mardi, juillet 24, 2012

Le rêve de l'Aborigène



Le rêve de l'Aborigène 2012, photo Félix

Il y avait beaucoup de monde à Airvault (79) pour le dixième anniversaire du festival Le rêve de l'aborigène (du 20 au 23 juillet 2012).

Le rêve de l'Aborigène selon l'agenda du Routard :

« Cette véritable invitation à la découverte de la culture aborigène est en fait le seul festival français de didgeridoo (sorte de flûte), à la guimbarde et au chant diphonique. Il est dédié à ces trois instruments ancestraux et aux cultures dont ils sont issus. En plus des concerts sur une prairie de 15 hectares, aussi des expositions, des stands et des ateliers autour des peuples premiers, des films et des animations en présence d'associations humanitaires et d'artistes du monde entier. En 2011, ils viennent d'Australie, de Mongolie, d'Inde et du Gabon.

Le festival Le rêve de l'Aborigène véhicule la notion de respect de la nature et de l'humain, de conscience écologique : panneaux solaires, restauration bio, tri des déchets... Chaque année, un cèdre est planté en signe de la renaissance du festival et pour la reforestation. Enfin, pour marquer la solidarité avec les peuples indigènes victimes de l'alcool, la fête est 100 % sans alcool... et d'autant plus folle. »

Les Aborigènes sont-ils télépathes ?

Questionnés sur la télépathie, les aborigènes présents au festival ont dit qu'elle ne serait pratiquée que par des hommes-médecine.

Dans son best-seller, Message des hommes vrais au monde mutant, l'américaine Marlo Morgan fait comprendre que tous les aborigènes ont la faculté de communiquer par télépathie :

« La journée commença comme les autres et je ne pressentis rien de ce qui m'était réservé, écrit Marlo Morgan. Seul fait exceptionnel, nous prîmes un petit déjeuner. La veille, sur la piste, nous étions passés près d'une meule à grain. C'était un gros rocher ovale et très lourd, trop lourd à transporter, si bien qu'on le laissait là, à la disposition des voyageurs assez chanceux pour avoir du grain à moudre. Les femmes avaient réduit des tiges en fine poudre qu'elles avaient mélangée avec une herbe à goût salé et de l'eau, pour faire des galettes qui ressemblaient à des petites crêpes.

Durant notre prière matinale, face à l'est, nous remerciâmes pour toutes ces bénédictions et adressâmes notre message quotidien au royaume de la nourriture. Un jeune homme vint se placer au centre du groupe et parla. On m'expliqua qu'il s'offrait pour une tâche spéciale ce jour-là et il quitta le campement très tôt, nous précédant sur notre route.

Nous marchions depuis plusieurs heures quand l'Ancien s'arrêta et s'agenouilla. Tout le monde l'entoura tandis qu'il restait à genoux, oscillant doucement, les bras étendus devant lui. Je demandai à Ooota ce qui se passait, mais il me fit signe de me taire. Personne ne parlait, les visages étaient attentifs. À la fin Ooota se tourna vers moi et me dit que le jeune éclaireur nous envoyait un message demandant la permission de couper la queue du kangourou qu'il venait de tuer.

Je compris alors pourquoi le groupe était tellement silencieux toute la journée quand nous marchions : la tribu communiquait la plupart du temps par télépathie. On n'entendait rien, mais des messages s'échangeaient entre des gens à trente-cinq kilomètres de distance. Comme c'était le cas en ce moment même. [...]»

Message des hommes vrais au monde mutant est présenté comme le témoignage authentique d’une initiation qu’aurait vécue Marlo Morgan auprès des Aborigènes d'Australie. Le livre devient rapidement un best-seller. Mais pour les Aborigènes, Message des hommes vrais au monde mutant n'est qu'un tissu d'affabulations. Confrontés à huit aborigènes, les « Anciens », Marlo Morgan finira par admettre que son livre n'est qu'une fiction. Les éditions ultérieures du livre mentionnent :

« Ceci est un livre de fiction inspiré par une expérience, vécue en Australie, mais qui aurait pu l'être en Afrique ou en Amérique du Sud, partout où il existe encore un sens véritable de la civilisation. Qu'à travers mon histoire, le lecteur entende son propre message. » 
Marlo Morgan

jeudi, juillet 19, 2012

Les déviations de l'instinct





Les déviations de l'instinct
chez l'homme et l'animal et leurs conséquences

L'homme jouit de l'intelligence, mais ne suit pas beaucoup son instinct. Par contre, l'animal a moins d'intelligence, mais suit davantage son instinct.

Si l'homme suivait pleinement son instinct, la plupart des gens n'auraient pas mangé la viande à l'état naturel, c'est-à-dire crue et sans assaisonnement ni préparation. Ceux qui aiment la viande dans cet état sont la minorité avec un instinct dépravé. En effet, l'homme ne possède pas les équipements anatomiques et physiologiques pour tuer une bête et pour la manger. Cela ne veut pas dire que les animaux ont l'instinct parfait. Toutefois, ils le suivent plus que l'homme. En effet, les physiologistes ont classé les singes parmi les frugivores, mais on a vu parfois et rarement des singes manger de petits animaux. Ces singes n'ont pas suivi leur instinct pour une raison qu'on ignore et pour leur malheur. C'est ce qui a porté certains auteurs à déclarer que le singe — et donc l'homme — est un petit carnivore. C'est une erreur, car le tableau d'anatomie et de physiologie comparées, établi par les grands physiologistes, classe l'homme et le singe parmi les frugivores. Leurs organes anatomiques et physiologiques ne sont pas adaptés à la viande.

L'animal qui mange les aliments qui ne lui sont pas destinés par la Nature le paye dans sa santé, comme l'homme subit les pénalités à la suite de ses transgressions pour avoir mangé le fruit défendu.

C'est ainsi que dans la nature sauvage, le cancer est répandu et plusieurs animaux souffrent d'hypertension, de durcissement des artères, de rhumatisme, et d'autres maladies nombreuses.

L'excès nutritif, comme les carences nutritives, produisent la dénutrition. Une plante arrosée à l'excès finit par crever, tout comme celle qui ne reçoit pas d'eau du tout. L'excès d'aliments azotés, que la médecine préconise, finit par produire des croissances cancéreuses et l'infection de l'organisme.

« L'antithèse du développement provenant d'une alimentation illégitime et excessive, est courante dans la nature. Je rejette le point de vue théologique selon lequel, des glaciers du nord aux côtes de l'Inde, seul l'homme est vil. Il y a un tas de preuves qui montrent que l'homme n'est pas le seul animal qui ait goûté du fruit défendu et qui paye pour avoir transgressé la loi. Tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, dans le royaume où l'on lutte pour sa survie ».

« Dans le domaine de l'évolution pathologique chez les animaux, les paléontologistes ont montré plusieurs exemples de changements chez un grand nombre d'espèces certaines parties atrophiées au point de devenir de simples vestiges ; alors que d'autres parties se sont hypertrophiées jusqu'à l'acromégalie. Nous voyons dans la nature sauvage un grand nombre d'asymétries, de dystrophies, d'atrophies, d'hypertrophies, d'acromégalies précoces, de précocités, de disharmonies, de gigantismes, de monstruosités, de parasitismes, de dégénérescences, et d'autres anomalies qui montrent à quel point le royaume animal s'est éloigné des normes de comportement ». Shelton.

Quand je lis Marchesseau et Burger préconiser un peu de viande en disant que l'homme est un petit carnivore, comme le singe, cela me fait sourire. Prétendent-ils que l'instinct est parfait chez l'animal ?

« La physiologie est déterminée par le comportement biologique, poursuit Shelton. Les changements structuraux proviennent des perversions nutritionnelles et des nourritures illégitimes. Les développements antithétiques en tant que compensations et corrélations, les atrophies dans certaines structures osseuses, simultanément à un accroissement morbide ou à des hypertrophies chez d'autres, ces développements pathologiques surviennent par suite d'habitudes alimentaires biologiquement illégitimes.

