mercredi, avril 11, 2012

Démasqué





Jacques Lacarrière résume la pensée gnostique en ces termes : « Nous sommes des exploités à l'échelle cosmique, les prolétaires du bourreau-démiurge, des esclaves exilés dans un monde soumis viscéralement à la violence, les sédiments d'un ciel perdu, des étrangers sur notre propre terre ». (« Les gnostiques », Albin Michel)

Pour les gnostiques, le démiurge, bourreau pervers de l'humanité, représente l'esclavagisme qui règne dans le monde matériel et dans la sphère astrale (l'au-delà des occultistes ou le « Paradis » des religions). L'énergie vitale de l'homme est l'objet d'un véritable parasitisme durant la vie et après la mort.

Michaël, lecteur de Bouddhanar, présente « Démasqué », livre écrit par Jan Van Rijckenborgh, un gnostique du XXe siècle. Ce texte est une véhémente dénonciation du système d'exploitation instauré dans le monde matériel et la sphère astrale.

Démasqué

Un livre visionnaire pour éclairer l’obscure lumière de notre époque.

Par Michaël


4. Jésus leur répondit : Prenez garde que personne ne vous séduise.
5. Car
plusieurs viendront sous mon nom, disant : C'est moi qui suis le Christ.
Et ils séduiront beaucoup de gens.
23. Si quelqu'un vous dit alors : Le Christ est ici, ou : Il est là, ne le croyez pas.
24. Car il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes ; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus.
25. Voici, je vous l'ai annoncé d'avance.
[Mathieu 24 :4-5, 23-25,]

Notre époque semble porter de nombreux signes avant-coureurs de la fin d’un monde, de la clôture d’une ère qui a eu son sens, ses conflits, ses lueurs d’espoir et qui se doit de passer son chemin comme tout dans notre univers rempli de cycles. Nous sommes en train de vivre une transition fondamentale pour notre espèce, l’ancien monde se craquèle de toute part, la religion, la philosophie, la famille, les sciences, les rapports sociaux rien de ce en quoi nous avons cru jusqu’ici ne semble tenir le choc de cette mutation. Alors, devant l’angoisse du changement, les uns fuient en arrière en retournant vers les traditions du passé et les autres fuient en avant en fixant leur croyance sur un monde technologique garant de notre salut. Très rares sont les êtres qui ne fuient ni en arrière, ni avant et restent là, ici et maintenant, avec ce qui est, le fait que rien de ce qui fait partie de notre connu nous aidera à franchir le cap. Comme le disait les gnostiques d’Orient et d’Occident avant hier et hier Krishnamurti, il nous faut nous libérer de toutes les structures mentales liées à l’ancien monde pour être réellement créateur et vivre la mutation en pleine conscience. Ainsi, je vous invite à relire les écrits de ces hommes et femmes pour y puiser une force qui n’est pas de ce monde et qui pourtant remplie de lumière notre monde intérieur quand cette force se mue en conscience de vérité.

Le livre de Jan Van Rijckenborgh nous invite à comprendre les rouages occultes qui sous-tendent la crise actuelle. Je parlais plus haut de la fuite en arrière, de ce retour aux religions d’antan par celles et ceux qui perçoivent (avec raison parfois) la crise du monde moderne. On peut le comprendre, c’est humain, mais ce retour à des structures non adaptées à notre ère causera lui aussi de nombreuses désillusions et surtout des conflits inter-communautaires sans précédent à l’échelle mondiale. Nous le voyons dans l’actualité, le retour des identitarismes qu’ils soient nationaux ou religieux se fait sentir comme une attitude de repli et de protection face au monstre mondialiste qui écrase et broie l’âme humaine. Le livre « Démasqué » nous propose de soulever le voile et nous permet la compréhension et le constat lucide que tout se joue sur les plans énergétiques de notre planète, dans les coulisses du théâtre planétaire. Les égrégores religieux (qui sont depuis longtemps coupés de leur source divine au profit des forces anti-divine de ce monde) ont démarré une lutte pour leur survie énergétique et ils manipulent leurs fidèles par un besoin d’auto-conservation. Les rayonnements du Verseau mettent à mal leurs structures énergétiques et pour conserver la vie ils ont ainsi besoin de générer un maximum d’énergie émotionnelle. La peur, la haine de l’autre, le repli identitaire, les prières dirigées contre les ennemis sont un formidable réservoir énergétique pour ces égrégores et les victimes sont encore et toujours les humains. Le drame religieux réside dans la croyance auto-suggérée et alimentée par les égrégores par le biais des prédicateurs qui ne possèdent plus les clés ésotériques des écrits sacrés. J’ai cité l’évangile selon Mathieu en introduction de ce texte, mais ne croyez pas que les religieux chrétiens comprendront le sens ésotérique de ce passage. Non, la plupart percevront leurs ennemis comme les faux prophètes qui s’opposent et menacent leur foi, et au nom d’un texte mal compris justifieront la guerre sainte. Au même titre que le djihad (guerre sainte en arabe) est ésotériquement la guerre contre l’ego, et non la lutte armée contre les impies. Le scénario entrevu dans ce livre nous invite à faire preuve d’un profond discernement quant aux événements qui surviennent et surtout envers ceux qui vont advenir à court et moyen terme. Car que recherchent les fidèles des religions du monde que l’on a coupé de leurs voies initiatiques ? Le retour de leur messie respectif, la validation de leur foi et qu’il soit Jésus, le Machi’ah fils de David, le Mahdi, le Bouddha Maitreya ou Krishna, ils font tous partie des mêmes structures manipulatoires présentent dans notre sphère astrale et se nourrissant de l’émotivité des fidèles pour les maintenir en esclavage.

