jeudi, janvier 10, 2013

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City





Plantée sur la Highway 83, Rio Grande City est l'une des dernières villes du Texas avant d'arriver au Mexique. Il déplaira sûrement à l'office de tourisme de le lire, mais il n'y a aucune raison de s'arrêter ici. Rio Grande est le chef-lieu du comté de Starr, l'un des plus pauvres des États-Unis. La route principale ressemble à un long fil de béton rongé par la décrépitude depuis fort longtemps. La poussière est omniprésente. Elle semble même incrustée dans le paysage depuis et pour toujours.

Il existe deux styles de maisons à Rio Grande City. Celles à l'abandon et les autres où, réfugiés derrières les barreaux qui protègent toutes les fenêtres, les 11 923 habitants vivent dans la crainte. La peur du soleil qui écrase tout neuf mois par an. La peur des voisins, des inconnus, des autres et plus particulièrement des gangs de la mafia mexicaine qui ont transformé l'endroit en lieu de passage. Et puis, la peur des troupes du Homeland Security aussi, en charge de vérifier les visas et de déporter les immigrés clandestins. À Rio Grande City, 95,89 % de la population est d'origine mexicaine. Les sans-papiers en représentent la majorité. Certains ont même peur de leurs enfants. Nés sur le sol américain, ils sont pourvus de la nationalité qui est refusée à leurs parents. Et ainsi, d'après les services sociaux de la ville, dès l'adolescence, nombre d'entre eux terrorisent la partie « illégale » de la famille. Un chantage au coup de téléphone de dénonciation pour une seule chose : manger.

McDonald's, Dairy Queen, Burger King, Whataburger, Wendy's, Pizza Hut, Little Ceasars Pizza, Subways, Taco Bell, Taco Bueno, Taco Palenque, Mexican Buffet, Chinese Buffet... aucune enseigne ne manque à l'appel. Et toutes proposent, en lettres géantes, des promotions difficiles à ignorer quand on vit sous le seuil de la pauvreté. Ici, le Coke géant est offert pour l'achat d'un menu. Là, contre moins de 5 dollars, le client est invité à manger autant qu'il le souhaite. Ailleurs, tous les matins, le petit déjeuner est doublé gratuitement.

À Rio Grande City, paradis du HFCS et du trans fat, tout est commercialement envisageable, envisagé et mis en pratique pour ponctionner les quelques dollars versés par l'aide locale.

Cette orgie alimentaire s'accompagne d'une terrifiante réalité. À Rio Grande City, la moitié de la population adulte souffre de diabètes de type 2.

Mais le pire, c'est pour demain.

À l'école maternelle, 24 % des enfants sont déjà en surcharge pondérale ou obèses. S'ils ne sont pas dès maintenant pris en charge, rien ni personne ne parviendra à les sortir du cercle infernal. Celui qui, à l'âge adulte, devenus diabétiques et amputés, leur fera attendre la crise cardiaque... comme une libération.

Or, dans l'Amérique d'aujourd'hui, personne ou presque ne s'intéresse à Rio Grande City. Ou à La Casita, Roma, Laredo, El Cobares, ces villes du sud du Texas qui subissent le même cauchemar.

Or, à Rio Grande City, 50 % des garçons âgés de dix ans sont trop gros. Beaucoup trop gros.

Peggy Visio, une nutritionniste du Texas Health Science Center de San Antonio, tente depuis des années de faire bouger les choses. Adepte de la téléconférence, elle a réussi à trouver un don privé destiné à financer un service reliant son bureau de San Antonio à l'infirmerie de l'école de la ville. Et là, par écran interposé, elle donne des conseils de nutrition aux familles. Sachant pertinemment qu'elle ne pourra empêcher le pèlerinage quotidien au fast-food, elle tente d'orienter les ados vers les produits qui feront le moins de dégâts.

Lors d'un séjour récent à Rio Grande City, Visio et son équipe ont examiné les 2 931 enfants de la ville afin de quantifier ceux qui présentaient des risques élevés de diabète de type 2. Sur le papier, le pire de leurs scénarios prévoyait environ 600 cas. Mais à Rio Grande City, où deux cheeseburgers géants, une frite maxi et un Coca-Cola gargantuesque sont vendus à moins de 2 dollars, ils ont découvert 1 172 enfants en perdition. 1 172 futurs diabétiques.

Alors, Peggy a convaincu l'école de l'urgence. Après tout, chaque jour, les enfants y prennent leur petit déjeuner et leur déjeuner. Des collations largement arrosées des sodas en vente soit à la cafétéria, soit via les distributeurs, dans les couloirs de l'établissement.

Grâce à Visio et aux responsables de l'école, ces appareils de tentation ont été déplacés... dans la rue. Le personnel des cuisines a été formé pour offrir une nourriture moins grasse et moins sucrée. Les fruits frais ont commencé à apparaître sur les tables de la cantine et l'eau à repris une place qu'elle n'aurait jamais dû abandonner.

Mais voilà, nous étions à Rio Grande City. Et les étudiants ont expérimenté la démocratie directe. Ces citoyens en herbe, obèses ou en passe de le devenir, se sont mis en grève devant de telles décisions salutaires à leur santé. Soutenus par certains parents et professeurs, ils ont affiché leur colère à l'entrée de la cafétéria avec un mot d'ordre clair « Non au régime ! Nous voulons manger des trucs cool ! »

Rio Grande City est un laboratoire. Un douloureux voyage vers le futur aussi. Ce qui s'y passe n'est ni une exception ni une aberration, mais un amer avant-goût de l'avenir. L'obésité, le diabète, l'attitude de ces étudiants sont ni plus ni moins le résultat des trente dernières années de dérive et de matraquage alimentaire. Trois décennies où l'industrie agroalimentaire a pris le contrôle de nos assiettes, brouillant les repères, changeant la nature même de la nourriture.

Pendant des siècles, manger a été une nécessité et un moment privilégié. Une excuse pour l'échange et la communication. Et, bien souvent, un moment de plaisir. Désormais, un plat, pour s'imposer, doit être pratique, s'engloutir seul et rapidement. Et, surtout, être soutenu par une campagne publicitaire.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à ces élèves prêts à se battre pour continuer à se goinfrer. Déjà, dans certaines écoles primaires, les enfants apprennent à compter en additionnant les M&M's. Dans d'autres, ils refusent de manger les fruits frais sous prétexte qu'il est beaucoup plus tendance d'avaler un dessert coloré.

L'industrie agroalimentaire n'est pas seulement coupable d'avoir travesti la nature de notre nourriture. D'y avoir introduit le sirop de fructose-glucose, les additifs, les conservateurs, les résidus chimiques et les acides gras trans. Non, dans cette course au profit, certaines sociétés ont tout simplement tenté de s'emparer de l'âme d'une génération.

Ces mots sont à la hauteur de ma colère. Pas uniquement celle de l'auteur, celle d'un père aussi. Qui, chaque jour, tente de contrebalancer un pouvoir qui nous dépasse. La responsabilité individuelle et celle des parents sont deux mensonges inventés par des spécialistes de la manipulation. Ou du marketing, c'est la même chose.

Les preuves ? Elles sont multiples. Petit voyage dans le temps. Dans les années 1930, Coca-Cola comparait ses atouts nutritionnels aux vertus vitaminées des fruits. Dans les années 1950, 7 Up expliquait comment, mélangé au lait du nourrisson, il favorisait la prise du biberon. À l'époque, à en croire les réclames, certains vins équivalaient même à un repas complet. Et puis, Camel était « la cigarette préférée des médecins ». Aujourd'hui les mêmes tentent de nous convaincre de l'importance de leurs contributions à notre bien-être, de leur sincérité dans la lutte contre le poids, de leur conscience humaniste ou de la non-dangerosité des OGM.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à ses promotions permanentes sur la paire de hamburgers. Déjà, la crise d'obésité est devenue pandémie. Déjà les lagons des porcheries, le HFCS et le trans fat sont partis à la conquête de l'Europe.

L'Europe... Ou comment une idée juste, sensible, enthousiasmante et pacifiste, a perdu elle aussi son âme. L'Europe est devenue la nouvelle cour où manœuvrent les spécialistes du lobbying industriel. Où se pratique un sport dont les règles ont été inventées à Washington.

Et c'est ainsi que, le 9 novembre 2006, Markos Kyprianou, commissaire européen et membre de la Commission européenne chargé de la santé et de la protection des consommateurs, a publiquement félicité Coca-Cola et McDonald's pour leur engagement dans la lutte contre l'obésité.