« Mais le biologiste, incapable de distinguer entre la pathologie et la santé, entre ce qui est normal de ce qui est anormal, considère tous ces changements comme des normes de la biologie. Il voit l'acromégalie (comme celle des incisives supérieures de l'éléphant moderne) et l'atrophie (comme celle des incisives inférieures chez le même éléphant) comme de simples « variations ».

« C'est ainsi que de nombreuses pathologies dans la nature sont considérées par le biologiste comme étant des développements normaux, lesquels sont camouflés par l'usage des termes incorrects suivants : adaptation, variation, mutation, et spécialisation ».

« Le biologiste et l'anthropologue, étant peu familiers avec les états pathologiques, ont tendance à considérer comme normal tout ce qu'ils rencontrent très répandu dans la nature. J'ai souvent conseillé aux biologistes d'étudier la pathologie, mais qui suis-je pour prétendre donner des conseils à un corps de savants érudits ! Un vrai savant peut apprendre d'un microbe, mais le pédantisme du biologiste moyen lui a fermé l'esprit devant tout ce qui proviendrait en dehors du cercle fermé de sa spécialité. Il préfère demeurer ignorant plutôt que d'admettre qu'une personne étrangère à son cercle sait ce qu'il ne sait pas ». — Shelton.

L'adaptation ? Plutôt un état pathologique

L'idée scientifique est que l'homme s'est adapté depuis tant de siècles qu'il consomme la viande et le pain. Mais que voyons-nous ? L'homme ne s'est pas du tout adapté à ces aliments illégitimes. Ses griffes n'ont pas poussé. Il n'a toujours pas de fourrure. Son foie est toujours très petit et ses intestins pas aussi courts que ceux des carnivores. Il n'a pas développé un gésier broyeur comme celui des granivores. En un mot, il n'y a pas eu adaptation. On lira le premier chapitre de mon livre « La nourriture idéale et les combinaisons simplifiées » (Ed. Courrier du Livre, Paris).

Selon le Dr René Larger, cité par Shelton, les paléontologues n'ont pas reconnu les développements pathologiques qu'ils ont toujours considérés comme des développements normaux. (Contre-Evolution par le Dr R. Larger.)

Le front bombé chez l'homme des cavernes est un développement pathologique, tout comme les développements acromégaliques ou atrophiques que l'on voit partout dans la nature sauvage, et qu'on prend pour des développements normaux.

« L'anthropologue qui étudie les restes des hommes préhistoriques, de même que le biologiste qui étudie les spécimens tordus et déformés d'espèces vivantes, ignorent le caractère pathologique de ce qu'ils considèrent comme une adaptation.

Question : Quand est-ce qu'une anomalie n'est pas une anomalie ?

Réponse : Quand c'est une « adaptation » !

« L'asymétrie à tous les niveaux est toujours une indication d'anomalie. Que ce soit dans la nature ou dans la domestication, les aliments illégitimes ou en excès, accompagnés d'indolence, comme c'est d'habitude le cas, produisent des croissances morbides et des monstruosités.

« L'éléphant est un géant acromégalique. Or, c'est l'animal le plus glouton. C'est aussi un assassin de végétaux, ce qui lui procure des aliments illégitimes, donc pas convenables. Comparativement, les cas légers d'acromégalie humaine et de gigantisme sont plus courants qu'on ne l'avait cru. En effet, nous sommes fiers d'avoir une grande taille, mais le gigantisme naissant est un développement pathologique indésirable. D'ailleurs, cet accroissement de la taille est accompagné de nombreux stigmates d'anomalies croissantes, telles que la carte dentaire, les tumeurs, les cancers, les névroses, etc.

« Je ne dis pas que les aliments illégitimes sont la seule cause de la dégénérescence humaine, mais c'est sûrement la principale ».

«Au fur et à mesure que le régime devient de plus en plus carnivore, la dégénérescence augmente et s'accélère ». Shelton's Hygienic Review, déc. 1954, p. 90.

Comme en agriculture

En agriculture, les cultures forcées par des engrais chimiques azotés produisent des aliments plus gros, mais malsains. Les grosses tomates, les grosses carottes n'ont pas le goût parfait des aliments normaux cultivés sans engrais chimiques azotés.

Il en est de même chez l'enfant qui est nourri en excès d'aliments azotés. Il pousse plus vite, mais mal. Il devient précoce, sa puberté arrive de bonne heure, il vieillit plus tôt et meurt avant l'âge, rongé par la maladie. On connaît l'oiseau Australien Kéa qui était végétarien, beau et sain. Pour une raison qu'on ignore, il devint carnivore et dégénéra tout récemment dans notre temps.

Les causes de la déviation de l'instinct

On peut incriminer l'intelligence dévoyée, la sorcellerie, la magie noire, et même la médecine. C'est ainsi que chez les tribus primitives Africaines, on dit que la consommation du cœur d'un ennemi rend courageux, celle de ses testicules rend viril et boire son sang, manger sa chair donnent de la force. En médecine, on prône un régime carné pour fortifier, et pour surmonter la répugnance à manger des cadavres, on les cuit et on les assaisonne pour masquer leur goût dégoûtant. C'est ainsi que l'instinct peut être perverti, même chez les bébés, par les artifices culinaires, par l'exemple de la mère qui est très incitateur ou enfin par l'hérédité.

Enfin, pour déterminer quels sont les aliments spécifiques de l'homme, au lieu de s'en tenir à l'instinct, il est plus sûr d'étudier le tableau d'anatomie et de physiologie comparées pour déterminer quelle est la place de l'homme parmi les animaux. On voit donc l'erreur de l'instinctothérapie.

Nous sommes apparentés aux singes

L'homme est apparenté aux singes, surtout aux grands primates. L'étude de ces animaux est passionnante dans le domaine de la nutrition, de la santé et du comportement. Dans le numéro hors série, consacré aux grands singes, de la revue Terre Sauvage, nous lisons plusieurs études passionnantes à ce sujet. Les singes ne peuvent pas parler. Alors comment communiquer avec eux ? Les Américains ont réussi à leur enseigner le langage des sourds-muets et à leur parler de la sorte. Ainsi, on leur a appris une centaine de mots simples. Les singes rient. Le rire n'est donc pas le propre de l'homme, comme on dit.

Dans le domaine sexuel, il semble que le gorille observe une certaine retenue, alors que les femelles ne sont disponibles que durant une certaine période, seulement tous les quatre ans, entre deux accouchements. N'est-ce pas l'état normal de la femme ? Celle-ci devrait allaiter son bébé durant trois ans et ne pas être disponible durant toute cette période d'allaitement. De toute façon, si elle est en bonne santé, elle est stérile tant qu'elle allaite son petit. Elle tire tout son plaisir de l'allaitement et n'a besoin d'aucun autre plaisir.

Pour l'orang-outan, un autre primate proche de l'homme, la grossesse durant sept à huit mois et le bébé ne pèse que un kilo environ. La période d'allaitement dure trois à sept ans durant laquelle la femelle ne peut concevoir et évite tout contact avec les mâles. Et que pèse le bébé humain ? Trois à quatre kilos, parfois plus ! D'ailleurs, il perd du poids tout de suite dès les premiers jours de sa naissance. La femme est suralimentée, son accouchement est difficile, le bébé est trop gros. Nos bébés ne devraient pas peser plus de deux kilos.

A six mois, l'orang-outan a doublé son poids et pèse environ sept kilos. Les mâles pèsent deux fois plus que les femelles et leur taille est aussi le double. Les ethnologues prétendent que les termites fournissent un apport précieux de protéines. Mais qui prétendraient que ces singes ont l'instinct parfait ? Ne commettent-ils pas aussi des erreurs ? Quand ils grandissent, ils atteignent les cent kilos.