Ce livre vous permettra de comprendre en détail les processus mystico-occultes qui créent l’esclavage énergétique de l’humanité et son emprisonnement de notre sphère terrestre. Et, je l’espère de tout mon cœur, vous permettre de ne pas vous laisser manipuler par les forces terrestres et leurs propagandes haineuses mais aussi par les forces astrales qui sont la source de nos maux. Je donnerai un avertissement spécial aux tenants du Nouvel Age et au nombre considérable d’individus qui sont reliés à ces groupes, se croyant libérés de la religion ils s’enchaînent à une illusion beaucoup plus subtile, celle de leur Maîtres ascensionnés qui, vous le verrez dans l’ouvrage, sont interreliés avec les égrégores religieux.

Que faire ?

Lire et relire ce livre dans un premier temps, le prendre en soi pour l’infuser et l’intégrer puis vous relier à votre Être intérieur, à cette présence calme et rayonnante qui vibre dans le silence. Par-delà toutes formes de manifestations lumineuses ou d’apparitions de saints ou de maîtres. Relisez abondamment les ouvrages de Krishnamurti, ils vous offrent des clés essentielles pour franchir cette période trouble de notre histoire commune. Et pratiquer le wei-wu-wei (agir-sans-agir) des taoïstes pour ne pas être pris dans le lutte pour la survie qui écrase l’autre et voile notre cœur.

Sincèrement,
Michaël.

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Illustration :


lundi, avril 09, 2012

L'alimentation des Français





L'UNESCO a inscrit la gastronomie française au patrimoine de l'Humanité. Mais l'art gourmand des Brillat-Savarin, destiné aux nantis suralimentés, était heureusement inaccessible aux classes populaires. Pour la Doctoresse Catherine Kousmine, la suralimentation bourgeoise serait responsable d'une inexorable déchéance physiologique et morale.

Le véritable régime français

Au début du XXe siècle, la France était majoritairement paysanne. Vers 1910-1920, « dans nos campagnes, le boucher passait le samedi et les paysans riches mangeaient de la viande le dimanche. La base de la nourriture était, à ce moment, le pain, l'honnête pain bis, aliment presque complet, dont on accompagnait les légumes de saison, cuits « à la française », c'est-à-dire à l'étouffée, sans eau, mijotés tout doucement avec un bon morceau de beurre, ou de lard ou bien avec une cuillerée d'huile d'olives, suivant la région.

En été et en automne, on ajoutait au menu les fruits de la saison ; l'hiver des oignons, des châtaignes, des noix, des pommes. Le soir, on mangeait une bonne soupe faite de légumes cuits à petit feu toute la journée dans de l'eau, mais cette eau, on ne la jetait pas, comme dans la cuisson à l'anglaise : elle servait à tremper les tranches de pain coupées dans la soupière, conservant ainsi les sels précieux contenus dans les légumes et mis en dissolution par la cuisson. C'était une alimentation presque parfaite », écrit Henri-Charles Geffroy.  


dimanche, avril 08, 2012

Le perroquet spirite





Rien n'est plus triste que cette Champagne pouilleuse balayée de siècle en siècle par l'invasion. On y sent toujours la pourriture des batailles et les troupes de corbeaux s'abattent avec délices sur ces plaines monotones que traversent, dans un alignement sans fantaisie, des files d'arbres frissonnants.

Au-dessus de Troyes aux ruelles gothiques, il n'y a rien ou presque rien pendant des heures. C'est une Hollande sans moulins, une Castille sans couleurs.

Las du parcours et surpris par la nuit, je m'arrête dans un gros village où l'enseigne du « Lion d'Argent » grince sous le vent d'automne.

Bonsoir, m'sieurs-dames, dis-je d'un ton guilleret, afin de me mettre dans l'ambiance et d'inspirer la sympathie du cercle des consommateurs accoudés au comptoir. Un silence hostile et dédaigneux répond à mes avances. Seule une mouche, quittant son plafond familier, vient me souhaiter une bienvenue dont le patron s'est dispensé. Au fait, où est-il, ce patron ?

Une mince créature, au dos voûté que reflète un miroir graisseux, pourrait bien être sa moitié. Je m'apprête à lui adresser la parole lorsqu'un géant à face patibulaire paraît, jailli d'une porte invisible :

Vous désirez ?

Une chambre et dîner.

Bien tard !... Il n'y a plus que des œufs.

Je m'en contenterai.

Faudra bien, mon gars.

Monsieur... 


— Au pays de Danton, on dit : mon gars !

Puis-je voir la chambre ?

Si vous n'avez pas votre contentement, vous n'aurez qu'à le dire : ce sera le même prix.

Je décide de rester pour voir jusqu'à quel point le malotru poussera l'insolence. Vrai coupe-gorge, en vérité, que ce cabaret, mais j'en ai vu d'autres pendant la guerre !

Je commande une bouteille de vin blanc. Le géant la tire des profondeurs et la pose brutalement sur la table tandis que les assistants ricanent.

Examinant l'entourage à la dérobée, je constate que personne ne boit, et que l'on semble attendre quelque chose qui tarde à venir.

Dans l'arrière-salle, la voix criarde d'un perroquet répète d'un ton monotone : « C'est bon, hein ! », accompagnant cette appréciation d'affreux sifflements.

On apporte l'animal en grande pompe pour l'installer sur un perchoir de bois doré. C'est une bête superbe, d'une espèce que je n'ai jamais vue. Avec son plumage noir et rouge et son aigrette flamboyante, il a l'allure d'un Méphistophélès d'opéra.

