sa postérité. »
Jean-Luc Baudras


Vraies causes de la décadence et des révolutions des États les plus florissants.


« Depuis le sceptre jusqu'à la houlette, depuis la tiare jusqu'au plus vil froc, si l'on demande qui gouverne les hommes, la réponse est facile ; l'intérêt personnel ou un intérêt étranger que la vanité fait adopter et qui est toujours tributaire du premier. Mais de qui ces monstres tiennent-ils le jour ? De la propriété. C'est donc en vain, sages de la terre, que vous cherchez un état parfait de liberté où règnent de tels tyrans. Discourez tant qu'il vous plaira, sur la meilleure forme de gouvernement ; trouvez les moyens de fonder la plus sage république ; faites qu'une nation nombreuse trouve son bonheur à observer vos lois ; vous n'avez point coupé racine à la propriété, vous n'avez rien fait ; votre république tombera un jour dans l'état le plus déplorable. C'est en vain que vous attribuerez ces tristes révolutions au hasard, à une aveugle fatalité qui cause l'instabilité des empires, comme celle de la fortune des particuliers ; ce sont des mots vides de sens. »

Morelly


Œuvres philosophiques complètes de Morelly

Le présent volume regroupe l'ensemble des œuvres de Morelly relevant de la philosophie. 

Sont inclues : 
1743 Essai sur l'Esprit humain, ou Principes naturels de l'Éducation. 
1745 Essai sur le Cœur humain, ou Principes naturels de l’Éducation. 
1748 Physique de la Beauté, ou Pouvoirs naturels de ses Charmes. 
1755 Code de la Nature, ou le Véritable Esprit de ses Lois de tout temps négligé ou méconnu. 



A la publication du Code de la Nature, l'abbé Raynal, puis Grimm, pensant qu'il s'agit d'une œuvre de Diderot, s'accordent pour l'éreinter ; seul le marquis d'Argenson le met au-dessus de L’esprit des lois. D'environ 1762 jusqu'à la veille de la Révolution, le Code est avant tout considéré comme un ouvrage impie, philosophique. Avec l'affaire Babeuf, en 1797, le Code accède au rang de grand livre socialiste du XVIIIe siècle, et le projet de constitution qu'il contient le consacrera comme tel. Aujourd'hui le Code offre un extraordinaire condensé des thèmes et idées de l'époque, qui pourrait expliquer ses attributions diverses et notamment le souhait par Grimm que Rousseau en fût plutôt l'auteur. 

A posteriori les œuvres de Morelly possèdent la vertu de nous replonger avec une immédiateté et une fraîcheur incroyables dans les écrits du plus méconnu de ceux qui contribuèrent à ce mouvement philosophique du XVIIIe dont nous sommes encore aujourd'hui les héritiers. 






Morelly est un inconnu. Il se nommerait Etienne-Gabriel Morelly. Sa naissance se situerait à Paris vers 1717-1718, et il semblerait qu'il ait vécu dans la nébuleuse littéraire qui entourait le prince de Conti. Il est surtout connu pour être l'auteur du Code de la Nature, qui paraît en janvier 1755 (l'année du Discours sur l'Origine et les Fondements de l'Inégalité parmi les Hommes de Rousseau) et qui eut cinq éditions connues de 1754 à 1773, trois éditions plus ou moins complètes au XIXe siècle et une dizaine au XXe en France, en Allemagne de l'Est, en Russie, en Yougoslavie, en Italie. 
Le Code de la Nature, inclus dans les Œuvres complètes de Diderot éditées à Amsterdam en 1773, fut attribué à Diderot jusqu'au début du XXe siècle.


Capitalisme : système économique basé sur la propriété privée des moyens de production et structuré en vue de maximiser les profits.

Illustration :
Obélix & Compagnie


mardi, janvier 10, 2012

Les beaux jours de la mouvance néo-spiritualiste





Pendant que les nouvelles spiritualités étayent habilement leurs doctrines grâce aux découvertes scientifiques du troisième millénaire, comme le neutrino qui se déplace plus vite que la lumière et alimente des spéculations mystiques sur la matière, les organisations de lutte contre les sectes évoquent dans l'esprit de beaucoup de personnes le laïcisme, le matérialisme obtus et des idées surannées de la fin du XIXe siècle.

Dans notre société tout se vend, même les gens doivent apprendre à se vendre pour exercer une activité salariée et vivre dignement. La marchandisation, la rentabilité, les profits sont le résultat d'une doctrine politico-économique qui écrase les individus. Or les gens désirent être pris en considération, ils ont besoin d'être reconnus. Ils peuvent parfois obtenir cette reconnaissance dans la mouvance spiritualiste moderne dont les méthodes répondent à leurs attentes, notamment dans le domaine du développement personnel.

De plus, face à la crise économique, des groupes religieux offrent un lieu où se pratique la solidarité. Ces groupes permettent aussi aux délaissés, aux frustrés, d'exprimer une protestation contre les injustices sociales.

L'accroissement de la pauvreté, l'ébranlement des bases morales de la société, une angoisse collective expliquent l'essor de certain mouvements spiritualistes qui recrute en mettant en exergue :

- l'attention accordée au nouvel adhérent qui découvre qu'il est important ;

- les avantages de rejoindre une communauté fraternelle et solidaire en temps de crise économique ;

- le culte émotif, partagé et personnalisé ;

- Une doctrine spirituelle qui donne accès aux « secrets des dieux »...