L'orang-outan après son sevrage apprend à sélectionner son alimentation en regardant ses parents. Sa nourriture comprend quelque trois cents espèces végétales, et rarement des insectes ou du miel pour la gourmandise.

Les orangs-outans connaissent parfaitement le moment exact où les arbres donneront les fruits et le jour où ils mûrissent. Ils adorent les figues.

Les petits aiment aussi jouer avec d'autres petits sous le regard attentif de leur mère, qui n'aime pas beaucoup que ses petits s'éloignent d'elle.

« Un jeune de trois ans et demi attire l'attention de sa mère en tendant la main, paume vers le ciel dans un geste de mendicité bien connu chez les chimpanzés. Mais la mère semble peu disposée à satisfaire la requête de son fils. Le petit commence alors à s'énerver, pique une violente colère et entame une série d'acrobaties plus inquiétantes les unes que les autres : il se tient sur un pied au bout d'une maigre branche, menace de se lancer dans le vide et revient à la charge, moulinant l'air de ses bras. Après cette "crise", la mère, excédée, mais vaincue, cède à ses exigences alimentaires . Le jeune orang-outan n'a donc pas utilisé une branche pour rapprocher un fruit convoité, comme aurait pu le faire le chimpanzé. Il s'est servi d'un instrument incomparablement plus sophistiqué : sa mère. Parfois, elle lui donne un coup avec sa main, mais suivi tout de suite d'une caresse pour le consoler. »

Quand un jeune se perd dans la forêt, il pousse des cris stridents pour appeler sa mère qui accourt vers lui. Mais quand il grandit, sa mère cherche à l'éloigner d'elle. S'il mendie quelque fruit, avec la main tendue et la voix languissante, sa mère le repousse en lui lançant des cris aigus et même en levant sa main sur lui.

Après le repas du matin, qui dure deux heures ou plus, les gorilles font la sieste sur l'herbe. Les petits, eux, jouent ensemble et ne dorment pas.

La mortalité des bébés gorilles est assez élevée à cause du froid et du manque d'hygiène. Leur croissance est deux fois plus rapide que celle des bébés humains. Ils dorment douze à treize heures. Leur régime comprend du céleri sauvage, gaillet, chardons, orties. Ils ne boivent jamais, car leurs aliments sont toujours aqueux. Ils ne mangent pas d'aliments concentrés. Ils mangent aussi des baies, des moelles de jeunes pousses, l'écorce de certains arbres qu'ils découpent avec leurs dents acérées.

Les gorilles mesurent deux mètres trente de hauteur et pèsent environ cent quatre-vingt kilos. Ils ont une force gigantesque et ne mangent pratiquement aucun aliment azoté concentré, sinon rarement. Comment forment-ils toute cette musculature impressionnante sans produits azotés ?

Albert Mosséri, L'homme, le singe et le paradis.

mardi, juillet 17, 2012

Les médicaments ont-ils été le progrès que l'on croit ?





Médecins et pharmaciens ont toujours eu le talent de se faire passer pour les bienfaiteurs de l'humanité. En particulier, depuis le XXe siècle, en raison des progrès scientifiques accomplis : la découverte des antibiotiques, les sulfamides en 1935, la pénicilline en 1941 et la streptomycine en 1943 ; mais également de la cortisone (1949), des psychotropes (1952), du facteur VIII – pour soigner l'hémophilie – (1958), de la pilule contraceptive (1960), des antihypertenseurs (1964), de l'héparine (1974), des trithérapies du sida (1996)... Les pasteuriens vantent les mérites des sérothérapies et des vaccinations, qui auraient permis d'éradiquer la variole, peut-être un jour prochain la poliomyélite. On rappelle à qui veut l'entendre les incroyables avancées du diagnostic, la traque de la maladie.

Après l'invention du stéthoscope, en 1816, par Théophile R. M. H. Laennec (1781-1826), une accumulation exponentielle de nouvelles techniques a doté le médecin d'outils merveilleux et sans cesse plus perfectionnés, d'abord la radioscopie, puis les tests biologiques, chimiques, immunologiques, les techniques d'imagerie (scanner, caméras à positon, résonance magnétique), enfin le robot caméra miniature que l'on avale comme une pilule : celui-ci est un médicament diagnostique d'un genre révolutionnaire, il inaugure l'ère future des nanotechnologies thérapeutiques. Il ne faut tout de même pas désespérer de la science, nonobstant ses erreurs et les défauts de ceux qui la font.

Les chirurgiens ne déméritent pas non plus, depuis qu'Ignace F. Semmelweiss (1818-1865) leur a appris à se laver les mains. Ils opèrent maintenant avec des automates ultra-précis et effectuent des prouesses à faire pâlir d'envie le Dr Frankenstein —, greffes de visage, de jambes, etc. Elles n'auraient pas été possibles sans la découverte de la cyclosporine, un médicament antirejet « immunodépresseur » ; le tacrolimus (FK-506) est plus récent.

Dans l'inconscient collectif contemporain, toutes ces avancées auraient permis à l'humanité de sortir des âges barbares des grandes épidémies. Elles auraient repoussé l'âge de la retraite finale de 43 ans à 85 ans en à peine cent ans ; et multiplié le nombre des humains par trois et des poussières, de deux milliards au début du XXe siècle, à plus de six milliards à sa fin.

Cette légende dorée de la médecine contemporaine est pourtant contestée, parfois avec vigueur, par deux catégories de critiques, celle des déclinistes et celle des détracteurs, la plus ancienne. La première ne remet pas en cause le progrès médical. Elle admet volontiers ce qui vient d'être décrit, mais doute du futur. Philippe Pignarre en fait partie. Pour cet ancien de l'industrie (il a travaillé chez Synthélabo), le rendement de la créativité pharmaceutique se serait inversé à partir de 1975. Le déclin se serait accéléré depuis. Aucune nouvelle molécule véritablement novatrice n'aurait été découverte depuis, à quelques exceptions près comme les trithérapies ou l'anticancéreux Glivec (hercéptine). Son analyse montre que la courbe du coût de la R&D (Recherche et Développement) a augmenté moins vite que celle de la découverte de nouveaux traitements entre 1935 et 1975. Ensuite les pentes se sont inversées : l'augmentation des coûts est devenue exponentielle tandis que le nombre de découvertes a décru abruptement. Pignarre appelle ce renversement « l'effet ciseau ». Sa conséquence est que l'on paie de plus en plus cher le développement de médicaments de moins en moins innovants. « Le nombre de molécules intéressantes s'est considérablement réduit ces dernières années [...] dans toute l'industrie pharmaceutique, confirme le Pr Silvio Garattini. Cette industrie a beaucoup de difficultés à trouver de nouveaux remèdes et ne fait plus que des copies de médicaments existants. »

La tendance est particulièrement préoccupante en ce qui concerne les antibiotiques. Depuis une dizaine d'années, l'apparition de streptocoques résistants à la fois à la méthicilline et à la vancomycine, par exemple, limite l'efficacité de l'antibiothérapie. Les alternatives sont rares et incertaines à défaut de nouvelle découverte décisive. La peur de se retrouver dépourvu de munitions contre les agents pathogènes est à l'origine de l'une des rares campagnes de santé publique ne servant pas l'intérêt des firmes « Les antibiotiques ? C'est pas automatique ! »

À l'opposé des déclinistes, les détracteurs de la médecine ne croient pas aux « très riches heures de la science médicale ». Pour eux, les médecins sont des vantards, ils s'attribuent le mérite des autres, dans le meilleur des cas. Sinon, ce sont des policiers imposant leurs normes à la population avec froideur au nom d'une idéologie hygiéniste sans fondement scientifique réel. Parmi les plus virulents, il faut d'abord mentionner le prêtre catholique et philosophe autrichien Ivan Illich (1926-2002). Il est le théoricien du monopole radical. Quand une technique fait la preuve de sa supériorité (ou le prétend), elle s'érige inévitablement en monopole. C'est le cas de l'automobile. Mais ce monopole, fondé sur la liberté, finit par devenir une prison, et l'on met maintenant plus de temps à traverser Paris en voiture qu'à bicyclette, on sacrifie une part immense de sa vie à gagner l'argent nécessaire aux traites et aux frais de réparation du sacro-saint véhicule. Pour Illich, il en est allé ainsi du christianisme, théologie libératoire au commencement, devenu catholicisme, un « universalisme » qui impose ses normes. La médecine moderne a suivi le même chemin. Son monopole l'a rendue contre-productive et dangereuse.