En m'apercevant, il se met à claquer furieusement du bec, puis, la tête penchée, les doigts crispés, il me fixe d'un œil sournois.

Tout à coup, sans que rien ne laisse prévoir son geste, il saute sur le plancher et se précipite sur mes souliers qu'il veut lacérer. De hauts rires accueillirent cet exploit. Je recule.

Il n'a pas l'air de vous aimer beaucoup, mon Timboum ! grogne le patron. Moi, je ne trouve pas ça bon signe. Heureusement que vous êtes un client, et que les clients, chez moi, c'est sacré, n'est-ce pas, les amis ?... Un murmure d'approbation lui répond. Timboum, cependant, volète de table en table, et l'on pourrait croire qu'il dit un mot à chacun.

Parle-t-il ? demande quelqu'un.

Il dit que Bébert est un filou !

II n'a pas tort.

Il connaît ceux qui nous sont favorables... Les autres, il leur bouffe les panards, ah, ah, ah !

Est-il facétieux ! remarque la patronne attendrie. Sur quoi, Timboum de lui donner un gracieux bécot au coin de l'oreille, laissant la mégère toute pâmée. La joie est vive parmi l'assistance.

Pas jaloux, patron ? fait un mauvais plaisant.

Penses-tu ! un confrère !

En effet, le géant a un bec d'oiseau, des yeux ronds, des mouvements saccadés, un faciès cruel. Je me demande avec une angoisse croissante comment la soirée va se terminer. Par bonheur, le vin est excellent et soutient mon courage.

Je reçois enfin une omelette sans lard avec un quignon de pain rassis que je grignote distraitement. Tous les regards sont dirigés vers moi, mais je baisse les yeux sur mon assiette d'un air absorbé. J'ai à peine avalé la maigre pitance, que la patronne vient m'annoncer d'une voix hypocrite que ma chambre est prête et qu'il faut monter car on va fermer et se coucher.

J'ai droit, au premier étage, à un réduit glacé avec lit de fer, matelas bourré de foin et cuvette fêlée. Étendue depuis cinq minutes sur mon grabat, le dos déjà endolori, j'entends soudain comme un bruit de dispute. Me relevant d'un bond, je reste un instant immobile pour essayer de saisir les bribes de la discussion. Dans l'obscurité, j'aperçois un rais de lumière qui filtre à travers un interstice du plancher. Je m'abaisse aussitôt, colle un œil à la fente et vois en panorama ce qui se passe dans la salle du café.

Les faux consommateurs, très agités, se tiennent en cercle autour du perroquet Timboum juché sur un haut pupitre. On a placé devant lui une planchette sur laquelle les lettres de l'alphabet sont grossièrement gravées au couteau. Sur chacune de ces lettres, on a posé une graine de tournesol. —

La présence d'un étranger dans la maison pourrait bien le troubler ! dit quelqu'un d'un ton méchant.

Il doit dormir à présent, assure le patron. Attendez, je vais aller contrôler. Il monte l'escalier avec précaution et s'arrête devant ma porte. Je me mets immédiatement à ronfler de toutes mes forces et, après un court instant, il s'en retourne comme il est venu.

En bas, la scène reprend.

Frétillant de la queue, dodelinant du chef, Timboum contemple les graines. Il paraît hésiter. Enfin, d'un coup, il en happe une, puis une autre, puis une troisième, pendant que les assistants épellent : M... F... V...

Eh bien, qu'est-ce qu'il veut dire ?... demande-t-on à la patronne qui semble jouer le rôle de truchement.

M.F.V. ? réfléchit-elle. Ça veut dire : méfiez-vous !

Tous se regardent, consternés.

Tout à coup, la sale bête déploie ses ailes et, gigotant comme un diable se met à hurler : « Timboum a soif ! » Et chacun de s'affairer pour apporter, qui du vin rouge, qui de l'eau-de-vie. Timboum goûte à tous les verres et, désaltéré, s'exclame : « C'est bon, hein ! »

Je l'aperçois alors, tout ébouriffé, se livrant à une sorte de danse sauvage, sautillant, titubant, donnant les signes les plus évidents de l'ébriété.

Continuons à consulter l'oracle, insiste le géant que ce spectacle paraît surexciter. Il faut en savoir davantage, nous sommes peut-être en danger...

On replace l'animal devant sa planchette. Il picore cette fois les lettres E et S.

E...S répète la patronne, le front dans sa main. Ah ! il dit : ESPION.

Mais qui est l'espion ? questionne le chœur.

J'ai mon idée là-dessus... mais Timboum va nous le dire. Timboum prend une dernière graine, celle de la lettre O.

En haut, traduit la patronne. C'est l'étranger qui est là-haut !

Et c'est ainsi qu'au beau milieu de la nuit, par la grâce d'un perroquet trop savant, je suis empoigné par des bras vigoureux, transporté brutalement au rez-de-chaussée et jeté dehors sans autre forme de procès.

Guy de Wargny



samedi, avril 07, 2012

Une souris verte







Une souris verte :

« Comptine inepte que l'on apprend aux enfants dès la maternelle pour être sûr que, lorsqu'ils seront plus grands, ils seront prêts à réciter par cœur n'importe quoi. »

Jean-François Kahn


jeudi, avril 05, 2012

L'égorgement rituel, une spécialité française ?