Jean Vernette écrit : « On doit noter aussi le succès des poussées nouvelles autour de l'Orient (centre de Zen et Yoga, monastères bouddhistes spécialement tibétains, techniques de méditation comme la Méditation transcendantale). Mais nous ne sommes pas ici dans le domaine précis des sectes. […]

Les groupes liés à l'ésotérisme et à l'occultisme représentent un maquis en fort développement qui défie la classification :

les groupes : Théosophie, Fraternité blanche universelle, Graal, Nouvelle Acropole, Arcane, Rose-Croix, Ordres pseudo-templiers.

Les pratiques : acquisitions des "pouvoirs", rites d'initiation, astrologie, spiritisme, etc.

Les croyances : tradition primordiale comme lieu de Révélation, la conscience comme voie de salut, la réincarnation, l'avènement prochain d'une religion cosmique (dont ils représentent les prodromes).

La multiplication de ces propositions semble répondre, entre autres :

à un besoin religieux né de la peur de l'avenir et de l'inquiétude sur l'au-delà (22 % des occidentaux croient à la réincarnation, beaucoup s'intéressent à la "vie après la vie", aux "expériences proches de la mort" et à la communication avec l'autre rive) ;

à un besoin de sécurité affective et spirituelle qui se satisfait de l'acquisition d'un savoir initiatique transmis du passé et procurant un salut individuel fondé sur la connaissance ;

à un goût pour l'irrationnel, l'insolite, le mystère (de la parapsychologie devenue religion de remplacement aux groupes religieux autour des extra-terrestres) ;

à la recherche d'une sagesse plus que d'une religion. Beaucoup désirent être des "spirituels" ("en recherche") plus que des "religieux" (membres d'une religion constituée).

Ces surgissements révèlent aussi un analphabétisme religieux grandissant, joint à une boulimie primaire de chaleur humaine et de spirituel à tout prix. »


Dessin :
Tardi, Adèle Blanc-sec, le démon de la tour Eiffel.

lundi, janvier 09, 2012

Le Club des Surhommes






Comme Basam-Damdu, l'inquiétant dirigeant du Tibet des aventures de Blake et Mortimer, Jean-Claude Monnet se veut le « futur maître du monde ».

Monnet créa un groupe néo-druidique qui évolua pour devenir la Grande Loge du Vril. Le vril est l'énergie maîtrisée par un mystérieux peuple du monde souterrain. Ce peuple est décrit par Edward Bulwer-Lytton (1803-1873) dans son livre La Race à venir, celle qui nous exterminera. Cet ouvrage était le livre de chevet des dignitaires nazis (d'après Jacques Bergier). De nos jour, Zanoni ou la sagesse des Rose-Croix, également rédigé par Bulwer-Lytton, est le livre à clés des adeptes de la Rose-Croix (AMORC). Raymond Bernard, grand maître de cet ordre, écrit :

« La tradition n'a jamais cessé de faire état d'un gouvernement occulte du monde et à ce gouvernement, bien des noms ont été donnés au cours des âges, bien des résidences aussi. Au siècle dernier, Saint-Yves d'Alveydre, pour la première fois peut-être d'une manière aussi explicite et précise, s'y référait avec force détails. Son œuvre voyait le jour au bon moment et j'ai appris depuis, de la source la plus autorisée qui soit, qu'effectivement, comme lui-même le rapporte, il avait reçu des instructions définies pour publier de telles révélations. […]

Je déclarerai donc nettement que le gouvernement occulte du monde n'est plus en aucune façon ce qu'il était il y a encore une trentaine d'années. De plus, il ne se situe plus au désert de Gobi. » (Raymond Bernard, Rencontres avec l'insolite.)

Raymond Bernard, son fils est l'actuel Imperator de la Rose-Croix AMORC, ne révèle pas dans ses livres où se cache ce gouvernement mondial. Serait-il à la City de Londres, à Wall Street, à Tel Aviv, au Vatican... ? Quoi qu'il en soit, il est évident que ce gouvernement mondial, qui pourrait bientôt apparaître au grand jour, fait la part belle à la spéculation financière, aux multinationales prédatrices, aux politiciens corrompus...

Dans la Grande Loge du Vril de Jean-Claude Monnet confluent l'occultisme, les doctrines des sociétés secrètes, le nazisme, l'ufologie... En 1984, Monnet fonde son groupe ufologique, la Golden Dawn OSS. L’année suivante, la Golden Dawn OSS devient le Club des Surhommes (U-Xul-Klub) qui enseigne la vraie « religion des surhommes scientifiquement prouvée ». Son objectif est d'établir une « arche de Noé OVNI » et de sauver l'humanité en combattant « l’égalitarisme, le pacifisme, l’athéisme, le monothéisme, l’homosexualité, la démocratie parlementaire et le féminisme ».




Illustrations :

1) Basam-Damdu est le maître du Tibet. Il apparaît dans la trilogie du Secret de l'Espadon, ainsi que dans l’Étrange Rendez-vous.

2) Le colonel Olrik (ci-dessous) est le chef des services d’espionnage de l’Empire et le conseiller de l’Imperator Basam-Damdu.







L'étoile de l'Empire :

Philippe Biermé et François Nève dans leur livre consacré à Edgar P. Jacobs, Chez Edgar P. Jacobs. Dans l'intimité du père de Blake et Mortimer, considèrent que l'étoile à six pointes, l'emblème de l'empire tyrannique de Basam-Damdu, évoque l'étoile à six branches des inspecteurs de police belges, des shérifs américains, et, étonnamment, « l'étoile rouge à cinq pointes de l'Empire soviétique » (Chez Edgar P. Jacobs. Dans l'intimité du père de Blake et Mortimer, p. 108). Les deux auteurs sont catégoriques : « L'étoile de l'Empire jaune n'est pas l'étoile de David ». Mais des créateurs, comme Edgar P. Jacobs, ont parfois des intuitions bien singulières...


Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...