Revue
KADATH : L’ORTF a diffusé, voici quelques mois, le film
tiré du livre d’Erich von Däniken, « Souvenirs du futur ». Dans
le débat qui a suivi, vous vous êtes violemment heurté à ceux que
le téléspectateur croyait être de votre bord. A tel point que pour
certains, votre attitude d’avocat du diable était parfaitement
incompréhensible. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
JACQUES
BERGIER : Oui, j’ai fait tout un scandale en me disputant
avec Charroux et von Däniken, parce que, selon moi, ils y vont un
peu fort ! Remarquez, il y a pire. Ganzo, qui à part ça est un
poète et un sculpteur de talent, est venu me voir un jour. Il avait
trouvé une civilisation disparue en Forêt de Fontainebleau. Il
m’apportait des traces de cette civilisation, dont une plaque en
céramique, où étaient gravées les lettres mystiques «
W » et « C ». Évidemment, là... Non, je crois que l’attitude
de votre revue est la bonne. Car enfin, je veux bien qu’on puisse
déplacer de petits objets par la force de la volonté, mais pas
déplacer les statues de l’île de Pâques, qui pèsent des
dizaines de tonnes. Il y a tout de même la conservation de l’énergie
! A la limite, on ne peut pas avoir plus d’énergie qu’il n’y
en a dans le corps humain. Mais surtout, le problème véritable et
qui, à mon avis, n’a pas encore été posé, c’est ce que
j’appelle le problème des intermédiaires. Autrement dit,
moi je veux bien que les statues de l’île de Pâques ou le grand
menhir de Locmariaquer aient été mis en place par
antigravitation... cela, je veux bien. Mais avant d’arriver à
l’antigravitation, il faut passer par des étapes : l’électricité,
la machine à vapeur, etc., peut-être considérées d’une façon
tout à tait différente, mais néanmoins analogue. Or,
on ne trouve pas de machine à laver fossile, ni de locomotive
fossile, rien !
Revue
KADATH : Précisément, à propos de machines à laver, vous
parlez dans « Le livre de l’inexplicable » de l’objet de Coso.
Ne pourrait-il s’agir d’une forme de « machine à laver fossile
», disons un résidu technique ?
JACQUES
BERGIER : Certainement ! Mais un résidu technique de qui ?
L’objet de Coso a l’air d’être un générateur
électromagnétique, vieux de 75.000 ans. Mais on n’arrive pas à
cela sans intermédiaire... De plus, il a été découvert dans un
coin où on a fouillé pas mal
dans les débris « techniques » : à l’époque de cet objet, les
gens n’ont pas le feu, ils ont tout juste des outils de silex. Une
fois de plus, les intermédiaires manquent. Alors, évidemment, on
peut proposer, comme je l’ai fait dans « Les extra-terrestres dans
l’histoire », que ces objets — qui sont en nombre limité : la
machine d’Anticythère, l’objet de
Coso, etc. —, ont été apportés à travers l’espace, ou même à
travers le temps. Seulement, si vous voulez, c’est de la mythologie
de science-fiction ou de bande dessinée ; c’est remplacer une
mythologie par une autre. L’hypothèse n’est pas toujours très
convaincante. Il me paraît difficile de croire que si des
extraterrestres nous ont visités, on n’ait pas observé leurs
instruments ou quelque chose d’analogue, maintenant que nous sommes
dans le cosmos. Vous me direz qu’il y a des alignements sur la
lune, dont vous parlez dans votre numéro deux, qui sont réellement
curieux. Ça ne résout tout de même pas en masse le problème
terrestre. Prenez les gigantesques dalles de Baalbeck. Elles ont été découpées,
il y a des traces de scie. Si c’étaient des extraterrestres, ils
l’auraient au moins découpée au laser ou au chalumeau atomique
!... A mon avis, il faudrait en archéologie — ce que je ne
prétends pas être —, un Pasteur ou un Darwin. Il nous faut une
hypothèse réellement folle, comme l’évolution des espèces ou la
transmission des maladies par
des microbes.
Revue
KADATH : Nous publions des extraits d’anciens
textes sacrés. Vous les connaissez, bien sûr, mais pensez-vous que
l’étude des livres dits « mythiques » peut fournir d’autres
renseignements ?
JACQUES
BERGIER :
Sûrement. Tenez, il y a un livre maudit qui vient de paraître
et dont je croyais moi-même qu’il était mythique. C’est le «
Livre des trois imposteurs », les soi-disant imposteurs étant
Mahomet, Moïse et Jésus. Le livre en question, il y a à peu près
trois cents personnes qui ont été brûlées depuis le XIVe siècle,
pour l’avoir possédé. Même Sprague de Camp avait dit qu’il
était mythique et je n’en avais pas parlé dans « Les livres
maudits ».