Source de la carte : http://viande-laique.fr/


« Ma mère, écrit Lamartine dans ses Confidences (on ne les lit plus et l'on a bien tort), ma mère était convaincue, et j'ai comme elle cette conviction, que tuer les animaux pour se nourrir de leur chair et de leur sang est une des infirmités de la condition humaine que c'est une de ces malédictions jetées sur l'homme, soit par sa chute, soit par l'endurcissement de sa propre perversité. Elle croyait, et je le crois comme elle, que ces habitudes d'endurcissement de cœur à l'égard des animaux les plus doux, nos compagnons, nos auxiliaires, nos frères en travail et même en affection ici-bas, que ces immolations, ces appétits de sang, cette vue des chairs palpitantes, sont faits pour brutaliser et pour endurcir les instincts du cœur... Quelques jours après, ma mère me fit passer dans la cour d'une boucherie. Je vis des hommes, les bras nus et sanglants, qui assommaient un bœuf ; d'autres qui égorgeaient des veaux et des moutons, et qui dépeçaient leurs membres encore palpitants. Des ruisseaux de sang fumaient çà et là sur le pavé. Une profonde pitié mêlée d'horreur me saisit... L'idée de ces scènes horribles et dégoûtantes, préliminaires obligés d'un de ces plats de viande que je voyais servir sur la table, me fit prendre la nourriture animale en dégoût, et les bouchers en horreur ».

« Michelet, qui écrit (La Femme) que c'est « une grâce d'amour de vivre d'aliments innocents », ajoute que le régime végétarien ne contribue pas pour peu à la pureté de l'âme, et que « cette grossière alimentation de viandes sanglantes rend la femme violente, fantasque, passionnée ».

Bossuet s'écrie, dans son Discours sur l'Histoire : Comme dernière conséquence du meurtre des animaux, le sang humain, abruti, ne pouvait plus s'élever aux choses intellectuelles.

Dans l'Inde, les lois de Manou proclament : « Celui qui, se conformant à la règle, ne mange pas de la chair comme un vampire, se concilie l'affection dans ce monde et n'est pas affligé par les maladies ».

Il n'est guère possible non plus de prétendre au respect de la vie humaine, et de massacrer ou laisser massacrer les animaux pour satisfaire un simple plaisir gustatif, alors que les fruits sont si savoureux, si sains, bien plus nutritifs, et ne contribuent à émousser les sentiments, comme cela peut survenir avec des pratiques carnivores. « Il est banal d'entendre dire, écrit le Dr Kalmar (Comment vous vieillissez) « Puis-je manger du mouton ? » ; « Que dois-je manger de préférence, du veau ou du bœuf ? ». La sensibilité est à ce point émoussée qu'on ne perçoit même pas ce qu'il y a d'horrible dans de tels propos. Car, à l'arrière-plan, il y a le sang répandu, et tout cela suppose des assassinats commis au nom d'un pseudo-besoin physiologique. Il est vrai que dans un monde où des millions d'hommes sont périodiquement assassinés, sans motif valable, les flots de sang des animaux ne sauraient émouvoir. Et pourtant, c'est dans les abattoirs et les boucheries que se préparent les guerres, car c'est là que l'on tue la sensibilité, prélude à la tuerie des hommes. » 


Les hommes s'évertuent à améliorer leurs conditions d'existence : ils luttent pour un avenir toujours meilleur, ils rêvent du paradis perdu. Et ils espèrent de la viande à tous les repas ! Concevraient-ils l’Éden installé dans un abattoir ? L'âge d'or serait-il l'âge du sang ?

Raymond Dextreit



On dissimule aux consommateurs qu'ils achètent de la viande d'animaux égorgés. Ils ignorent aussi que l'agonie de l'animal dure 14 minutes...

  

mercredi, avril 04, 2012

Éloge de la lenteur





Lutter contre la dictature du court terme, relocaliser l'économie..., autant de principes que le mouvement Slow applique déjà à son échelle dans un esprit convivial.

N'en avez-vous pas parfois assez de courir après le temps, sans prendre suffisamment le temps de manger, de créer, de bavarder... ? De ce constat est né en Italie (dans le village de Brà, dans le Piémont) le mouvement Slow, créé par Carlo Petrini dans les années 1980, avant de s'étendre peu à peu à 50 pays. Il compte désormais près de 100 000 adhérents à travers la planète et a pour objectif de lutter contre la surconsommation. Paul Ariès, directeur du bimestriel Le Sarkophage et auteur de La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance (La Découverte, 2010), évoque plus largement « une société qui nous pousse à vouloir toujours plus ; sous une contrainte constante d'accumulation matérielle et de pouvoir ».

Au départ, l'alimentation

Même si le mouvement Slow touche désormais tous les aspects de nos vies (transports, vêtements...), c'est d'abord via l'alimentation qu'il a commencé à s'ancrer en France en 2003. 2 000 adhérents se réunissent désormais dans 45 groupes locaux, appelés « conviviums ». Ils organisent des rencontres à l'occasion desquelles les adhérents établissent des relations avec des producteurs de leur région, mènent des campagnes pour protéger les produits alimentaires traditionnels, organisent des dégustations et des ateliers, invitent des chefs cuisiniers à s'approvisionner localement et travaillent pour développer l'éducation au goût dans les écoles.