Coke, McDo et les autres sont pourtant les fabricants de cigarettes d'aujourd'hui. Leur stratégie de communication est identique. La crainte majeure de ces géants de l'agroalimentaire, c'est que les gouvernements, sous la pression populaire, légifèrent. Car la contrainte leur fait peur. Aussi, pour éviter cela, ils jouent la diversion, la carte du volontarisme.

Dans le même esprit, Marlboro et Philip Morris financent aux États-Unis des campagnes publicitaires incitant les gens à ne plus fumer. Or, le budget de ces « ravalements de façade » n'atteint même pas 1 % des bénéfices engendrés par la vente de leurs produits.

McDo, Coke et les autres savent qu'ils sont les premiers responsables de la pandémie d'obésité. Alors, ils donnent le change, martèlent le message de la responsabilité individuelle et l'idée que toute nourriture a sa place dans un régime équilibré.

Lorsque je vois la campagne internationale de Coca-Cola annonçant sa décision de lutter contre l'obésité, je ne peux m'empêcher d'être cynique et de penser : c'est l'hôpital qui se moque de la charité.

L'engagement à ne pas faire de publicité à destination des moins de douze ans ? Du vent. Rien de neuf. Cela a toujours été le cas. Non pas parce que la Compagnie est « morale » mais parce qu'elle est très intelligente. Elle préfère sponsoriser l'équipe de France de football, lancer un site Internet avec NRJ, imaginer un casting inspiré de « Star Academy » dans tout le pays, pour capter l'attention de ces classes d'âges. Coca-Cola étant, en France, la marque préférée des jeunes, elle n'a pas besoin de s'adresser directement à eux puisqu'elle a réussi à devenir une figure incontournable de leur univers.

Les boissons sans sucre, les salades de McDo ? Tout cela est marginal. Le cœur d'affaire de McDonald's, ce sont les heavy users, les gros consommateurs de Big Mac et de frites. Le produit vedette de la Compagnie ? Coca-Cola Classic et son sucre.

Demain, le monde ressemblera à Rio Grande City et à son odeur permanente de friture. [...]

Avant d'être consommateur, nous sommes citoyens. Nos trois repas quotidiens sont autant d'occasions de voter. Voter pour ou contre un monde toxique. Voter en faveur d'un modèle viable pour l'environnement, notre santé, et moralement acceptable. Notre pouvoir est avant tout celui de l'achat. Plus qu'un bulletin dans une urne, la consommation d'un produit est devenue un geste politique. Le seul moment où le terme de «démocratie directe » a un sens concret.

Mais voilà, si mon pouvoir d'achat m'offre le privilège d'assurer aux miens une assiette sans danger, ce choix est réservé à une minorité. Car manger bien est désormais une source d'inégalité. Les pauvres sont aujourd'hui massivement représentés dans les rangs de plus en plus peuplés des obèses. Comme à Rio Grande City, leur pouvoir d'achat les cantonne quasi exclusivement à la nourriture industrielle. En confiant notre alimentation aux géants de l'agroalimentaire, nous leur avons laissé le droit d'installer des régimes d'apartheid nouveaux.

Et c'est pour cela que, même s'il est capital, un engagement individuel ne sera jamais suffisant. Pour éviter que demain, notre monde ressemble à Rio Grande City, il faut que la classe politique se souvienne que, parmi ses devoirs, se trouve l'obligation de protéger la société des risques pathogènes. La malbouffe tue. Il faut donc une intervention gouvernementale pour contraindre certaines compagnies à cesser de nous empoisonner.

William Reymond


mardi, janvier 08, 2013

Autiste, savant, homosexuel et chrétien


Daniel Tammet est un autiste savant aux capacités hors du commun, un génie des nombres. Il a ainsi mémorisé les 22 514 premières décimales de π, parle 10 langues et a appris l'islandais en quatre jours. Pour lui, les nombres sont des formes et des couleurs.

Beaucoup de gens sont surpris quand je leur dis que je suis chrétien. Ils imaginent que croire en Dieu ou explorer des chemins spirituels est incompatible ou très difficilement compatible avec le fait d'être autiste. Il est absolument vrai que mon Asperger rend l'empathie ou la pensée abstraite plus difficiles pour moi. Mais cela ne m'empêche pas de penser à des sujets profonds, qui concernent la vie et la mort, l'amour et les relations, par exemple. En fait, beaucoup d'autistes tirent de réels bénéfices de leurs croyances religieuses ou de la spiritualité. L'emphase religieuse du rituel, par exemple, est une aide pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique car la stabilité et la solidité qu'elle apporte leur sont précieuses. Dans un chapitre de son autobiographie intitulée Stairway to Heaven : Religion and Belief, Temple Grandin, une femme autiste, écrivain et professeur de zoologie, décrit sa vision de Dieu comme une force qui organise l'Univers. Ses convictions religieuses viennent de son expérience lorsqu'elle travaillait dans les abattoirs et de son sentiment qu'il doit y avoir quelque chose de sacré dans la mort.

Comme beaucoup d'autistes, mon activité religieuse est avant tout intellectuelle plutôt que sociale ou émotionnelle. Quand j'étais au collège, je n'avais aucun intérêt pour l'éducation religieuse et je ne croyais pas que la possibilité d'un Dieu ou d'une religion puisse être d'un quelconque soutien dans la vie quotidienne des gens. Parce que Dieu n'était pas quelque chose que je pouvais voir, entendre ou sentir, et parce que les arguments religieux que je lisais et que j'entendais n'avaient aucun sens pour moi. Mon revirement date de ma découverte des œuvres de G.K. Chesterton, un journaliste anglais qui écrivit beaucoup sur sa foi chrétienne au début du XXe siècle.

Chesterton était une personne remarquable. À l'école, ses professeurs disaient de lui que c'était un « rêveur » qui n'avait pas pris « le même avion que les autres ». Adolescent, il avait fondé un club de débats avec des amis où il discourait parfois pendant des heures. Avec son frère Cecil, il débattit un jour pendant dix-huit heures et trente minutes. Il pouvait citer de mémoire des chapitres entiers de Dickens, et d'autres auteurs, et se souvenait de l'intrigue de dix mille romans pour lesquels il avait fait des fiches de lecture dans une maison d'édition. Ses secrétaires rapportent qu'il leur dictait un essai pendant que, lui, était en train d'en écrire un autre sur un autre sujet. Oui, il était souvent perdu, tellement absorbé dans ses pensées qu'il devait parfois téléphoner à sa femme pour se rappeler comment rentrer chez lui. Il avait également une fascination pour les choses du quotidien, ainsi qu'il l'écrit dans une lettre à sa femme : « Je ne crois pas qu'il y ait personne qui prenne autant que moi un plaisir sincère aux choses telles qu'elles sont. L'humidité de l'eau m'excite et m'enivre. L'ardeur du feu, l'inflexibilité du fer, la saleté indicible de la boue. » Il n'est pas impossible que Chesterton ait été à la frontière du spectre autistique, à la frontière de son haut niveau. En tout cas, je me suis souvent senti proche de lui en le lisant.

Lire Chesterton adolescent m'aida à comprendre intellectuellement Dieu et le christianisme. Le concept de la Trinité, d'un Dieu qui est une relation vivante et aimante, était quelque chose que je pouvais me représenter mentalement et qui signifiait quelque chose pour moi. J'étais également fasciné par l'idée de l'Incarnation, de Dieu se révélant Lui-même dans le monde, tangible, humain, en Jésus-Christ. Pourtant ce n'est qu'a vingt-trois ans que je décidai de participer à des cours de catéchisme à l'église locale. Ces cours collectifs hebdomadaires avaient pour but de transmettre les bases du christianisme. Je n'étais pas intéressé par la prière pour me guider dans la vie, ni par les expériences des autres, je voulais des réponses à mes questions. Heureusement, par ses livres, Chesterton répondit à toutes mes questions. À Noël 2002, je devins chrétien.

Mon autisme ne me permet pas toujours de comprendre ce que les autres pensent ou ce qu'ils sentent dans certaines situations. Pour cette raison, mes valeurs morales sont plus fondées sur des idées logiques, qui font sens pour moi et auxquelles j'ai beaucoup réfléchi, que sur l'exemple des autres. Je sais qu'il me faut traiter chaque personne que je rencontre avec gentillesse et respect parce que je crois que chacun est unique et à l'image de Dieu.