Son livre Némésis médicale s'ouvre sur une phrase paradoxale « L'entreprise médicale menace la santé. » En s'appuyant sur des données chiffrées et des tableaux statistiques, Illich affirme que la médecine n'a pas tellement amélioré l'état de santé de l'humanité. Au contraire, elle a créé de nouvelles maladies, des iatrogènes, en s'alliant à l'industrie pharmaceutique notamment. Elle a privé les individus de leur liberté, de leur autonomie, a rendu la mort inacceptable de même que la vieillesse et la souffrance. Dans un article écrit deux ans avant sa mort, le philosophe revient sur sa Némésis publiée vingt-quatre ans plus tôt : « Aujourd'hui, je commencerais mon argumentation en disant : "La recherche de la santé est devenue le facteur pathogène prédominant." » Il y constate à quel point notre société médicalisée est minée par la contradiction ; la santé objective, définie par des courbes de mortalité et de morbidité en baisse, prétendument grâce à la médecine, s'y oppose à une santé subjective, quant à elle déclinante : « Plus grande est l'offre de "santé", plus les gens répondent qu'ils ont des problèmes, des besoins, des maladies, et demandent à être garantis contre les risques [...] » La propagande de l'industrie pharmaceutique n'y est sans doute pas étrangère.

Après la publication de son livre, Ivan Illich s'était attiré la foudre de nombreux médecins et non-médecins « qui le consid[éraient) comme dominé par ses a priori et ses passions qui le portaient à voir uniquement les côtés négatifs de la médecine ». Il n'est pourtant pas le seul à avoir contesté l'autosatisfaction médicale et les dérives de la médecine. Michel Foucault (1926-1984) avait ainsi, quatorze ans plus tôt, décrit l'asile psychiatrique inventé sous l'Ancien Régime, comme un lieu d'enfermement et un moyen de traiter par une forme de répression des problèmes avant tout de nature sociale : système médicalisé de domination.

C'est à un professeur de médecine sociale de Birmingham, Thomas McKeown, que revient le mérite d'avoir tenté de contester scientifiquement l'hybris (orgueil démesuré) médicale. Dans deux articles abondamment commentés, il s'est interrogé sur les raisons de la baisse de mortalité due aux maladies contagieuses transmises par l'air, notamment la tuberculose, au XIXe et au XXe siècle. Après avoir éliminé toutes les autres causes possibles, il est arrivé à la conclusion que seule l'augmentation du niveau de vie, plus particulièrement la meilleure alimentation, pouvait l'expliquer. L'aération des logements, la ségrégation dans des sanatoriums, l'éradication de la tuberculose bovine et même les antibiotiques, aucun de ces facteurs n'aurait joué un rôle déterminant.

Sa thèse a fait l'objet de vives critiques, non seulement de la part des médecins cliniciens, mais aussi des partisans des campagnes sanitaires (Public Health Campaigns) auxquelles McKeown était hostile. On lui a opposé de nombreux arguments, comme la diminution spontanée de la virulence des fièvres scarlatines à streptocoques au XIXe siècle, indépendamment des ressources alimentaires ou du niveau social des populations. On lui a aussi fait le reproche d'avoir confondu les morts par pneumonie et ceux par tuberculose, rendant inexploitables certaines de ses données. Des travaux plus récents ont encore essayé de discréditer la thèse de McKeown quant au rôle des antibiotiques.

Le tableau est moins clair avec les vaccins, plus pour des questions de santé publique, d'ailleurs, que d'efficience. La fréquence et la mortalité de la plupart des maladies virales ont en effet très nettement diminué généralement bien avant l'introduction du vaccin préventif. La rougeole par exemple, était devenue une maladie très rarement mortelle aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Elle ne tuait plus que 20 enfants par an en France en 1983, année de l'introduction du vaccin, contre 3 754 en 1906. La variole avait perdu une grande partie de sa virulence au milieu du XIXe siècle. La pertinence des grandes campagnes de vaccination ainsi que le caractère impératif de certains vaccins sont en conséquence discutables. Le simple fait que le BCG ne soit plus obligatoire alors qu'il l'a été pendant presque un siècle en relativise a posteriori l'intérêt. Ce vaccin n'a pas empêché le retour de la tuberculose, observé depuis une vingtaine d'années. De plus, un examen détaillé des certificats de décès des morts de la tuberculose a montré que la plupart des patients avaient pourtant été vaccinés.

En conclusion, il faut concéder aux antibiotiques, en premier lieu, d'avoir été un incontestable progrès médical, de même que les nouveaux traitements antiviraux. Le cas des psychotropes a été traité ailleurs. Pour le reste, l'hygiène, l'alimentation, l'éducation et le niveau de vie ont certainement été, de loin, la principale cause de l'augmentation de l'espérance de vie. Concernant les médicaments « plus ou moins efficaces » du métabolisme destinés à traiter ces nouvelles maladies du siècle que sont l'obésité, le diabète de type 2 qui en est la conséquence fréquente, l'hypercholestérolémie, leur bilan est controversé. Quelle est la cause de ces maladies? Malbouffe, chômage, sédentarité, pollution chimique ?

Corinne Lalo, Patrick Solal
Le livre noir du médicament


Le livre noir du médicament

Chaque année, les médicaments font quatre fois plus de victimes que les accidents de la route. Et dire que nous croyions qu'ils étaient destinés à soigner et pas à nuire ! L'affaire du Mediator a créé un véritable électrochoc. L'enquête inédite de ce livre montre que nous ne savions pas tout...

Le Mediator serait-il l'arbre qui cache la forêt ? Il n'est ni le premier ni le dernier. Pourquoi ? Parce que les liens incestueux entre les laboratoires, certains médecins et les pouvoirs publics ne sont pas près de changer en dépit des dernières réformes. La toxicité de certains médicaments, anti-inflammatoires, antidiabétiques et autres, a déjà été révélée. Mais combien sont-ils encore sur le marché? Anticholestérol, antidépresseurs, bêtabloquants, vaccins, antidouleurs, sirops contre la toux, etc. Ils sont légion à encombrer les tiroirs de nos officines.

Cette enquête nous permet de décrypter les stratégies mises en œuvre par les laboratoires pour augmenter leur clientèle. Elle décrit la pénétration du secteur public par le privé. Les autorités sanitaires deviennent parfois les colporteurs de maladies inventées de toutes pièces ou de pandémies imaginaires comme celle de la grippe A (H1N1), sur laquelle cette enquête jette un regard neuf. Ce livre nous fait prendre conscience que, en réalité, cette situation dure depuis toujours et qu'elle fait partie de l'histoire même de notre médecine. Combien de morts faudra-t-il encore pour que nous arrêtions enfin de jouer à l'apprenti sorcier ?


Dessin :

lundi, juillet 16, 2012

Terre-Omega, clés initiatiques pour survivre à l'Apocalypse





Jacques Breyer, auteur de "Terre-Omega", fréquentait les dignitaires de l'Ordre Martiniste. Avant la seconde guerre mondiale, il existait un Ordre Martiniste Synarchique. Pour l'historienne Annie Lacroix-Riz, les synarques représentaient les intérêts de groupes financiers et d'organismes patronaux qui souhaitaient l'instauration d'un régime fasciste après la défaite de 1940 (défaite militaire ou complot ?).