Fédérés au sein de Slow Food France, ses membres luttent contre la malbouffe et œuvrent pour la défense de la biodiversité, en s'appuyant, rappelle Jean Lhéritier, président de la structure hexagonale, « sur des valeurs, une façon de vivre le plaisir et une culture alimentaire locale ». Il commente : « Notre objectif est notamment de lutter contre l'appauvrissement et la standardisation des modes d'alimentation. Nous cherchons donc autant à préserver les variétés de maïs que l'on ne trouve qu'en Amazonie qu'une recette ancestrale auvergnate, ou bien encore un mode de cuisson comme le tagine ou une façon de manger ensemble, à l'africaine par exemple, dans un plat commun. »

Les villes lentes

Informer les citoyens sur l'agriculture, l'environnement, le mode de développement et défendre une production de proximité permettant de relocaliser l'économie constituent deux axes majeurs des actions de Slow Food. L'association défend par ailleurs ce qu'elle appelle la « haute qualité alimentaire », un concept que les collectivités territoriales pourraient, selon elle, reprendre à leur compte dans les services publics en appliquant, par exemple, le slow dans les cantines scolaires ou les maisons de retraite. Enfin, Slow Food France prône le développement d'une agriculture « propre, bonne et juste », comprenant trois dimensions : le bon goût, le respect des écosystèmes et la juste rémunération des agriculteurs.

Au-delà de nous permettre de renouer avec une qualité de vie, son projet a en effet pour but de promouvoir un modèle économique plus écologique. Ainsi, le mouvement Slow propose d'appliquer le concept à notre façon de nous habiller, de nous meubler - le slow design adopte les principes du développement durable en prônant la récupération, la bonne gestion des ressources, la lutte contre la standardisation, etc. -, mais aussi de vivre ensemble en ville. Les villes lentes ou città slow, nées en Italie en 1999, promeuvent une gestion municipale centrée sur la qualité de vie, l'économie de proximité, le respect des paysages, au détriment de l'extension des zones commerciales et industrielles, de l'étalement pavillonnaire et de la prédominance de la voiture. En Italie, 70 villes appliquent ce principe, dont Orvieto, Barga, Greve in Chianti et Positano. En France, Segonzac (ville d'un peu plus de 2 000 habitants), en Charente, est la première municipalité à avoir adhéré, en mai 2010, au réseau international des villes lentes (Cittaslow). Concrètement, cela se traduit, par exemple, par l'ouverture d'un parc, la préservation du patrimoine historique, l'incitation au retour du petit commerce, la réhabilitation d'un réseau de ruelles piétonnes et cyclables, la création de marchés des produits locaux, l'investissement dans les structures d'accueil pour la petite enfance et les personnes âgées, la création de jardins partagés, la transformation de la station d'épuration en bassins filtrants naturels...

Contre la dictature du court terme

Jean Lhéritier rappelle que le concept du slow est déjà une tendance médiatisée par la presse, dont la femme du Président américain, Michelle Obama, se serait inspirée pour créer le potager de la Maison Blanche... Pour autant, il peine à s'imposer comme un modèle alternatif Paul Ariès abonde en son sens : « En France, on a du mal à mobiliser sur la lenteur et la relocalisation. Et pourtant, l'enjeu est social : quand une société accélère, c'est toujours au détriment des plus faibles ; la vitesse est génératrice d'exclusion, pour les personnes âgées par exemple, mais aussi pour ceux qui sont le moins armés pour la course à la productivité. »

Et d'ajouter : « La vitesse est consubstantielle au capitalisme. Il s'agit d'une part d'un système fondé sur l'exploitation des salariés, qui leur impose aujourd'hui de produire des biens et des services en flux tendus, à la demande du client. Et il s'agit également, c'est son autre versant, d'un système qui impose un style de vie précis à un nombre toujours plus important de consommateurs à travers le monde. Le capitalisme répond ainsi à nos angoisses existentielles en exploitant notre peur du vide et de la mort. » Face à cela, les leviers pour réagir ne manquent pas : du bridage des moteurs à l'interdiction de travailler le dimanche, en passant par la fin de l'éclairage dans les villes la nuit. Individus, collectivités, législateurs, nous sommes donc tous des ralentisseurs en puissance. Prenons le temps d'y réfléchir.




lundi, avril 02, 2012

La sobriété heureuse




Patrick Viveret prône une sobriété heureuse pour sortir de la démesure qui caractérise notre époque et mène à une crise économique, sociale, écologique, mais aussi politique.

Quelles réformes (y compris utopiques) faudrait-il mettre en œuvre pour que notre société soit plus durable, plus épanouissante pour chacun et moins inégalitaire ?

Lutter contre l'inégalité et l'injustice est en effet un objectif central. La permanence de ces phénomènes est en effet un des obstacles majeurs pour traiter les questions écologiques. Il nous faut donc instaurer non seulement un bouclier social mais aussi un bouclier vital, afin d'empêcher des personnes de plus en plus nombreuses de basculer, au-delà même de la pauvreté, dans la misère. Cela implique de créer un revenu social de base qui ne soit pas lié à des mesures répressives comme celles que l'on retrouve dans le dispositif du revenu de solidarité active (RSA). En effet, celui-ci prévoit notamment la radiation des personnes qui n'acceptent pas les emplois qu'on leur propose. Un revenu maximum permettant de limiter l'échelle des salaires à une grille allant de 1 à 10 ou de 1 à 20 serait également nécessaire. C'est une question de justice sociale.