Je ne me rends pas souvent dans les églises parce que je suis rapidement mal à l'aise s'il y a trop de monde. Pourtant, à l'occasion, lorsque j'y suis allé, j'ai toujours trouvé cette expérience intéressante et troublante. L'architecture est souvent complexe et belle, et j'aime vraiment ce sentiment d'espace au-dessus de moi, quand je lève les yeux au plafond. Enfant, j'adorais écouter les psaumes et les chants. La musique m'aidait de fait à faire l'expérience de sentiments décrits généralement comme religieux, telles la transcendance ou l'unité. Mon chant préféré était l'Ave Maria. Dès que je l'entendais, je me sentais complètement enveloppé par la musique.

Certaines de mes histoires préférées viennent de la Bible, comme l'histoire de David contre Goliath. Beaucoup d'entre elles utilisent un langage imagé et symbolique qui me permet de visualiser les scènes, et cela m'aide à comprendre le récit. Il y a beaucoup de très beaux passages dans la Bible, mais j'aime particulièrement l'épître aux Corinthiens : « La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n'est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l'injustice mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. [...] Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité. »

On dit que chacun connaît un moment parfait, de temps en temps, une expérience de paix complète et de lien avec le monde, comme quand on regarde la vue depuis la tour Eiffel ou qu'on contemple une étoile en train de mourir. Je n'ai pas vécu beaucoup de moments de cet ordre, mais comme dit Neil (le compagnon de Daniel), ce n'est pas grave car ce qui est rare est encore plus particulier. Le plus récent est survenu l'été dernier à la maison - ces moments surviennent souvent quand je suis à la maison - après un repas que j'avais fait et partagé avec Neil. Nous étions assis tous les deux dans le salon, rassasiés et heureux. Soudain, je fis l'expérience de m'oublier moi-même et, pendant ce moment bref et brillant, j'eus l'impression que toute mon anxiété et mon mal-être disparaissaient. Je me tournai vers Neil pour lui demander s'il avait ressenti la même chose. Cela avait été le cas.

J'imagine ces moments comme des fragments ou des éclats éparpillés sur une vie entière. Si quelqu'un pouvait les coller bout à bout, il obtiendrait une heure parfaite, voire une journée parfaite. Et je pense que cette heure ou cette journée le rapprocherait de ce qui fait le mystère d'être un humain. Ce serait comme un aperçu du paradis.

Daniel Tammet, Je suis né un jour bleu.



Cerveau & lecture

Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soient à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlblème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmée, mias le mot cmome un tuot.   


lundi, janvier 07, 2013

Le secret de Superman




Le secret de Superman ou comment léviter grâce à la supraconductivité.

Qu'est-ce que la supraconductivité ?

« Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Non, c'est Superman ! » L'identité cachée de Clark Kent, révélée dans les années 1920, doit beaucoup au concept d'Obermensch de Nietzche, mettant en jeu un surhomme protecteur qui dominerait des êtres inférieurs. Cependant, le super-héros n'a pas toujours été le défenseur de la veuve et de l'orphelin qu'on connaît, avec des débuts moralement moins irréprochables qu'il n'y paraît. Quoi qu'il en soit, Superman a été créé à une époque où le préfixe « super » était utilisé pour renforcer toutes sortes de concepts. Auparavant, « super » apparaissait surtout dans des termes techniques : superposition, superviser, ou encore superintendant... La période qui a donné naissance à notre héros à la cape rouge a apporté de nouveaux mots, banalisant l'utilisation de ce préfixe supermarché, supertanker ou encore superstar Puis sont venus superordinateur, superglue, superpuissance. Plus récemment encore, le staphylocoque doré est devenu la première superbactérie.

En 1911, dans son laboratoire de Leiden, aux Pays-Bas, Kamerlingh Onnes découvrit un phénomène surprenant, qui transformait radicalement les propriétés du mercure à. basse température. Il devenait un superconducteur, caractéristique qui lui valut le nom de suprageleider, « supraconducteur » en français. Cette découverte a été faite plus d'une décennie avant la naissance de Superman, mais le rapprochement peut facilement être effectué : tout comme le héros de BD pouvait défier la gravité comme aucun autre homme, un supraconducteur défiait les lois usuelles de l'électricité comme aucun autre matériau connu avant lui. Un supraconducteur n'est pas juste un SUPER conducteur, mais est d'une tout autre nature, aussi étrange que peut l'être un visiteur de la planète Krypton qui porte ses sous-vêtements au-dessus de son pantalon.

Un matériau peut être classé en fonction de sa capacité à conduire l'électricité. Les métaux, or et cuivre en tête, sont des matériaux conducteurs. Les électrons peuvent y circuler librement, et ainsi conduire l'électricité. On s'en sert notamment pour fabriquer des fils électriques. De nombreux plastiques et caoutchoucs sont des isolants : ils ne conduisent pas l'électricité. Les électrons y sont liés aux atomes les constituant et ne peuvent donc pas circuler librement. Les isolants servent notamment à envelopper les fils électriques, afin de permettre leur manipulation sans risque d'électrocution. Entre ces deux extrêmes, on trouve les matériaux semi-conducteurs (expression inventée au XIXe siècle, décrivant la nature « ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre » de ces matériaux), comme le silicium ou le germanium. Matériaux de base des transistors et des puces électroniques, les semi-conducteurs ont un comportement très proche des isolants. Mais il est possible de leur imposer de devenir conducteur en y ajoutant des impuretés. Toutefois, les propriétés découvertes par Onnes ne correspondaient à aucune de ces trois catégories.

Pour bien se rendre compte de l'étrangeté du phénomène de supraconductivité, il suffit d'imaginer une bobine fermée constituée de fils supraconducteurs qu'on soumettrait à un courant électrique. Nous reviendrons plus tard sur la mise en place d'un tel dispositif, mais le résultat est spectaculaire. Un courant électrique commence alors à circuler dans la bobine, sans qu'aucune alimentation ne soit plus nécessaire. Quelle vision extraordinaire se présente alors à nous : un circuit fermé dans lequel circule un courant qui ne s'atténue pas, sans aucune source d'énergie présente. Tout cela fait fortement penser au mouvement perpétuel, concept considéré depuis toujours comme une utopie, ou, lorsqu'on présentait un dispositif semblant fonctionner, comme une supercherie. Mais là, aucun trucage en vue. Des scientifiques sont effectivement parvenus à créer, au sein d'un matériau supraconducteur, un courant électrique qui circulait encore des décennies plus tard. Même en l'absence de source d'alimentation en énergie, le courant circule tant que personne ne décide d'interrompre l'expérience.

La supraconductivité était un phénomène qui n'existait tout simplement pas avant le XXe siècle. Aucun indice ne laissait supposer son existence, et rien ne permettait même de l'envisager. Et pourtant, comme nous le verrons plus loin, les premiers pas y menant avaient déjà été effectués au XIXe siècle. Une fois la supraconductivité découverte, il aura fallu 50 ans pour développer une première théorie satisfaisante expliquant le phénomène, et le demi-siècle qui suivit aura apporté des résultats expérimentaux étonnants, montrant à quel point notre compréhension de ses effets est encore loin d'être entière. Malgré cela, les bobines supraconductrices sont utilisées tous les jours dans les hôpitaux, lors d'une IRM (Imagerie à Résonance Magnétique), ainsi que dans le MAGLEV, train à haute vitesse japonais. La supraconductivité, ça fonctionne, et on en a la preuve jour après jour.

Pour voir à quel point la supraconductivité est fondamentalement différente du comportement classique d'un matériau, considérons la situation suivante : lorsqu'un fil est traversé par un courant électrique, il chauffe. Ce phénomène est connu sous le nom d'effet Joule, en l'honneur du scientifique et brasseur James Prescott Joule, qui le caractérisa au XIXe siècle. Cet échauffement est généralement faible, même si l'existence de courants trop importants dans un fusible le fait fondre, ce qui coupe le circuit. La rupture d'un fusible est un élément de sécurité d'un circuit électrique, mais tout fil électrique trop fin est également susceptible de fondre de la même façon. Il doit donc être suffisamment épais pour supporter l'échauffement dû au courant qui le traverse. D'où vient cet échauffement ? Pour le comprendre, on peut comparer l'ensemble d'électrons libres, porteurs de charges électriques au sein du métal constituant le fil, à un essaim d'abeilles. Le mouvement de chaque individu pris séparément y semble désordonné. Faire passer un courant électrique à travers un fil est comme essayer de canaliser le mouvement de l'essaim dans une direction particulière, le tout à l'aide d'une légère brise. L'essaim dans son ensemble se déplace dans la direction voulue, mais chacune des abeilles continue de se déplacer dans tous les sens, rebondissant sur les obstacles se trouvant sur son chemin. Chacun de ces chocs entraîne une dissipation d'énergie, même légère, provoquant un échauffement de l'objet avec lequel l'abeille est entrée en collision. Il suffit alors de remplacer les abeilles par des électrons pour comprendre l'effet Joule. Ces collisions sont à l'origine d'applications utiles. Elles permettent à une bouilloire de chauffer de l'eau ou à un toaster de griller nos tartines. Mais ce transfert de chaleur du nuage d'électrons vers les atomes des fils électriques représente aussi la perte d'une part non négligeable de la précieuse énergie produite dans les centrales et qui voyage à travers nos réseaux électriques. Dans un fil électrique, l'effet Joule est synonyme d'énergie gaspillée.