Jacques Breyer était au centre d'une résurgence de l'Ordre du Temple et il connaissait bien Luc Jouret et Joseph di Mambro, les fondateurs de l'Ordre du Temple solaire. Dans "Terre-Omega, clés initiatiques pour survivre à l'Apocalypse", il présente la pensée ésotérique du courant spiritualiste occidental.

Dans le numéro 8 de la revue "Question de", dirigée par Louis Pauwels qui était proche de la "nouvelle droite", G. Lachaud écrit :

"Ce livre est déroutant. Cela tient à la nature même de son propos : car l'intellect seul ne pourra jamais parvenir à une connaissance, aussi fragmentaire soit-elle, de l'Absolu. L'auteur doit donc jouer de ruse pour éveiller la conscience du lecteur, dans ce combat que chacun mène contre lui-même pour atteindre ce qu'il y a d'impérissable en lui et lui faire connaître la réalité de l'Esprit. Le refus de toute concession, un vocabulaire et une langue spécifiques s'imposent donc (de même que chaque discipline s'exprime dans une langue qui lui est propre), afin de pouvoir transmettre avec le maximum de précision une pensée dont la nature profonde diffère du commun. Ainsi trouvera-t-on dans Terre-Omega des termes empruntés notamment à l'alchimie traditionnelle, mais qui recevront ici un sens bien précis.

La pensée de Jacques Breyer est dense et ne se laisse pas aisément cerner. Cette densité tient, d'une part, à ce que le langage hermétique possède plusieurs sens à la fois, mais elle vient aussi de ce qu'expose Terre-Omega : car sa lecture fait assez vite comprendre qu'entre tous les plans de la Création existent d'intimes liens, et chaque palier renvoie à l'autre par ses affinités naturelles : on retrouve ici la notion traditionnelle de correspondance, gouvernée par la polyvalence des symboles et qui a pour conséquence pratique les multiples résonances qui peuvent exister dans la nature.

Lorsqu'on veut remonter au « Chiffre des choses », on doit disposer d'un scalpel adapté à la finesse de ce que l'on veut cerner : pour l'auteur, la base logique de la métaphysique est la géométrie. « Penser en géomètre », c'est dépouiller toute méditation jusqu'à ce qu'elle soit réduite au point, au trait, au plan et au volume, hors de tout symbolisme ; c'est approcher une loi universelle par sa structure interne ; c'est peut-être donc là une façon d'accéder à la « simplicité en esprit », de quitter les vêtements dont s'habille notre pensée usuelle et qui dissimulent la réalité. Cette démarche géométrique, qui soustend notamment l'architecture des temples celtiques et égyptiens, n'a que peu à voir avec le reflet que nous en a laissé Euclide, qui a figé dans un formalisme glacé ce qui, avant lui, était l'expression de forces vitales. Les notions de l'« Horizontale » (ce qui obéit au principe d'inertie) et de la « Verticale » (ce qui pousse au surpassement vers la transcendance) sont, à cet égard, fondamentales pour décrire le « subtil univers des rouages », tout comme les principes du Soufre et du Mercure, qui s'allient et se rencontrent dans le « Soufre mercuriel », pour définir trois plans fondamentaux : Corps, Ame, Esprit ; formel, animique, causal ; Astrologie, Cabale, Alchimie, etc., la Cabale étant ici entendue comme le dialogue avec les courants spirituels dont nous sommes entourés.

Dans le chapitre I sont tout d'abord repris, notamment à travers la tradition chrétienne, les grands problèmes philosophiques et religieux :la question de la survie, qui évoque le problème du devenir ultime de l'Homme ; la question de la réincarnation, suspecte à l'Occidental, mais que l'on peut néanmoins retrouver dans les Écritures ; la question du libre arbitre et du déterminisme, qui composent entre eux, à l'instar de la pensée et de l'action, un damier où chacun vient agir dans le domaine de l'autre. Le chapitre II de Terre-Omega, « l'Arcane », est le cœur de ce livre. C'est là que l'auteur, employant un mode lyrique destiné à ouvrir le lecteur à une dimension autre, décrit sa vision de la Création, depuis le Principe, ou première création, jusqu'à la Relativité, ou seconde création, dont nous sommes un point. Puis le jeu se complique : les Géométries gouvernantes des énergies de la Vie engendreront les quatre Éléments, dont l'ultime dispersion provoquera ensuite un regroupement ascensionnel, à travers les trois règnes de la nature, pour culminer dans l'Homme. La connaissance de ces lignes de force, ordonnées du haut vers le bas, puis du bas vers le haut, conduit naturellement à définir les relations entre l'Homme et les diverses influences qui le traversent ; elle peut déboucher sur l'expérience occulte, l'«opératif », dont des attendus pratiques sont donnés au chercheur.

Succédant à la thèse proprement dite, le troisième chapitre, intitulé « les Clefs », en tire les conséquences. On voit tout d'abord comment la divinité, dans l'Homme, agit soudainement comme une boule de feu surgissant des ténèbres ; puis, ensuite, comment peut être développée cette puissance supérieure de l'être humain, tout au long du réseau d'énergies qu'est la kundalini, décrite ici au moyen des vingt-deux figures du tarot.

Ainsi la lecture de Terre-Omega est-elle une initiation qui confrontera le lecteur aux problèmes essentiels, un guide sur le sentier qu'il parcourt. Il lui mettra en main des clefs pour se libérer de ce qui l'enchaîne, pour rendre positif ce qui, en lui ou autour de lui, est négatif ou seulement endormi ; ce livre de « haute science » lui fera percer à jour les secrets de la vie."







samedi, juillet 14, 2012

La gouvernance synarchique de la planète





La crise sociale, morale, économique, environnementale... aboutira-t-elle à un gouvernement mondial ?

Une oligarchie instaurera-t-elle un nouvel ordre hiérarchique fondé sur une inquiétante conception sacrale de l'histoire ?

Des sociétés secrètes œuvrent depuis longtemps à l'avènement d'un gouvernement synarchique et d'une société de castes. S'identifiant toujours aux brahmanes (dominants), jamais aux dalits (les plus dominés), de nombreux spiritualistes sont favorables à un tel gouvernement. Écrit dans les années soixante-dix, le texte suivant expose les principaux arguments des agents du nouvel ordre mondial pour séduire les spiritualistes :

En 1929, René Guénon fit paraître aux éditions Véga, à Paris, un ouvrage dont le titre, à lui seul, était tout un programme : Autorité spirituelle et Pouvoir temporel. Par ce livre, l'illustre traditionaliste prenait position dans le débat politique qui opposait son ami Léon Daudet au Saint-Siège.

En fait, ce n'était là que la raison externe ; le débat était plus profond et plus puissantes les sources de ce livre. Car il s'agissait bien de repenser, au XXe siècle, en des termes radicalement nouveaux, le problème de la gestion politique des hommes et des États.

Un ordre hiérarchique qui garantit l'équilibre social

Autorité spirituelle et Pouvoir temporel soulevait le problème de la hiérarchie des pouvoirs, de la dégradation des structures sociales au cours de l'histoire. Ainsi, René Guénon rendait vie et actualisait une des plus troublantes idées politiques, celle que, communément, on nomme synarchie, sans que, pour autant, il utilise explicitement ce mot dans l'ouvrage cité.