Eh
bien, les Russes en ont retrouvé un exemplaire, des étrangers l’ont
racheté tout de suite et en ont publié des reproductions. Ce qui
démontre une fois de plus que tous les mythes ne sont pas des
mythes. Prenez le Nécronomicon, par exemple. C’est une
production romancée d’El Alach, qui a été mis à mort par les
musulmans au IXe siècle, pour
« communications avec le dehors » : c’est dans les attendus.
Alhazred est inventé par Lovecraft, mais El Alach, sur qui Alhazred
a été copié, est authentique...
L’École
Centrale de Paris me propose de mettre des fonds à ma disposition,
sous forme d’heures d’ordinateur, afin d’y introduire toutes
ces choses là et de voir s’il n’y a pas de correspondances.
Savez-vous, par exemple, que j’ai trouvé dans un livre italien sur
les Étrusques, paru bien après la mort de Lovecraft, le nom de
Cthulhu, un de ses Grands Anciens. Or, cela avait été découvert en
1942, et jamais signalé avant. Il serait vraiment intéressant
de reprendre tout cela par ordinateur. Il serait intéressant aussi
que les gens ne gardent pas indéfiniment leurs secrets. D’autant
plus que, trop souvent, il me semble que ce sont des secrets
primaires. Prenez la quête du Graal : à mon avis, il est absurde de
rechercher un Graal matériel qu’on puisse tenir entre ses mains.
Il s’agit plutôt d’une force, d’une atmosphère, d’une idée.
Remarquez, les Allemands l’ont fait. Pendant l’occupation, ils
ont retourné les Pyrénées à la recherche du Graal. Ceci étant
dit, il y a certainement quelque chose dans l’idée même, il y a
par exemple l’Ordre du Graal, qui est quelque part, qui conserve un
certain ordre des choses, et dont on parle de temps en temps...
Revue
KADATH : Parlant d’une autre difficulté pour
obtenir des renseignements, comment faites-vous pour vérifier les
informations en provenance des pays communistes ?
JACQUES
BERGIER : Je reçois constamment des trucs des
Soviétiques, et ce qui est bien, c’est qu’ils restent malgré
tout prudents et n’inventent pas trop de choses. Ce qui est plus
difficile, c’est d’établir des contacts avec les Chinois, car
ils ont une pensée absolument différente. Ils ont digéré le
marxisme, ils en ont sorti une espèce de néo-religion absolument
incompréhensible. Mais là, il existe des choses très curieuses.
Par exemple, je leur ai posé une question qui m’intrigue beaucoup,
pourquoi est-ce nous qui avons inventé le magnétomètre, la machine
à vapeur ou les avions, et pas eux, puisqu’ils avaient
tous les éléments en main. Ils avaient des expériences de
laboratoire et tout, et puis brusquement, ils ont cessé d’inventer
le progrès technologique. En un siècle ou deux, c’était fini,
alors qu’avant cela, ils avaient des séismographes, des boussoles
magnétiques, l’imprimerie, les fusées. On a des traces de tout
cela, des masses de volumes à l’Unesco, y compris des points où
ils étaient en avance sur nous : le miroir magique qui transmettait
des images d’un coin à l’autre, l’alchimie (ils fabriquaient
des bronzes d’aluminium), et puis plus rien... Alors, la thèse
officielle, celle de Needham, est une thèse marxiste. Il prétend
que, parce qu’en Chine il n’y avait pas de prolétariat à
proprement parler, il n’y avait pas de lutte de classes, donc pas
de moteur de progrès. Bon, moi je veux bien. Mais quand j’en ai
parlé à des Chinois, ils m’ont répondu : « C’est un imbécile
érudit. La réalité, c’est que les liens avec les Immortels ont
été coupés ». Alors je leur ai demandé si on ne peut en savoir
plus. « Oh ! Nous allons publier », disent-ils. Ils ont peut-être
publié, mais on ne reçoit rien ! De même, ils ont déclaré à un
moment donné avoir identifié des inscriptions dans le roc,
représentant des engins volants qui dateraient de 43.000 ans.
J’espérais les voir avec nous à une conférence internationale de
savants en
mai 70 à New York, mais au dernier moment, on a reçu une belle
lettre sur parchemin, disant que, comme on avait invité les délégués
de Formose, ils ne viendraient pas.
Revue
KADATH : Revenons à nos propos du début. Parmi les
« hypothèses folles » que vous avancez, il y a celle d’une
civilisation de « plasmoïdes ».
JACQUES
BERGIER : Oui, mais ce seraient aussi des
extraterrestres. Évidemment, il y a tout de même la possibilité
difficilement concevable, d’une civilisation tellement différente,
qu’on en retrouve des objets sans savoir ce que c’est.
Revue
KADATH : Pourrait-il y avoir une civilisation
tellement différente, que nous ne réussirions jamais à en trouver
de traces ?
JACQUES
BERGIER : Il est extrêmement difficile de concevoir
quelque chose qui ne laisse aucune trace, étant donné la finesse de
nos moyens d’investigation.