Dans un supraconducteur, en revanche, l'effet Joule est inexistant. C'est comme si tous les frottements avaient été supprimés, et que les abeilles se contentaient de gentiment suivre le mouvement de l'essaim, sans entrer en collision avec quoi que ce soit. Une bobine supraconductrice peut donc conduire le courant en ne présentant aucune résistance électrique. Le courant circulera alors encore et encore, malgré l'absence d'apport d'énergie nécessaire pour compenser d'éventuelles pertes. Si on parvenait à rendre un matériau supraconducteur à température ambiante, cela révolutionnerait le mode de transport de l'énergie électrique, et les conséquences sur notre technologie seraient nombreuses. Kamerlingh Onnes a rapidement mesuré l'impact de sa découverte, et a imaginé la fabrication de bobines supraconductrices. Celles-ci pourraient agir comme de puissants électroaimants, et produire des champs magnétiques intenses sans aucune source d'énergie pour les alimenter. Ses rêves sont aujourd'hui devenus réalité. Ainsi, lors d'une IRM, les champs magnétiques nécessaires à l'obtention d'une image sont produits par des bobines supraconductrices.

Malheureusement, il reste un inconvénient pour l'instant rédhibitoire. Pour qu'un matériau puisse avoir des propriétés supraconductrices, il doit être placé à très basse température. C'est pourquoi, la découverte de la supraconductivité n'a pu avoir lieu que suite au développement de techniques de refroidissement à très basse température. Et si nous avons l'intime conviction qu'il sera un jour possible d'obtenir de la supraconductivité à température ambiante, nous n'avons encore aucune idée sur le moyen d'y parvenir.

Stephen Blundell, « La supraconductivité ».


La supraconductivité 
100 ans après

La supraconductivité est l'un des domaines de recherche les plus fascinants de la physique : à très basse température, certains matériaux se mettent à conduire le courant électrique sans pertes, et font léviter les aimants ! Découverte il y a exactement 100 ans, elle a défrayé la chronique à la fin des années 1980 quand de nouvelles classes de matériaux « à haute température critique » ont vu le jour. Ces températures relatives « chaudes » ( 130 °C tout de même) laissaient entrevoir des applications inédites, tout en fragilisant l'explication théorique admise jusque-là. La recherche a rebondi encore tout récemment, quand d'étranges composés à base de fer se sont révélés supraconducteurs.

Cet ouvrage propose la première introduction à cette énigme de la physique moderne. Il détaille la découverte de la supraconductivité, et l'incroyable frénésie créatrice qui s'est emparée des chercheurs pour en percer théoriquement les mécanismes, sans oublier les multiples applications, de l'IRM aux trains à sustentation magnétique.



dimanche, janvier 06, 2013

Contes



Illustration du conte "La princesa Li", publié par la maison d'édition Nube Ocho - DR 


Il était une fois une princesse... amoureuse d’une jeune fille.


En Espagne, de petites maisons d'édition rompent avec la tradition en publiant des histoires pour enfants avec des personnages homosexuels. De nouvelles références pour les nouvelles générations.

Une petite fille qui a mis la main sur un crayon magique grâce auquel tout ce qu'elle dessine devient réalité, et une princesse que son père veut marier à quelqu'un qui n'est pas son grand amour : telles sont les héroïnes des premiers contes publiés par Nube Ocho, une nouvelle maison d'édition.
Qu'ont-elles de particulier ? Eh bien, la petite fille a deux papas et la princesse n'est pas amoureuse d'un fringant jeune homme, mais d'une courageuse étrangère.

"Ce sont les livres que notre génération n'a pas pu lire", explique Luis Amavisca, le fondateur de cette petite maison qui vient de faire paraître "El lapicero mágico" et "La princesa Li", en collaboration avec Egales, un éditeur qui depuis vingt ans publie des ouvrages en rapport avec l'homosexualité. Nube Ocho rejoint ainsi d'autres petites maisons d'édition comme A Fortiori et Topka, qui, depuis une dizaine d'années, s'efforcent de pallier l'absence de références littéraires pour des familles de plus en plus nombreuses à sortir du schéma traditionnel, que ce soit par l'orientation sexuelle des parents ou parce qu'elles vivent le divorce, l'adoption, le handicap ou l'immigration.

Des ouvrages pour tous les publics

Luis Amavisca, un artiste plasticien qui s'est lancé dans l'édition et l'écriture, tient à préciser que ses ouvrages ne s'adressent pas seulement à la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuelle et transsexuelle) "mais aussi, et peut-être plus encore, aux hétérosexuels". "Bien des adultes auraient intérêt à les lire pour remettre en question leur propre éducation et mieux se préparer à aborder le sujet avec les nouvelles générations", estime-t-il.

"Il y a une volonté marquée de faire entrer dans la littérature jeunesse des sujets qui sont déjà une réalité dans la rue et à l'école", souligne Victoria Fernández, directrice de la revue spécialisée Clij, qui rappelle les deux premiers titres du genre publiés en Espagne, "Oliver Button es una nena" (1979, sorte d'ancêtre de Billy Elliot [paru en français sous le titre "Olivier Bouton est une poule mouillée"]) et "El príncipe Ceniciento" (1998 [Cendrillon au masculin, paru en français sous le titre "Le Prince Gringalet"]).

Productions originales

A la différence des poids lourds de l'édition, qui le plus souvent font traduire en espagnol des livres qui ont fait un tabac aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les petites maisons cherchent à se faire une place en publiant des productions originales, contenant parfois des textes des éditeurs eux-mêmes, et agrémentées d'illustrations soignées.

Les tirages sont faibles, et ces éditeurs ont trouvé en Internet leur meilleur allié. S'ils sont bien distribués dans les supermarchés de la culture et dans les petites librairies, ils peinent à obtenir de bons emplacements. Pour ce faire, il leur faut absolument nouer une relation privilégiée avec les libraires spécialisés afin de leur expliquer la philosophie qui sous-tend ces contes et de les convaincre de leur intérêt.

"Il y a un marché, il y a des auteurs, mais les éditeurs regardent ailleurs et ne prennent de risque que quand le livre a déjà eu du succès dans un autre pays", affirme Lucía Moreno, la créatrice de Topka, qui a publié depuis 2006 seize contes, tous bilingues anglais-espagnol, comme d'ailleurs les deux premiers de Nube Ocho. Le plus vendu, "El amor de todos los colores" ["L'amour de toutes les couleurs"], tiré à 2 500 exemplaires, est en passe d'être épuisé.

"Les contes traditionnels sont une horreur"

A Fortiori, née deux ans plus tôt, a déjà fait paraître quatorze contes et trois volumes de poésie, "pour toutes les familles, y compris celles qui ne sont pas défendues par les évêques", explique sa fondatrice, Natividad de la Puerta. Docteur en histoire économique et "agitatrice culturelle", l'éditrice raconte que ses livres sont nés de la volonté d'offrir à ses petits-enfants des contes d'un autre genre, qui promeuvent le respect de la diversité. "Les contes traditionnels sont une horreur. Franchement, quelles sont les valeurs prônées par Hansel et Gretel ? Les deux héros sont des imbéciles, excusez-moi, et en plus à la fin ils tuent la sorcière et la volent", plaisante-t-elle.