Face à une conception historiciste et matérialiste des rapports sociaux devant la montée du matérialisme marxiste, ce livre permettait aux Occidentaux de repenser toute l'organisation politique du monde moderne. « L'histoire montre clairement, écrit Guénon dans cet ouvrage, que la méconnaissance de cet ordre hiérarchique (fondé sur la suprématie du spirituel face au » temporel) entraîne partout et toujours les mêmes conséquences : déséquilibre social, confusion des fonctions, domination des éléments de plus en plus inférieurs, et aussi dégénérescence intellectuelle, oubli des principes transcendants d'abord, puis, de chute en chute, on en arrive à la négation de toute véritable connaissance (...).

« Cependant, tant qu'il subsistera une autorité spirituelle régulièrement constituée, fût-elle méconnue de presque tout le monde et même de ses propres représentants, fût-elle réduite à n'être plus que l'ombre d'elle-même, cette autorité aura toujours la meilleure part... Parce que, même affaiblie ou endormie, elle incarne encore la seule chose nécessaire, la seule qui ne passe point », c'est-à-dire la répartition des pouvoirs dans la société, le respect de l'ordre traditionnel fondé sur l'autorité sacerdotale destinée à soutenir et à diriger le pouvoir gouvernemental quelle qu'en soit la forme. Partant de cette idée maîtresse, Guénon nous amène à reconnaître que seule l'autorité spirituelle peut maintenir l'équilibre des fonctions sans lequel il n'y a que désordres, iniquités, chaos.

Les classes sociales sont soumises au changement

Déjà, quelques années auparavant, le sociologue allemand Max Weber (1864-1920), soulignait dans Écrits de sociologie et de politique sociale que « les facteurs idéologiques ne sont pas un simple reflet des conditions économiques ; ils possèdent une réalité propre et peuvent orienter d'une manière décisive le devenir historique ».

Ce que Max Weber pressentait en termes de sociologue empiriste, Guénon le démontrait sur le plan métaphysique.

L'idée synarchique des pouvoirs va être constamment l'objet de ces deux types de réflexion. Antérieure à la théorie de la « lutte des classes » (dont l'idée de base apparaîtra dans le « Manifeste du parti communiste » de Karl Marx en 1848), la conception synarchique de la société sera appelée à réanimer toute vision non essentiellement économique de la société et de la politique. Les sciences humaines du XXe siècle lui apporteront d'inattendus développements qui autoriseront une revalorisation des structures de castes qui s'opposent radicalement à toute perception économiste des classes sociales.

Les castes, elles, sont un garant de stabilité

Les classes sont le fruit des fluctuations économiques, des « hasards » de l'offre et de la demande dans une société donnée ; une classe peut toujours en supplanter une autre. Dans ce concept, rien n'est fixe, rien n'est achevé. Les castes, en revanche, répondent à une idée naturelle de la société, idée établie sur la nécessité organique du respect de la fonction spécifique de chacun. Cette stabilité, ou mieux, cette immuabilité, des fonctions et de leur transmission, par voie héréditaire ou de corporation, n'est concevable que dans un respect permanent et naturel du rôle de chacun dans la société.

L'inutilité de la lutte des classes

Cette conception sociopolitique exclut dès l'abord toute idée de compétition sociale, partant de « lutte de classes » ; chacun étant, socialement et sacralement, à sa place dans l'ordre de la cité, et le travail de chacun signifiant une indispensable réalité profitant à l'équilibre général. Le concept même d’État en est singulièrement relativisé ; l’État n'étant lui-même que la représentation, non plus abstraite mais concrète, de la totalité des membres de la société dans l'exercice de leurs fonctions hiérarchiques.

Dans ce sens, les sages de l'Inde ancienne présentaient souvent une image allégorique : la société est comme un corps parfaitement organisé ; chacun y est à sa place comme dans le corps chaque organe est à sa place. On ne peut imaginer que le foie soit à la place des reins, qu'une main remplisse la fonction de la bouche, etc. La société non hiérarchique est précisément à l'image d'un corps aberrant : les organes y sont sans cesse déplacés nul n'y est plus à sa place. Grand est le déséquilibre, et profond le désarroi quand les hommes quittent leurs fonctions traditionnelles pour errer de classe en classe, de métier en métier. Celui qui a reçu le dépôt d'une fonction ne peut se substituer à un membre d'une autre caste.

L'autorité émane d'un principe d'harmonie

Au départ est posé le postulat suivant : l'autorité spirituelle, qui est le régulateur de toutes les fonctions, peut seule régir le monde. Elle est, par essence, la véritable « synarchie », c'est-à-dire le « Pouvoir », synarchie signifiant en effet « avec le Principe », ou « dans le Principe » ; ce qui revient à écrire que l'autorité synarchique est censée représenter parmi les hommes la réalité matérielle d'un principe d'harmonie universelle celui-là même qui doit donner à la société une stabilité hiératique radicalement étrangère aux tribulations et crises incessantes que ne peuvent manquer de traverser les États politiques régis par des impératifs économiques (ces derniers étant par nature instables et générateurs de tous les désordres et de tous les mécontentements sociaux).

L'analyse du monde contemporain par Ortega y Gasset

Trois ans avant que René Guénon ne se penche sur le problème de l'autorité spirituelle dans ses rapports avec le pouvoir temporel, le sociologue et philosophe espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955) commençait, sous la forme d'articles, la publication d'une remise en question fondamentale de la société moderne non régie par l'idée synarchique : la Révolte des masses (1926- 1928). Par cet ouvrage, Ortega y Gasset essayait d'évaluer les rapports existant entre le monde contemporain, son économie industrielle et l'ordre traditionnel du monde tel qu'il avait été envisagé dans des sociétés gouvernées par l'autorité spirituelle soumise au pouvoir temporel. Il s'agissait d'expliciter, face au postulat marxiste de l'absolue souveraineté de l'économie, l'idée que seul un ordre synarchique peut sauver la civilisation occidentale en crise.

Le courant illustré par le sociologue espagnol n'était certes pas nouveau ; il avait eu, depuis Dante et son De Monarchia, bien des défenseurs dont le génie politique ne fut pas toujours compris dans le siècle.

Pourtant Gasset rénovait la question, fondait une épistémologie sociale des fonctions, analysait le mal qui ronge l'Occident ; il était de ceux qui allaient susciter dans notre siècle la grande philosophie politique opposée au marxisme, celle-là même qui, occultée longtemps, pourrait aujourd'hui réapparaître comme absolument neuve et seule capable d'apporter aux sollicitations sociales de notre siècle des solutions que le marxisme, idéologie fermée et sécularisée, ne pouvait prétendre apporter.

L'avènement politique des masses

Ortega y Gasset souligne que l'irruption au plein pouvoir social des masses dans le monde moderne est un fait sans précédent dans l'histoire, qui nous suggère une révision globale des structures politiques, économiques et sociales, mais que cette révision doit se faire selon des lignes de faîte organiques qui, en rien, ne doivent se différencier des structures sociales traditionnelles. L'avènement politique des masses est un fait en soi, produit de la révolution industrielle ; tel quel, il doit être reconsidéré dans les limites de l'ordre synarchique des castes. La prolétarisation du monde est une aberration pouvant entraîner l'écroulement de la civilisation présente ; la mécanisation ayant fait perdre aux hommes le sens même de leurs fonctions hiérarchiques, il convient, avant tout, de replacer, de re-situer l'homme non dans un cadre de classes, illusion marxiste n'utilisant que des vues économiques à court terme, mais bien dans celui des fonctions sociales, lesquelles, par leur hiératisme, sont seules susceptibles d'apporter à chacun le sens de son rôle dans la société, le sens de son rôle dans une caste ; l'assemblage des castes étant susceptible de rénover la conscience politique européenne tout d'abord, mondiale ensuite.