Quant à la question de la durabilité de notre société et de l'épanouissement de chacun, il faudrait mettre en œuvre une vraie politique des temps de vie, depuis l'accompagnement de la naissance à celui de la mort. Cela suppose de donner les moyens à chacun de sortir d'une logique de survie, d'aider chaque être humain à trouver son projet de vie, en se posant la question « que dois-je faire "de" ma vie ? », au lieu de la question « que dois-je faire "dans" la vie ? » En clair, il convient que la société mette davantage l'accent sur les problématiques de métier (qui renvoie au projet de vie dans son sens historique et étymologique) plutôt que sur celles de job et d'emploi. Cela suppose que le système de formation sorte d'une vision réductrice et adaptative de l'éducation. Tout être humain, même en situation défavorisée, est porteur de savoirs. Il faudrait, pour en tenir compte, réinventer de véritables chambres des métiers qui seraient des espaces où, par exemple, on aiderait les jeunes à définir leur projet de vie, en les accompagnant pour cela vers une formation. Le Pôle emploi actuel deviendrait un Pôle métiers, articulé avec les chambres des métiers. Le système d'orientation, qui est trop souvent une pré-adaptation des jeunes à des filières qu'ils n'ont pas choisies, serait profondément transformé et doté de moyens nouveaux.

L'automatisation nous permet aujourd'hui de réduire la part des emplois pénibles et d'accroître celle des travaux qualifiants. Cette transition doit se poursuivre, sachant que nombre d'emplois considérés comme peu qualifiés, en particulier dans le domaine des services à la personne, doivent être sécurisés, mieux rémunérés, reconsidérés.

Vous proposez pour cela de mesurer autrement la contribution des différentes activités à la société ?

Il faut en effet requalifier les activités qui sont dans une logique contributive au bien-être, et au contraire limiter celles qui sont nuisibles, en particulier sur le plan écologique. Quantité d'emplois sont aujourd'hui dans des secteurs destructeurs, comme par exemple les fonctions de traders liées à la spéculation financière, alors que des temps sociaux, qui sont prétendument de l'ordre de l'inactivité, dans le travail domestique ou le bénévolat, ont une utilité immense. La moitié des responsables associatifs et le tiers des élus locaux sont à la retraite. Or leur contribution sociale est essentielle.

Comment la « sobriété heureuse » pourrait-elle y participer ? Par quelles réformes se traduit-elle concrètement ?

La crise systémique que nous traversons actuellement a été causée par la démesure. On constate par exemple, au travers des chiffres officiels fournis par l'Organisation des Nations unies (ONU), que les fortunes personnelles des 225 familles les plus riches du monde sont équivalentes aux revenus cumulés de plus de 2,5 milliards d'habitants. On pourrait aussi reprendre les propos d'Henri Ford. Bien qu'il ne soit pas précisément connu pour être un « alternatif », il considérait qu'à partir du moment où le revenu le plus haut dans une entreprise représentait plus de dix fois le plus bas salaire, l'entreprise était en danger. Rappelons que sous la présidence Eisenhower, plutôt conservatrice, le taux d'imposition des plus hauts revenus était de 91 %. On est loin, vous le voyez, du « bouclier fiscal » ! C'est dire à quel point les écarts colossaux aujourd'hui constatés - de 1 à 1 000, voire plus - entraînent des conditions de « vivre ensemble », que ce soit à l'intérieur d'une entreprise ou de tout autre système extérieur, qui ne peuvent pas résister durablement. Il y a aussi démesure dans le décalage abyssal entre l'économie réelle et l'économie spéculative et financière, dans les rapports à la nature, dans le rapport au pouvoir.

Or la sobriété heureuse consiste précisément à accepter que notre activité économique ait des limites. Tout d'abord des limites écologiques, en préservant les ressources naturelles, mais aussi des limites en termes d'abus de pouvoir. Comme l'explique Hervé Kempf, nous sommes face à des logiques oligarchiques contre lesquelles il faut lutter afin de reconstruire la démocratie. En France, il faut sortir du mécanisme de sélection en chambre de nos dirigeants. Les candidats aux élections présidentielles sont le plus souvent choisis parmi les 1 % à 10 % les plus riches de la population, voire les 0,1 % des hyperriches. Cette collusion s'exprime de façon dramatique en Italie avec l'oligarchie berlusconienne, qui concentre le pouvoir économique et médiatique. Il faut, face à cela, construire de vraies logiques de séparation des pouvoirs.

La sobriété heureuse est aussi un art de vivre, de bien vivre (buen vivir, dit-on en Amérique du Sud), et ce thème fut au cœur du Forum social mondial de Belém, en 2009. Une politique inspirée par ce principe peut s'appliquer aussi bien à la ville, qu'aux transports ou au travail. Ainsi, il faut mettre en place des politiques publiques sur la qualité du sommeil. L'être humain passe plus de temps à dormir qu'à travailler, et ce temps, les neurosciences nous l'ont montré, joue un rôle décisif dans la créativité et l'intelligence. Il faudrait donc travailler à limiter le bruit, la mauvaise alimentation, le stress qui gâchent la qualité du sommeil. Il faudrait aussi réorganiser la ville pour en finir avec les cadences infernales, comme le fait le mouvement des villes lentes. Enfin, les réponses à la souffrance au travail consistent à revaloriser les métiers, ne pas simplement traiter les symptômes, mais prévenir les phénomènes de stress, notamment celui lié à l'exigence de productivité. En effet, nous ne sommes pas seulement dans une économie des flux tendus, mais aussi une société des flux tendus. Et nous avons impérativement besoin de ralentir.

Selon vous, ces transformations sont déjà en marche ?

L'histoire nous le montre aussi, les fusils les plus puissants ne peuvent rien à la longue contre la force des idées. La puissance de l'opinion mondiale et locale a eu raison de l'apartheid en Afrique du Sud, de la colonisation anglaise en Inde et, plus récemment, les peuples tunisien et égyptien ont eu raison des dictateurs qui dirigeaient leurs pays. Alors, pourquoi ne pas avoir raison du mur de l'argent, des logiques de peur, de domination et de maltraitance, de la démesure et du mal-être, de la dégradation de la planète, de ce seuil symbolique, franchi en 2009, du milliard de gens qui ont faim ?