Tout comme cette petite maison d'édition "kamikaze", comme la qualifie Natividad de la Puerta, Nube Ocho et Topka sont nées des préoccupations personnelles de ses fondateurs, qui ne trouvaient pas ce qu'ils cherchaient en Espagne : Lucía Moreno, en tant que maman lesbienne d'enfants adoptés et handicapés, et Luis Amavisca, qui a vu les neveux de son mari libanais l'accepter sans a priori, malgré les tabous qui pèsent sur l'homosexualité dans ce pays du Moyen-Orient.

Les trois éditeurs s'accordent tous à dire que dans leurs livres la diversité, qu'elle soit sexuelle, raciale ou autre, est certes une caractéristique des personnages, mais ne constitue pas le moteur du récit ni le motif du conflit. "Nous voulons faire des livres amusants, qui plaisent aux enfants et qui transmettent les valeurs que nous défendons", insiste Lucía Moreno. Comme dit Natividad de la Puerta, "les mentalités changent, il faut donner aux enfants la possibilité de lire autre chose".

Source :
http://www.courrierinternational.com/article/2013/01/02/il-etait-une-fois-une-princesse-amoureuse-d-une-jeune-fille 


"El lapicero mágico" et "La princesa Li"
http://www.chueca.com/tendencias/el-lapiz-magico-la-princesa-li-.html



Club du livre

Adhérez dès maintenant ! Et vous recevrez en cadeau de bienvenue les ouvrages suivants :
    Garder la forme et mourir quand même,
    Comment s'habiller quand on va aux toilettes,
    124 exercices pour tonifier vos dents,
    Trouver un appartement quand on est sataniste,
    Bronzer avec une lampe de poche,
    Comment transformer en partouze une Tupperware-party,
    64 bonnes raisons pour sombrer dans le désespoir.
George Carlin

Dictionnaire espiègle et loufoque, Editions Chiflet.





samedi, janvier 05, 2013

La croisade des Chevaliers de la Croix-Blanche




Un soir, place de l'Odéon, je fus attiré par un attroupement qui me sembla prometteur de joies profondes. Au pied de la statue de Danton, un homme d'une cinquantaine d'années, vêtu avec l'élégance d'un ancien élève de Sciences Po, agitait des pancartes sur lesquelles on lisait :

REFUSEZ L'ABRUTISSEMENT !
PAUVRES IMBÉCILES QUI ADMIREZ VOLTAIRE, SOUVENEZ-VOUS QUE CE PHILOSOPHE A ÉCRIT :
« LES FRANÇAIS SONT LES RÉSIDUS, LES EXCRÉMENTS DU GENRE HUMAIN. »
(Discours aux Welches.)

Et
« JE MOURRAI BIENTÔT ET CE SERA EN DÉTESTANT LA FRANCE, PAYS DE SINGES ET DE TIGRES OU LA FOLIE DE MA MÈRE ME FIT NAÎTRE. »
(Lettre du 7 août 1766 à D'Alembert.)

Et encore :
« L'UNIFORME PRUSSIEN NE DOIT SERVIR QU'A FAIRE METTRE A GENOUX LES FRANÇAIS. »
(Lettre de mai 1775 à Frédéric II de Prusse.)

VOILA L'ÉCRIVAIN QUI EST VOTRE DIEU ! 
ON VOUS ABÊTIT !
REFUSEZ LES RITES DE LA VIE MODERNE !
ON FLATTE VOS VICES !
L'ARGENT et LE SEXE MÈNENT LE MONDE !
NE SOYEZ PLUS ESCLAVES !
VIVE LA LIBERTÉ !
ANTARÈS

Au moment où je me mêlais aux badauds, l'orateur s'en prenait à un personnage qui, au premier rang, tenait à la main un journal du soir.
Vous n'avez pas de haut-le-cœur, monsieur ?

L'autre parut effaré derrière ses lunettes.
— Non. Pourquoi ?
A votre place, j'aurais un goût amer dans la bouche. Vous vous nourrissez de sang et de sexe...

Et, désignant le journal du brave homme dont les gros yeux de myope s'agitaient avec angoisse, il ajouta :
Un bel assassinat vous fait plaisir, une éruption volcanique — pour peu qu'elle ait fait trois mille victimes — vous met en train pour la journée, et les détails d'un accident de chemin de fer vous font passer une soirée agréable... Quant à un bel adultère...

L'autre se révolta :
— En voilà assez !
Mais non. Vous êtes un sadique qui s'ignore...

Antarès dépassait les bornes et la foule prit la défense du myope. Les insultes, les quolibets et les lazzi plurent sur la tête du vitupérateur du monde moderne qui se contentait de sourire.

— Alors vous ne lisez jamais aucun journal ? lui demanda finalement un jeune homme.

Non, monsieur ! Il y a vingt ans que je n'ai pas sali mon regard contre ces ordures.

Il y eut un silence que l'individu rompit :
Je ne possède pas non plus un de ces appareils destinés à l'abrutissement des masses. Je veux parler de la radio et de la télévision.

Comme ces dernières paroles avaient été accueillies avec indifférence, il résolut probablement de frapper un grand coup et, mettant le feu à un billet de mille francs, il alluma une cigarette. La foule eut le souffle coupé. Puis il y eut une rumeur scandalisée et les badauds s'éparpillèrent.
— C'est un fou ! criait une femme. On devrait l'enfermer !
— A Charenton ! disait une autre.
— Ah ! Il y a des coups de pied qui se perdent ! dit un home en s'éloignant. Et il indiqua en peu de mots l'endroit où, d'après lui, ces coups de pied eussent été plus à leur place...

Quand tous les badauds eurent disparu, je m'approchai du curieux personnage avec un air complice :
— Vous les avez ébahis !

Il se rengorgea :
J'espère les avoir scandalisés... J'aime montrer, de temps en temps, à ces petits bonshommes minables en quel mépris il faut tenir l'argent.

Il me parut opportun et diplomate d'acquiescer.

Je vois que vous n'êtes pas un médiocre, me dit-il.
(Ce monsieur tenait d'étranges propos, mais son jugement était sain.)

Mis en confiance, il m'expliqua qu'il appartenait à un groupe, « Les Chevaliers de la Croix-Blanche », dont le but était de rendre un peu de sa dignité à l'homme.
Nous combattons la presse, la radio, la télévision, l'armée et les dessins animés. Toutefois, l'argent est notre ennemi n° 1. Il est à l'origine du désordre moral qui règne chez nos contemporains et nous devons le détruire. Notre tâche est belle et, si nous devions donner un sous-titre à notre groupe, je crois que nous reprendrions le nom qu'avait choisi Léon Bloy: « Entrepreneur de démolitions » Nous démolissons les fausses idoles.

— Êtes-vous anarchiste ?

Sa réponse fut catégorique :
Oui et non !

Et il ajouta en clignant de l'œil :
Vous me comprenez ?
— Bien sûr, dis-je d'un ton ferme.
Aussi, notre but n'est-il pas de faire sauter la Banque de France ou de tuer les gens riches. Il est plus philosophique. Nous procédons, chaque mois, dans mon appartement, à une destruction symbolique du Veau d'Or. Si Cela peut vous intéresser, je vous invite. Voici ma carte. Notre prochaine réunion a lieu samedi.

Avant de le quitter, je lui posai une dernière question :
— Les textes que vous citez sur vos banderoles sont bien de Voltaire ?
Exactement, monsieur. Cet écrivain détestait la France. Il n'eut pas de mots assez durs pour parler des Français. Or, voyez à quel point d'abrutissement nos compatriotes sont arrivés : ils le considèrent comme l'esprit le plus éclairé de tous les temps...

D'autres badauds commençaient à s'arrêter devant les écriteaux. Le Chevalier Antarès allait reprendre ses diatribes contre les méfaits du modernisme. Je m'éloignai...


vendredi, janvier 04, 2013

Depardieu, brave moujik ou sale boyard ?





Dernières nouvelles : le 6 janvier 2012, le Jour des Rois, sur décision du tsar Vladimir Poutine, Gérard Depardieu, qui ne parle pas un mot de russe, pourrait être fait boyard-ministre de la culture de Mordovie. 


Gloire à Kadyrov et à Papa Niazov, son prophète !

« Gloire à Kadyrov ! » Que pensent les Français du cri du cœur de Gérard Depardieu pour un despote qui prône l'islamisation des mœurs et des coutumes tchétchènes ?

Devenu citoyen russe grâce à un décret signé par l'autocrate Poutine, Depardieu, l'ami des potentats de l'Est, se convertira-t-il à l'Islam après avoir lu le « Rukanama » du dictateur inspiré Saparmourat Niazov, mieux connu sous le nom de Turkmenbachi, qui se donnait lui-même le titre de « treizième prophète ».