Il faut refaire l'homme noble

Ortega y Gasset nous convie à une formidable conversion : faire sortir l'homme de la masse, lui rendre sa dignité, tout en ne détruisant pas les victoires techniques et sociales du monde moderne. Il faut rendre à l'homme le sens de la noblesse, non celui de la noblesse héréditaire, mais celui de la noblesse de volonté. L'homme noble est celui qui s'efforce, qui s'accomplit et porte témoignage. En cela est le germe du renouveau : « Pour moi, noblesse est synonyme d'une vie vouée à l'effort ; elle doit toujours être préoccupée à se dépasser elle-même, à hausser ce qu'elle est déjà vers ce qu'elle se propose comme devoir et comme exigence. De cette manière, la vie noble reste opposée à la vie médiocre ou inerte, qui, statistiquement, se referme sur elle-même, se condamne à une perpétuelle immanence tant qu'une force extérieure ne l'oblige à sortir d'elle-même. C'est pourquoi nous appelons masse ce type d'homme, non pas tant parce qu'il est multitudinaire que parce qu'il est inerte. »

Un nouveau sens à la révolution

Un fait est à remarquer : il faut anéantir toute une conception unilatéralement économique du monde afin de rendre à l'homme sa dignité, sa situation dans le monde et le sens de sa volonté. La volonté étant une volonté au monde, un avènement, une naissance mystique. Il s'agit, sur des bases neuves, d'être le vrai révolutionnaire, non d'hier ni de demain, mais du moment présent. Toute fatalité messianique doit être rejetée : demain n'est pas l'aube des « lendemains qui chantent », hier n'est pas l'abîme monstrueux dont, à grand-peine, l'humanité s'est évadée. Aujourd'hui seul existe ; cette perception implique de faire sortir tout ce qu'il y a d'humain de la masse indifférenciée afin de lui rendre énergie, volonté et dignité. Partant, l'homme ainsi reconstruit pourra reprendre sa place dans un cadre synarchique, le seul authentique, celui des fonctions humaines, correspondant aux structures organiques des castes ancestrales.

Le grand danger : l'emprise de l’État

Architecture utopique ? Non, pragmatisme adapté aux circonstances du siècle ; synarchie traditionnelle et approche scientifique des données sociales du monde moderne qu'il faut adapter aux lois fondamentales des castes seules capables de rendre à l'homme son individualité. Sinon, l'homme, devenu « animal-masse », oublie son être propre, perd sa situation spécifique et se dilue dans l'illusion de l’État.

« Le plus grand danger qui menace aujourd'hui la civilisation : l'étatisation de la vie et l'"interventionnisme" de l’État, l'absorption de toute spontanéité sociale par » l’État, c'est-à-dire l'annulation de la spontanéité historique qui, en définitive, soutient, nourrit et entraîne les destins humains. (...) L’État contemporain et la masse coïncident seulement en ce qu'ils sont anonymes... »

Le grand vide : la perte de la morale traditionnelle

Enfin, Ortega y Gasset nous indique où, selon lui, réside la « vraie question » : c'est une question de morale. L'homme-masse occidental croit avoir perdu sa morale traditionnelle ; en vain il en cherche une nouvelle, mais il la cherche dans le plus total désarroi. Refusant les fondements ancestraux de la société, s'attachant éperdument à l'idée d'« État », se dépersonnalisant selon les normes de l'économie marxiste, il sent pourtant, mais très confusément, qu'il ne peut vivre sans l'assise morale, celle-là même qui fut le ciment des antiques castes.

« L'homme-masse manque tout simplement de morale, laquelle est toujours, par essence, un sentiment de soumission à quelque chose, la conscience de servir et d'avoir des obligations.

« (...) L'Europe subit aujourd'hui les pénibles conséquences de sa conduite spirituelle. Elle s'est enthousiasmée sans réserve pour une culture d'aspect magnifique mais sans racines... »

L'harmonie des fonctions au sein de la société

L'idée synarchique apparaît donc comme étroitement liée à l'éthique des pouvoirs dans la tradition occidentale. Actualisée au XXe siècle par des sociologues, elle a été définie par des historiens et des traditionalistes, dans les limites organiques de son existence, dans les grandes civilisations passées. Certains, comme Rudolf Steiner, le fondateur de l'anthroposophie, ont même essayé de lui donner son exacte correspondance au sein de l'économie moderne des pouvoirs.
Simple dans ses structures, cette idée apparaît comme une harmonie des fonctions, chacune étant soumise à celle qui la précède tout en gardant une entière liberté à l'intérieur de son cadre spécifique : le prêtre — autorité spirituelle — régissant l'action du prince politique — pouvoir temporel —, ce dernier gouvernant l'ensemble des populations agricoles, industrielles et commerçantes suivant les directives sacerdotales. Au-dessous de ces trois castes fixes s'agite la masse indifférenciée, celle-là que l'on nomme communément la « quatrième caste » : c'est la représentation traditionnelle de l'homme-masse dont parle Ortega y Gasset. Ces castes synarchiques sont souvent définies par leurs noms hindous : brahmanes (les prêtres) ; kshattryas et rajas (les guerriers et les rois) ; vaisyas (les agriculteurs et les commerçants) soudras (la masse indifférenciée ).

Fonction sacerdotale et fonction royale

Le chef politique, roi, prince, empereur, appartenant à la seconde caste, est le sujet du chef religieux ; il s'agit bien de l'absolue dépendance de la royauté face au sacerdoce. Il ne peut même, à la limite, y avoir d'opposition entre sacerdoce et royauté, le second terme n'existant que par le premier, duquel il est émané. Il s'agit d'une dialectique des fonctions et non des hommes.

Le souverain et le prêtre ne valent que par la fonction qu'ils incarnent : leur personne physique importe peu. Ainsi, dans certaines civilisations anciennes, le prêtre et le roi sont dissimulés au peuple, et, dans les rares occasions où ils apparaissent, leurs traits sont masqués. Un roi ou un prêtre ne meurt jamais : seul le corps d'un mandaté disparaît ; il est alors immédiatement remplacé par un autre substitut humain qui incarne une fonction d'origine divine. Le continuum des pouvoirs et de l'autorité spirituelle ne peut avoir de fin. Il ne peut, dans cet ordre d'idée, y avoir ni rupture ni révolution. Et quand, après bien d'autres, René Guénon parle d'une autorité spirituelle permanente, même si, à certaines époques, elle est occultée, c'est précisément ce qu'il entend. La « Révolution française » n'a pas supprimé le pouvoir royal en France, elle a seulement transformé l'économie politique d'un État en proie à une grave crise interne. Le pouvoir royal n'est pas mort avec Louis XVI sur l'échafaud, ou, au mieux, lors du départ de Louis-Philippe pour l'exil (1848), il est resté permanent, occulté seulement pour réapparaître au moment opportun ; car, dans cette conception, les pouvoirs monarchiques et sacerdotaux sont doués d'une existence propre qui échappe à la volonté des hommes. Fonction sacerdotale et fonction royale sont des réalités d'ordre divin ; mises en dépôt chez les hommes, afin que l'humanité ne s'écarte pas de son principe (archê), elles ne sont jamais des biens dont les humains peuvent librement disposer.

Une conception sociale de l'histoire

Dans cet ordre d'idée, on notera que, pour les philosophes de la tradition, cet équilibre entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel s'est trouvé rompu à un moment donné. Il y a eu « rupture du pacte entre les hommes et le Principe ». L'état antérieur, celui qui vit l'homme assumer la tradition authentique, est appelé « Tradition primordiale » ; il est situé en un temps aléatoire, pour ainsi dire « hors du temps ». Tout ce qui vient ensuite, et qui possède une réalité dans le temps historique tel que nous le concevons, est appelé « Age sombre », ou, selon son nom hindou cher aux traditionalistes, « Kâli-Yuga ». Cette conception sacrale de l'histoire et de la société, qui, au niveau métaphysique, reçut sa pleine mesure avec la pensée de René Guénon en France et de Julius Evola en Italie.

Jean-Claude Frère




vendredi, juillet 13, 2012

A quoi croyons-nous ?