Cette immense transformation culturelle, sociale est déjà en marche, et nous n'avons pas d'yeux pour la voir. Songeons, par exemple, à la rapidité avec laquelle se développent dans nos sociétés (sans grande intervention des politiques, qui ne font que suivre le mouvement) des changements d'attitude qui pourtant paraissaient énormes comme le tri sélectif des déchets, la circulation en vélo dans les villes, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les limitations de vitesse sur la route, la consommation de nourriture biologique, et maintenant la réorientation de la consommation de masse vers des dépenses plus durables et plus nécessaires. Je définis souvent la philosophie comme « l'art de la dégustation de la vie ». Il nous faut non seulement croire à un avenir possible pour l'humanité, mais aussi imaginer un avenir désirable qui ne se limiterait pas à l'objectif minimaliste d'assurer la seule survie biologique de l'humanité. C'est la question de la vie intense qui se pose, aussi bien dans nos vies personnelles que dans la vie collective de la famille humaine. Pour repérer ces forces créatrices, il est important de voir ou de croire qu'a un autre monde est possible ».

Propos recueillis par N. N. pour Alternatives Economiques 


Reconsidérer la richesse

« Il est nécessaire de porter les questions d'une nouvelle approche de la richesse à la fois dans l'espace des institutions internationales, dans celui des entreprises, et bien sûr dans celui de la société civile mondiale. Ce qui était encore il y a huit ans une approche extrêmement marginale commence en effet à s'imposer dans le débat public international sous l'effet de la crise écologique, sociale et financière ».
Patrick Viveret


Patrick Viveret est philosophe, ancien conseiller à la cour des comptes et membre fondateur du Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR).

samedi, mars 31, 2012

Une visite à l'ermite de la montagne





Voilà trois heures que nous gravissons le chemin abrupt bordé de genévriers ; nous avons auparavant traversé des prairies couvertes de gentianes bleues et d'edelweiss d'un blanc feutré, avenantes invitations au repos. Le Dritchou, qui prend sa source sur les hauts plateaux tibétains et devient le Yangtsé en Chine, semble déjà très loin, en contrebas, dans la grande vallée qu'il traverse et à laquelle il donne vie. L'air est vif : à 4 500 mètres d'altitude le bleu lumineux du ciel, d'une intensité inconnue dans les plaines, claque sur la clarté des rocs. Nous approchons des grottes où une douzaine d'ermites, moines, nonnes ou pratiquants laïcs mènent sereinement leur vie contemplative dans un silence que seuls troublent parfois, comme pour en souligner la profondeur, le cri d'une marmotte, l'appel rauque d'un grand corbeau ou la mélodie flûtée d'une grive. Le lieu s'appelle la « Prairie de Lotus ». Ainsi que l'écrivait Kaldèn Guiatso, le grand ermite, très révéré de l'Amdo :

Si tu aspires à la solitude des montagnes,
Les grottes accueillantes s'ouvrent à flanc de falaise
Sous des sommets drapés de brume.
Demeurer en ces retraites est source d'une indicible joie,
temporelle et ultime.

Participer à la vie des ermites en subvenant à leurs maigres besoins est une joie pour les nomades des environs. Ils viennent parfois leur rendre visite et leur apportent des provisions : tsampa (farine d'orge grillée], beurre, viande séchée qu'ils déposent à l'entrée de l'ermitage si le méditant est en retraite fermée.

Nous nous approchons de l'une des grottes qui s'ouvre sur une petite corniche ensoleillée. Nos deux guides, un moine du monastère de la vallée et un praticien de médecine traditionnelle tibétaine, connaissent bien les ermites et savent que le retraitant du lieu accepte de recevoir les rares pèlerins de passage. La grotte a été très simplement aménagée : on y a construit quelques murets de pierre pour la rendre habitable. Il faut se courber pour franchir la porte basse qui donne sur une antichambre minuscule. L'inventaire est vite fait : un âtre de glaise, une pile de bois sec, une bouilloire en aluminium et quelques sacs de toile contenant des provisions.

Deux marches, un lourd rideau de toile, et nous sommes en présence de l'ermite. La pièce est faiblement éclairée par une lucarne on peut tout juste se tenir debout en son centre. Sur un côté, un petit autel a été disposé dans la roche noire. De l'autre, un simple mur de pierre enduit de terre et, à même le sol, la couche sur laquelle l'ermite est assis le jour et dort la nuit. À son chevet, sur une étagère rustique, sont empilés des livres enveloppés de tissus multicolores : recueils d'instructions spirituelles, biographies de saints et quelques traités philosophiques. Ils sont constitués de folios oblongs, non reliés, calligraphiés ou imprimés à partir de planches de bois gravées, analogues à celles utilisées à la grande imprimerie artisanale de Dergué.

L'ermite nous accueille avec calme et gentillesse. Il a trente-six ans et est en retraite dans cette grotte depuis quatre ans. Après de nombreuses années d'étude dans un monastère de la vallée, où il a obtenu le titre de khènpo, équivalent d'un doctorat en philosophie, il a ressenti un profond désir de se consacrer à la méditation. Il avait grande hâte de s'éloigner des préoccupations mondaines qui affligent nombre d'entre nous : le gain et la perte, le plaisir et le déplaisir, la louange et le blâme, la renommée et l'anonymat.