« Le Saint Rukhnama est, selon le site officiel turkmène, comparable à la Bible et au Coran et doit être utilisé comme guide spirituel, afin d'effacer la complexité et les angoisses de la vie quotidienne ». Dieu sait que Depardieu n'espère qu'une chose : effacer son nom du registre du fisc français source de toutes ses angoisses. Qu'il se rassure, dans la Russie de Poutine et les Etats de l'espace post-soviétique les pauvres ont l'habitude payer pour les puissants.

Grâce à Papa Niazov, Gérard Depardieu, qui va avoir 65 ans, ne sera même pas taxé de « vieux con ». En effet, Niazov avait déclaré la guerre au vieillissement. Dans un décret d'août 2002, la vie d'un citoyen est divisée en cycle de douze ans, la période de l'adolescence est étendue jusqu'à vingt cinq ans et recule l'âge de la vieillesse à quatre vingt cinq ans.

Voici d'après Turkmenbachi (Papa Niazov) les dénominations officielles pour chaque tranche d'âge :

0-12 : l'enfance
13-25 : l'adolescence
25-37 : la jeunesse
37-49 : la maturité
49-61 : l'âge prophétique
61-73 : l'âge édifiant
73-85 : la sagesse
85-97 : la vieillesse
97-109 : Oguzkhan (d'après le nom du fondateur mythique de la Nation turkmène).

« Bien peu de turkmènes atteindront l'âge de la sagesse, et encore moins l'âge convoité d'Oguzkhan. L'espérance de vie moyenne est de soixante ans pour les hommes et de soixante-cinq ans pour les femmes », précise Ted Rall dans son livre « La route de la soie en lambeaux ».

Saparmourat Niazov (1940-2006) se prenait pour un prince philosophe. Sa pensée hautement subtile est compilée dans son Petit Livre Vert, le Rukhnama. Extraits :

Sur la générosité : « Si vous demandez un prêt à quelqu'un, il vous prêtera de l'argent, même si le prêteur est un sale type. Mais si le prêteur est généreux et n'a pas d'argent, il vous dira, « Viens et détends toi, je t'offre une tasse de thé ». Puis il sortira discrètement et ira emprunter de l'argent à son voisin pour pouvoir prêter la somme nécessaire à celui qui la demande. Même le sale type répondra à toutes les demandes, mais l'homme généreux partagera aussi son pain. »

Sur la positive attitude : « Quand vous rencontrez une foule de gens, ne blessez personne, complimentez tout le monde. Vous gagnerez ainsi le cœur de tous. Vous les verrez ainsi sourire non seulement de leurs lèvres, mais également de tout leur cœur. Et ce cœur s'épanouira telle une rose. Tous, y compris vous-même, seront heureux d'assister à un tel spectacle. »

Sur l'éthique : « Lorsque le nombre des gens ayant une bonne éthique augmente, la vie devient plus belle ».

Sur les sports équestres : « Ecoutez les conseils de Gorkut Ata : "Faites vous votre réputation tant que votre père est encore en vie, et avancez tant que vous avez encore votre cheval"».

Sur la richesse : « Une richesse bien acquise provient d'actions honnêtes, mais une richesse mal acquise n'est basée que sur des tromperies. »

Sur les mauvaises paroles : « Les mensonges, commérages et calomnies sont la source de tous les maux. Car ils permettent de déposer un voile recouvrant les péchés et les mauvaises actions. »

Sur la mortalité : « Le temps agit sur nous comme une massue. Frappe ou tu seras frappé ! »

Source : Ted Rall, « La route de la soie en lambeaux ».






Le Rukhnama 



(Les Grands Reportages)



jeudi, janvier 03, 2013

Révélations d'un chef lakota





« Il est temps que les Indiens fassent connaître au monde ce qu'ils savent... sur la nature et sur Dieu. Je vais donc vous dire ce que je sais et qui je suis. Vous feriez bien de m'écouter. Vous avez tellement à apprendre ! »

QUI JE SUIS

« Je suis un Indien. Je suis un des enfants de Dieu. Mon nom indien est Noble-Red-Man. C'était le nom de mon grand-père. Je suis un chef. Je dis ce que j'ai à dire. C'est mon devoir. Si je ne le dis pas, qui le fera entendre à ma place ?

Je suis un prophète indien. Je peux voir l'avenir. J'émets des prophéties sur ce qui va arriver. Je peux regarder dans vos yeux, ou dans votre cœur, et savoir si vous mentez ou si vous essayez de tricher, si vous avez l'intention de nuire aux Indiens. Considérez-moi comme un chef lakota. Je suis le porte-parole des chefs. Je chemine avec le Grand Esprit, avec Dieu. Je Lui parle. Le Grand Esprit est mon guide dans l'existence. Parfois II vient et m'indique ce que je dois dire. D'autres fois, je ne m'exprime qu'en mon nom, au nom de Mathew King. »

LE POUVOIR DE LA PIPE

« J'ai en ma possession la pipe de paix de Red Cloud. On me l'a donnée quand on a fait de moi un chef. Au début, je ne voulais pas l'accepter. Red Cloud était un grand homme. Il a conclu tous ces traités. Il s'est battu quand il devait le faire, et il a vaincu les soldats de l'Homme Blanc. Il possédait de nombreux pouvoirs. Mais moi, je préfère résoudre mes problèmes par la paix. Je possède aussi les pipes de Black Bear et de mon grand-père Noble-Red-Man. La pipe de paix est notre seule arme. Elle est notre pouvoir sacré, le pouvoir de Dieu. La Pipe est un médiateur entre l'homme et Dieu. Pour recevoir la Pipe, le don de Dieu, il faut être pur dans son cœur, dans son esprit, dans son corps et dans son âme. Et ne pas oublier qu'après les prières, nous avons cette vie à vivre, en compagnie de Dieu. C'est la partie la plus difficile. »

DIEU A FAIT TOUTES LES CHOSES SI SIMPLES

« Dieu a tout créé d'une manière si simple. Nos vies sont très simples. Nous faisons ce que nous voulons. La seule loi à laquelle nous devons obéir est la loi naturelle, la loi de Dieu. Nous n'en reconnaissons aucune autre. Nous n'avons pas besoin de votre Église. Les Black Hills sont notre Église. Nous n'avons pas non plus besoin de votre Bible. Notre Bible, ce sont le vent, la pluie et les étoiles. Le monde est une bible ouverte, et nous autres, Indiens, l'étudions depuis des millions et des millions d'années.

Nous avons appris que Dieu dirige l'Univers, et que tout ce qu'Il a créé a reçu la vie. Même les pierres sont vivantes. Lorsque nous les utilisons dans nos huttes à sudation, nous leur parlons, et elles nous répondent. »

COMMENT ON PARLE À DIEU

« Quand nous sommes en quête de sagesse, nous grimpons sur une montagne et parlons à Dieu. Quatre jours et quatre nuits, sans nourriture et sans eau. Vous aussi, vous pouvez parler à Dieu de cette manière. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez. Il n'y a personne pour vous entendre. Ça reste entre Dieu et vous. C'est très impressionnant de Lui parler. je le sais. Je l'ai fait, là-haut dans la montagne. je me suis tenu debout, dans le vent froid et la nuit, et j'ai parlé à Dieu. »