Vous
savez qu’on mesure la vitesse du vent d’il y a 30.000 ans, par
les variations dans les isotopes d’oxygène. Alors, que dire d’une
centrale de cent mégawatts, même si elle utilisait des énergies
cosmiques ? J’ai un grand ami, qui s’appelle François Bordes, et
est un paléontologue extrêmement distingué, mais aussi un grand
auteur de science-fiction, sous
le pseudonyme de Francis Carsac. Bordes n’est pas du tout d’accord
avec mes idées, et il m’a envoyé l’autre jour un travail qu’il
avait fait publier dans « La revue du Quaternaire ». Il a retrouvé
en Dordogne des traces de campements d’il y a 20.000 ans, avec les
trous des piquets de tente. Et il m’a dit : « Si je retrouve des
piquets de tente vieux de 20.000 ans, je trouverai bien une
locomotive ou une machine à laver ! »
Ou
alors, il faut en revenir à René Guénon. J’ai fait récemment un
effort d’impartialité pour évaluer Guénon. Il m’avait beaucoup
irrité par son racisme, par son insolence, par sa façon de dire : «
je n’ai pas à donner de références, c’est moi, l’initié,
qui parle », ce qui est toujours extrêmement gênant. Je n’aime
pas les gens qui ne donnent pas de références. Mais malgré tout,
j’ai relu à peu près tout Guénon. Eh bien, il y a là des choses
curieuses, et en particulier la référence constante au fait que la
géographie de la terre ne serait pas totalement connue, qu’il y
aurait une géographie sacrée, et des pays, voire même des
continents autres que ceux que nous connaissons. Il a une autre idée
qui paraît très intéressante, c’est celle de la «
cristallisation ». C’est-à-dire que, selon lui, les lois
naturelles ont changé, dans un passé très récent, mettons cent
mille ans. Et plus on remonte vers le passé, plus la nature est
malléable et obéirait à la simple volonté humaine. Eh bien, rien
que ça expliquerait pas mal de choses, des monuments géants et
ainsi de suite. Il a peut-être vingt ou trente idées folles comme
ça, qui mériteraient d’être réexaminées de sang-froid.
Personnellement, je n’y crois pas. Mais Guénon, c’est un point
de vue qui mériterait d’être décrit dans KADATH en tant
qu’hypothèse folle, à condition de bien dire que cela n’engage
pas la rédaction.
Revue
KADATH : Certains articles de KADATH vous ont-ils
déjà rappelé l’une ou l’autre de ces « hypothèses folles »
?
JACQUES
BERGIER : Oui. Prenez, par exemple, dans le numéro
deux, ces sites de Mohenjo-Daro et l’île de Pâques, qui sont
séparés par une trop grande distance pour que l’alphabet ait pu
être communiqué. Je réponds : Oui..., par des moyens naturels !
Mais s’ils étaient télépathes ? Car cela peut aller assez loin.
Imaginez un chamane de Sibérie, dans son climat glacé, qui
communique par télépathie avec un sorcier de l’Amazonie, et qui
voit autour de lui un monde abondant, avec de beaux fruits partout,
le soleil luisant et de la végétation luxuriante. Il invente le
paradis... Pendant ce temps-là, l’autre qui a une vision de ces
terrains glacés, il invente l’enfer. Cela mériterait d’être
exploré. Voir, par exemple, s’il y a une correspondance sérieuse
entre les hiéroglyphes de l’île de Pâques et ceux de
Mohenjo-Daro, et si oui, émettre cette hypothèse. Ce serait de la
télépathie, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le
temps, puisqu’il y a une différence de combien
de siècles ? Mais là, au moins, ce serait une hypothèse ouverte.
Je le répète : si on ne fait pas une percée en partant des idées
réellement folles, eh bien, on restera indéfiniment où on est.
J’ai l’impression que la science officielle va un jour avoir un
coup dur, et sera obligée de faire une révision déchirante de ce
qu’on croit savoir, car sinon, on
ne s’en tirera jamais.
Revue
KADATH : C’est votre conclusion ?
JACQUES
BERGIER : Oui. Je dirige actuellement, chez Albin
Michel, deux collections. L’une, intitulée « Les chemins de
l’impossible », marche très bien. L’autre est une collection
scientifique, « Science parlante », et ça n’a pas pris du tout.
Le public a l’air d’être indifférent, sinon hostile, envers la
science. C’est un phénomène général, et je me demande s’il
n’est pas explicable par l’attitude insolente que prend la
science. Après tout, les savants sont des fonctionnaires payés par
le contribuable, et quand on leur pose une question sur quelque chose
qui intéresse le public : les civilisations disparues, les
extraterrestres ou autre chose, ils traitent les gens d’imbéciles
et répondent par des injures. Alors, j’ai l’impression que le
public le leur rend bien...
Propos
recueillis par I. Verheyden et P. Ferryn
pour
le numéro 5 de la revue Kadath,
novembre-décembre
1973.
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Que
sont devenues les recherches françaises sur l'antigravitation ?
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Le surhomme selon Bergier :