Les civilisations et les empires s'écroulent de l'intérieur. C'est ainsi que Rome finit, c'est ce qui nous arrive.

Le 24 août 410, le barbare wisigoth Alaric entra dans Rome inviolée depuis huit cents ans avec 40 000 hommes armés pour un sac qui dura trois jours. Il fut désormais certain pour les habitants du plus grand empire du monde que celui-ci était mortel. « La lumière la plus éclatante de la Terre s'est éteinte, la Terre entière a péri avec cette seule ville », s'écrit Jérôme en Italie, tandis que sur l'autre rive de la Méditerranée, en Afrique du Nord, Augustin, évêque d'Hippone, sous le choc, écrit La Cité de Dieu, la première histoire du monde et de ses civilisations disparues.

Certes, Rome se releva de cette catastrophe, bien que la moitié de sa population fût tuée, emmenée en esclavage ou en fuite, sans parler des viols et du pillage. Évidemment, l'empire ne devint pas «gothique», comme l'espérait l'ambitieux Alaric. Généralissime romanisé adoubé par l'empire, chrétien arien, Alaric mourut bientôt et l'empereur Honorius, protégé par les marais qui entouraient Ravenne, resta empereur. Bien sûr, à Rome, on rétablit les jeux dans l'arène et les combats de gladiateurs, signes avérés de la « civilisation » romaine. Il y eut même quarante années de paix avant les invasions d'Attila puis l'éclatement politique de l'empire romain d'Occident vers 477. Mais, après le sac de Rome, rien ne fut plus jamais comme avant.

Cette première convulsion fut pour l'ensemble du monde civilisé le signe de la fin de la civilisation gréco-romaine qui avait conduit la destinée du monde de Gibraltar à la lointaine Syrie et de la Germanie à l'Afrique du Nord pendant un millénaire. Quel mystérieux ressort s'était alors cassé ?

Fondamentalement, le drame de 410, et Augustin l'a compris le premier, montrait que nulle civilisation, aucun empire humain, n'est promis à une survie éternelle. Rome avait cru à ses dieux, à son destin, à la piété civique, au culte quotidien des ancêtres divinisés qui assurait le lien des générations. Mais ces croyances n'étaient pas éternelles et l'empire avait péri avec elles.

S'ensuivirent quinze siècles de christianisme.

En quoi tout cela nous concerne-t-il ? Que signifient pour nous la crise et la fin de la civilisation antique voilà quinze siècles ?

Nous nous trouvons aujourd'hui au terme de la civilisation qui a suivi celle de Rome, que l'on peut identifier comme la chrétienté. Dissipons un malentendu. Lorsque je parle de chrétienté, il ne s'agit pas de « l'Église » mais de la nébuleuse de croyances et des mentalités engendrées par les croyances juives et leur « post-scriptum » chrétien. Comme Rome, la civilisation judéo-chrétienne, la chrétienté donc, a imposé une hégémonie militaire et culturelle fascinante pour les peuples qui la composaient. Mais elle se distingue surtout par le prodigieux développement économique, unique dans l'histoire des civilisations, qu'elle a créé. Les continents qui ont lancé le capitalisme mondialisé, l'Europe et les États-Unis, sont d'abord des parties du monde ayant des racines culturelles judéo-chrétiennes. Comme nous le verrons, le développement de la civilisation du capitalisme se confond avec celui de la chrétienté et de ses croyances. Il en est la partie visible.

Ensuite nous sommes concernés parce que cette civilisation à laquelle nous appartenons doute de plus en plus d'elle-même. Pas seulement parce qu'un nouvel Alaric, lui aussi formé militairement par l'empire, un certain Ben Laden, l'a frappé en son cœur économique le 11 septembre 2001. Mais surtout parce que c'est maintenant la croyance dans le capitalisme lui-même qui est en crise. Comme si celui-ci implosait de l'intérieur.

En effet, la crise du capitalisme globalisé que nous traversons n'est pas qu'un aléa de la croissance économique mondiale. C'est une crise plus profonde - économique, politique, sociale et morale - de la civilisation occidentale arrivée peut-être à ses limites. C'est la crise de nos valeurs fondamentales. C'est la crise de l'hypercapitalisme né dans les années 1980, stade ultime du développement de la civilisation du capitalisme. Véritable culte du marché appliqué à toute l'existence humaine, l'hypercapitalisme s'écroule sous nos yeux. Enrichissant les riches et ne laissant aux plus pauvres que les miettes du festin, il fonctionnait sur un espoir d'hyperconsommation des classes moyennes, à l'infini. La vie à crédit devait financer la bulle. Le krach du crédit en 2008, brusque retour à la réalité, a brisé ce rêve. Il révèle l'inéluctable appauvrissement des classes moyennes, piliers de la démocratie, invitées à passer à la caisse pour refinancer le système.

Plus grave, l'hypercapitalisme a trahi cette « passion pour l'égalité » qui, selon Tocqueville et les philosophes des Lumières, était la marque des peuples démocratiques. Il entraîne dans sa chute la démocratie et ses valeurs qu'il a privatisées avant de les vider de leur sens. Or, si la démocratie a besoin du capitalisme, le capitalisme n'a pas forcément besoin de la démocratie pour survivre. Et d'autres empires piaffent d'impatience de montrer leur hégémonie sur le devant de la scène mondiale.

Qu'adviendra-t-il après la chrétienté, après la démocratie, après l'hégémonie de l'Occident ? Que faire?

Pour répondre, nous devons tout d'abord comprendre la nature religieuse du capitalisme, puis analyser en quoi l'hypercapitalisme constitue un détournement des valeurs de la civilisation chrétienne avant d'identifier les lignes de force qui conditionneront en grande partie notre avenir.

Si nous voulons sauver la démocratie et nous réapproprier la politique, si nous voulons réinventer un capitalisme à visage humain, si nous voulons sauver l'écosystème de notre planète pour simplement survivre, nous devons répondre dans l'urgence à une seule question : « À quoi croyons-nous ? »

Didier Long, Capitalisme et christianisme.




Né dans les années 1980, l'hypercapitalisme s'écroule sous nos yeux.

II n'est pourtant pas inévitable que la civilisation du capitalisme se termine dans le chaos. Cette civilisation a une histoire. Née du rêve d'égalité des citoyens d'Athènes, elle fusionne avec le christianisme et apparaît concrètement dans les monastères au Moyen Age. Ces World Companies seront les premières sociétés de production capitalistes. Au XIIle siècle, les ordres mendiants nés avec les villes en pleine expansion seront les premiers théoriciens de l'économie moderne, réfléchissant à la manière de mettre la richesse au service du bien commun. La révolution industrielle portée par l' " esprit du capitalisme " de la Réforme, la liberté d'entreprendre et les Lumières poursuivront cet élan. L'idéal de liberté, d'égalité et de fraternité chrétienne est donc fondateur de la civilisation du capitalisme. Sans le judéo-christianisme ces valeurs n'existeraient pas.

A la lumière de cette histoire, la cupidité et le cynisme n'ont rien à voir avec le capitalisme. Ils n'en sont que la perversion. Si nous voulons sauver la démocratie et réinventer un capitalisme à visage humain, nous devons donc répondre à une seule question : A quoi croyons-nous ? La fraternité ou l'argent ?

L'auteur :

Didier Long a été moine bénédictin, éditeur et artiste pendant dix ans à l'abbaye de la Pierre-Qui-Vire avant de devenir consultant McKinsey. Il dirige aujourd'hui un cabinet de conseil en stratégie Internet. Auteur de plusieurs livres dont Défense à Dieu d'entrer (Denoël, Prix Maisons de la presse 2005) et Pourquoi nous sommes chrétiens (Cherche Midi) Didier Long a publié en 2008 Jésus le rabbin qui aimait les femmes chez Bourin.

Site de Didier Long

Chacun est un éveillé qui s’ignore

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