LES REMÈDES DE DIEU

« Un jour, clans la montagne, j'ai prié Dieu qu'il nous accorde un remède pour guérir le diabète. Tandis que je priais, une voix m'a ordonné : "Tourne-toi !". Je me suis retourné, et me suis trouvé en face de la plus belle Indienne que j'aie jamais vue. Elle avait de longs cheveux noirs et un visage absolument merveilleux. J'ai vu qu'elle tenait quelque chose pour moi dans sa paume. C'étaient de petites baies bleu sombre, de celles qui poussent sur les cèdres. Elle me les tendait, mais elle disparut avant que j'aie pu les prendre. Je sais qui était cette femme. C'est elle qui a apporté la Pipe Sacrée à notre peuple. Nous l'appelons la Femme-Bison-Blanc. Dieu l'a envoyée, dans des temps très anciens, pour sauver les Indiens. À cette époque, nous avions faim et nos enfants pleuraient. Nos chasseurs avaient beau aller très loin et faire de grands cercles dans la prairie pour tuer des bisons et d'autres bêtes sauvages, ils ne rapportaient rien, pas même un lapin ou un oiseau. Nous étions punis pour nous être éloignés de Dieu et L'avoir ignoré. Nous subissions Sa colère, mais même ainsi, Il ne cessait pas de nous aimer. Il voulait faire don de la Pipe à Ses enfants indiens, afin qu'ils puissent prier et parler avec Lui quand ils le désireraient. Il nous a donc envoyé cette très belle Femme-Bison-Blanc. Elle a fixé sur son dos le paquet contenant la Pipe, puis elle s'est mise en route pour l'apporter aux Lakotas. Chemin faisant, elle a rencontré deux guerriers. Elle a posé son paquet sur le sol pour les observer. Ils ont été frappés par sa beauté. Vrai, on ne résiste pas à une femme comme ça ! Aucun homme n'est assez fort pour résister à une femme, d'ailleurs. C'est tout simplement impossible ! Quand il l'a vue, le premier guerrier a été si effrayé qu'il est tombé là terre, incapable de faire un mouvement. Mais le second, troublé par sa grâce, a eu des pensées mauvaises à son endroit. Celui-là, elle l'a fait venir près d'elle, et quand il l'a rejointe, un nuage les a enveloppés tous les deux. Lorsque le nuage s'est dissipé, il ne restait plus de lui qu'un squelette. Dieu ne tolère pas les pensées impures ! En découvrant cette femme splendide près de moi sur la montagne, j'ai su aussitôt qu'il s'agissait de la même. Mais elle a disparu avant que je puisse prendre les baies qu'elle tenait dans sa main. Plus tard, j'ai souffert du diabète, mais je n'ai plus repensé aux baies. On m'a envoyé voir les médecins de l'Homme Blanc. Ils m'ont donné des pilules. Chaque matin, je devais prendre de l'insuline. J'ai passé aussi beaucoup de temps à l'hôpital. Puis un jour, je me suis souvenu de la Femme-Bison-Blanc et de ses petites baies de cèdre. J'en ai cueilli quelques-unes, je les ai faites bouillir, j'ai extrait leur jus et je l'ai bu. Il était si amer qu'il a fait sortir tout le sucre de mon corps. Les médecins qui m'ont ausculté ensuite n'en revenaient pas. Ils m'ont dit que je n'avais plus de diabète, que je n'avais plus besoin de prendre de l'insuline. Ils m'ont demandé comment j'avais fait, mais je ne leur ai rien dit. Dieu nous donne des remèdes pour que nous les partagions avec les autres, mais si l'Homme Blanc met la main dessus, il vous les vendra au prix fort, en vous laissant mourir si vous n'avez pas de quoi payer. La médecine de Dieu est gratuite, Il ne demande pas d'honoraires. Nous ne Lui donnons pas d'argent. Nous lui offrons nos prières, nos remerciements, et quelquefois la seule chose qui est réellement à nous : notre chair, notre souffrance. C'est là le sens de la danse du Soleil : offrir à Dieu notre corps, notre douleur et — ce qu'il ne faut jamais oublier — une prière de remerciements. »

L'HOMME BLANC SE TROMPE SUR TOUT

« L'Homme Blanc prétend que nous sommes belliqueux, alors que nous sommes pacifiques. Il nous traite de sauvages, mais c'est lui qui est un sauvage. Regardez cette coiffure de plumes d'aigle, il appelle cela un bonnet de guerre. Bien sûr, nous l'utilisions autrefois pour la guerre, mais la plupart du temps, nous l'arborions pendant les cérémonies rituelles, et pas pour aller au combat. Chaque plume représente une bonne action, et ma coiffure en compte trente-six. Elles n'appellent pas à la guerre, elles montrent seulement qui nous sommes. De même, l'Homme Blanc appelle nos chants des chants de guerre, mais il s'agit en fait de prières que nous adressons à Dieu. Il dit aussi à tort que nos tambours sont des tambours de guerre, alors qu'ils nous servent uniquement à communiquer avec Dieu. Parler de "tambour de guerre" n'a aucun sens pour nous. Quand il observe comment nos guerriers se peignent le visage, il y voit encore des peintures de guerre. En réalité, ils ne se peignent pas pour se battre, mais pour permettre à Dieu de distinguer clairement leurs visages s'ils sont appelés à mourir. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous parler de paix à l'Homme Blanc, quand il ne voit partout que la guerre ? »

LA RELIGION INDIENNE

« La religion indienne est aussi vieille que le Créateur. Dans notre mode de vie, ce sont les Anciens qui dispensent l'enseignement spirituel. Une sagesse vieille de plusieurs milliers d'années coule de leur bouche. Certains essayent d'apprendre ce que savent les Anciens. Ils dénichent un quelconque chef de pacotille, qui leur fait payer deux cent cinquante dollars pour une séance dans une hutte de sudation, et après cela ils croient tout connaître de la religion indienne. Mais vous ne pouvez pas acheter la religion de notre peuple. Nos cérémonies et nos cultes ne sont pas des marchandises. Et nous n'avons pas non plus l'intention de vendre les Black Hills. »

LES BLACK HILLS

« L'Homme Blanc nous propose cent millions de dollars pour nos Black Hills. Mais cent milliards de dollars ne suffiraient pas pour acquérir notre montagne sacrée. Pas plus que quatre cents milliards. Ils ne paieraient même pas les dégâts que vous avez faits. Vous ne pourrez jamais nous dédommager pour tout ce que vous avez volé et détruit. Vous ne pourrez jamais nous rembourser les milliers d'aigles que vous avez tué, ni les bisons et les autres bêtes sauvages. Et vous ne pourrez pas non plus effacer votre dette pour tous les Indiens que vous avez massacrés. Les Black Hills ne sont pas à vendre : nous sommes sortis de cette terre, nos ancêtres y sont enterrés, et nous y célébrons nos cérémonies sacrées. C'est le berceau et la terre sainte des Lakotas Que diriez-vous si nous vous offrions cent millions de dollars pour acquérir le Vatican ? Croyez-vous que c'est par hasard que vous nous avez ramenés de force dans les Black Hills et les Badlands, pour vous apercevoir ensuite que ces terres sont riches en or, en cuivre, en charbon et en uranium ? Aujourd'hui vous convoitez l'uranium. Mais vous ne l'aurez pas. Nous sommes les gardiens de l'uranium de Grand-Mère Terre. Si vous l'obteniez, vous ne vous en serviriez que pour détruire le monde créé par Dieu. »

VOUS NE NOUS AVEZ JAMAIS REMERCIÉS

« Vous nous avez tout pris et ne nous avez rien donné, mais le pire est que vous ne nous avez jamais remerciés. Vous devez changer vos manières. Je n'ai pas besoin de modifier les miennes, c'est vous qui devez vous corriger ! Moi, je vis selon la loi de Dieu, et je fais ce qu'Il désire. Nous, les Indiens, nous vivions heureux, jusqu'à ce que vous nous rendiez misérables. Qui vous a donné le droit d'agir ainsi ? Vous avez tué nos femmes et nos guerriers. Vous avez tué nos chefs. Vous nous avez volé notre terre, qui nous a été don-née par Dieu. Vous ne pouvez pas nous l'enlever ! » Mathew s'est levé. Ses yeux lancent des éclairs. Des échos de soufre et de feu résonnent dans ses paroles. Lorsqu'il crache ses vous, il n'accuse pas un quelconque Homme Blanc abstrait ; il s'adresse à nous, les deux Blancs assis en face de lui. Nous sommes les oppresseurs, les destructeurs, les meurtriers. Nous sommes l'ennemi !

UNE PROPHÉTIE : LA COLÈRE DE DIEU

« Je prédis de nombreuses choses qui finissent par se produire. Dieu va châtier le monde, Il est furieux. Je suis désolé de ce qui doit arriver. Il ne détruira pas le monde entier, mais toutes les créatures vivantes périront, et il faudra peut-être un million d'années avant que la vie réapparaisse. Grand-Mère Terre sera seule. Elle pourra se reposer. Tout cela à cause de la méchanceté de l'Homme Blanc. Vous tomberez, et votre chute sera très dure. Vous pleurerez, vous vous lamenterez. Vous comprendrez que votre punition, pour avoir détruit le monde de Dieu, est inéluctable. N'espérez pas lui échapper Dieu balayera le mal de toute la surface de la Terre. Vous pouvez déjà voir Ses signes : sur la côte Ouest, le volcan du mont Saint-Helens est un signe. Il y aura également des tremblements de terre ; la moitié de la Californie et peut-être celles de Washington et de l'Oregon disparaîtront sous les eaux. L'Est et le Sud subiront le même sort : on y verra des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des ouragans. [...]