Il nous offre du thé - à vrai dire, de l'eau chaude à la surface de laquelle flottent quelques feuilles de thé. Dans cette atmosphère recueillie, les grandes conversations semblent déplacées. Nous nous enquérons de sa santé, échangeons quelques propos sur la pratique spirituelle, et promettons de lui faire parvenir un texte qu'il souhaite avoir et que nous avons réimprimé en Inde. Puis, après avoir partagé son silence pendant quelques instants, nous prenons congé, non sans avoir déposé discrètement une offrande pour l'aider à poursuivre son ascèse. […]

Matthieu Ricard, Tibet, regards de compassion.




Note :

Contrairement à l'affirmation de Matthieu Ricard, le titre de khènpo n'est pas l'équivalent du doctorat de philosophie. On devient khènpo en connaissant parfaitement les dogmes magico-tantriques et mythologiques du lamaïsme. Or la véritable philosophie est née auprès de ceux qui ont, pour la première fois, rejeté les légendes pour expliquer la nature et dire comment le monde est né. « La raison a fait ses premiers pas avec les Milésiens (au début du VIe siècle av. J.-C.) qui ont donné à leur étonnement, non pas l'expression fantasmatique du mythe, mais penseurs rationnels, l'ont transmuée en un véritable questionnement philosophique », rappelle le philosophe Emmanuel Pougeoise.




Tibet
Regards de compassion



Photo :
« Cet ermite de la vallée de Dènkok a passé douze ans en retraite solitaire. Il est coutume que les retraitants ne se coupent pas les cheveux durant leur retraite, pour ne pas gaspiller leur temps dans des tâches inutiles. » 

Matthieu Ricard


Plus lamaïste que le dalaï-lama





Matthieu Ricard, célèbre moine lamaïste et interprète du dalaï-lama, photographie le Tibet depuis des années. Amateur de textes, il est allé dans « la plus grande imprimerie manuelle de l'humanité » située à Dergué, dans l'est du Tibet.

Les belles photographies du moine français nous plongent dans un Tibet paradisiaque et... imaginaire. Matthieu Ricard ne montre jamais l'envers du décor. Par exemple, les moines oisifs et crasseux qui déambulent dans les rue commerçantes, malpropres et polluées de Dergué ou des autres cités tibétaines. Les personnes qui ont voyagé dans cette partie du monde n'ignorent pas que les villes, toujours plus bétonnées, sont souvent hideuses. D'ailleurs, cette manie du béton se retrouve en France où des lamas font édifier à grands frais de vilains temples comme celui de Lérab Ling, à côté de Lodève (34). Dans l'album photographique de Matthieu Ricard, "Tibet, regards de compassion", le Tibet réel, celui de l'affairisme destructeur du tissu social et de l'environnement, est dissimulé.

Matthieu Ricard était le docile disciple du hiérarque tibétain Dilgo Khyentsé (1910-1991). Il a photographié le retour de son gourou au Tibet. Soucieux de faire l'apologie du lamaïsme et de son ordre hiérarchique, il a photographié le gros Dilgo Khyentsé se déplaçant en litière ou en chaise à porteur comme un potentat de l'Antiquité. L'image du hiérarque tibétain dans sa litière portée par des hommes asservis par les superstitions ne choque nullement le moine français. A-t-il oublié que le fondateur du christianisme s'était contenté d'un âne pour se rendre à Jérusalem ?

Matthieu Ricard, propagandiste du lamaïsme féodal et rejeton de Jean-François Revel, de son vrai nom Jean-François Ricard (1924-2006), est bien le fils de son père. Jean-François kahn, cofondateur de Marianne, dresse le portrait du père du moine lamaïste :

« Philosophe, journaliste, excellent et brillant polémiste qui osa de talentueuses sorties iconoclastes (ni Marx ni Jésus). Fut un ardent mitterrandiste, assimila la France gaulliste à une dictature bananière, avant d'expliquer, en 1981, que la France basculait inéluctablement dans le système totalitaire. Candidat aux élections, il bénéficia, en 1967, du désistement des communistes dont il expliqua, par la suite, qu'ils étaient en train de s'emparer de tous les leviers du pouvoir afin d'installer un régime soviétique.

Esprit aigu et lucide, il annonça, outre l'instauration d'une « dictature rouge » en France, l'élection de Mc Govern à la présidence des États-Unis ou l'émergence d'un « modèle vénézuelien » avant Chavez, ainsi que l'inévitable échec des démocraties face au rouleau compresseur soviétique. Il expliqua que se poser des questions sur les conditions de la première élection de George Bush, et en particulier sur la nature du scrutin en Floride, constituait le comble de l'antiaméricanisme forcément primaire. Plus bushiste d'ailleurs que Bush lui-même, soutenant tout ce qui vient de Moscou (pardon, de Washington !), il applaudit à l'invasion de l'Irak, croisade légitime pour la démocratie, et expliqua ensuite que les Irakiens n'étaient « congénitalement » pas faits pour la démocratie. Converti au néolibéralisme pur et dur dont il refusa, par esprit de système, d'examiner la moindre tare, il continua de batailler jour après jour, avec verve et talent, contre le monstre communiste... »

A l'instar de son père, Matthieu Ricard n'examinera jamais les tares de l'odieux système qu'il sert.



Note :

Dilgo Khyentsé revient au Tibet à l'âge de 77 ans. Malgré le kum Nyé, la méthode de guérison holistique des Tibétains, et son prétendu accomplissement spirituel, le gourou de Matthieu Ricard est un vieillard cacochyme. Les prélats du lamaïsme sont souvent de gros mangeurs de viande. Ils payent leur goinfrerie durant la vieillesse et même avant. (Le végétarien Théodore Monod, lui, participa à une méharée dans le Sahara à l'âge de 92 ans...)


Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...