C'est Dieu qui envoie Ses signes à l'Homme Blanc, qui le punit pour n'avoir pas réglé ses dettes avec l'Indien, pour avoir détruit la Terre par son avidité. Et cela ne fera qu'empirer, tant que vous n'aurez pas payé ce que vous nous devez, ce que vous nous avez promis... tant que vous ne nous aurez pas rendu ce qui nous appartient. Je vais maintenant vous apprendre la leçon la plus importante : rien ne peut être plus puissant que Dieu. Nous, les Indiens, nous n'avons pas peur de mourir. Nous irons dans un autre endroit, bien meilleur que ce monde, aussi ne craignons-nous pas la mort. Nous sommes prêts. Nous voulons seule-ment que vous le sachiez. Peut-être pourrez-vous changer, peut-être pourrez-vous arrêter ce qui est en marche. Il ne reste plus beaucoup de temps. C'est vraiment ce qui va arriver. Croyez-moi ! Et dites-leur à tous qu'ainsi parle Noble-Red-Man ! » […]

POST-SCRIPTUM

Depuis notre rencontre en 1983, Mathew King — le chef Noble-Red-Man — a rejoint son Créateur. Sa disparition nous rappelle une chose qu'il nous raconta lorsque nous nous entretînmes avec lui :

« La nuit dernière, nous confia-t-il, j'ai rêvé de ma femme pour la première fois depuis qu'elle m'a quitté, il y a maintenant quatre ans. Elle est apparue et m'a dit que tout est si tranquille là-haut. C'est un endroit bien meilleur, très différent de ce monde malade. "Nous avons une vie très agréable ici", m'a-t-elle expliqué. Elle voulait que je me dépêche de la rejoindre. Alors je lui ai répondu : "Ne sois pas impatiente. Il me reste beaucoup de choses à faire dans le monde. Attends-moi encore un peu, et je serai bientôt avec toi." »

Harvey Arden, Steve Wall, « Les Gardiens de la Sagesse ».




Les Gardiens de la Sagesse, ce sont les Indiens, aujourd'hui. Les auteurs les ont rencontrés juste avant la fin du millénaire. A travers leur quête, des représentants de nombreuses tribus s'adressent à nous, au monde, pour délivrer un message de sagesse, d'harmonie et de responsabilité. Parmi eux, deux grands hommes-médecine qui ont marqué le siècle, les Sioux oglalas Frank Fools Crow et Noble Red Man Mathew King. Par leurs paroles, ils nous rappellent leur identité propre mais aussi la nôtre, que nous avons occultée en oubliant nos traditions, mettant à mal notre milieu naturel et faussant nos relations avec lui. Fragiles dépositaires d'un savoir, d'une connaissance, remontant à plusieurs millénaires, le message des Indiens est précieux quant à notre avenir. Ils ne préservent pas leurs connaissances : ils les vivent !


mercredi, janvier 02, 2013

Les magouilles de la CIA en Asie centrale soviétique





Le livre de Steve Coll, « Ghost Wars », relate l'histoire des opérations secrètes menées par les services secrets américains en Asie centrale dans les années précédant le 11 septembre 2001. Parmi ses révélations, on découvre avec stupeur que les États-Unis mènent des incursions sur le territoire russe, risquant par-là de déclencher une guerre thermonucléaire au moment où les tensions de la guerre froide sont à leur comble.

Coll cite Robert Gates, à l'époque assistant du directeur de la CIA Williarn Casey, puis plus tard directeur lui-même, qui confirme que les moudjahidins soutenus par les États-Unis, « commencent des opérations de l'autre côté de la frontière de l'Union soviétique » au cours du printemps 1985. Ces attaques, dit-il, sont menées « avec l'assentiment de Casey. »

Mohammed Yousaf, alors officier du ISI, les services secrets pakistanais, se souvient qu'alors « Casey déclare qu'il y a une population musulmane importante de l'autre côté de l'Amu-Darya, que l'on peut amener à l'action, et qui est en mesure de faire de gros dégâts à l'Union soviétique. » Yousaf prétend que Casey a ajouté : « Nous devrions utiliser les traductions du Coran en langue ouzbèke réalisées par la CIA et tenter de soulever les populations locales contre eux. »

En avril 1987, les scandales de l'Irangate et des Contras font rage à Washington. Mais la CIA poursuit son ancien jeu préféré. « Au moment de la fonte des neiges, écrit Coll, trois unités équipées par l'ISI pénètrent secrètement en Asie centrale soviétique en traversant l'Amu-Darya. La première équipe tire une roquette contre un aéroport près de Termez en Ouzbékistan. La deuxième, un groupe d'une vingtaine de rebelles équipés de lance-roquettes et de mines antichars, a reçu comme instructions de l'ISI de monter des embuscades violentes le long d'une route longeant la frontière. Ils détruisent plusieurs véhicules soviétiques. Une troisième équipe frappe un site industriel situé à une quinzaine de kilomètres en territoire soviétique avec un tir de barrage de plus de trente roquettes explosives ou incendiaires de 107 mm. Les attaques ont lieu au moment où la CIA fait circuler les photos satellites d'émeutes à Alma-Ata (aujourd'hui Almaity), capitale d'une république soviétique d'Asie centrale. »

Finalement, « les Russes en ont assez des attaques sur leur sol. Alors qu'ils comptent leurs morts en Asie centrale en ce mois d'avril, ils envoient des émissaires à Istanbul et Washington avec un message très clair dans lequel ils menacent « la sécurité et l'intégrité du Pakistan », en clair, une invasion... les attaques cessent. »

Plusieurs des dirigeants d'Asie centrale actuels sont déjà en poste à l'époque, ils ont tous d'importantes responsabilités dans leurs républiques respectives. Leur souvenir de la campagne des États-Unis visant à mettre à bas l'Union soviétique, au final couronnée de succès, ne doit pas avoir disparu de leur mémoire.
Ted Rall


The Secret History of the CIA, Afghanistan and Bin Laden




mardi, janvier 01, 2013

Bonne année 2013, santé & reishisse !





Tout augmente : les prix, les taxes, les impôts, le chômage... Pour ne pas se retrouver sur le pavé, il faut se résoudre à gagner un peu plus d'argent. 

Dans un pays qui compte 5 millions de chômeurs, il est difficile d'avoir une seconde (ou même une première) activité salariée. Quand le salariat disparaît, il ne reste plus que la création d'une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Faire du business dans le domaine de la santé et du bien-être permettait d'avoir le beurre et l'argent du beurre, ou plus exactement le reishi et l'argent du reishi.

Le reishi ou lingzhi (ganoderma lucidum) est un champignon aux vertus médicinales intéressantes, « miraculeuses », disent les petits malins qui le commercialisent dans une structure comme Organo Gold.

Selon les principes de la commercialisation à paliers multiples, Organo Gold incite ses collaborateurs à profiter de leurs amis et de leur famille pour vendre du café, du thé ou du chocolat contenant un peu de poudre du champignon prétendument miraculeux. Imaginez la tête des acheteurs (amis et parents du vendeur) quand ils découvrent que le prix des boissons Organo Gold est dix fois plus élevé que le prix normal.

Pour espérer un effet bénéfique sur la santé, « il est recommandé de consommer au moins deux fois par jour une boisson Organo Gold contenant du reishi » (dixit un vendeur), cela représente une dépense de 50 euros par mois. Le prix minimum d'une cure Organo Gold de douze mois s'élève donc à 600 euros. En réalité, le véritable prix du reishi est de seulement 60 euros pour une cure annuelle de gélules contenant les extraits des principes les plus actifs du champignon (une société thaïlandaise vend des gélules de reishi à ce prix). Le coût du champignon est encore plus attractif quand il est commercialisé sous forme de poudre ou de lamelles séchées (sociétés chinoises ou vietnamiennes).

« En raison de son possible effet hypotenseur, le reishi pourrait être contre-indiqué chez les personnes souffrant d’hypotension artérielle. À cause de son possible effet anticoagulant, le reishi serait déconseillé en cas de thrombocytopénie, ainsi qu’avant et après une intervention chirurgicale ou un accouchement. »


La vente pyramidale se dissimule fréquemment derrière les termes de « Vente multi-niveau » ou « commercialisation à paliers multiples » (en anglais multi-level marketing ou « MLM »).



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...